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Sozialrechtliche Abteilungen I 806/2003
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I 806/03

Arrêt du 20 octobre 2004
IVe Chambre

MM. et Mme les Juges Ferrari, Président, Widmer et Ursprung. Greffier : M.
Berthoud

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

C.________, intimé, représenté par Me Olivier Subilia, avocat, chemin des
Trois-Rois 5bis, 1002 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 23 juin 2003)

Faits:

A.
C. ________, né en 1970, a travaillé en qualité de carrossier. Souffrant de
lombo-sciatalgies et de cervico-brachialgies, il a présenté une demande de
reclassement dans une nouvelle profession, le 26 juillet 2000.

Dans un rapport du 26 septembre 2000, le docteur B.________, spécialiste en
médecine interne et rhumatologie, a diagnostiqué un syndrome algique
cervico-lombaire à faible substratum anatomique, une majoration des symptômes
physiques pour des raisons psychologiques et des traits de personnalité
narcissique. A son avis, l'assuré est totalement incapable de travailler. Il
a proposé une évaluation psychiatrique.

De leur côté, les docteurs D.________ et A.________, médecins au Service de
rhumatologie, médecine physique et réhabilitation de l'Hôpital H.________,
ont fait état d'un syndrome douloureux chronique persistant à focalisation
rachidienne, d'une rhonchopathie d'origine indéterminée et d'un état
dépressif moyen (rapport du 28 novembre 2000). Le docteur G.________ a
précisé que la capacité de travail du patient est nulle dans une activité de
carrossier, mais qu'elle pourrait s'élever à 50 % avec un traitement adéquat.
Il a préconisé la mise en oeuvre de mesures professionnelles (rapport du 18
juin 2001).

Le Service médical régional AI (SMR) a procédé à un examen clinique
pluridisciplinaire. Dans leur rapport du 3 décembre 2001, les docteurs
P.________, spécialiste en médecine interne et en rhumatologie, et
V.________, psychiatre, ont attesté un trouble somatoforme douloureux ainsi
qu'un épisode dépressif majeur léger chez une personnalité émotionnellement
labile, à traits hystériques, narcissiques et dépendants. Ces deux médecins
ont précisé que la capacité de travail de l'assuré s'élève à 30 % en tant que
peintre en carrosserie et à 100 % dans une activité adaptée.

Par décision du 12 avril 2002, l'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton de Vaud (l'office AI) a rejeté la demande, dès lors que la perte de
gain de l'assuré s'élève à 6,51 %.

B.
C.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton de
Vaud, en concluant principalement à l'octroi d'une rente d'invalidité,
subsidiairement à des mesures de réadaptation professionnelles, plus
subsidiairement à la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique.

Par jugement du 23 juin 2003, la juridiction cantonale a admis le recours en
ce sens qu'elle a renvoyé la cause à l'office AI afin qu'il fasse procéder à
une expertise psychiatrique de l'assuré et statue à nouveau.

C.
L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du 12
avril 2002.

L'intimé conclut principalement au rejet du recours et subsidiairement à la
prise en charge de mesures de réadaptation, avec suite de dépens. L'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Selon la jurisprudence, des troubles somatoformes douloureux peuvent, dans
certaines circonstances, conduire à une incapacité de travail (ATF 120 V 119
consid. 2c/cc; RAMA 1996 no U 256 p. 217 ss consid. 5 et 6). De tels troubles
entrent dans la catégorie des affections psychiques, pour lesquelles une
expertise psychiatrique est en principe nécessaire quand il s'agit de se
prononcer sur l'incapacité de travail qu'ils sont susceptibles d'entraîner
(ATF 130 V 353 consid. 2.2.2 et les arrêts cités; VSI 2000 p. 160 consid. 4b;
consid. 3.3.1 de l'arrêt P. du 21 avril 2004, I 870/02).

A cet égard, la jurisprudence a précisé que les prises de position médicales
sur la santé psychique et sur les ressources dont dispose l'assuré
constituent une base indispensable pour trancher la question (juridique) de
savoir si et dans quelle mesure on peut exiger de celui-ci qu'il mette en
oeuvre toute sa volonté pour surmonter ses douleurs et réintégrer le monde du
travail (ATF 130 V 355-356 consid. 2.2.5; arrêt P. précité, consid. 3.3.4).

2.
En l'espèce, la juridiction cantonale a considéré que la cause n'est pas en
état d'être jugée, dans la mesure où les avis psychiatriques recueillis par
l'administration ne permettent pas de se prononcer sur le caractère
invalidant des troubles somatoformes dont souffre l'intimé. Le premier juge a
estimé que ce complément d'instruction incombe au recourant à qui il a
renvoyé la cause à cette fin.

De son côté, le recourant soutient avoir instruit correctement l'aspect
médical du cas. Il allègue que le rapport des docteurs P.________ et
V.________ remplit tous les réquisits jurisprudentiels (cf. ATF 125 V 352
consid. 3a et les références) et a donc pleine valeur probante, si bien
qu'une nouvelle expertise ne se justifie pas.

3.
3.1 D'après la jurisprudence, le juge cantonal qui estime que les faits ne
sont pas suffisamment élucidés a en principe le choix entre deux solutions :
soit renvoyer la cause à l'assureur pour complément d'instruction, soit
procéder lui-même à une telle instruction complémentaire. Un renvoi à
l'assureur, lorsqu'il a pour but d'établir l'état de fait, ne viole ni le
principe de simplicité et de rapidité de la procédure, ni le principe
inquisitoire. Il en va cependant autrement quand un tel renvoi constitue en
soi un déni de justice; cela peut être le cas notamment lorsque, en raison
des circonstances, un simple mandat d'expertise judiciaire ou une mesure
d'instruction ponctuelle édictée par le juge suffirait à élucider l'état de
fait, ou qu'un renvoi apparaîtrait disproportionné (cf. ATF 122 V 163 consid.
1d, RAMA 1993 n° U 170 p. 136 et la critique de G. Aubert parue in SJ 1993 p.
560).

3.2 Dans leur rapport du 3 décembre 2001, les médecins du SMR ont apporté des
réponses claires sur la nature des troubles psychiques dont l'intimé est
atteint, sa faculté de surmonter ses douleurs, ainsi que sur les
répercussions du trouble somatoforme sur sa capacité de travail. Ils ont
aussi exposé les motifs qui les ont conduits à s'écarter de l'appréciation
(psychiatrique) de la capacité de travail de leur confrère rhumatologue
B.________ (p. 7).

Au moment où il a statué, l'office recourant disposait d'une évaluation
psychiatrique du SMR qui remplissait toutes les conditions posées par la
jurisprudence. En outre, celle-ci ne faisait l'objet d'aucun avis contraire
émanant d'un psychiatre, les responsables de l'Hôpital H.________ ayant à cet
égard uniquement attesté la présence d'un état dépressif, sans se prononcer
sur son éventuel caractère invalidant (cf. rapport des docteurs D.________ et
A.________, du 28 novembre 2000, p. 4). On ne saurait dès lors faire grief à
l'administration d'avoir contrevenu à son obligation d'établir les faits
pertinents, singulièrement l'aspect psychiatrique du cas d'espèce (cf. art.
57 LAI, art. 69 RAI dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002).

Dans de telles circonstances, un renvoi de la cause à l'administration pour
qu'elle étende ses investigations d'ordre psychiatrique paraît
disproportionné. Le Tribunal cantonal conserve néanmoins toute latitude pour
mettre lui-même pareille mesure en oeuvre, s'il juge qu'elle est nécessaire
pour statuer sur le recours dirigé contre la décision du 12 avril 2002.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances du
canton de Vaud du 23 juin 2003 est annulé, la cause lui étant renvoyée afin
qu'il reprenne l'instruction de la cause et rende un nouveau jugement.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 20 octobre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   Le Greffier: