Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 138/2003
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2003
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2003


U 138/03

Arrêt du 5 octobre 2004
IVe Chambre

MM. et Mme les Juges Ferrari, Président, Widmer et Ursprung. Greffier : M.
Métral

P.________, recourante, représentée par Me Hervé Bovet, avocat, rue de Romont
33, 1701 Fribourg,

contre

La Bâloise Assurances, Aeschengraben 25, 4051 Basel, intimée, représentée par
Me Jean-Marie Favre, avocat, boulevard de Pérolles 10, 1701 Fribourg

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales,
Givisiez

(Jugement du 24 avril 2003)

Faits:

A.
A.a P.________, née en 1942, exerçait la profession d'infirmière de soins à
domicile. A ce titre, elle était assurée contre le risque d'accidents par La
Bâloise, Compagnie d'Assurances (ci-après : La Bâloise).

Le 7 novembre 1994, elle a été renversée par un patient souffrant d'un
malaise. Une fracture ostéochondrale du condyle fémoral externe et du plateau
tibial externe, avec hyper-motilité de l'articulation tibio-péronière
proximale, a été finalement mise en évidence et traitée lors d'une
arthroscopie, le 12 janvier 1995; une ténodèse du tendon du biceps fémoral
fut encore pratiquée le 7 septembre suivant. Une imagerie par résonance
magnétique a par ailleurs révélé, le 7 mai 1996, une lésion de grade III de
la corne postérieure du ménisque interne, une dégénérescence mucoïde de grade
II de la corne postérieure du ménisque externe et une chondromalacie
rotulienne de grade I à II, ce qui motiva une nouvelle intervention par
arthroscopie, le 11 juin 1996.

La Bâloise confia au docteur Z.________, spécialiste en chirurgie
orthopédique, le soin de réaliser une expertise, en vue de déterminer les
séquelles de l'accident du 7 novembre 1994 et leur influence sur la capacité
de travail de l'assurée. Ce praticien attesta une incapacité de travail de 25
% dans l'activité exercée précédemment par l'assurée, en raison d'atteintes
au genou gauche consécutives à l'accident, entraînant «certaines difficultés
face aux exigences des travaux de soins à domicile», et proposa de retenir un
taux d'atteinte à l'intégrité physique de 10 % (rapport du 13 février 1997).

A.b Entre-temps, le 20 août 1996, une patiente que P.________ aidait à se
coucher a perdu l'équilibre et s'est agrippée au bras droit de l'assurée, qui
a ressenti une vive douleur à l'épaule. Consultés deux jours plus tard, les
docteurs M.________ et A.________, chiropraticiens, ont posé le diagnostic de
rupture partielle du chef long du biceps droit (rapport du 30 septembre
1996). Par la suite, toutefois, une imagerie par résonance magnétique n'a mis
en évidence, pour seule anomalie, qu'un épanchement articulaire modéré; il
n'y avait aucun signe en faveur d'une lésion de la coiffe des rotateurs et le
tendon du long chef du biceps paraissait intact (rapport du 7 octobre 1996
des docteurs S.________ et C.________). Le 17 mars 1997, le docteur
Z.________ fit état, pour sa part, d'une épaule gelée, et procéda à une
mobilisation sous narcose avec une arthroscopie; le 1er juillet suivant, il
renouvela l'opération de mobilisation sous narcose. Il pratiqua par ailleurs
une nouvelle intervention par arthroscopie sur le genou gauche de l'assurée,
avant d'attester, dans un rapport établi le 5 février 1998, une capacité de
travail de 75 % dès le 2 février 1998; il se référait sur ce point aux
explications figurant dans son précédent rapport d'expertise.

P. ________ ne parvint pas à trouver un accord avec son employeur en vue
d'être affectée à des travaux mieux adaptés à son état de santé et résilia
son contrat de travail pour le 30 avril 1998. Elle n'a pas repris d'activité
professionnelle depuis lors.

A.c Une nouvelle expertise, portant sur les atteintes au genou gauche et à
l'épaule droite de l'assurée, fut confiée au docteur B.________, spécialiste
en chirurgie. Selon ce médecin, l'assurée présentait, en 1998 des séquelles
minimes de l'événement du 20 août 1996; l'accident du 7 novembre 1994 avait
en revanche laissé des séquelles plus importantes au genou gauche, qui
iraient probablement en s'aggravant. L'assurée était capable de travailler à
100 % dans une activité physiquement moins astreignante que celle exercée
auparavant; un changement d'affectation était nécessaire, les séquelles
accidentelles, associées à la constitution fluette de la patiente, rendant
impossible la poursuite d'une activité de soins à domicile. L'expert proposa
de retenir un taux d'atteinte à l'intégrité de 8,5 %, en précisant avoir fait
abstraction de toute atteinte à l'épaule droite, pour laquelle on pouvait
espérer une guérison totale à bref délai (rapport du 27 mai 1998).

Par décision du 24 mars 1999, La Bâloise constata qu'il n'y avait plus
d'incapacité de travail depuis le 1er mai 1998 et nia le droit de l'assurée à
une rente d'invalidité; elle alloua par ailleurs une indemnité pour une
atteinte à l'intégrité de 8,5 %. A la suite d'une opposition de l'assurée,
l'assurance-accidents confia une expertise pluridisciplinaire aux docteurs
W.________, orthopédiste, et R.________, psychiatre. En ce qui concerne
l'épaule droite, ces médecins ont précisé n'avoir pas objectivé de lésion
anatomique consécutive à l'événement du 20 mai 1996. L'épaule présentait une
périarthrite dégénérative dont l'évolution serait probablement lentement
défavorable, sans certitude que cette dégénérescence soit liée aux
diagnostics posés en 1996; ni l'examen clinique, ni les examens radiologiques
ne correspondaient aux suites d'une lésion du biceps. Les atteintes
constatées à l'épaule n'entraînaient pas d'incapacité de travail, hormis une
limitation à soulever et déplacer des charges; dans une activité de soins à
domicile, une capacité de travail de 75 % devait être admise, mais de
nombreuses variantes de places de travail mieux adaptées existaient pour une
infirmière, pour lesquelles une pleine capacité de travail pouvait être
reconnue. En ce qui concerne le genou gauche, les constatations étaient pour
l'essentiel identiques à celles du docteur B.________, les docteurs
W.________ et R.________ proposant cependant un taux d'atteinte à l'intégrité
de 10 % afin de prendre en compte l'évolution à long terme de l'arthrose
(rapport du 7 octobre 2000).

A réception de cette expertise, La Bâloise annula sa décision du 24 mars
1999, au motif qu'aucune comparaison de revenus n'avait été effectuée. Après
instruction complémentaire, l'assurance-accidents mit fin aux indemnités
journalières allouées précédemment à l'assurée, et les remplaça par une rente
fondée sur un taux d'invalidité de 8 %, avec effet dès le 1er janvier 2001.
La Bâloise considéra que l'accident du 20 août 1996 n'avait pas laissé de
séquelle invalidante, contrairement à celui du 7 novembre 1994; l'assurée
pouvait encore travailler à plein temps comme infirmière, mais plus dans une
activité de soins à domicile. La Bâloise fixa par ailleurs le taux d'atteinte
à l'intégrité de P.________ à 10 %, et lui alloua une indemnité
correspondante (décision du 12 juin 2001 et décision sur opposition du 11
juillet 2001).

B.
P.________ déféra la décision sur opposition du 11 juillet 2001 au Tribunal
administratif du canton de Fribourg, en produisant le protocole d'une
arthroscopie de l'épaule droite, avec capsulotomie, acromioplastie et
mobilisation sous narcose, pratiquée le 13 septembre 2001 par le docteur
G.________, médecin-chef à la clinique L.________. Elle produisit également
plusieurs attestations d'incapacité de travail établies par les médecins de
la clinique L.________.

Par jugement du 24 avril 2003, la juridiction cantonale rejeta le recours.
Elle considéra notamment que les atteintes présentées par l'assurée à
l'épaule droite n'étaient pas d'origine accidentelle.

C.
P.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
dont elle demande l'annulation. En substance, elle conclut à l'octroi
d'indemnités journalières et d'une rente fondées sur une incapacité de
travail et de gain de 100 % «jusqu'à la fin du traitement médical» puis à
l'octroi d'une rente fondée sur un taux d'invalidité de 50 %; elle conclut
également à l'octroi d'une indemnité pour une atteinte à l'intégrité de 50 %,
le tout sous suite de dépens. A titre subsidiaire, elle conclut au renvoi de
la cause pour instruction complémentaire, sous suite de dépens.

La Bâloise conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des
assurances sociales, division maladies et accidents (intégrée à l'Office
fédéral de la santé publique depuis le 1er janvier 2004), a renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de la recourante à des indemnités journalières,
à une rente et à une indemnité pour atteinte à l'intégrité. Le pouvoir
d'examen du Tribunal fédéral des assurances n'est donc pas limité à la
violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation - mais s'étend également à l'opportunité de la décision
attaquée. Le tribunal n'est pas lié par l'état de fait constaté par la
juridiction inférieure et peut s'écarter des conclusions des parties à
l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).

2.
2.1 D'après la jurisprudence, la législation applicable en cas de changement
de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de
l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences
juridiques, les faits sur lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut
être amené à se prononcer dans le cadre d'une procédure de recours de droit
administratif étant par ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de
la décision administrative litigieuse (ATF 129 V 4 consid. 1.2, 398 consid.
1.1 et les références).

2.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et a
entraîné la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de
l'assurance-accidents. Compte tenu de la date de la décision sur opposition
litigieuse, ces modifications ne sont pas applicables en l'espèce.

3.
Le jugement entrepris expose les règles légales et la jurisprudence
pertinentes, concernant en particulier la nécessité d'un rapport de causalité
(naturelle et adéquate) entre une atteinte à la santé et un accident assuré
pour qu'il y ait lieu à prestations de l'assureur-accidents (sous réserve
d'une maladie professionnelle). Il convient donc d'y renvoyer.

On ajoutera qu'en cas de rechute ou de séquelle tardive d'un accident, le
bénéficiaire d'une rente invalidité peut prétendre, outre la rente, les
prestations pour soins et remboursements de frais prévus par la LAA (art. 21
al. 3 LAA, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002). Si une
rechute ou une séquelle tardive entraîne une diminution déterminante du degré
d'invalidité du bénéficiaire d'une rente, celle-ci est, pour l'avenir,
augmentée proportionnellement (art. 22 LAA, dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002; Frésard, L'assurance-accidents obligatoire in :
Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 105).

4.
La recourante soutient que les atteintes à la santé dont elle souffre à
l'épaule droite sont en relation de causalité naturelle avec l'événement du
20 août 1996, contrairement à l'opinion de la juridiction cantonale; en
particulier, elle fait valoir que les séquelles accidentelles ont rendu
nécessaire l'intervention chirurgicale pratiquée par le docteur G.________ le
13 septembre 2001. Elle appuie principalement son argumentation sur le
protocole opératoire établi par ce praticien, ainsi que sur un rapport (non
daté) rédigé par son médecin traitant, le docteur O.________.

5.
5.1 Le diagnostic de rupture partielle du chef long du biceps initialement
posé par les docteurs M.________ et A.________ n'a pas pu être confirmé par
les docteurs S.________ et C.________, sur la base de l'imagerie par
résonance magnétique pratiquée par leurs soins. Cet examen n'a par ailleurs
pas mis en évidence d'autre lésion d'origine accidentelle, mais uniquement un
épanchement articulaire modéré. En juin 1997, le docteur Z.________ ne
faisait plus état d'une rupture du chef long du biceps, mais d'une épaule
gelée à droite. Une année plus tard, le docteur B.________, sans remettre en
cause le diagnostic posé par le docteur Z.________, minimisait la gravité de
ces atteintes, en précisant que l'on pouvait espérer une guérison totale à
bref délai. Enfin, deux ans après ces constatations, les docteurs W.________
et R.________ affirmaient que l'assurée présentait une périarthrite
dégénérative modérée, au niveau acromio-claviculaire; ils ajoutaient que ces
lésions n'avaient rien à voir avec la lésion du biceps et l'épaule gelée
décrites précédemment par les docteurs A.________, Z.________ ou B.________
et qu'aucune lésion anatomique d'origine accidentelle n'avait pu être
objectivée.

5.2 Tous les avis médicaux cités tendent à démontrer une amélioration des
atteintes à l'épaule droite initialement retenues, au point qu'elles peuvent
être tenues pour guéries, sinon au moment de l'expertise réalisée par le
docteur B.________, du moins lorsque les docteurs W.________ et R.________
ont été consultés. Quant aux atteintes à la santé dont ces derniers font état
dans leur expertise (périarthrite, atteinte dégénérative de la coiffe des
rotateurs, sans déchirure, en relation avec un conflit sous-acromial
dégénératif), rien n'indique qu'elles seraient en relation de causalité avec
l'événement survenu plus de quatre ans auparavant. Les docteurs W.________ et
R.________ ne mentionnent aucun indice dans ce sens, et les nombreux examens
pratiqués précédemment, que ce soit par les docteurs A.________, Z.________
ou B.________, jusqu'en 1998, n'ont pas révélé de lésion de la coiffe des
rotateurs ou d'atteinte au niveau acromio-claviculaire. Quant au rapport
médical établi par le docteur O.________ alors que la patiente était âgée de
57 ans, soit en 1999, il ne fait pas état d'autre atteinte à la santé que
celui mentionné par les docteur W.________ et R.________ et ne se prononce
pas sur le rapport de causalité litigieux; la recourante n'expose du reste
pas en quoi les conclusions de ces différents praticiens seraient
incompatibles. Dans cette mesure, il n'y a pas de motif de tenir pour établi,
au degré de la vraisemblance prépondérante, que les atteintes à la santé dont
souffre la recourante à l'épaule droite sont d'origine accidentelle. Demeure
réservée une éventuelle rechute, comme exposé ci-après.

5.3 Le docteur G.________ a opéré la recourante le 13 septembre 2001,
apparemment en raison d'une récidive d'épaule gelée. Cette intervention, et
les incapacités de travail attestées par la suite par les médecins de la
clinique L.________, ne suffisent pas à admettre, pour la période courant
jusqu'à la décision sur opposition litigieuse, une incapacité de travail en
raison d'affections à l'épaule droite, d'origine accidentelle, ni une
atteinte durable à l'intégrité de cette épaule; sur ces points, le rapport
établi par les docteurs W.________ et R.________ quelques mois avant la
décision sur opposition, permet de se prononcer en connaissance de cause.
Cela étant, il n'est pas exclu que l'assurée ait présenté depuis lors une
rechute, sous la forme d'une récidive d'épaule gelée. Dans le cadre de la
présente procédure, il n'y a toutefois pas lieu de trancher cette question
relative à l'évolution de l'état de santé depuis la décision sur opposition
litigieuse (consid. 2.1 supra). C'est à l'intimée qu'il appartiendra de
vérifier, lors d'une nouvelle décision, si l'assurée présente effectivement
une récidive d'épaule gelée et, le cas échéant, si cette affection est en
rapport de causalité avec l'accident du 20 août 1996, de sorte qu'il y ait
lieu d'admettre une rechute.

6.
Eu égard à ce qui précède, les conclusions de la recourante tendant au
paiement d'indemnités journalières de l'assurance-accidents pour la période
postérieure au 31 décembre 2000 sont mal fondées, dans la mesure où elles
sont recevables. Par ailleurs, l'évaluation de l'invalidité à laquelle a
procédé l'intimée et le taux d'atteinte à l'intégrité qu'elle a retenu, en
raison des seules atteintes au genou gauche de l'assurée, ne prêtent pas le
flanc à la critique et ne font l'objet d'aucune contestation par la
recourante, en instance fédérale, hormis en ce qui concerne le refus de
prendre en considération les atteintes alléguées à l'épaule droite. Partant,
c'est à juste titre que la juridiction cantonale a confirmé la décision sur
opposition litigieuse.

La recourante, qui voit ses conclusions rejetées, ne peut prétendre de dépens
(art. 159 al. 1 OJ). Par ailleurs, la procédure est gratuite, dès lors
qu'elle porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté au sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la
santé publique.

Lucerne, le 5 octobre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   p. le Greffier: