Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 149/2003
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2003
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2003


U 149/03

Arrêt du 22 mars 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Ursprung et Geiser, suppléant. Greffière :
Mme von Zwehl

M.________, 1953, recourant, représenté par Me Claude Jeannerat, avocat, rue
de l'Hôpital 26, 2800 Delémont,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal cantonal du canton du Jura, Chambre des assurances, Porrentruy

(Jugement du 16 mai 2003)

Faits:

A.
A.a Le 5 juin 1992, M.________, né en 1953, est tombé d'une échelle d'une
hauteur d'environ deux mètres et s'est blessé au bas du dos notamment. Il
travaillait à l'époque au service de l'entreprise X.________ SA en qualité de
maçon-couvreur et était, à ce titre, assuré auprès de la Caisse nationale
suisse en cas d'accidents (CNA), qui a pris en charge son cas. L'assuré a
repris le travail à 100% dès le 24 juin 1992.

A.b Quelques mois plus tard (en novembre), l'employeur a annoncé une rechute
de l'accident du 5 juin 1992. Après avoir procédé à des investigations et
requis l'avis de son médecin d'arrondissement, la CNA a, par décision du 14
mai 1993, mis fin à ses prestations d'assurance (frais médicaux et indemnités
journalières) avec effet au 16 mai 1993; elle a considéré que M.________ ne
présentait plus aucune séquelle accidentelle justifiant une incapacité de
travail. Le prénommé a formé opposition contre cette décision. Entre-temps,
saisi d'une demande de prestations, l'Office AI du canton du Jura (ci-après :
l'office AI) a confié une expertise à Policlinique médicale universitaire du
canton de Vaud. Dans leur rapport du 14 mars 1994, les médecins de cet
établissement ont conclu à l'existence d'une incapacité de travail de 50%,
tout en précisant que l'origine de celle-ci se trouvait dans la personnalité
paranoïaque de l'assuré et non pas dans les «petites lésions dégénératives de
la colonne lombaire» qu'ils avaient pu observer chez lui. Egalement appelé
par l'office AI à se prononcer sur le cas, le docteur R.________, psychiatre,
a évoqué une «décompensation névrotique (...) devenue chronique» et confirmé
les conclusions de ses confrères de la policlinique au sujet de la capacité
de travail de l'assuré (rapport du 19 septembre 1994). Ces pièces médicales
ont été portées à la connaissance de la CNA qui a rendu, le 12 juillet 1995,
une nouvelle décision confirmant sa prise de position initiale. Cette
décision est entrée en force.

A.c Le 5 octobre 2001, M.________ s'est adressé à la CNA en lui demandant de
«réexaminer son dossier» et de lui octroyer une rente d'invalidité. A l'appui
de sa requête, il a produit deux rapports médicaux, l'un émanant du docteur
R.________ (du 9 mai 2000), l'autre de la Clinique de rhumatologie de
l'Hôpital Y.________ (du 4 avril 2001).

Par décision du 11 janvier 2002, confirmée par décision sur opposition du 22
février 2002, la CNA a refusé de revenir sur sa première décision sur
opposition du 12 juillet 1995, motif pris que les pièces médicales produites
ne contenaient aucun fait nouveau; elle a par ailleurs nié le droit de
l'assuré à toute nouvelle prestation d'assurance.

B.
Saisi d'un recours de l'assuré, la Chambre des assurances du Tribunal
cantonal jurassien l'a rejeté, par jugement du 16 mai 2003.

C.
M.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il requiert l'annulation, sous suite de dépens. Il invite le Tribunal fédéral
des assurances «à dire qu'il a droit à une rente d'invalidité au sens de la
LAA et à renvoyer l'affaire à la [CNA] pour qu'elle détermine le taux
d'invalidité et le montant de la rente»; à titre subsidiaire, il conclut au
renvoi de la cause à la CNA pour instruction complémentaire et nouvelle
décision.

La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales, division maladie et accidents (depuis le 1er janvier
2004 intégrée à l'Office fédéral de la santé publique), a renoncé à présenter
des déterminations.

Considérant en droit:

1.
1.1 Les premiers juges ont examiné le litige dont ils étaient saisis au
regard de l'art. 53 (révision et reconsidération) de la loi fédérale sur la
partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA),
entrée en vigueur le 1er janvier 2003. Ils ont considéré en effet que l'art.
53 LPGA était une disposition de nature procédurale, si bien qu'il était
applicable à toutes les procédures pendantes dès le 1er janvier 2003. Les
premiers juges ont toutefois omis de prendre en considération le fait que la
demande de révision du recourant et les moyens de preuve sur laquelle elle se
fonde sont antérieurs au 1er janvier 2003. Or, d'après les principes
généraux, on applique, en cas de changement de règles de droit et sauf
réglementation transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de la
réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a
des conséquences juridiques (ATF 121 V 100 consid. 1a; SJ 1996 p. 427 consid.
2b; Moor, Droit administratif, vol. I, 2ème éd., p. 170). En l'occurrence,
contrairement à ce que semblent croire les premiers juges, la LPGA ne
contient aucune règle transitoire prévoyant l'application immédiate du
nouveau droit en matière de révision pour faits nouveaux ou nouveaux moyen de
preuve. Il s'ensuit que le présent litige doit être tranché à la lumière de
l'ancien droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002.

1.2 Cela reste toutefois sans incidence sur le sort de cette procédure car
l'obligation pour l'administration de procéder à la révision dite procédurale
d'une décision entrée en force formelle en cas de faits nouveaux ou nouveaux
moyens de preuve est un principe général du droit des assurances sociales
reconnu de longue date (voir ATF 127 V 358 consid. 5b, 110 V 141 consid. 2,
293 consid. 2a, 108 V 171 consid. 1 et les références). Les conditions
auxquelles est soumise une telle révision ont été correctement rappelées par
les premiers juges qui se sont référés à la jurisprudence citée ci-dessus, si
bien qu'on peut, à ce sujet, renvoyer aux considérants de leur jugement. On
rappellera seulement que pour justifier une révision d'une décision, il ne
suffit pas qu'une nouvelle expertise donne une appréciation différente de
faits déjà connus au moment de la procédure précédente.

2.
2.1 Dans son rapport du 9 mai 2000, le docteur R.________ a confirmé le
diagnostic qu'il avait posé à l'occasion de sa première évaluation médicale
(«évolution névrotique»), et retenu qu'il n'y avait pas de changement notable
dans la situation de M.________ depuis 1994. Ainsi l'incapacité de travail du
prénommé était «essentiellement» due à des «facteurs relevant d(e) (son) vécu
subjectif» et restait inchangée à 50%, taux qui «pren(ait) largement en
compte l'évolution névrotique décrite». Certes, à la question lui demandant
si l'on pouvait raisonnablement attendre de l'assuré, compte tenu de son
état, qu'il reprenne une activité lucrative adaptée et si oui dans quelle
mesure et dans quel domaine, le docteur R.________ a-t-il répondu que «les
limitations ne sont pas d'ordre psychiatrique, mais de ses réelles
possibilités physiques restantes». Cette affirmation, qui ne fait l'objet
d'aucune motivation de la part du psychiatre, apparaît toutefois
difficilement compréhensible et peu convaincante au regard de ses
considérations médicales; on peut par ailleurs douter, vu sa spécialité,
qu'il soit le mieux placé pour se prononcer sur les limitations physiques du
recourant. Cela étant, quand bien même le docteur R.________ aurait tiré
d'autres conclusions que ses confrères à l'époque, cela ne constituerait
qu'une appréciation différente de mêmes faits, ce qui ne justifie en aucun
cas une révision procédurale.

2.2 Quant aux médecins de la Clinique de rhumatologie de l'Hôpital
Y.________, hormis les troubles dégénératifs déjà constatés par les médecins
de la policlinique du canton de Vaud en 1994 (protrusion discale L5-S1), ils
n'ont mis en évidence aucune nouvelle atteinte somatique de la région
lombaire qui aurait pu avoir été causée par un événement traumatique. A
l'instar de leurs confrères du canton de Vaud, ils n'ont trouvé, à l'issue
des examens pratiqués, aucun substrat organique pouvant expliquer l'ampleur
de la symptomatologie douloureuse de l'assuré. Enfin, contrairement à ce que
le recourant voudrait leur faire dire, ils ne se sont même pas prononcés sur
la question de la causalité naturelle entre ses troubles et l'accident du 5
juin 1992, mais se sont limités à observer que les douleurs lombaires dont il
se plaignait étaient apparues postérieurement à un accident.

2.3 C'est donc à bon droit que les premiers juges ont nié l'existence de
faits nouveaux au sens où l'entend la jurisprudence. Les conditions d'une
révision (procédurale) ne sont manifestement pas données.

3.
On se trouve pas non plus en présence d'une nouvelle rechute ou de séquelles
tardives, dont l'intimée aurait à répondre en vertu de l'art. 11 OLAA (dans
sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002). On peut en effet exclure,
d'après les constatations faites par le docteur R.________ et par les
rhumatologues de l'Hôpital Y.________, l'existence d'une modification
significative de l'état de santé de M.________ depuis 1994, dont l'origine
pourrait être attribuée à l'accident du 5 juin 1992 (pour comp. voir RAMA
1994 n° U 189 p. 138). Quant à une éventuelle application de l'art. 22 LAA,
elle n'entre pas en ligne de compte dans le cas particulier dès lors que
cette disposition concerne exclusivement la révision de rentes d'invalidité
LAA en cours.

Le recours se révèle par conséquent en tous points mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton
du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 22 mars 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   La Greffière: