Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 128/2003
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U 128/03

Arrêt du 23 septembre 2004
IVe Chambre

MM. et Mme les Juges Ferrari, Président, Widmer et Ursprung. Greffier : M.
Métral

R.________, recourant, représenté par Me Aba Neeman, avocat, place de
l'Eglise 2, 1870 Monthey,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne, intimée

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 24 avril 2003)

Faits:

A.
R.  ________ a été victime de plusieurs accidents dès 1972, qui ont entraîné
différentes lésions du genou droit. La Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (ci-après : CNA) lui a alloué une rente d'invalidité de 25 %
dès le 1er janvier 1979 en raison des séquelles de ces accidents.

Le 3 janvier 1998, le prénommé a été renversé par une voiture roulant de 40 à
50 km/h, alors qu'il traversait la route. Il a subi un traumatisme crânien
simple, avec perte de connaissance, des fractures des côtes 2 à 9, du col du
péroné droit, du nez et de l'acromion gauche, et a été hospitalisé jusqu'au
21 janvier 1998. Pendant son séjour à l'hôpital, les médecins ont également
dû traiter une surinfection pulmonaire. Depuis l'accident, R.________ n'a pas
repris son activité professionnelle de peintre en bâtiment et fait état de
douleurs persistantes dans les épaules, d'insomnie et d'asthénie.

Le 31 juillet 1998, le docteur W.________, spécialiste en médecine interne et
maladie rhumatismales, décrivait un status après polytraumatisme en janvier
1998, avec notamment une capsulite rétractile de l'épaule droite et conflit
sous-acromial de l'épaule gauche. Le patient présentait également une
probable arthrose du compartiment interne du genou droit. Le traitement
proposé consistait en infiltrations de corticoïde au niveau de l'épaule
droite d'abord, puis à gauche, complétées d'une physiothérapie.

Dans deux rapports, des 22 juillet 1999 et 6 août 1999, le docteur
S.________, médecin traitant de R.________ attesta une incapacité de travail
totale depuis l'accident, pour une durée indéterminée; en plus des atteintes
à la santé décrites par le docteur W.________, ce praticien décrivait un état
dépressif réactionnel à l'accident et à l'incapacité de travail. Lors
d'examens pratiqués pendant un séjour à la Clinique R.________ (dont un
consilium psychiatrique réalisé par le docteur M.________, et un examen
neuropsychologique par la doctoresse Z.________), les médecins constatèrent
un tableau clinique compatible avec un syndrome post-commotionnel, dominé par
des douleurs mal systématisées, une fluctuation de l'humeur avec passablement
de sentiments dépressifs, des troubles mnésiques modérés, un fléchissement
dysexécutif et des difficultés de concentration. R.________ démontra
néanmoins une capacité de travail entière dans une activité n'impliquant pas
le port de charges à hauteur de tête (10 kg) ou avec la main gauche (12,5
Kg), ni un travail au dessus de la tête, ni de se tenir accroupi ou assis en
position inclinée vers l'avant; la coordination des mains à droite et à
gauche était limitée (rapport du 5 juin 2000 et annexes).

L'Office cantonal AI du Valais confia par ailleurs une expertise
psychiatrique au docteur O.________, qui posa le diagnostic de syndrome
post-commotionnel et de trouble dépressif modéré chronique, tout en
considérant que ces atteintes à la santé n'entraînaient pas d'incapacité de
travail (rapport du 30 juin 2001). Sur cette base, l'office AI nia son droit
aux prestations demandées, au motif qu'il ne présentait pas un taux
d'invalidité ouvrant droit à une rente (décision du 9 juillet 2001). Les
recours successifs de l'assuré devant le Tribunal cantonal des assurances du
Valais et devant le Tribunal fédéral des assurances furent rejetés.

Entre-temps, la CNA avait alloué à l'assuré une rente fondée sur un taux
d'invalidité de 33,33 %, en se référant à plusieurs activités de substitution
accessibles à l'assuré malgré son handicap, ainsi qu'une indemnité pour une
atteinte à l'intégrité de 10 %, par décision du 13 février 2001. R.________
s'opposa à cette décision et déposa un rapport d'expertise établi le 23 mars
2002 par le docteur A.________, psychiatre. Ce praticien posait les
diagnostics de trouble de l'adaptation avec réaction anxieuse et dépressive,
dépression actuellement légère, prolongée (CIM F 43.21) et très probable
syndrome post-contusionnel (F 07.2); par ailleurs, l'évolution de ces
atteintes à la santé pouvait être influencée par les difficultés de l'assuré
liées à l'emploi et au chômage (Z 56). Le docteur A.________ attestait une
incapacité de travail de 50 % au moins dans toute activité professionnelle;
avec un traitement psychiatrique adapté, cette capacité de travail était
susceptible d'amélioration et une reprise du travail pleinement envisageable,
sous réserve d'atteintes à la santé physique.

Par décision sur opposition du 12 juillet 2002, la CNA refusa de modifier les
prestations allouées précédemment.

B.
L'assuré déféra la cause au Tribunal cantonal des assurances du Valais, en
concluant à l'octroi d'une rente fondée sur un taux d'invalidité de 50 %,
subsidiairement sur un taux d'invalidité de 36 %. Par jugement du 24 avril
2003, le Tribunal cantonal des assurances du Valais a rejeté le recours.

C.
R. ________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
en concluant au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour
instruction complémentaire et nouveau jugement.

La CNA propose le rejet du recours, alors que l'Office fédéral des assurances
sociales, division maladies et accidents (intégrée à l'Office fédéral de la
santé publique depuis le 1er janvier 2004) a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité, plus
particulièrement sur le taux d'invalidité qu'il présente en raison des
séquelles de l'accident du 3 janvier 1998.

2.
Le jugement entrepris expose les dispositions légales et les principes
jurisprudentiels relatifs à la notion d'invalidité et à la nécessité d'un
rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre une atteinte à la santé et
un accident assuré pour qu'il y ait lieu à prestations de
l'assureur-accidents (sous réserve d'une maladie professionnelle). De même
expose-t-il pour quels motifs la LPGA et les modifications de la LAA qu'elle
a entraînées ne sont pas applicables en l'espèce. Sur ces points, il convient
d'y renvoyer.

3.
La juridiction cantonale et la CNA ont admis que l'assuré ne pouvait plus
exercer la profession de peintre en bâtiment, en raison d'atteintes à sa
santé physique consécutives à l'accident du 3 janvier 1998. Elles ont
considéré, en revanche, qu'il pourrait travailler à plein temps et rendement
dans une activité adaptée. Pour sa part, R.________ fait valoir souffrir
d'une incapacité de travail de 50 % au moins dans quelque activité que ce
soit, en raison des suites du traumatisme crânio-cérébral subi lors de
l'accident assuré et des troubles de l'adaptation décrits par le docteur
A.________, voire en raison de troubles somatoformes douloureux.

4.
4.1 Les examens pratiqués à la Clinique R.________ ont mis en évidence un
tableau clinique compatible avec un syndrome post-commotionnel. Le docteur
O.________ a admis une telle atteinte, mais nié une incapacité de travail de
l'assuré en raison de cette affection, dans les activités de substitution
évoquées par la CNA pour l'évaluation de l'invalidité. Cet avis est corroboré
par les prises de position du docteur C.________, spécialiste en neurologie
et membre du groupe de travail «médecine des accidents» de la CNA, qui
qualifie de légers les déficits neuropsychologiques constatés et conteste
leur influence sur la capacité de travail de l'assuré (rapports des 11
octobre 2001, 12 novembre 2001 et 5 février 2002).

4.2  Ces avis médicaux ne sont pas véritablement contredits par l'avis du
docteur A.________. Ce praticien consacre la majeur partie de l'expertise à
la description des troubles de l'adaptation de l'assuré et à ses causes. Il
explique que R.________ présente des traits de personnalité à la fois
histrioniques et narcissiques, qui l'ont fragilisé et empêché d'assimiler les
conséquences somatiques de l'accident. Toujours selon l'expert, la blessure
narcissique provoquée par cet événement et ses séquelles physiques contribue
largement aux difficultés d'adaptation et de réintégration de l'assuré dans
la vie familiale et professionnelle; R.________ avait par ailleurs connu une
période d'instabilité professionnelle après avoir été licencié en novembre
1996, ainsi que plusieurs périodes d'abus d'alcool, avant son accident, qui
avaient pu contribuer à cette blessure narcissique. La personnalité de
l'assuré et les facteurs de stress extérieurs (changement de l'image de soi,
emploi, chômage, pression financière) l'ont conduit vers une dynamique de
revendication et des troubles de l'adaptation avec une réaction anxieuse et
dépressive prolongée; il présente désormais clairement des signes de
résistance à la reprise d'une activité professionnelle, en grande partie
influencée par les traits de personnalité narcissique et histrionique
décrits. Enfin, le docteur A.________ ajoute qu'avec un traitement
psychiatrique adéquat, la capacité de travail pourrait être améliorée et
qu'une reprise de l'activité dans un domaine adapté seraient alors pleinement
envisageable.

Certes, le docteur A.________ précise que les éléments décrits ci-dessus ont
pu renforcer les manifestations cliniques d'un syndrome post-contusionnel,
qui peut contribuer à influencer la capacité de travail de l'assuré de
manière durable. Mais, d'une part, rien n'indique que les médecins de la
Clinique R.________ ou les docteurs O.________ et C.________ auraient
négligés ces manifestations cliniques; d'autre part, l'influence du syndrome
post-contusionnel sur la capacité de travail n'est évoquée par le docteur
A.________ que comme une simple possibilité, au demeurant reléguée à
l'arrière-plan par rapport aux troubles de l'adaptation. Dans ces conditions,
il n'y a pas lieu de retenir l'existence d'une incapacité de travail
consécutive au traumatisme cranio-cérébral dont a été victime le recourant.

5.
Dans la mesure où les docteurs M.________ et O.________ n'ont pas même
mentionné les troubles de l'adaptation décrits par le docteur A.________, il
est peu vraisemblable que cette atteinte revête une intensité telle qu'elle
fonderait l'incapacité de travail retenue par ce praticien. L'intimée, sans
se prononcer sur ce point, considère que les atteintes à la santé psychique
de l'assuré ne sont pas, quoi qu'il en soit, en relation de causalité
adéquate avec l'événement assuré, de sorte qu'elle ne saurait fonder le droit
à une rente de l'assurance-accidents. Telle est également l'opinion de la
juridiction cantonale, alors que le recourant soutient, au contraire, qu'il
faut admettre un tel rapport de causalité.

5.1  Dès lors que les troubles de l'adaptation décrits par le docteur
A.________ portent dans une large mesure sur la manière dont l'assuré gère
les conséquence de l'accident sur sa santé physique, il convient d'admettre
l'existence d'un rapport de causalité naturelle entre ces atteintes et
l'accident subi.

5.2
5.2.1En ce qui concerne la causalité adéquate, la jurisprudence distingue
selon que l'accident subi était insignifiant ou peu grave, moyennement grave,
ou grave. Lorsque l'accident correspond à la première catégorie, l'existence
d'un lien de causalité adéquate avec d'éventuels troubles psychiques peut
généralement être niée d'emblée. A l'inverse, ce rapport de causalité sera en
principe admis en cas d'accident grave. Enfin, pour admettre le caractère
adéquat du lien de causalité entre un accident de gravité moyenne et des
troubles psychiques, il faut que soient réunis certains critères particuliers
et objectifs. Les plus importants à prendre en considération sont les
circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère
particulièrement impressionnant de l'accident, la gravité des lésions subies,
la durée et le degré de l'incapacité de travail, la durée anormalement longue
du traitement médical et les douleurs persistantes dues aux seules atteintes
à la santé physique, ainsi que les erreurs dans le traitement médical
entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident (ATF 115 V 139
sv. consid. 6, 408 consid. 5).

5.2.2  Bien que l'accident du 3 janvier 1998, qu'il convient de qualifier
d'accident de gravité moyenne, ait entraîné un traumatisme crânien simple et
de nombreuses fractures, il ne présente pas un caractère particulièrement
impressionnant ou dramatique au sens de la jurisprudence. L'assuré a pu
quitter l'hôpital après 19 jours, sans que l'infection pulmonaire survenue en
cours d'hospitalisation porte à conséquence par la suite. L'évolution a été
globalement favorable jusqu'en septembre 1998 (rapports des 31 juillet et 19
septembre 1998 du docteur W.________), mais les douleurs ont persisté, de
même que des déficits neuropsychologiques légers et une limitation des
mouvements des épaules, cette dernière entraînant une incapacité de travail
dans la profession de peintre en bâtiment. Cela étant, le recourant
n'exerçait pas d'activité professionnelle au moment de l'accident et demeure
capable de travailler à plein temps dans un autre secteur d'activité. Par
ailleurs, son état de santé s'est stabilisé dans le courant de l'année 1999,
selon son médecin traitant, le docteur S.________, qui mentionne alors pour
tout traitement la prise occasionnelle de Dafalgan et des exercices à
domicile (rapport du 6 août 1999). Un séjour à la Clinique R.________ a été
organisé par la suite, mais essentiellement en vue d'une prise en charge
pluridisciplinaire, compte tenu de la discordance entre les douleurs
exprimées par l'assuré et les constatations objectives des médecins. Dans
cette mesure, il n'y a pas lieu de retenir un traitement médical anormalement
long ni la persistence de douleurs intenses en raison des atteintes à la
santé physiques provoquées par l'accident. Si les critères retenus par la
jurisprudence pour admettre le rapport de causalité litigieux sont en partie
remplis, ils ne sont toutefois pas suffisamment prégnants pour que l'accident
subi soit tenu pour la cause adéquate de l'affection psychique décrite par le
docteur A.________.

6.
Le recourant ne conteste pas les termes de la comparaison de revenus
effectuée par l'intimée sur la base d'une capacité de travail résiduelle de
100 % dans une activité adaptée à son handicap physique. La juridiction
cantonale a effectué pour sa part une comparaison de revenu moins favorable à
l'assuré et retient à juste titre un taux d'invalidité légèrement inférieur à
celui admis par la CNA. Elle a cependant renoncé à une réformation de la
décision entreprise au détriment du recourant. Selon la jurisprudence, la
reformatio in pejus est une faculté donnée au juge (ATF 119 V 249 consid. 5)
dont il n'y a pas lieu de faire usage ici, aussi bien pour les motifs exposés
par les premiers juges (cf. consid. 5b/cc) qu'en regard de la faible
différence entre ces taux.

7.
La procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, de
sorte qu'elle est gratuite (art. 134 OJ). Par ailleurs, le recourant ne peut
prétendre de dépens, vu le sort de ses conclusions (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 23 septembre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   Le Greffier: