Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 126/2003
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U 126/03

Arrêt du 22 juillet 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffier : M.
Métral

S.________, recourante, représentée par Me Michel De Palma, avocat, avenue de
Tourbillon 3, 1950 Sion,

contre

Allianz Suisse Société d'Assurances, avenue du Bouchet 2, 1209 Genève,
intimée

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 3 avril 2003)

Faits:

A.
S.  ________, née en 1963, travaillait en qualité d'ouvrière agricole au
service de l'entreprise A.________. A ce titre, elle était assurée contre les
accidents par Elvia, société suisse d'assurances (devenue par la suite,
Allianz Suisse Société d'Assurances; ci-après : l'Allianz).

Le 17 mars 1997, la prénommée s'est prise l'auriculaire de la main droite
dans une trancheuse à oignons. Elle se rendit à l'Hôpital régional de
M.________ et E.________, où le docteur G.________ constata une
sub-amputation avec fracture comminutive de la phalange distale de
l'auriculaire droit et pratiqua un complément d'amputation en urgence, avec
confection d'un moignon au niveau de l'inter-phalangienne distale (rapports
des 10 et 30 avril 1997). Par la suite, l'assurée fut adressée au docteur
P.________, spécialiste en neurochirurgie, en raison notamment de douleurs au
niveau du moignon d'amputation et de paresthésies le long du bord
cubito-palmaire de l'avant-bras. Ce praticien ne mit pas en évidence de
neuropathie, mais n'exclut pas une éventuelle lésion d'une branche purement
sensitive; quoi qu'il en soit, il considéra que le trouble sensitif était
bénin et s'atténuerait dans les semaines ultérieures (rapport du 2 mai 1997).

Les symptômes persistèrent, de sorte que l'Allianz confia un mandat
d'expertise au docteur H.________, spécialiste en chirurgie. Celui-ci fit
état d'une suspicion de névrome et attesta d'une incapacité de travail totale
en raison des douleurs ressenties par l'assurée; l'atteinte à la santé était
entièrement due à l'accident du 17 mars 1997 (rapport du 19 juin 1997). Après
un nouvel examen, le docteur P.________ constata lui aussi les signes
cliniques d'un névrome, pour lequel il proposa une intervention chirurgicale
(rapports des 10 septembre et 31 octobre 1997). Ce point de vue était partagé
par le médecin traitant de l'assurée, le docteur F.________ (rapport du 1er
novembre 1997). Pour sa part, le docteur C.________, spécialiste en chirurgie
plastique et reconstructive, mit en doute le diagnostic posé par ses
confrères et l'opportunité d'une intervention chirurgicale, pour privilégier
un traitement antalgique et ergothérapeutique (rapports des 19 juin et 18
septembre 1997). L'assurée fut également adressée, notamment, au Département
de chirurgie de l'Hôpital U.________, où les docteurs D.________ et
R.________ posèrent le diagnostic de syndrome douloureux chronique et
suggérèrent à leur tour un traitement antalgique, ainsi qu'un suivi
psychiatrique (rapports des 13 octobre 1997 et 4 février 1998).

Progressivement, S.________ fit état de douleurs intenses s'étendant jusqu'au
niveau du coude, puis de l'épaule et de la nuque (rapport du 13 février 1998
de la doctoresse I.________, médecin associée au Centre multidisciplinaire
d'évaluation et de traitement de la douleur de l'Hôpital U.________).Une
nouvelle expertise fut confiée au docteur K.________, spécialiste en
chirurgie orthopédique et chirurgie de la main, qui posa le diagnostic de
syndrome douloureux subjectif du membre supérieur droit, sans cause somatique
objectivable, et de status après subamputation traumatique de P2 D5 droit
avec complément d'amputation au niveau de la tête de P1. Tenant l'existence
d'un névrome pour improbable, il attesta une pleine capacité de travail et
proposa de fixer à 5 % le taux d'atteinte à l'intégrité; dans ce cadre, il
précisa toutefois avoir fait abstraction d'éventuelles atteintes à la santé
psychique de l'assurée (rapport du 14 juillet 1998).

A défaut de résultats probants du traitement antalgique mis en oeuvre, et
compte tenu de l'indication chirurgicale posée par les docteurs P.________ et
F.________, le docteur L.________, spécialiste en chirurgie plastique,
reconstructive et de la main, accepta de pratiquer l'opération proposée.
L'assurée ayant toutefois refusé une nouvelle intervention, l'Allianz nia son
droit à des prestations d'assurance pour la période postérieure au 31
décembre 2000.

L'assurée s'opposa à cette décision, en faisant valoir l'existence
d'atteintes à sa santé psychique. L'assurance-accidents confia une expertise
au docteur N.________, psychiatre, qui posa le diagnostic de trouble
dépressif majeur, de trouble panique sans agoraphobie et de syndrome
douloureux somatoforme persistant. Selon l'expert, ces affections ne sont
qu'une conséquence possible de l'accident du 17 mars 1997, certains facteurs
étrangers à cet événement (situation familiale difficile, difficultés
d'intégration, etc.) jouant désormais un rôle prépondérant. Le docteur
N.________ attesta une incapacité de travail totale et ne retint pas
d'atteinte à l'intégrité en raison des troubles d'ordre psychique constatés,
compte tenu de leur caractère réversible (rapport du 23 novembre 2001). Par
décision sur opposition du 5 mars 2002, l'Allianz nia le droit de l'assurée à
des prestations pour la période postérieure au 31 décembre 1999, sous réserve
d'une indemnité pour une atteinte à l'intégrité physique. Par décision du 8
mars 2002 et décision sur opposition du 12 juin 2002, l'Allianz fixa le taux
d'atteinte à l'intégrité à 5 % et alloua pour ce motif une indemnité de 4'860
fr.

B.
S. ________ a déféré les décisions sur opposition des 5 mars et 12 juin 2002
au Tribunal des assurances du canton du Valais. Par jugement du 3 avril 2003,
la juridiction cantonale annula la décision du 5 mars 2002 en raison d'une
violation du droit d'être entendu et retourna la cause à l'Allianz pour
nouvelle décision; elle rejeta en revanche le recours contre la décision du
12 juin 2002.

C.
S. ________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
dont elle demande l'annulation en tant qu'il porte sur l'indemnité pour
atteinte à l'intégrité. Elle conclut à ce que l'Allianz soit condamnée à lui
allouer une indemnité pour une atteinte à l'intégrité de 25 %, sous suite de
frais et dépens. L'intimée conclut au rejet du recours, alors que l'Office
fédéral des assurances sociales (aujoud'hui,  Office fédéral de la santé
publique, en ce qui concerne l'assurance-maladie et l'assurance-accidents) a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Si, par suite d'un accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et
durable à son intégrité physique ou mentale, il a droit à une indemnité
équitable pour atteinte à l'intégrité (art. 24 al. 1 LAA). L'indemnité pour
atteinte à l'intégrité est allouée sous forme de prestation en capital. Elle
ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de
l'accident et elle est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à
l'intégrité. Le Conseil fédéral édicte des prescriptions détaillées sur le
calcul de l'indemnité (art. 25 al. 1 et 2 LAA). Selon l'art. 36 OLAA, édicté
conformément à cette délégation de compétence, une atteinte à l'intégrité est
réputée durable lorsqu'il est prévisible qu'elle subsistera avec au moins la
même gravité, pendant toute la vie. Elle est réputée importante lorsque
l'intégrité physique ou mentale subit, indépendamment de la diminution de la
capacité de gain, une altération évidente ou grave (al. 1). L'indemnité pour
atteinte à l'intégrité est calculée selon les directives figurant à l'annexe
3 à l'ordonnance (al. 2). En cas de concours de plusieurs atteintes à
l'intégrité physique ou mentale, dues à un ou plusieurs accidents,
l'indemnité pour atteinte à l'intégrité est fixée d'après l'ensemble du
dommage (al. 3, 1ère phrase).

2.
Mise à part l'amputation d'une partie de l'auriculaire droit de la
recourante, l'intimée exclut une atteinte à la santé physique ou psychique
durable consécutive à l'accident. S.________ fait valoir, pour sa part,
souffrir de douleurs intenses d'origine accidentelle, justifiant de retenir
un taux d'atteinte à l'intégrité physique et psychique de 25 %.

2.1  Le docteur K.________ a nié toute cause somatique objectivable au
syndrome douloureux du membre supérieur droit dont souffre la recourante, au
terme d'un rapport médical probant, répondant à l'ensemble des critères posés
par la jurisprudence en la matière (sur ces critères : cf. ATF 125 V 352
consid. 3a). En particulier, contrairement à ce que soutient la recourante,
il n'y a pas de contradiction entre cette conclusion et les constatations
figurant en page 9 de l'expertise («l'atteinte à la santé est certainement
une conséquence naturelle de l'accident.», «il n'y a pas de facteurs
étrangers somatiques qui peuvent être retenus. La présence de facteurs
étrangers d'ordre psycho-social dépasse le cadre de cette expertise
orthopédique») : le docteur K.________ s'est limité à décrire ses propres
observations médicales et ne s'est pas prononcé sur l'existence ou l'origine
d'atteintes à la santé psychique. Par ailleurs, le docteur K.________ a
exposé de manière convaincante pour quels motifs il tenait l'existence d'un
névrome d'amputation pour improbable, malgré l'avis du docteur P.________. Si
une telle atteinte ne peut être exclue, elle n'a cependant pas pu être
établie avec suffisamment de vraisemblance, comme en témoignent au demeurant
les avis concordants de plusieurs autres spécialistes consultés.

Vu ce qui précède, il n'y a pas lieu de retenir d'autre atteinte à
l'intégrité physique de la recourante que celle déjà admise par l'intimée.

2.2
2.2.1Comme on l'a vu (consid. 1 supra), une atteinte à l'intégrité n'ouvre
droit à une indemnisation que si elle est durable. Compte tenu du fait que
selon la doctrine psychiatrique majoritaire, seuls des événements accidentels
d'une gravité exceptionnelle entraînent des atteintes durables à l'intégrité
psychique, il y a lieu, d'après la jurisprudence, de prendre en considération
l'événement accidentel lui-même lorsqu'il s'agit d'examiner le caractère
durable d'une affection psychique d'origine accidentelle. Le Tribunal fédéral
des assurances se réfère sur ce point à la classification établie pour
statuer sur le rapport de causalité adéquate entre un événement accidentel et
des troubles d'ordre psychique (cf. ATF 115 V 140 sv. consid. 6c, 409 sv.
consid. 5c).

Dans ce cadre, le droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité doit être
en principe nié en cas d'accident insignifiant ou de peu de gravité, de même
qu'en cas d'accident de gravité moyenne, sans qu'il soit nécessaire de mettre
en oeuvre dans chaque cas une instruction plus approfondie au sujet de la
nature et du caractère durable de l'atteinte psychique. Il ne convient de
s'écarter de ce principe que dans des cas exceptionnels, à savoir lorsque
l'on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves, pour autant
que les pièces du dossier fassent ressortir des indices évidents d'une
atteinte particulièrement grave à l'intégrité psychique, qui ne paraît pas
devoir se résorber. On doit voir de tels indices dans les circonstances qui
sont en connexité étroite avec l'accident et qui servent de critères lors de
l'examen de la causalité adéquate, pour autant qu'ils revêtent une importance
et une intensité particulières et qu'en tant que facteurs stressants, ils
ont, de manière évidente, favorisé l'installation de troubles durables pour
toute la vie. Enfin, en cas d'accidents graves, le caractère durable de
l'atteinte à la santé psychique doit toujours être examiné, au besoin par la
mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique, pour autant qu'il n'apparaisse
pas déjà évident sur le vu des éléments ressortant du dossier (ATF 124 V 44
sv. consid. 5c; 213 sv.).
2.2.2  L'accident subi par la recourante, bien qu'entraînant une atteinte
permanente à l'intégrité physique, ne peut être qualifié de grave, ni
d'accident de catégorie moyenne, à la limite des accidents graves au sens de
la jurisprudence exposée ci-dessus. Pour ce motif déjà, l'existence d'une
atteinte durable à l'intégrité psychique d'origine accidentelle doit être
niée, sans qu'un complément d'expertise soit requis sur le plan
psychiatrique.

A cela s'ajoute, quoi qu'il en soit, que l'accident ne s'est pas déroulé dans
des circonstances particulièrement dramatiques ou impressionnantes, et que la
durée de l'incapacité de travail, du traitement et des douleurs dus aux
seules atteintes à la santé physique n'ont pas été particulièrement longues.
A cet égard, les rapports établis les 6 mars 1998 par la doctoresse
B.________ et le 14 juillet 1998 par le docteur K.________ ne mettent pas en
évidence d'atteinte somatique, hormis l'amputation elle-même. Par ailleurs,
S.________ n'a pas été victime d'une erreur médicale ayant entraîné une
péjoration de son état de santé, quand bien même les avis médicaux divergents
figurant au dossier, quant à l'existence d'un névrome d'amputation, ont pu
contribuer à la fragiliser sur le plan psychique. Dans ces circonstances, il
n'y a pas lieu d'admettre que les critères cités sont remplis avec un degré
d'intensité tel qu'ils justifieraient de retenir le caractère durable de
l'atteinte à l'intégrité psychique de la recourante, si l'on avait admis un
accident de gravité moyenne, à la limite d'un accident grave.

2.3
En l'absence d'atteinte durable à l'intégrité psychique, et compte tenu des
séquelles physiques permanentes décrites par le docteur K.________, il n'y a
pas lieu de s'écarter du taux d'atteinte à l'intégrité de 5 % proposé par ce
praticien et retenu par l'intimée.

3.
La recourante, qui succombe, ne peut prétendre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).
La procédure est par ailleurs gratuite, dès lors qu'elle porte sur l'octroi
ou le refus de prestations d'assurances (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 22 juillet 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   Le Greffier: