Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 45/2003
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K 45/03

Arrêt du 1er février 2005
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Ferrari, Rüedi et Schön.
Greffier : M. Beauverd

M.________, recourant,

contre

Mutuelle Valaisanne, Administration, rue du Nord 5, 1920 Martigny, intimée,
représentée par Me Michel Bergmann, avocat, rue de Hesse 8-10, 1204 Genève

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 11 mars 2003)

Faits:

A.
M.________ est affilié à la Mutuelle Valaisanne, Assurance maladie et
accident (ci-après : la Mutuelle), pour l'assurance obligatoire des soins en
cas de maladie.

Le 23 octobre 2000, la Mutuelle lui a notifié un nouveau certificat
d'assurance, aux termes duquel la prime mensuelle de l'assurance obligatoire
des soins avec franchise annuelle de 1'200 fr., d'un montant de 200 fr. 10, a
été portée, à partir du 1er janvier 2001, à 218 fr.

L'assuré ayant contesté cette augmentation, la caisse a confirmé sa position
par décision du 20 décembre 2000, confirmée sur opposition le 23 février
2001.

B.
Saisi d'un recours contre la décision sur opposition, le Tribunal
administratif du canton de Genève (aujourd'hui, en matière d'assurances
sociales : Tribunal cantonal des assurances sociales) l'a déclaré
irrecevable, motif pris qu'il n'était pas compétent ratione materiae
(jugement du 7 août 2001).

C.
Par arrêt du 31 mai 2002 (K 120/01), le Tribunal fédéral des assurances a
admis le recours formé contre ce jugement par M.________. Il a annulé ledit
prononcé et renvoyé l'affaire à la juridiction cantonale pour décision sur le
fond, après examen des autres conditions de recevabilité du recours contre la
décision sur opposition du 23 février 2001. Il a considéré, en résumé, que la
juridiction cantonale ne pouvait pas se fonder sur l'art. 129 al. 1 let. b OJ
pour refuser d'entrer en matière sur le recours portant sur un tarif de
primes d'assurance. En effet, cette norme est une disposition applicable dans
la procédure de recours de droit administratif devant l'autorité de dernière
instance mais ne s'applique pas dans la procédure de recours devant un
tribunal cantonal des assurances compétent pour connaître des litiges en
matière d'assurance-maladie.

D.
Le 29 octobre 2002, la juridiction cantonale a invité la Mutuelle à produire
« toutes les pièces visées à l'art. 85 OAMal pour les périodes déterminantes
pour la prime 2001, ainsi que les rapports de l'organe de révision pour les
mêmes périodes (art. 86 OAMal) ».

Par ailleurs, elle a requis l'Institution commune LAMal et Santé Suisse de
lui indiquer l'augmentation des coûts de la santé durant les années 1999,
2000 et 2001, sur le plan suisse et à Genève en particulier. Le 4 novembre
2002, l'Institution commune LAMal a adressé à la juridiction cantonale la
statistique de la compensation définitive des risques 2001. Le 8 novembre
suivant, Santé Suisse lui a fait parvenir un extrait de l'évolution des coûts
en Suisse et dans le canton de Genève pour les années 1999 à 2001.

De son côté, la Mutuelle a produit les pièces mentionnées à l'art. 85 OAMal «
concernant les périodes déterminantes pour fixation de la prime 2001 », ainsi
que les rapports de l'organe de révision, en insistant sur le caractère
confidentiel de ces documents. La juridiction cantonale ayant constaté que
les pièces produites concernaient seulement l'année 2001, elle a requis la
Mutuelle de fournir les documents relatifs aux années 1999 et 2000. Par le
ministère de son avocat, celle-ci a demandé à la juridiction cantonale de
constater que la production des documents concernant les années 1999 et 2000
était sans objet pour l'issue du litige.

Par jugement du 11 mars 2003, la juridiction cantonale a rejeté le recours en
tant qu'il était recevable.

E.
M.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens, au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour instruction complémentaire et
nouvelle décision.

L'intimée conclut, sous suite de dépens, à l'irrecevabilité du recours et à
la confirmation du jugement entrepris. De son côté, l'Office fédéral des
assurances sociales (OFAS) propose de déclarer le recours irrecevable.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le Tribunal fédéral des assurances connaît en dernière instance des
recours de droit administratif contre des décisions au sens des art. 97, 98
let. b à h, et de l'art. 98a, en matière d'assurances sociales (art. 128 OJ).
Toutefois, aux termes de l'art. 129 al. 1 let. b OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable contre des décisions concernant des tarifs.

1.2 Selon la jurisprudence, le recours de droit administratif n'est
irrecevable que contre des décisions qui ont pour objet l'établissement ou
l'approbation d'un tarif dans son ensemble ou lorsqu'il vise directement des
clauses tarifaires particulières en tant que telles. En revanche, la voie du
recours de droit administratif est ouverte contre des décisions qui sont
prises en application d'un tarif dans une situation concrète. Il n'en demeure
pas moins que, même dans cette éventualité, le Tribunal fédéral des
assurances n'a pas le pouvoir de se prononcer sur tous les postes du tarif en
question, y compris la relation qui existe entre ceux-ci; il doit bien plutôt
se borner à contrôler la légalité du poste tarifaire incriminé, appliqué dans
un cas précis (ATF 126 V 345 consid. 1, 125 V 104 consid. 3b et les
références).

2.
Par un premier moyen, le recourant fait valoir que cette jurisprudence ne
peut s'appliquer dans le domaine de l'assurance-maladie, dans la mesure où
elle prescrit l'irrecevabilité du recours de droit administratif dans des
litiges portant sur des clauses tarifaires en tant que telles. Selon lui, ces
primes perçues obligatoirement sur l'ensemble de la population varient en
fonction de critères arbitraires qui reposent essentiellement sur des
projections et sur des comptabilités non analytiques établies par des
institutions de droit privé. L'exclusion de la voie juridictionnelle dans ce
domaine constitue donc une violation de l'art. 6 par. 1 CEDH et de l'art. 30
al. 1 Cst. Ces dispositions confèrent aux assurés le droit de s'adresser à un
tribunal qui doit être en mesure de contrôler, sur le vu de la comptabilité
de l'assureur-maladie, si les principes de l'égalité de traitement, de
l'équivalence et de la couverture des frais ont été respectés.

3.
3.1 Selon l'art. 6 par. 1, première phrase, CEDH, toute personne a droit à ce
que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère
civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée
contre elle.

3.2 La jurisprudence et la doctrine consacrent le principe de la primauté du
droit international sur le droit interne (ATF 125 II 425, 122 II 239 consid.
4e, 487 consid. 3a, 119 V 177 consid. 4a, et les arrêts cités;
Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. I, p. 649 ss;
Haefliger/Schürmann, Die Europäische Menschenrechtskonvention und die
Schweiz, 2ème éd., Berne 1999, p. 39 et les références de doctrine). Ce
principe découle de la nature même de la règle internationale,
hiérarchiquement supérieure à toute règle interne (ATF 122 II 487 consid.
3a). Il en résulte que le juge ne peut pas appliquer une loi fédérale qui
violerait un droit fondamental consacré par une convention internationale
(ATF 125 II 425, 119 V 178 consid. 4b, et les références;
Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., p. 653; Haefliger/Schürmann, op. cit.,
p. 41).

3.3 L'art. 6 par. 1 CEDH est applicable notamment en cas de contestations sur
des droits et obligations « de caractère civil ». Selon la notion large
consacrée par la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme [ACEDH] Schuler-Zgraggen, du 24 juin 1993,
Série A, vol. 263), cette notion comprend les litiges concernant tous les
régimes fédéraux d'assurances sociales en Suisse, en matière aussi bien de
prestations (ATF 122 V 50 consid. 2a, 120 V 6, 119 V 379) que de cotisations,
singulièrement de primes d'assurance-maladie (ATF 121 V 111 consid. 3a).

Encore faut-il que la contestation porte sur des droits ou des obligations
reconnus par la législation interne (Haefliger/Schürmann, op. cit., p. 135;
Pettiti/Decaux/Imbert, La Convention européenne des droits de l'homme,
Commentaire article par article, Paris 1995, p. 250). En l'occurrence, il est
indéniable que le paiement des primes de l'assurance-maladie obligatoire
repose sur une obligation découlant du droit fédéral (art. 61 LAMal; art. 89
ss OAMal).

4.
Vu ce qui précède, le point litigieux est celui de savoir si l'art. 129 al. 1
let. b OJ viole un droit garanti par l'art. 6 par. 1 CEDH. En d'autres
termes, cette disposition confère-t-elle à un assuré touché par une décision
prise en application d'un tarif des primes de l'assurance-maladie obligatoire
le droit de faire examiner par une autorité juridictionnelle la validité de
la clause tarifaire en question et, le cas échéant, dans quelle mesure ?
4.1 Selon la jurisprudence des organes de Strasbourg, la CEDH a pour but de
protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et
effectifs (ACEDH Airey, du 9 octobre 1979, Série A, vol. 32 par. 24; ACEDH
Artico, du 13 mai 1980, Série A, vol. 37 par. 33). Aussi, l'art. 6 par. 1
CEDH consacre-t-il d'abord le droit d'accès au juge (ACEDH Golder, du 21
février 1975, Série A, vol. 18 par. 35).

Toutefois, ce droit n'est pas absolu. Selon la jurisprudence de la Cour
européenne, il doit faire l'objet d'une réglementation par l'Etat, laquelle
peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des ressources de la
communauté et des besoins des individus. Par « ressources de la communauté »,
il faut entendre notamment l'assistance judiciaire qui est soumise à des
règles budgétaires et par « besoins des individus » les limitations relatives
à l'accès aux tribunaux des mineurs et des aliénés, qu'il faut protéger.
Malgré la marge d'appréciation dont ils jouissent, les Etats ne peuvent
restreindre le droit d'accès au juge d'une manière ou à un point tels que le
droit s'en trouve atteint dans sa substance. En outre, des limitations ne
sont admissibles au regard de l'art. 6 par. 1 CEDH que si elles visent un but
légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les
moyens et le but visé (ACEDH Ashingdane, du 28 mai 1985, Série A, vol. 93
par. 57; ACEDH Golder, du 21 février 1975, déjà cité).

4.2 En l'occurrence, force est de constater qu'un contrôle juridictionnel
étendu à la validité d'une clause tarifaire particulière de
l'assurance-maladie obligatoire est susceptible d'entraîner une augmentation
importante du nombre des recours. En outre, une telle solution se heurte au
fait que des tarifs ne se prêtent pas aisément à un contrôle juridictionnel
(cf. Robert Nyffeler, Les primes de l'assurance-maladie ne peuvent pas être
contestées, in : Sécurité sociale, 2002 n° 6 p. 365), ce qui est de nature à
entraîner une augmentation importante de la charge de travail des tribunaux.

Ces considérations méritent d'être prises en compte. Toutefois, sur le vu de
la jurisprudence restrictive de la Cour européenne des droits de l'homme,
elles n'apparaissent pas suffisantes pour soustraire la validité d'une clause
tarifaire de l'assurance-maladie obligatoire à tout contrôle juridictionnel
lorsqu'un assuré est touché par une décision prise en application de cette
clause dans une situation concrète.

4.3 Dans son projet de loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le Conseil
fédéral a proposé à l'art. 78 al. 1 que les décisions prises dans certaines
matières (par exemple la sûreté intérieure ou extérieure, les marchés
publics, etc.) soient soustraites au contrôle du Tribunal fédéral dans le
cadre du recours en matière de droit public. Cette disposition ne contient
toutefois pas d'exclusion analogue à l'art. 129 al. 1 let. b OJ. Certaines
parties consultées ayant proposé d'exclure explicitement les décisions
portant sur des tarifs (cf. Message du Conseil fédéral concernant la révision
totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001 [FF 2001
4074]), le Conseil fédéral a justifié l'abandon de l'exception contenue à
l'art. 129 al. 1 let. b OJ au motif que cette exception a un caractère
uniquement déclaratoire, dans la mesure où elle concerne des actes qui ne
sont pas des décisions, les actes d'approbation d'actes normatifs ayant en
effet eux-mêmes un caractère normatif (FF 2001 4120).

Ces considérations ne sont toutefois pas pertinentes dans le cas d'espèce. En
effet, le litige ne concerne pas une décision de l'OFAS prise dans le cadre
de la procédure d'approbation des tarifs des primes de l'assurance
obligatoire des soins (art. 61 al. 4 [depuis le 1er juin 2002 art. 61 al. 5]
LAMal, art. 92 OAMal), mais porte sur le point de savoir si un assuré touché
par une décision prise en application d'un tarif des primes de
l'assurance-maladie obligatoire dans une situation concrète peut exiger du
juge qu'il examine la validité de la clause tarifaire en question. A cet
égard, force est de constater que le projet de LTF ne contient pas de norme
équivalant à l'art. 129 al. 1 let. b OJ actuel.

5.
5.1 Le droit d'accès au juge consacré à l'art. 6 par. 1 CEDH commande
notamment que le tribunal soit apte à décider, c'est-à-dire à « trancher, sur
la base de normes de droit et à l'issue d'une procédure organisée, toute
question relevant de sa compétence » (ACEDH Belilos, du 29 avril 1998, Série
A, vol. 132 par. 64). Une fois admis que la validité d'une clause tarifaire
de l'assurance-maladie obligatoire ne peut être soustraite à tout contrôle
juridictionnel, il n'apparaît toutefois pas contraire à l'art. 6 par. 1 CEDH,
compte tenu de la marge d'appréciation dont disposent les Etats contractants
(cf. en matière fiscale, ACEDH National & Provincial Building Society du 23
octobre 1997, Recueil 1997-VII, p. 2325), de restreindre le pouvoir d'examen
du juge appelé à statuer sur la validité d'une clause tarifaire particulière
en tant que telle.

5.2 Cela étant, il n'y a pas lieu de revenir sur la jurisprudence selon
laquelle le recours de droit administratif est irrecevable contre des
décisions qui ont pour objet l'établissement ou l'approbation d'un tarif dans
son ensemble ou lorsqu'il vise directement des clauses tarifaires
particulières en tant que telles. En revanche, il convient de déterminer le
pouvoir d'examen du juge, lorsque le recours est dirigé contre une décision
prise en application d'une clause tarifaire de l'assurance-maladie
obligatoire dans une situation concrète.
Dans ses déterminations sur le recours, l'OFAS soutient que le Tribunal
fédéral des assurances doit se limiter à examiner si l'assuré a été classé
correctement dans la région de prime déterminante et dans la classe d'âge
correspondante, ou encore si le tarif approuvé par l'OFAS, la franchise et
les rabais ont été appliqués correctement à l'intéressé.

5.2.1 Dans un arrêt RAMA 1989 n° K 821 p. 336, concernant une affaire tombant
sous le coup de la LAMA, le Tribunal fédéral des assurances a considéré que
le juge a, dans tous les cas, le pouvoir de contrôler si la clause tarifaire
déterminante a été appliquée et si elle l'a été correctement.

A cet effet, il peut vérifier si les règles légales de la LAMA concernant la
fixation des tarifs de cotisations ont été respectées et si la disposition
tarifaire en cause ne viole pas le principe de l'égalité de traitement, pour
autant que la loi ne prévoie pas explicitement des différences de traitement.
Le cas échéant, le contrôle porte essentiellement sur le point de savoir si
un assuré, dans un groupe de risques autorisé par la loi, a droit, pour les
mêmes cotisations, à des prestations moins élevées que d'autres assurés du
même groupe ou si, pour les mêmes prestations, il doit payer des cotisations
plus élevées que d'autres assurés du même groupe, et cela sans qu'un motif
relevant de la technique d'assurance le justifie et sans que la loi prévoie
de différence de traitement (RAMA 1989 n° K 821 p. 338 consid. 1b/aa).

Dans le même arrêt, le Tribunal a relevé que les cotisations ne peuvent faire
l'objet d'un contrôle de l'opportunité que dans une mesure très limitée. En
particulier, le juge n'a pas le pouvoir d'examiner si la cotisation exigée
correspond au risque spécifique présenté par chaque assuré pris
individuellement. Le seul point pouvant faire l'objet d'un contrôle
judiciaire est bien plutôt celui de savoir si, au sein d'un même groupe de
risques - tels ceux que l'on rencontre dans la pratique et qui sont autorisés
par la loi - les cotisations sont raisonnablement proportionnées aux
prestations (principe de l'équivalence). La fixation des cotisations est
fondée toutefois essentiellement sur des prévisions, de sorte que, compte
tenu de la liberté d'appréciation dont jouit l'administration, d'une part, et
de la relative insécurité des prévisions effectuées, d'autre part, elle ne
saurait être remise en cause qu'en cas d'arbitraire.

En résumé, le Tribunal a considéré que le juge peut uniquement effectuer un
contrôle de l'opportunité lorsque, s'agissant d'un groupe de risques
déterminé, il existe une disproportion évidente entre les charges et les
cotisations exigées et que des prestations de solidarité ne sont pas
exigibles de la part des assurés concernés ou, à tout le moins, pas dans une
telle mesure. En d'autres termes, le contrôle judiciaire peut s'exercer
uniquement en cas de violation du principe de proportionnalité (RAMA 1989 n°
K 821 p. 338 s. consid. 1 b/bb).

5.2.2 Sous l'empire de la LAMal, le principe de l'équivalence ne joue
pratiquement plus aucun rôle, puisque désormais les prestations légales sont
les mêmes pour les différents assureurs (art. 34 al. 1 LAMal) et qu'en règle
générale, les assurés affiliés à un même assureur-maladie s'acquittent d'un
même montant des primes (art. 76 al. 1 LAMal; Gebhard Eugster,
Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR] p.
28, note de bas de page 104). Dès lors, il paraît opportun de s'écarter des
principes développés sous l'empire de la LAMA (ATF 112 V 287 s. consid. 3 et
295 consid. 3b; RAMA 1989 n° K 821 p. 338 s. consid. 1b). Il convient bien
plutôt de considérer que l'échelonnement d'un tarif des primes ne repose pas
exclusivement sur la valeur de la prestation assurée mais procède également
d'autres critères - d'ordre social, politique ou technique - qui sont, dans
certaines circonstances, difficilement accessibles au simple citoyen (ATF 116
V 133 consid. 2a et les références, cf. aussi Stephan Bernhard, Primes
d'assurance-maladie 1996 - vérification et approbation par l'OFAS, in :
Sécurité sociale 1996 p. 32 s.; Rudolf Gilli, Augmentation des primes ne
signifie pas nécessairement recettes supplémentaires : principes de la
détermination des primes, in : infosantésuisse, 11/2002, p. 17; Veränderungen
im Bereich der Prämiengenehmigung aufgrund des KVG : Schlussbericht, in :
Beiträge zur Sozialen Sicherheit, Forschungsbericht Nr. 23/03; L'OFAS doit se
concentrer sur la solvabilité des assureurs : analyse et recommandations
relatives à l'approbation des primes, in : infosantésuisse, 3/2004 p. 13).
Etant donné l'autonomie des assureurs dans la fixation des primes (art. 61
al. 1 LAMal), ainsi que la liberté d'appréciation étendue de l'Office fédéral
de la santé publique (autrefois, l'OFAS) dans l'approbation des tarifs des
primes (art. 61 al. 5 LAMal [jusqu'au 31 mai 2002 art. 61 al. 4 LAMal]; art.
92 OAMal) et du Conseil fédéral en tant qu'autorité de recours interne à
l'administration (décision du Conseil fédéral du 22 octobre 1997 dans la
cause S. Gesundheitsorganisation contre Département fédéral de l'Intérieur et
OFAS, in : RAMA 1997 n° KV 18 p. 420 consid. 7.2), il ne convient pas que
l'autorité juridictionnelle appelée à trancher un cas concret puisse, d'une
manière indirecte, substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité
administrative. Aussi, le juge est-il appelé à faire preuve d'une grande
retenue lors du contrôle d'une décision prise en application d'une clause
tarifaire dans une situation concrète. Dans un arrêt ATF 125 V 21, le
Tribunal fédéral des assurances a défini la retenue dont le juge doit faire
preuve dans un litige en matière de liste des prestations obligatoirement à
la charge de l'assurance. Il a considéré que le juge, lors du contrôle de la
légalité de dispositions d'application prises par l'autorité administrative,
est en principe habilité à examiner le contenu d'une liste de maladies à
prendre en considération ou de prestations; du moment que l'établissement de
telles listes requiert le concours de commissions consultatives de
spécialistes, le Tribunal fédéral des assurances ne dispose pas des
connaissances nécessaires pour se faire une opinion sur la question sans
recourir à l'avis d'experts. Le Tribunal en déduit qu'il n'y a, en principe,
plus de place pour un examen mené en parallèle par la voie judiciaire lorsque
se pose la question des conditions d'admission dans des domaines médicaux
complexes (ATF 125 V 30 s. consid. 6a).

5.3 Vu ce qui précède, on ne saurait partager le point de vue de l'OFAS,
selon lequel le Tribunal fédéral des assurances doit se limiter à examiner si
l'assuré a été classé correctement dans la région de prime déterminante et
dans la classe d'âge correspondante, ou encore si le tarif approuvé par
l'OFAS, la franchise et les rabais ont été appliqués correctement à
l'intéressé. Dans le cadre du contrôle de la légalité de la clause en
question, il doit bien plutôt examiner si celle-ci est conforme au système de
la répartition des dépenses (art. 60 al. 1 LAMal) et au principe du
financement autonome de l'assurance obligatoire des soins (art. 60 al. 2 et 3
LAMal). En particulier, il lui incombe de vérifier si la clause contestée
repose, en ce qui concerne les charges et les produits, sur une comptabilité
distincte pour l'assurance-maladie sociale et, dans ce cadre, une
comptabilité séparée pour l'assurance obligatoire ordinaire des soins, pour
les formes particulières d'assurance au sens de l'art. 62 LAMal et pour
l'assurance d'indemnités journalières (art. 81 al. 1 OAMal). L'exigence d'une
comptabilité distincte doit être contrôlée également en ce qui concerne les
frais d'administration (art. 84 OAMal).

Appelé dans un cas particulier à se prononcer sur la légalité d'une position
d'un tarif des primes de l'assurance-maladie obligatoire, le juge des
assurances sociales devra faire appel à des spécialistes des organes de
fixation et d'approbation des tarifs de primes. Au demeurant, il faut tenir
compte d'une autre particularité propre aux litiges en matière de tarifs de
primes de l'assurance-maladie : la production des comptes des assureurs peut
poser des problèmes procéduraux très délicats au regard des droits des
parties (droit de l'assuré de consulter les pièces, d'en effectuer des
copies) ou du droit au secret des affaires (le risque étant que la
comptabilité d'un assureur se retrouve chez un concurrent). C'est pourquoi la
plupart des questions auxquelles le juge pourrait être amené à donner des
réponses dans le cadre du contrôle qui lui incombe peuvent s'appuyer sur le
témoignage (écrit ou oral) de l'organe de révision (art. 86 OAMal), dont
l'indépendance est présumée de par la loi.

5.4 La limitation du pouvoir d'examen du juge appelé à examiner la validité
d'une décision prise en application d'une clause tarifaire de
l'assurance-maladie obligatoire dans une situation concrète n'apparaît pas
contraire au droit d'accès au juge consacré à l'art. 6 par. 1 CEDH. Cette
disposition pose seulement l'exigence qu'un administré puisse faire valoir
ses droits devant une juridiction apte à connaître des questions aussi bien
de droit que de fait. Le juge doit pouvoir corriger d'éventuelles erreurs de
droit et de fait, ainsi qu'examiner la cause sous l'angle de la
proportionnalité. En revanche, la jurisprudence des organes de la CEDH
n'exige pas que la juridiction saisie ait un plein pouvoir d'appréciation
(Mark E. Villiger, Handbuch der Europäischen Menschenrechtskonvention (EMRK),
unter besonderer Berücksichtigung der schweizerischen Rechtslage, 2ème
édition, Zurich 1999, p. 271 ch. 427). Certes, le contrôle judiciaire doit
être effectif (Meyer-Blaser, Die Bedeutung von Art. 4 Bundessverfassung für
das Sozialversicherungsrecht, in : RDS 111/1992 II/3, p. 459 ch. 9), mais le
juge ne doit pas substituer son pouvoir d'appréciation à celui de
l'administration, ce qui aurait pour conséquence de détourner l'art. 6 par. 1
CEDH de son but (Heiner Wohlfart, Anforderungen der Art. 6 Abs. 1 EMRK und
Art. 98a OG an die kantonalen Verwaltungsrechtspflegegesetze, in : AJP/PJA
1995 p. 1430).

6.
6.1 En l'espèce, le recours de droit administratif, dirigé contre une décision
prise en application d'un tarif dans une situation concrète, est recevable.

6.2 La juridiction cantonale a rejeté le recours de l'assuré en tant qu'il
était recevable. Elle l'a jugé irrecevable, dans la mesure où il tendait à
obtenir du juge qu'il examinât la validité de la clause tarifaire sur
laquelle reposait la décision de primes du 23 février 2001. Elle l'a
considéré comme mal fondé, dans la mesure où la décision attaquée reposait
sur un classement correct de l'intéressé dans la région de prime déterminante
et dans la classe d'âge correspondante, ainsi que sur une application exacte
de la franchise choisie.

Dans son recours de droit administratif, l'assuré ne conteste pas son
classement dans le tarif des primes selon les différents critères objectifs
ci-dessus exposés, mais reproche à la juridiction cantonale de ne pas être
entrée en matière sur ses conclusions à mesure qu'elles tendaient au contrôle
par le juge de la validité de la clause tarifaire contestée. Il convient donc
de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle entre en matière
sur les griefs soulevés par l'intéressé et qu'elle en examine le bien-fondé
au regard des principes exposés au considérant 5.

7.
Le litige ne concernant pas l'octroi ou le refus de prestations d'assurance,
la procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario). L'intimée, qui
succombe, supportera les frais de la cause.

Par ailleurs, les conditions auxquelles un avocat qui agit dans sa propre
cause a droit exceptionnellement à une indemnité de dépens (ATF 110 V 134 s.
consid. 4d) ne sont pas réalisées en l'occurrence.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal administratif du
canton de Genève du 11 mars 2003 est annulé, la cause étant renvoyée audit
tribunal pour qu'il statue à nouveau en procédant conformément aux
considérants.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de
l'intimée. L'avance de frais versée par le recourant, d'un même montant, lui
est restituée.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé
publique.

Lucerne, le 1er février 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   Le Greffier: