Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Sozialrechtliche Abteilungen U 155/2003
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U 155/03

Arrêt du 2 février 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffière : Mme
Piquerez

D.________, recourante, représentée par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Groupe Mutuel, La Caisse Vaudoise, Administration, rue du Nord 5, 1920
Martigny, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 16 décembre 2002)

Faits:

A.
D. ________, née en 1963, travaillait en qualité d'employée d'exploitation au
service du Centre Hospitalier X.________. A ce titre, elle était assurée
contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de La Caisse
Vaudoise (la caisse).

Le 15 août 1998, D.________ a été victime d'un accident de la circulation
routière alors qu'elle était au volant de sa voiture. Son véhicule à l'arrêt
a été heurté à l'arrière par une automobile roulant dans le même sens.
D.________ a consulté le docteur A.________, médecin généraliste, le 26 août
1998. Celui-ci a posé les diagnostics de contusion cervicale et contusion
dorsale dans le cadre d'un accident de type « coup du lapin » (rapports des 5
octobre 1998 et 20 novembre 1998). Il a attesté une incapacité de travail
totale jusqu'au 27 septembre 1998, puis de 50 % jusqu'au 9 octobre 1998.
L'assurée a repris son activité au Centre X.________ au taux d'occupation
habituel dès le 10 octobre 1998.

D. ________ a été examinée par le docteur B.________, chirurgien orthopédiste
et médecin-conseil de la caisse. Ce médecin a fait état  de dorsalgies
moyennes persistantes et de cervicalgies résiduelles, six mois après une
distorsion sur mécanisme de whiplash (rapport du 10 février 1999). En raison
d'une recrudescence des douleurs, l'assurée a arrêté de travailler le 23
novembre 1999. Le docteur C.________, spécialiste en médecine interne et
rhumatologie, a conclu à un syndrome cervical persistant important et à une
problématique de type dépressif réactionnel marquée suite à un traumatisme
cervical indirect relativement banal. Le travail devait impérativement être
repris et une prise en charge psychiatrique organisée (rapport du 8 décembre
1999). Quant au docteur E.________, neurochirurgien, il a posé le diagnostic
de syndrome cervical douloureux chronique post coup du lapin, avec une
évolution subjective défavorable, mais sans évidence de troubles
neurologiques objectifs (rapport du 14 février 2000).

Chargé par la caisse de procéder à une expertise, le docteur F.________,
spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué un trouble
somatoforme douloureux. Selon ce médecin, la cause de l'affection doit être
recherchée dans la personnalité et l'histoire de la patiente. Les troubles
qu'elle présente sont sans relation de causalité avec l'accident du 15 août
1998 et la capacité de travail n'est plus en relation avec les suites de
l'accident (rapport du 29 mars 2000).

Par décision du 28 avril 2000, la caisse a fixé au 23 novembre 1999 la fin du
droit aux prestations, au motif qu'il n'existait plus de lien de causalité
entre les troubles présentés par l'intéressée et l'événement assuré du 15
août 1998.

A la suite de l'opposition de l'assurée, la caisse a mis en oeuvre une
expertise confiée au docteur G.________, neurologue. Au terme de son examen,
ce spécialiste a conclu à un syndrome fibromyalgique, ainsi qu'à des
séquelles douloureuses chroniques cervicales après coup du lapin. L'expert a
précisé que l'assurée a subi un traumatisme cervical indirect par transfert
d'énergie, sans implication de la tête, perte de connaissance ou lésions
ostéoligamentaires importantes et constaables. Du point de vue neurologique,
ses observations lui ont permis d'écarter la présence de lésions évidentes
(absence de traumatisme crânien). Un examen par imagerie médicale a confirmé
l'intégrité des structures nerveuses centrales et périphériques au niveau
cervical. Le docteur G.________ a fixé l'incapacité de travail de la
recourante à 100 %, essentiellement en raison du trouble fibromyalgique
(rapport du 13 décembre 2000).

La caisse a confirmé sa décision du 28 avril 2000 par décision sur opposition
du 14 juin 2001.

B.
D.________ a déféré la cause au Tribunal des assurances du canton de Vaud, en
produisant deux nouveaux rapports médicaux. La juridiction cantonale a rejeté
son recours par jugement du 16 décembre 2002. Elle a considéré, en bref,
qu'il n'existait pas de lien de causalité adéquate entre les troubles
allégués et l'accident du 15 août 1998.

C.
L'assurée interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens,
principalement, au versement des prestations d'assurance au-delà du 22
novembre 1999 et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal des
assurances pour complément d'instruction.

La caisse conclut au rejet du recours. L'office fédéral des assurances
sociales, Division de l'assurance-accident (intégrée à l'Office fédéral de la
santé publique depuis le 1er janvier 2004), a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige a pour objet le droit de la recourante au versement par l'intimée
de prestations de l'assurance-accidents obligatoire. Singulièrement, il
s'agit de déterminer s'il subsiste un rapport de causalité entre les
affections dont elle se plaint et l'accident du 15 août 1998 au-delà du 22
novembre 1999, date à laquelle l'intimée a mis fin au versement de ses
prestations.

2.
2.1 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas
applicable à la présente cause, dès lors que le juge des assurances sociales
n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait postérieures à la date de la décision litigieuse du 14 juin 2001 (ATF
127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

2.2 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose
d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte
à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie
lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage
ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même
manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause
unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit que
l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait
provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré,
c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci.
Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un
rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration
ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des
renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à
la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à
l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque
l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage
paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le
cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré
doit être nié (ATF 129 V 181 consid. 3.1, 119 V 337 consid. 1, 118 V 289
consid. 1b et les références).

2.3 En matière de lésions du rachis cervical par accident de type « coup du
lapin » (Schleudertrauma, whiplash-injury), sans preuve d'un déficit
fonctionnel organique, l'existence d'un rapport de causalité naturelle doit,
dans la règle, être reconnue lorsqu'un tel traumatisme est diagnostiqué et
que l'assuré en présente le tableau clinique typique (cumul de plaintes
telles que maux de tête diffus, vertiges, troubles de la concentration et de
la mémoire, nausées, fatigabilité accrue, troubles de la vision,
irritabilité, labilité émotionnelle, dépression, modification du caractère,
etc.). Il faut cependant que, médicalement, les plaintes puissent être de
manière crédible attribuées à une atteinte à la santé; celle-ci doit
apparaître, avec un degré de vraisemblance prépondérant, comme la conséquence
de l'accident (ATF 119 V 338 consid. 2, 117 V 360 consid. 4b).

2.4 En ce qui concerne, par ailleurs, la valeur probante d'un rapport
médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient fait
l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens
complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par
la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de
l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la
situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert
soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur
probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme
rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352
consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références).

3.
3.1 Selon les avis médicaux au dossier, la recourante, dont le véhicule a été
percuté par l'arrière, a subi un traumatisme de type « coup du lapin », sans
que la preuve d'un déficit organique ait été apportée.

Il ressort des divers documents médicaux que la recourante a consulté son
médecin-traitant le jour de l'accident en raison d'un état d'énervement et
d'égratignures (cf. rapport du docteur C.________ du 8 décembre 1999).
Quelques jours plus tard, l'intéressée s'est plainte de cervicalgies et de
dorsalgies (rapport du docteur A.________ du 5 octobre 1998). Ce n'est qu'en
février 1999 que le docteur B.________ (rapport du 10 février 1999) fait état
de nausées et de céphalées occipitales sporadiques. Enfin, le docteur
C.________ (rapport susmentionné) relate des douleurs cervicales,
cervico-occipitales et cervico-scapulaires importantes, ainsi qu'un état
dépressif en décembre 1999.

Il découle de ces éléments que la recourante n'a pas présenté le tableau
clinique typique des suites d'un traumatisme du rachis cervical par accident
de type coup du lapin, à savoir un cumul de plaintes telles que celles
mentionnées précédemment. Elle a certes allégué souffrir de maux de tête,
mais ceux-ci n'étaient que sporadiques et le trouble dépressif n'est apparu
que plus d'un an après l'accident. Quant aux remarques du docteur H.________
(rapport du 16 novembre 2001 produit par la recourante), elles ne sauraient
conduire à une conclusion différente sur ce point particulier, dès lors que
ce praticien se contente de faire état du développement, chez la recourante,
de tous les signes typiques d'une lésion coup du lapin chronique, sans les
mentionner, alors que les autres pièces médicales n'en font pas état.

Par conséquent, en l'absence d'un tableau clinique typique, le lien de
causalité naturelle entre les troubles présentés au-delà du 22 novembre 1999
et l'accident ne saurait être présumé.

3.2
3.2.1Dans son rapport d'expertise du 13 décembre 2000, le docteur G.________
conclut à un syndrome fibromyalgique et à des séquelles douloureuses
chroniques après coup du lapin. Selon lui, à partir du 15 août 1999, ces
troubles sont en relation de causalité probable, mais dans une mesure
partielle, avec l'accident; l'état maladif et le syndrome fibromyalgique
influencent la guérison dans une mesure de deux tiers. La patiente est
totalement incapable de travailler, en raison du syndrome fibromyalgique;
cependant, seul un tiers de la symptomatologie présentée par l'assurée peut
être admis comme étant d'origine traumatique.

On ne saurait accorder pleine valeur probante à cette expertise au sens de la
jurisprudence rappelée ci-dessus. D'une part, le diagnostic de syndrome
fibromyalgique n'est absolument pas documenté; en particulier, le médecin
n'explique pas quels critères lui permettent de retenir une telle affection.
D'autre part, on comprend mal la référence faite à la classification des
maladies selon le DSM-IV, dès lors que la fibromyalgie ne figure pas au
nombre de celles répertoriées dans ladite classification.

Ensuite, surtout, la manière dont l'expert tente de démontrer l'existence
d'un lien de causalité naturelle entre l'événement assuré et le syndrome
fibromyalgique manque singulièrement de clarté et n'apparaît pas probante. En
effet, l'existence d'un tel lien n'est pas admise sur la base des
circonstances propres au cas d'espèce, mais  sur la base de certaines études
- au demeurant non mentionnées - qui tendraient à démontrer la probabilité
d'un tel lien de manière générale et « d'autres pratiques médicales dans
d'autres contextes ». En outre, la qualification du lien de causalité
naturelle semble pour le moins aléatoire : il est fait usage des adjectifs
probable, certain, très probable, partiel, mineur et de l'expression «fixé
arbitrairement».

Il suit de ce qui précède qu'il ne peut être tenu compte des conclusions de
l'expertise du docteur G.________, tout en relevant que, sur le plan des
constatations objectives, l'expert n'a pas mis en évidence, à l'instar des
autres médecins, de séquelles organiques objectivables.

3.2.2 L'intimé a également confié une expertise au docteur F.________. Dans
son rapport du 29 mars 2000, rendu à la suite d'un examen de la recourante et
d'une analyse attentive et exhaustive du dossier, ce médecin pose le
diagnostic de trouble somatoforme douloureux (F45 et F45.4 selon le CIM-10).
Après avoir présenté les plaintes de la patiente et clairement exposé le
contexte médical, il conclut à une absence de lien de causalité naturelle
entre les troubles constatés et l'événement assuré. Le praticien explique de
façon circonstanciée les raisons pour lesquelles il considère que l'accident
du 15 août 1998 n'est pas propre à provoquer un tableau psychiatrique tel que
celui diagnostiqué. Il se réfère, pour cela, notamment aux définitions des
troubles somatoformes et de leur forme douloureuse données par la
classification internationale des maladies (CIM-10). En conséquence, il y a
lieu d'accorder à cette expertise pleine valeur probante au sens de la
jurisprudence.

3.3 L'incapacité de travail actuelle de la recourante est due à un trouble
somatoforme douloureux qui est sans lien de causalité naturelle avec
l'accident assuré. La date à laquelle cette incapacité a débuté, à savoir le
23 novembre 1999, correspond à l'époque de l'examen de l'assurée par le
docteur C.________, qui a, le premier, mis en évidence le fait que les
séquelles physiques n'étaient plus responsables de sa problématique actuelle.

Dans ces circonstances, la caisse était fondée à mettre un terme à ses
prestations avec effet au 23 novembre 1999 et le jugement cantonal, dans la
mesure où il confirme la décision sur opposition de l'intimée, ne prête pas
le flanc à la critique.
Le recours se révèle par conséquent mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 2 février 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   La Greffière: