Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 11/2003
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U 11/03

Arrêt du 28 novembre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Kernen. Greffière : Mme von
Zwehl

S.________, recourant, représenté par Me Alain Droz, avocat, avenue Krieg 7,
1208 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 19 novembre 2002)

Faits:

A.
S. ________, né en 1979, travaillait comme apprenti étancheur au service de
l'entreprise G.________ SA. A ce titre, il était assuré contre le risque
d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA).

Le 28 novembre 1996, il est tombé du toit d'un bâtiment de l'aéroport de
X.________; sa chute a pris fin dans une benne contenant des produits
d'isolation. Il a été immédiatement transporté à l'Hôpital Y.________, où les
médecins ont posé le diagnostic principal de traumatisme cranio-cérébral, et
secondaire de contusion hépatique, de fracture de la clavicule gauche, ainsi
que d'entorse stade I du ligament latéral interne du coude droit
(compte-rendu d'hospitalisation du 28 janvier 1997). Son état physique s'est
rapidement rétabli, cependant que sont apparus des troubles
neuropsychologiques (troubles de la mémoire, de l'attention, anxiété,
fatigabilité; voir le rapport du docteur W.________ du 20 mai 1997). En dépit
d'une rééducation intensive à la Clinique de B.________, ces troubles sont
restés stationnaires (rapport de sortie du 16 janvier 1998). Les 28 juin et
31 juillet 1998, l'assuré a encore été légèrement blessé par suite de
bagarres. Une IRM cérébrale pratiquée au mois de décembre 1998 a révélé de
minuscules lésions de la substance blanche, ainsi qu'une discrète atrophie
sous-corticale gauche avec une légère diminution de la taille de
l'hippocampe. A l'issue d'un examen final du 6 décembre 1999, le docteur
R.________ a estimé que les troubles neuropsychologiques de l'assuré
entraînaient vraisemblablement une incapacité de travail de longue durée,
voire définitive, même si, sur le plan strictement somatique, il n'existait
aucune contre-indication à l'exercice d'une activité quelconque.

Par décision du 10 mai 2001, la CNA a accordé à S.________ une rente
d'invalidité, fondée sur une incapacité de gain de 100 %, dès le 1er décembre
2000, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 50 %
(atteinte moyenne).

L'assuré s'est opposé à cette décision, en reprochant notamment à
l'assureur-accidents d'avoir fixé le taux d'atteinte à l'intégrité sans
évaluation médicale préalable. Après que la CNA lui a fait parvenir
l'estimation de l'atteinte à l'intégrité du docteur A.________, spécialiste
FMH en chirurgie de l'équipe de médecine des accidents, confirmant le taux
retenu, elle a écarté l'opposition dans une nouvelle décision du 3 juin 2002.

B.
Par jugement du 19 novembre 2002, le Tribunal administratif du canton de
Genève (aujourd'hui en matière d'assurances sociales: Tribunal cantonal des
assurances sociales) a rejeté le recours formé par l'assuré contre la
décision sur opposition de la CNA.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à l'allocation
d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 80 % (atteinte
grave) ou au moins de 70 % (atteinte moyenne à grave).

La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1)

2.
Le litige porte sur le taux de l'atteinte à l'intégrité du recourant.

3.
Celui qui, par suite d'un accident assuré, souffre d'une atteinte importante
et durable à son intégrité physique ou mentale a droit à une indemnité
équitable pour atteinte à l'intégrité, sous forme de prestation en capital;
celle-ci est fixée en fonction de la gravité de l'atteinte et s'apprécie
d'après les constatations médicales (cf. art. 24 al. 1 et 25 al. 1 LAA).
L'annexe 3 à l'OLAA comporte un barème des atteintes à l'intégrité en pour
cent du montant maximum du gain assuré. Ce barème - reconnu conforme à la loi
- ne constitue pas une énumération exhaustive (ATF 124 V 32 consid. 1b, 210
consid. 4a/bb et les références). Il représente une «règle générale» (ch. 1
al. 1 de l'annexe). Pour les atteintes qui sont spéciales ou qui ne figurent
pas dans la liste, il y a lieu d'appliquer le barème par analogie, en tenant
compte de la gravité de l'atteinte (ch. 1 al. 2 de l'annexe). A cette fin, la
division médicale de la CNA a établi des tables complémentaires comportant
des valeurs indicatives destinées à assurer autant que faire se peut
l'égalité de traitement entre les assurés. Ces tables émanant de
l'administration ne constituent pas une source de droit et ne lient pas le
juge, mais sont néanmoins compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF 124 V 32
consid. 1c, 211 consid. 4a/cc, 116 V 157 consid. 3a).

4.
4.1 Se fondant sur la table 8 concernant l'atteinte à l'intégrité pour les
complications psychiques de lésions cérébrales, le docteur A.________ a
estimé que les troubles neuropsychologiques et comportementaux présentés par
l'assuré correspondaient à la description de l'atteinte moyenne figurant au
chiffre 3.4 de ladite table («nette diminution des performances d'une ou de
plusieurs fonctions cognitives» et «nette altération de la personnalité»), ce
qui porte le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité à 50 %.

4.2 On ne voit pas de motif sérieux de s'écarter de l'estimation du médecin
de la CNA. Pour rendre ses conclusions, le docteur A.________ s'est basé sur
les résultats de deux comptes-rendus d'examens neuropsychologiques, l'un
effectué par le service médical de la Clinique de B.________ durant le stage
de rééducation de l'assuré, l'autre par le neuropsychologue R.________ de
l'Hôpital Y.________ dans le cadre d'une requête de mise sous curatelle. Du
premier rapport (du 17 décembre 1997), il ressort que S.________ souffre, à
côté d'un analphabétisme préexistant, d'une réduction nette de ses capacités
d'apprentissage du langage et de mémorisation («deutlich eingeschränkte
sprachliche Lernfähigkeit; «eingeschränkte sprachliche Frischgedächtnis»),
ainsi que d'une diminution marquée de l'attention («ausgeprägten Schwankungen
der Aufmerksamkeit») mais pas de déficit moteur; tout bien considéré, ses
troubles cognitifs ont été évalués comme étant de gravité «moyenne» («die
Befunde weisen auf eine Mittelschwere Störung hin»). Quant à R.________, il a
fait état de troubles exécutifs modérés, ainsi que d'un sévère déficit
mnésique dans les deux modalités, tout en soulignant que la dyscalculie
également observée chez S.________ provenait plutôt d'un manque de
connaissances au préalable (rapport du 7 septembre 1999). Or, ces
constatations, si elles indiquent assurément l'existence de troubles
importants de certaines des fonctions cognitives de l'assuré, demeurent
cependant encore assez éloignées des symptômes caractéristiques d'une
«atteinte grave» qui, elle, se manifeste par une «perturbation sévère de
presque toutes les fonctions cognitives (sévères troubles de l'attention,
sévères troubles du langage ou sévères troubles des fonctions exécutives»
(chiffre 3.5. de la table 8). Il ne justifie pas, partant, d'augmenter le
taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité à 70 %, voire à 80 %, comme
le voudrait le recourant. Sur ce point, le certificat médical qu'il a produit
en cours de procédure cantonale ne lui est d'aucun secours dans la mesure où
il ne fait que rappeler l'apparition de problèmes comportementaux déjà pris
en compte dans les suites psychiques d'une atteinte moyenne.

Le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèle
mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 novembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre:   La Greffière: