Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen K 103/2003
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K 103/03

Arrêt du 14 septembre 2004
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Meyer, Ursprung et
Kernen. Greffière : Mme Moser-Szeless

CONCORDIA Assurance suisse de maladie et accidents, Bundesplatz 15, 6003
Lucerne, recourante,

contre

Me Laurent Besso, notaire, en sa qualité d'exécuteur testamentaire des hoirs
de W.________, avenue du Théâtre 7, 1005 Lausanne, intimé, représenté par Me
Jean-Samuel Leuba, avocat, Galerie St-François A, 1002 Lausanne,

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 30 juin 2003)

Faits:

A.
W.  ________, né en 1945, était assuré auprès de la Concordia, Assurance
suisse de maladie et accidents (ci-après : la caisse) notamment pour
l'assurance obligatoire des soins et l'assurance des soins complémentaires
(Diversa et Natura).

Atteint d'un adénocarcinome du cardia et présentant un status après
oesogastrectomie polaire supérieure (mars 1999) suivi de trois cycles de
Cisplatine-5FU, ainsi qu'une récidive métastatique ganglionnaire et pleurale
au niveau thoracique avec épanchements pleuro-bilatéraux, un traitement de
chimiothérapie associant le Taxotere et le Paraplatin lui a été prescrit par
son médecin traitant, le docteur T.________, dès le 15 octobre 2001.

Après un échange de correspondances avec l'assuré, respectivement son médecin
traitant, la caisse a refusé de prendre en charge le Taxotere et le
Paraplatin, par décision du 8 avril 2002, au motif que ces médicaments
avaient été prescrits pour des indications non enre gistrées auprès de
l'organe de contrôle des médicaments, Swissmedic.

W.  ________ s'est opposé à cette décision, en produisant un rapport (du 30
avril 2002) du Professeur L.________, médecin-chef de la Fondation du centre
pluridisciplinaire d'oncologie, selon lequel l'association des
chimiothérapies utilisée chez l'assuré avait non seulement été utile pour ce
dernier, mais était également, de manière générale, extrêmement efficace pour
le type de maladie dont il souffrait. L'assuré a également transmis à la
caisse l'avis de l'Ombudsman de l'assurance-maladie sociale (du 2 mai 2002),
selon lequel dès lors que les deux médicaments en question figuraient sur la
liste des spécialités sans limitation, la caisse était tenue d'en assumer le
remboursement.

La caisse a confirmé son point de vue par décision sur opposition du 2
juillet 2002.

B.
W. ________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton de
Vaud. Il est décédé en septembre 2002.

Après avoir entendu les docteurs T.________ et L.________ (audience
d'instruction du 15 mai 2003), le tribunal a admis le recours en ce sens que
la caisse est tenue de prendre en charge l'intégralité des frais des
médicaments en cause.

C.
La caisse interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens, à la
confirmation de sa décision sur opposition du 2 juillet 2002.

Me Laurent Besso, exécuteur testamentaire de feu W.________, conclut au rejet
du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales, Division
Maladie et accidents (intégrée, depuis le 1er janvier 2004, à l'Office
fédéral de la santé publique) en propose l'admission.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA) du 6
octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 2 juillet
2002 (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les arrêts cités).

2.
2.1 Selon l'art. 25 LAMal, l'assurance obligatoire de soins prend en charge
les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une
maladie et ses séquelles (al. 1). Ces prestations comprennent notamment les
médicaments prescrits par un médecin (al. 2 let. b). Conformément à l'art. 34
al. 1 LAMal, les assureurs ne peuvent pas prendre en charge, au titre de
l'assurance obligatoire des soins, d'autres coûts que ceux des prestations
prévues aux art. 25 à 33.

2.2  Les prestations mentionnées à l'art. 25 LAMal doivent être efficaces,
appropriées et économiques; l'efficacité doit être démontrée selon des
méthodes scientifiques (art. 32 al. 1 LAMal). Une prestation est efficace
lorsqu'on peut objectivement en attendre le résultat thérapeutique visé par
le traitement de la maladie, à savoir la suppression la plus complète
possible de l'atteinte à la santé somatique ou psychique (ATF 128 V 165
consid. 5c/aa; RAMA 2000 n° KV 132 p. 281 consid. 2b). La question de son
caractère approprié s'apprécie en fonction du bénéfice diagnostique ou
thérapeutique de l'application dans le cas particulier, en tenant compte des
risques qui y sont liés au regard du but thérapeutique (ATF 127 V 146 consid.
5). Le caractère approprié relève en principe de critères médicaux et se
confond avec la question de l'indication médicale: lorsque l'indication
médicale est clairement établie, le caractère approprié de la prestation
l'est également (ATF 125 V 99 consid. 4a; RAMA 2000 n° KV 132 p. 282 consid.
2c). Le critère de l'économicité concerne le rapport entre les coûts et le
bénéfice de la mesure, lorsque dans le cas concret différentes formes et/ou
méthodes de traitement efficaces et appropriées entrent en ligne de compte
pour combattre une maladie (ATF 127 V 146 consid. 5; RAMA 2004 n° KV 272 p.
111 consid. 3.1.2).

3.
3.1 Conformément à l'art. 52 al. 1 let. b LAMal (en corrélation avec les art.
34 et 37e OAMal), l'office, après avoir consulté la Commission fédérale des
médicaments et conformément aux principes des art. 32 al. 1 et 43 al. 6
LAMal, établit une liste, avec des prix, des préparations pharmaceutiques et
des médicaments confectionnés (liste des spécialités); celle-ci doit
également comprendre les génériques meilleur marché qui sont interchangeables
avec les préparations originales. Aux termes de l'art. 73 OAMal, l'admission
dans une liste peut être assortie d'une limitation; celle-ci peut notamment
se rapporter à la quantité ou aux indications médicales. De telles
limitations constituent des instruments de contrôle de l'économicité et non
pas une forme de rationalisation des prestations (RAMA 2001 n° KV 158 p. 158
consid. 2d; Eugster, Krankenversicherung, in : Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, p. 101, n. 436). Elles ont
également pour but d'exclure ou de limiter la possibilité d'utiliser de
manière abusive des médicaments de la liste des spécialités (ATF 129 V 42
consid. 5.2 in fine; RAMA 2004 n° KV 272 p. 113 consid. 3.3.1; cf. aussi ATF
128 V 167 consid. 5c/bb/bbb).

3.2  Parmi les dispositions d'exécution formelles et matérielles édictées par
le Conseil fédéral aux art. 64 ss OAMal, respectivement le Département (fondé
sur les art. 65 al. 3 et 75 OAMal) aux art. 30 ss OPAS (dans leur teneur en
vigueur à partir du 1er juillet 2002), en rapport avec la liste des
spécialités, l'art. 65 OAMal (dans sa teneur en vigueur à partir du 1er
juillet 2002, adapté formellement aux changements survenus avec l'entrée en
vigueur, le 1er janvier 2002, de la loi sur les produits thérapeutiques
[LPTh; RS 812.21]; en particulier, reprise de l'Office intercantonal de
contrôle des médicaments [OICM] par Swissmedic, Institut suisse des produits
thérapeutiques, art. 91 LPTh) prévoit les conditions d'admission d'un
médicament prêt à l'emploi dans la liste des spécialités. Un médicament peut
être admis dans la liste des spécialités s'il dispose d'une autorisation
valable de Swissmedic (art. 65 al. 1 OAMal).

3.2.1  La loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux vise à
garantir la mise sur le marché de produits thérapeutiques de qualité, sûrs et
efficaces, en vue de protéger la santé de l'être humain et des animaux (art.
1 al. 1). Sous réserve des dispenses prévues à l'art. 9 al. 2 LPTh, tout
médicament doit avoir été autorisé par Swissmedic pour pouvoir être mis sur
le marché en Suisse (art. 9 al. 1 LPTh). Quiconque sollicite l'autorisation
de mise sur le marché d'un médicament doit apporter la preuve que le
médicament est de qualité, sûr et efficace (art. 10 al. 1 let. a LPTh). Un
médicament ne sera pas autorisé s'il ressort du dossier qu'il présente un
rapport bénéfice-risque négatif lors de l'usage auquel il est destiné, s'il
n'a pas l'efficacité thérapeutique voulue ou si celle-ci n'est pas
suffisamment prouvée, ou encore si sa composition ne correspond pas à celle
qui est indiquée (message concernant une loi fédérale sur les médicaments et
les dispositifs médicaux du 1er mars 1999, FF 1999 IV 3151 ss, 3193).

Selon l'art. 11 al. 1 LPTh, la demande d'autorisation de mise sur le marché
doit comporter, entre autres documents, la désignation du médicament (let.
a), les effets thérapeutiques et les effets indésirables (let. e), ainsi que
l'étiquetage, l'information, le mode de remise et le mode d'administration
(let. f). Parmi les exigences relatives à l'information destinée aux
professionnels, soit aux personnes habilitées à prescrire, à remettre ou à
utiliser des médicaments à usage humain (art. 13 de l'ordonnance sur les
exigences relatives aux médicaments [OEMéd; RS 812.212.22]), le requérant
doit mentionner les indications et possibilités d'emploi du médicament (art.
3 de l'annexe 4 à l'OEMéd). La notice destinée aux professions médicales est
en règle générale publiée dans le Compendium suisse des médicaments (voir
art. 2 de l'annexe 4 à l'OEMéd et ch. 331.3 des Instructions de l'OFAS
concernant la liste des spécialités).

Swissmedic communique au requérant un préavis sur l'issue favorable de
l'examen du médicament sous l'angle médical (art. 6 de l'ordonnance sur les
médicaments [OMéd; RS 812.212.21]), avant d'autoriser la mise d'un médicament
sur le marché si les conditions sont remplies (art. 16 al. 1 LPTh); l'avis de
décision comprend notamment un document récapitulant les principaux aspects
matériels et juridiques de l'autorisation (récapitulation des
caractéristiques du produit; art. 7 al. 1 OMéd). Lorsque, par la suite, le
titulaire de l'autorisation de mise sur le marché entend modifier
l'information professionnelle ou une indication ou adjonction de données, il
doit requérir l'approbation de Swissmedic (art. 2 al. 1 let. 3 et 4 de
l'annexe 7 à l'OEMéd; art. 22a OEMéd; art. 10 al. 1 OMéd).

3.2.2  Il ressort du système d'autorisation de mise sur le marché d'un
médicament que l'admission de celui-ci se rapporte toujours à des indications
médicales précises. L'exigence d'un lien entre le médicament et une
application concrète et déterminée de celui-ci est inhérente au système de
l'autorisation, puisqu'un médicament est, par définition, destiné à agir
médicalement sur l'organisme humain et sert à diagnostiquer, à prévenir ou à
traiter des maladies, des blessures et des handicaps (art. 4 al. 1 let. a
LPTh). En plus de la qualité du médicament, une autre des conditions de
l'autorisation est l'efficacité du produit thérapeutique (art. 10 al. 1 let.
a LPTh), soit sa capacité à atteindre le résultat thérapeutique visé par
rapport à une maladie déterminée. La mise sur le marché d'un médicament n'est
donc autorisée qu'en relation avec les maladies pour le diagnostic, la
prévention ou le traitement desquelles le requérant a apporté la preuve que
le médicament était efficace. Si le requérant entend par la suite étendre le
champ d'application du médicament au bénéfice d'une autorisation à d'autres
indications, il doit en faire la demande. Les indications pour lesquelles le
médicament a été autorisé sont mentionnées dans la notice destinée aux
professions médicales et approuvée par Swissmedic. Elles font également
l'objet du préavis délivré par Swissmedic précisant l'autorisation que cet
institut entend donner, ainsi que les indications et les dosages qui seront
autorisés. La notice et le préavis font partie des documents qui doivent par
la suite être présentés à l'OFAS avec la demande d'admission du médicament
dans la liste des spécialités (art. 30a al. 1 let. a et b OPAS).

3.3  L'autorisation de Swissmedic constitue une première condition
d'admission
du médicament dans la liste des spécialités, nécessaire mais pas suffisante.
En soi, elle ne fonde en effet pas un droit à ce que le médicament en
question figure dans la liste, pas plus que l'autorisation pour une
indication supplémentaire n'a pour effet une modification obligatoire de la
liste par l'OFAS (RAMA 2001 n° KV 158 p. 160 consid. 5b et l'arrêt cité).

3.3.1  En effet, pour être admis dans la liste, les médicaments prêts à
l'emploi doivent répondre aux exigences de la loi, soit être efficaces,
appropriés et économiques (art. 65 al. 2 OAMal; art. 30 al. 1 let. a et 32 ss
OPAS; pour les autres conditions, voir l'art. 65 al. 6 et les art. 30 ss
OPAS), ces notions étant précisées pour les médicaments aux art. 32 ss OPAS.
En particulier, selon les art. 32 et 33 al. 2 OPAS, pour juger de
l'efficacité d'un médicament et de sa valeur thérapeutique, l'OFAS s'appuie
sur les documents qui ont fondé l'autorisation accordée par l'Institut suisse
des produits thérapeutiques. A cet égard, la demande d'admission dans la
liste doit notamment contenir le préavis délivré par Swissmedic précisant
l'autorisation qu'il entend donner, les indications et les dosages qui seront
autorisés (art. 30a al. 1 let. a OPAS), la notice destinée aux professions
médicales qui a été fournie à Swissmedic (art. 30a al. 1 let. b OPAS; cf.
ci-avant consid. 3.2.1), ainsi que le résumé de la documentation sur les
études cliniques qui a été fournie à Swissmedic (art. 30a al. 1 let. d OPAS).
Avant d'admettre un médicament dans la liste des spécialités, l'OFAS soumet
en règle générale les demandes à la Commission fédérale des médicaments,
composée, entre autres membres, d'experts scientifiques, de médecins et de
pharmaciens, qui le conseille pour l'établissement de la liste (art. 37e
OAMal, 31 al. 1 OPAS).

3.3.2  L'examen de l'OFAS est ainsi fondé principalement sur l'autorisation
délivrée par Swissmedic et les documents sur la base desquels celui-ci a
accordé l'autorisation de mise sur le marché; les données relatives aux
indications médicales et les dosages autorisés du médicament en sont
inséparables. L'examen de l'efficacité, du caractère approprié et de
l'économicité d'un médicament s'effectue dès lors toujours concrètement par
rapport à l'effet et à la valeur thérapeutique d'un médicament pour le
traitement d'une symptomatologie déterminée, et non pas dans l'abstrait. De
même, lorsqu'il examine l'exigence du caractère économique du médicament en
cause, l'OFAS doit, notamment, prendre en compte son efficacité thérapeutique
par rapport à d'autres médicaments dont les indications sont identiques ou
les effets similaires et son coût par jour ou par traitement par rapport à
ceux des médicaments dont les indications sont identiques ou similaires (art.
34 al. 2 let. b et c OPAS). L'équivalence thérapeutique des médicaments à
comparer est également appréciée dans un cadre très précis, soit par rapport
à des indications médicales ou des effets déterminés, qui doivent être
similaires à ceux du produit en cause.

3.4  La liste des spécialités a un caractère à la fois exhaustif et
contraignant (cf. ATF 128 V 161 consid. 3b/bb). D'une part, les coûts des
médicaments qui ne sont pas mentionnés dans la liste ne doivent en principe
pas être pris en charge par l'assurance obligatoire des soins (RAMA 2004 n°
KV 272 p. 112 consid. 3.2.1 et l'arrêt cité; SVR 2004 KV n° 9 p. 30 consid.

4.2 , non publié dans la RAMA 2004 n° KV 260 p. 299). D'autre part, au regard
du système de listes déduit de l'art. 34 al. 1 LAMal (cf. à ce sujet, ATF 125
V 29 consid. 5b; RAMA 2002 n° KV 196 p. 9 consid. 3b/cc, 2001 n° KV 158 p.
159 consid. 4b et les références), la liste des spécialités contient une
énumération exhaustive des différentes positions. Ainsi, lorsqu'un médicament
est inclus dans la liste des spécialités avec une limitation de son
utilisation à des indications déterminées, on ne saurait admettre un devoir
de prester par un raisonnement analogique si le médicament est prescrit en
vue d'autres indications que celles figurant dans la liste, à moins que
celle-ci ne prévoie - par l'emploi du terme «etc.» - la possibilité d'un
complément par les autorités d'application (ATF 125 V 30 consid. 6a; cf. RAMA
2002 n° KV 196 p. 11 consid. 3c in fine et les références). Un médicament
utilisé pour d'autres indications que celles énoncées, sous forme de
limitation, dans la liste des spécialités doit être considéré comme un
médicament «hors liste» (sous l'empire de la LAMA: ATF 118 V 279 consid. 2b
in fine) et n'est, partant, pas soumis à l'obligation de remboursement de
l'assurance obligatoire des soins (arrêt A. et B. du 17 mars 2003, K 123/02).

4.
La recourante fonde l'essentiel de son argumentation sur le fait que les deux
médicaments en question ont été prescrits à l'assuré pour une indication qui
ne correspond pas à celles pour lesquelles ils ont été  enregistrés auprès de
Swissmedic. Selon elle, un médicament figurant sur la liste des spécialités
sans limitation ne saurait être prescrit pour une indication autre que celle
qui a été approuvée par Swissmedic. Cela découlerait également de la
Directive 03/2 de l'OFAS du 28 janvier 2003, complétée le 28 avril 2003,
selon laquelle, hormis les cas exceptionnels (complexe thérapeutique et
menace pour la vie), un médicament admis en Suisse, mais utilisé en dehors
des indications autorisées par Swissmedic (usage hors étiquette),
constituerait également un médicament hors liste des spécialités.

5.
5.1 Comme l'ont exposé les premiers juges (consid. 5b du jugement entrepris
auquel il convient de renvoyer), le Taxotere et le Paraplatin  figurent tous
deux sans limitation dans la liste des spécialités (groupe 07.16.
Oncologica). Cela ne signifie toutefois pas que toute application possible de
ces produits doive être considérée comme indiquée sous l'angle de
l'efficacité et du caractère approprié et économique, chaque fois et aussitôt
qu'il existe une certaine chance de succès sur la base de constatations
cliniques ou de valeurs d'expérience. Au contraire, il y a lieu de partir du
principe que le Taxotere et le Paraplatin ont été inclus dans la liste des
spécialités pour les indications autorisées par Swissmedic. Pour ces
indications, les produits en question peuvent être considérés comme
efficaces, appropriés et économiques (cf. RAMA 2004 n° KV 272 p. 117 consid.

4.3.1.1 ) et doivent en conséquence être remboursés par l'assurance
obligatoire des soins. En effet, avant d'admettre ces médicaments dans la
liste des spécialités, l'OFAS, en collaboration avec la Commission fédérale
des médicaments, en a examiné l'efficacité, le caractère approprié et
l'économicité par rapport aux indications et dosage autorisés par Swissmedic,
soit au regard des caractéristiques de ces produits résultant notamment de la
notice destinée aux professions médicales et approuvées par l'institut.

5.2  A l'inverse, la prise en charge de ces médicaments pour des indications
qui ne sont pas couvertes par l'autorisation de Swissmedic, dès lors qu'elles
n'ont pas été examinées lors de leur admission dans la liste des spécialités,
ne doit en principe pas être admise. En effet, il ressort du système
d'admission des médicaments dans la liste des spécialités (voir ci-avant
consid. 3.3), que l'autorisation délivrée par Swissmedic pour l'utilisation
d'un produit pour certaines indications médicales constitue une condition
nécessaire pour l'admission de celui-ci dans la liste. L'examen du caractère
économique et de la valeur thérapeutique du médicament effectué par l'OFAS,
en collaboration avec les spécialistes de la Commission fédérale des
médicaments, au moyen des documents, et donc sur la base des indications
autorisées par Swissmedic, implique que ledit produit ne sera considéré, une
fois admis dans la liste des spécialités, comme efficace, approprié et
économique que pour lesdites indications. Cet examen n'est en effet pas
effectué de manière abstraite, mais toujours par rapport aux caractéristiques
concrètes du médicament; font notamment partie de celles-ci, les indications
médicales pour lesquelles la mise sur le marché a été autorisée parce que
l'efficacité thérapeutique en a été démontrée pour une ou plusieurs
pathologies déterminées.

En outre, si l'OFAS entend assortir l'admission d'un médicament dans la liste
des spécialités d'une limitation quant aux indications médicales (cf. art. 73
OAMal), il ne peut s'agir que d'une limitation par rapport aux indications
thérapeutiques qui ont fondé l'autorisation accordée par Swissmedic et sur
lesquelles a porté son propre examen. En effet, c'est au regard de ces
indications uniquement que le médicament a été estimé suffisamment de
qualité, sûr et efficace, pour pouvoir être mis sur le marché, et non pas
pour un ensemble non défini de maladies. On ne saurait du reste déduire d'une
limitation par rapport à un certain traitement (par exemple, pour les
gonadotrophines et analogues [LS 07.08.10.] : «Non admis pour le traitement
de l'adiposité») que le médicament en question est efficace, approprié et
économique pour tout autre traitement sur lequel la limitation ne porte pas.
La prise en charge du médicament par l'assurance obligatoire des soins ne
peut alors concerner que des traitements et indications en dehors de la
limitation prévue dans la liste, mais pour lesquels sa mise sur le marché a
été autorisée.

Enfin, lorsqu'il examine l'exigence du caractère économique du médicament en
cause, en particulier l'équivalence thérapeutique des médicaments à comparer,
l'OFAS se fonde sur les documents fournis et approuvés lors de la procédure
d'autorisation de mise sur le marché, en particulier la notice destinée aux
professions médicales (voir ch. 331.3 des instructions de l'OFAS). L'examen
du caractère économique d'un médicament se rapporte donc exclusivement aux
indications médicales pour lesquelles le produit en question et les autres
médicaments servant de comparaison ont été autorisés.

5.3  On peut déduire de l'ensemble de ces éléments que l'admission d'un
médicament dans la liste des spécialités ne peut se rapporter qu'aux
indications médicales ayant été examinées au préalable par Swissmedic et pour
lesquelles le produit a été autorisé. L'examen des conditions de
l'efficacité, de l'adéquation et du caractère économique d'un médicament ne
s'effectue en effet pas dans l'abstrait, mais toujours par rapport à une ou
plusieurs indications médicales concrètes, dans le cadre déterminé par
l'autorisation de Swissmedic et la notice destinée aux professionnels; il ne
s'étend pas à d'autres indications médicales n'y figurant pas. Dès lors, un
médicament inclus dans la liste des spécialités, utilisé pour d'autres
indications que celles sur lesquelles portent l'autorisation de Swissmedic et
la notice destinée aux professionnels, doit être considéré comme un
médicament administré «hors étiquette» et n'est, en principe, pas soumis à
l'obligation de remboursement de l'assurance obligatoire des soins.

5.4
5.4.1En l'espèce, le Taxotere est indiqué, en association à la doxorubicine,
pour le traitement du cancer du sein localement avancé ou métastatique
(chimiothérapie en 1ère ligne); en monothérapie dans le traitement du cancer
du sein localement avancé ou métastatique, après échec d'une chimiothérapie
antérieure (chimiothérapie en 2ème ligne); pour le traitement de patients
souffrant d'un carcinome bronchique non à petites cellules (CBNPC) localement
avancé ou métastatique, après échec d'une chimiothérapie antérieure
(Compendium suisse des médicaments, 2003, p. 2634). Quant au Paraplatin, les
indications prévues sont : en monothérapie ou en association dans le
traitement du carcinome ovarien, du carcinome bronchique à petites cellules,
de tumeurs au niveau ORL et du cancer du col de l'utérus; pour les cancers du
domaine ORL, la monothérapie devrait être associée à une radiothérapie; en
cas de cancer de la vessie, Paraplatin est indiqué uniquement en association
avec d'autres cytostatiques (Compendium suisse des médicaments, 2003, p.
2030).

L'intimé était atteint d'un adénocarcinome du cardia, status après
oesogastrectomie polaire supérieure, récidive métastatique ganglionnaire (N1
métastase ganglionnaires périoesophagiennes 4/8 et coeliaques 2/6) et
pleurale au niveau thoracique avec épanchements pleuro-bilatéraux. Après
avoir été traité, à la suite de l'oesogastrectomie, par une chimiothérapie
additionnelle avec deux médicaments conventionnels (Cisplatine et 5FU), il
avait bénéficié d'une rémission jusqu'en octobre 2001. Une récidive
métastatique avait alors été diagnostiquée au niveau de la cage thoracique
avec des adénopathies médiastinales multiples et des épanchements
pleuraux-bilatéraux. Avec l'accord du patient, le médecin traitant avait opté
pour une polychimiothérapie associant docetaxel, carboplatine et 5FU en
perfusion continue plutôt que pour une combinaison paclitaxel, cisplatine et
5FU pour des raisons de meilleure tolérance, un mode d'administration moins
lourd pour le patient et une meilleure économicité (courrier du docteur
T.________ du 25 octobre 2002 au médecin-conseil de la recourante).

5.4.2  Il n'est pas contesté que la pathologie de l'intimé ne correspondait
pas aux indications respectives du Taxodere et du Paraplatin, telles que
mentionnées dans le Compendium suisse des médicaments. La prescription de ces
médicaments par le médecin traitant dans le cadre d'une polychimiothérapie
palliative constituait donc une administration de ces médicaments «hors
étiquette» qui n'est, en principe, pas soumise à l'obligation de
remboursement par l'assurance obligatoire des soins.

6.
6.1  Cela étant, il convient d'examiner s'il existe des exceptions au
principe
du non-remboursement d'un médicament admis dans la liste des spécialités,
mais utilisé «hors étiquette». Le Tribunal fédéral des assurances a déjà
admis, sous l'empire de la LAMA, l'obligation de l'assureur-maladie
d'accorder, à certaines conditions, des prestations pour un traitement avec
un médicament qui n'est pas remboursé par l'assurance obligatoire des soins,
en particulier lorsque ce médicament constitue une mesure préparatoire
indispensable à l'exécution d'une prestation prise en charge par l'assurance
obligatoire des soins («complexe thérapeutique»; RAMA 1998 n° KV 991 p. 305
consid. 3). En dehors de cette exception, qui peut être appliquée au régime
de la LAMal et en particulier au remboursement d'un médicament utilisé hors
étiquette lorsqu'il existe un lien étroit avec une prestation de l'assurance
obligatoire des soins dans le cadre d'un complexe thérapeutique, il faut
reconnaître une seconde exception, à l'instar de ce que préconise l'OFAS. Il
existe des situations dans lesquelles il apparaît nécessaire de prescrire un
médicament figurant dans la liste des spécialités pour une indication autre
que celles pour lesquelles il a été autorisé, lorsqu'une maladie entraînant
une menace pour la vie du patient ou une atteinte à sa santé grave et
chronique ne pourrait pas être traitée autrement de manière efficace, par
manque d'alternatives thérapeutiques. Le médicament ne pourra toutefois être
administré à charge de l'assurance obligatoire des soins que s'il existe des
raisons sérieuses pour admettre que le produit en question présente une
utilité thérapeutique importante (curative ou palliative). A cet égard, on
peut s'inspirer des conditions auxquelles Swissmedic peut autoriser pour une
durée limitée la distribution ou la remise de médicaments contre des maladies
mortelles qui ne sont pas autorisés à être mis sur le marché. Selon l'art. 9
al. 4 LPTh, une telle autorisation pour une durée limitée est admise
lorsqu'elle est compatible avec la protection de la santé, qu'une grande
utilité thérapeutique est attendue de l'administration de ces médicaments et
qu'il n'existe pas de médicament équivalent.

6.2  En l'occurrence, le traitement administré à l'intimé, qui était atteint
d'une maladie mortelle, remplit l'exigence de l'utilité thérapeutique. En
particulier, il ressort des explications du docteur T.________ que, sur le
plan scientifique, les dérivés du platine (cisplatine, carboplatine) sont
utilisés en association avec le 5FU dans la chimiothérapie pré- ou
post-opératoire en cas de résection de cancer oesophagien ou gastrique, cette
notion étant fondée sur des études randomisées et enseignée dans les manuels
d'oncologie. Selon le spécialiste, l'efficacité des taxanes (paclitaxel et
docetaxel, dont est le Taxotere) avait été démontrée pour de multiples types
de cancer (ovarien, broncho-pulmonaire, prostate), en particulier les cancers
digestifs. L'efficacité du traitement prescrit en l'espèce a également été
confirmée par le Professeur L.________ qui s'est référé à différentes études
et publication, notamment du groupe de recherche oncologique suisse
(procès-verbal d'audience du 15 mai 2003). Quant au bénéfice thérapeutique
obtenu, on relèvera qu'aux dires du médecin traitant, confirmés par le
Professeur L.________, l'existence de W.________ a pu être prolongée grâce à
la chimiothérapie prescrite, qui lui avait procuré une rémission quasi
complète sur le plan radiologique jusqu'en avril 2002. Au demeurant, le
médecin conseil de la recourante a lui-même admis que le traitement ordonné
avait été efficace et approprié au sens de l'art. 32 LAMal (procès-verbal
d'audience du 15 mai 2003).

En ce qui concerne une éventuelle alternative thérapeutique, le docteur
T.________ a indiqué qu'il était possible de choisir, à la place du Taxotere,
le Taxol, combiné au Cisplatine et au 5FU (procès-verbal d'audience du 15 mai
2003). Ce médicament figure également dans la liste des spécialités sans
limitation. Les indications ou possibilités d'emploi de ce produit
correspondent toutefois, dans les grandes lignes, à celles posées pour le
Taxotere (carcinome ovarien, carcinome bronchique non à petites cellules,
carcinome du sein; Compendium suisse des médicaments, 2003, p. 2631), de
sorte qu'il aurait également été administré «hors étiquette». Dès lors, en
l'absence d'une autre possibilité de traitement qui aurait été évoquée au
cours de la procédure administrative ou cantonale de recours, il y a lieu de
retenir que l'exigence de l'absence d'alternative thérapeutique est remplie.

En conséquence, il y a lieu d'admettre, à titre exceptionnel, la prise en
charge, par l'assurance obligatoire des soins, du traitement administré à
l'intimé au moyen des produits Taxotere et Paraplatin.

7.
Il résulte de ce qui précède que le jugement entrepris n'est pas critiquable
dans son résultat. Partant, le recours est mal fondé.

8.
Représenté par un avocat, l'exécuteur testamentaire de feu W.________,
agissant en qualité de représentant de la succession du défunt, obtient gain
de cause, de sorte qu'il peut prétendre une indemnité de dépens pour
l'instance fédérale (art. 159 en corrélation avec l'art. 135 OJ; cf. ATF 129
V 116 consid. 4.2).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Concordia, Assurance suisse de maladie et accidents, versera à Me Laurent
Besso la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre
de dépens pour la procédure fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 14 septembre 2004

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   La Greffière: