Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 46/2003
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K 46/03

Arrêt du 16 septembre 2003
Ire Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Borella, Lustenberger, Kernen et Frésard.
Greffier : M. Beauverd

E.________, recourante, représentée par Me Véronique Fontana, avocate, rue
Etraz 12, 1003 Lausanne,

contre

La Caisse Vaudoise, Assurance maladie et accidents, Administration, rue du
Nord 5, 1920 Martigny, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 17 février 2003)

Faits:

A.
E. ________, née en 1966, est affiliée à la Caisse vaudoise pour l'assurance
obligatoire des soins, ainsi que pour l'assurance complémentaire pour risques
spéciaux. Elle souffre depuis son enfance d'obésité morbide (70 kg à l'âge de
neuf ans, 138 kg à l'âge de treize ans), qui a été compensée vers l'âge de
seize ans au moyen d'une dérivation selon la méthode chirurgicale dite de
Scopinaro.

En 1999, en raison d'un déficit hématologique et d'une carence de vitamine B
12, d'acide folique, de calcium et eu égard à des hypoglycémies répétées,
elle a été adressée par son médecin traitant au docteur G.________, médecin
adjoint à la division de gastro-entérologie de la Policlinique médicale
universitaire du Centre hospitalier B.________. Malgré le risque d'une
reprise pondérale imminente, le docteur G.________ a opéré à nouveau la
patiente, en mai 1999, afin de rétablir la situation antérieure à l'opération
précédente. Il s'ensuivit une importante prise de poids, l'assurée passant,
selon ses indications, de 73 à 88 kg en six mois. Dès les mois
d'août-septembre 1999, E.________ a pris sporadiquement le médicament
XENICAL. A partir du mois de janvier 2000, elle s'est soumise régulièrement à
ce traitement médicamenteux. Son poids s'est alors stabilisé. Elle a requis
de la caisse la prise en charge de plusieurs factures relatives à ce
médicament.

Par décision du 23 mai 2001, confirmée par une décision sur opposition du 6
juillet suivant, la Caisse vaudoise a refusé de prendre en charge le
traitement médicamenteux en question, au motif que seuls les patients avec un
indice de masse corporelle (IMC) égal ou supérieur à 35 pouvaient prétendre à
un remboursement du XENICAL au titre de l'assurance obligatoire des soins. Or
cette condition n'était pas réalisée dans le cas particulier.

B.
Statuant le 17 février 2003, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a
rejeté le recours formé par l'assurée contre la décision sur opposition du 6
juillet 2001. Dans ses considérants, il a invité la caisse à examiner si le
traitement litigieux devait ou non être pris en charge en vertu de
l'assurance-maladie complémentaire souscrite par l'assurée.

C.
Contre ce jugement, E.________ interjette un recours de droit administratif
dans lequel elle conclut, sous suite de dépens, principalement au renvoi de
la cause à l'autorité compétente pour complément d'instruction et expertise
afin de déterminer si d'autres médicaments ou un autre traitement peut lui
être prescrit en lieu et place du médicament XENICAL.

Subsidiairement, elle conclut à la réforme du jugement attaqué en ce sens que
la caisse doit prendre en charge le médicament XENICAL avec effet rétroactif
au mois d'août 1999.

La caisse conclut au rejet du recours. Quant à l'Office fédéral des
assurances sociales (OFAS), il ne s'est pas déterminé à son sujet.

Considérant en droit:

1.
1.1 Selon l'art. 25 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge
les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une
maladie et ses séquelles (al. 1). Ces prestations comprennent notamment les
analyses, médicaments, moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques
prescrits par un médecin ou, dans les limites fixées par le Conseil fédéral,
par un chiropraticien (al. 2 let. b).

Les prestations mentionnées à l'art. 25 doivent être efficaces, appropriées
et économiques; l'efficacité doit être démontrée selon des méthodes
scientifiques (art. 32 al. 1 LAMal).

Les fournisseurs de prestations établissent leurs factures sur la base de
tarifs ou de prix. Dans les cas prévus par la loi, les tarifs et les prix
sont fixés par l'autorité compétente, qui veille à ce que les soins soient
appropriés et leur qualité de haut niveau, tout en étant le plus avantageux
possible (art. 43 al. 1, 4 et 6 LAMal).

1.2 Conformément à l'art. 52 al. 1 let. b LAMal (en corrélation avec les art.
34 et 37e OAMal), l'office, après avoir consulté la Commission fédérale des
médicaments et conformément aux principes des art. 32 al. 1 et 43 al. 6
LAMal, établit une liste, avec prix, des préparations pharmaceutiques et des
médicaments confectionnés (liste des spécialités); celle-ci doit également
comprendre les génériques meilleur marché qui sont interchangeables avec les
préparations originales. Conformément à l'art. 73 OAMal, l'admission dans une
liste peut être assortie d'une limitation; celle-ci peut notamment se
rapporter à la quantité ou aux indications médicales.

2.
2.1 Le XENICAL a tout d'abord figuré sur la liste des spécialités (LS) pour
une période limitée de deux ans (1er octobre 1999 au 30 septembre 2001),
assortie notamment de la condition que soit mise en place une évaluation
attestant que la perte de poids est durable. Par la suite, une nouvelle
période probatoire de deux ans (1er octobre 2001 au 30 septembre 2003) a été
accordée au fabricant par l'OFAS (cf. RAMA 2000 no KV 120 p. 158 en bas; voir
ATF 128 V 163 consid. 3c, ainsi que RAMA 2002 no KV 223 p. 367 sv. consid. 5d
non publié aux ATF 128 V 159).

Outre cette limitation temporelle (admission provisoire), l'inscription dans
la liste contenait, également, la limitation suivante:
«Ne concerne que les traitements de patients obèses avec IMC de > 35. Le
traitement doit être arrêté au bout de six mois si la perte de poids ne
correspond pas à au moins dix pour cent du poids corporel mesuré au début de
la médication (...)».
A partir du 1er juin 2003, l'admission du XENICAL dans la liste des
spécialités a fait l'objet de modifications avec une indication
supplémentaire pour le traitement de patients obèses souffrant de diabète.
Pour le traitement de patients obèses, la prise en charge est, comme par le
passé, réservée aux patients présentant un IMC (ou Body Mass Index [BMI]) de
35 au moins. En outre, la limitation d'une prise en charge pendant une
période expirant au 30 septembre 2003 ne figure plus sur la liste; il en va
de même de la condition de la mise en place d'une évaluation attestant que la
perte de poids est durable. (Bulletin de l'Office fédéral de la santé
publique 23/2003, p. 403).

2.2 Les premiers juges considèrent qu'un IMC de 35 au moins pour une taille
présentée par la recourante de 1,7 m implique un poids minimal de 101,15 kg
(l'IMC étant établi en divisant le poids de la personne [en kg] par sa
hauteur [en m] au carré [cf. RAMA 1996 no KV 972 p. 5 consid. 5c]). Or la recourante n'a jamais atteint ce poids de référence depuis l'inscription du
XENICAL dans la liste des spécialités. La juridiction cantonale considère,
par ailleurs, que le juge doit faire preuve d'une très grande retenue dans
l'examen de la légalité des limitations fixées dans la liste des spécialités
et, qu'en l'occurrence, il n'existe aucun motif de s'écarter des conditions
grevant la prise en charge du XENICAL en faveur d'assurés présentant un IMC
nettement inférieur à 35.

Pour l'essentiel, la recourante fait valoir que si elle n'avait pas suivi le
traitement médicamenteux en cause, adapté à son obésité morbide, elle se
serait à nouveau trouvée très rapidement en surcharge pondérale. Dans son
cas, la prise du XENICAL a un but préventif. Par ailleurs, le médecin-conseil
de la caisse n'a proposé aucune alternative au traitement litigieux, qui soit
susceptible d'éviter qu'elle atteigne une surcharge pondérale incontrôlable
et qu'elle souffre des affections, notamment cardio-vasculaires, qui en
découlent. Il serait absurde, selon elle, d'attendre que la surcharge
pondérale atteigne la limite fixée pour que la caisse soit tenue de
rembourser le médicament.

2.3 Jusqu'à présent, le Tribunal fédéral des assurances ne s'est pas
directement prononcé sur l'obligation de prise en charge du XENICAL par les
assureurs-maladie (voir cependant infra consid. 2.3.3).
2.3.1 La décision de l'OFAS du 28 juin 1999, portant admission (avec
limitations) du XENICAL sur la liste des spécialités a fait en son temps
l'objet d'un recours du Concordat des assureurs-maladie suisses, ainsi que
d'une caisse-maladie, devant la Commission fédérale de recours en matière de
liste des spécialités (art. 90 LAMal). Statuant en la voie incidente, le
président de cette commission a rejeté la demande de retrait de l'effet
l'effet suspensif au recours présentée par le fabricant (Roche Pharma
(Schweiz) AG [ci-après : Roche]).

Par arrêt du 6 mars 2000, le Tribunal fédéral des assurances a admis le
recours formé contre cette décision par Roche et il a statué que l'effet
suspensif était retiré au recours du Concordat des assureurs-maladie suisses
dirigé contre la décision de l'OFAS du 28 juin 1999 (voir l'art. 55 PA).
Procédant à une pesée des intérêts, il a notamment considéré qu'il existait
un intérêt de santé publique prépondérant à ce que le médicament soit pris en
charge pendant la durée du procès, à partir de la date d'admission fixée par
l'OFAS (1er octobre 1999), eu égard aux effets d'ordre physique et même
psychique qu'entraîne souvent l'obésité. Il convenait également de tenir
compte du fait que la décision de l'OFAS se fondait sur l'avis d'une
commission de spécialistes. L'intérêt de nombre d'assurés concernés devait
également être pris en considération (RAMA 2000 no KV 120 p. 158).

2.3.2 La Commission fédérale a statué au fond le 28 septembre 2000. Elle a
admis le recours formé devant elle et prononcé la radiation du XENICAL de la
liste des spécialités (voir ATF 127 V 81 ad B).

Roche et le Département fédéral de l'intérieur (DFI) ont tous deux saisi le
Tribunal fédéral des assurances d'un recours de droit administratif contre
cette décision de la commission. Par décision du 4 janvier 2001, le Président
du tribunal a accordé l'effet suspensif au recours (cf. ATF 127 V 81 ad let.
D). Dans l'arrêt final qu'il a ensuite rendu, en date du 3 mai 2001, le
tribunal a nié, faute d'un intérêt digne de protection, la qualité pour
recourir aux assureurs-maladie, ainsi qu'au Concordat des assureurs-maladie
suisses, contre la décision de l'OFAS relative à l'admission du XENICAL dans
la liste des spécialités. Aussi bien a-t-il considéré que la commission
n'aurait pas dû entrer en matière sur le recours porté devant elle et il a de
ce fait annulé la décision attaquée (ATF 127 V 80).

2.3.3 Dans un arrêt ultérieur, du 10 juillet 2002 (ATF 128 V 159), le
Tribunal fédéral des assurances a jugé que l'admission dans la liste des
spécialités de médicaments dont l'efficacité fait encore l'objet de
vérifications - autrement dit, dont elle n'est pas encore démontrée selon des
méthodes scientifiques - était contraire à la loi. Dans cet arrêt, qui
concernait un médicament réducteur de l'appétit (REDUCTIL), dont les effets
sont analogues au XENICAL, le fabricant demandait, à titre subsidiaire, à
pouvoir bénéficier d'un traitement identique à Roche relativement au XENICAL,
en ce sens que le REDUCTIL devait être admis provisoirement dans la liste des
spécialités, sous la réserve que la preuve de son efficacité soit établie
dans un certain délai. Le tribunal a rejeté cette prétention, en indiquant
clairement que le XENICAL n'aurait pas dû être admis conditionnellement sur
la liste des spécialités pour les motifs qui viennent d'être exposés (voir en
particulier RAMA 2002 no KV 223 p. 368 consid. 5d/bb non publié dans l'ATF
128 V 159). Il découle donc de cette jurisprudence que l'admission du XENICAL
sur la liste des spécialités, aussi longtemps en tout cas que cette admission
était limitée par la condition que la preuve de son efficacité restait à
démontrer pendant une certaine période probatoire n'était pas conforme à la
loi. Sur la base de cet arrêt, les assureurs-maladie ont décidé de ne plus
prendre en charge le XENICAL au titre de l'assurance obligatoire à partir du
1er janvier 2003, la prise en charge en vertu des assurances complémentaires
n'étant pas concernée, dans la mesure où elle dépend des conditions générales
d'assurance des différents assureurs (voir infosantésuisse; Magazine des
assureurs-maladie suisses, 11/2002, p. 10).

2.4 La présente cause doit cependant être examinée en fonction de la
situation juridique qui existait lors de la réalisation de l'état de fait qui
doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquence juridiques (ATF 126
V 166 consid. 4b, 121 V 100 consid. 1a; voir également, en ce qui concerne la
liste des spécialités, RAMA 2001 no KV 158 p. 162 consid. 6c).

Appliqués au cas d'espèce, ces principes conduisent à considérer comme
déterminante la situation de droit qui prévalait en 2000, dès lors que le
litige porte sur la prise en charge de factures relatives à un traitement
médicamenteux appliqué au cours de cette même année. La modification
intervenue avec effet au 1er juin 2003, relative à la suppression de la
limitation temporelle de l'admission du XENICAL sur la liste des spécialités
n'a donc pas d'incidence sur le présent litige. Il n'y a pas lieu de se
demander, en particulier, si la suppression, dans les critères de limitation,
d'une période probatoire expirant le 30 septembre 2003 signifie que,
désormais, l'efficacité du médicament est démontrée scientifiquement ou si
cette suppression est simplement une modification d'ordre formel ou
rédactionnel, consécutive à l'arrêt ATF 128 V 159 (concernant le REDUCTIL)
qui, on l'a vu, exclut la possibilité d'admission d'un médicament sous la
condition que son efficacité soit démontrée dans un certain délai.

2.5 Par son arrêt du 6 mars 2000, le Tribunal fédéral des assurances a retiré
l'effet suspensif au recours du Concordat des assureurs-maladies suisses et
de la caisse concernée, alors pendant devant la commission. Cet arrêt était
opposable à tous les assureurs-maladie, qui étaient alors tenus, de prendre
en charge le XENICAL (au conditions requises) pendant la durée de la
procédure devant la commission et dès la date de l'admission du médicament
sur la liste des spécialités (1er octobre 1999).

Ce régime provisoire a été maintenu par l'ordonnance présidentielle du 4
janvier 2001 (cf. art. 111 OJ) et a pris fin avec l'arrêt du 3 mai 2001.

L'intimée - qui se réfère d'ailleurs dans sa décision sur opposition à
l'arrêt du 6 mars 2000 - ne conteste donc pas, et à juste titre, son
obligation de principe de prendre en charge le XENICAL au regard de la
situation de droit créée par ce régime provisoire. Il est cependant constant
que la recourante ne remplissait pas la condition d'un indice de masse
corporelle de 35 au moins. Ce point n'est pas contesté. La recourante
soutient toutefois que cette limite ne saurait lui être opposée, compte tenu
des circonstances particulières de son cas (prise de poids incontrôlable et
absence alléguée d'un traitement de substitution).

Le Tribunal fédéral des assurances fait preuve d'une très grande retenue dans
le contrôle de la légalité de limitations ou d'indications figurant dans la
liste des spécialités (RAMA 2001 no KV 158 p. 159 consid. 4b et les
références). En l'occurrence, il n'y a pas de motif de mettre en doute le
bien-fondé de la limitation en cause. Celle-ci a pour but de prévenir tout
risque d'abus pouvant résulter d'une prise en charge par les assureurs du
médicament sans indication médicale clairement définie (voir RAMA 2000 no KV
120 p. 164 consid. 3c/aa). De plus, un certain schématisme, propre à assurer
l'égalité de traitement entre les assurés est nécessaire en ce domaine, même
s'il peut exister des situations où la prise du médicament est indiquée quand
l'indice minimal de masse corporelle est proche de la limite requise. Dans le
cas particulier, l'indice se situe très nettement en dessous du minimum
requis. S'écarter en l'espèce de ce minimum reviendrait à substituer au
critère quantitatif retenu d'autres indications à caractère médical, ce qui
n'est pas le rôle du juge, du moins aussi longtemps que le critère fixé
n'apparaît pas insoutenable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce (cf. RAMA
2001 no KV 158 p. 159 consid. 4b). En l'occurrence, une intervention du juge
se justifie d'autant moins que l'efficacité du médicament n'est - ou du moins
n'était pas encore à l'époque des faits - démontrée selon des méthodes
scientifiques.

3.
Il n'y a pas lieu, par ailleurs, d'examiner si le traitement litigieux
devrait ou non être pris en charge en vertu de l'assurance complémentaire
souscrite par la recourante. Le juge des assurances sociales, n'est pas
compétent, en effet, pour connaître des litiges, de nature privé, qui
pourraient survenir dans le cadre d'assurances-maladie complémentaires entre
assureurs et assurés (ATF 124 V 135 consid. 3 et les références citées).

4.
De ce qui précède, il résulte que le recours est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 16 septembre 2003

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la Ire Chambre:   Le Greffier: