Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 751/2003
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I 751/03

Arrêt du 19 mars 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffière: Mme
Boschung

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

A.________, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 10 juillet 2003)

A.
A. ________, né en 1952, a exercé la profession d'employé d'exploitation de
télécabine, à O.________, du mois de janvier 1990 au 29 mai 2000, date à
partir de laquelle il a été incapable de travailler pour cause de maladie. Le
13 juillet 2000, il a présenté une demande tendant à l'octroi d'une rente de
l'assurance-invalidité.

Dans le cadre de l'instruction de la demande, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'OAI) a requis
l'avis du docteur B.________, médecin traitant de l'assuré (rapports des 26
septembre 2000, 15 février et 30 septembre 2002), et confié un mandat
d'examen au Service médical régional X.________ (ci-après: le SMR). Ainsi,
suite à leur examen du 21 mars 2002, les docteurs L.________, médecin
généraliste, et M.________, spécialiste en chirurgie, ont conclu que
A.________ souffrait d'insuffisance artérielle des membres inférieurs et que
sa capacité de travail était nulle comme ouvrier de télécabine; en revanche,
la capacité de travail était entière pour toute activité légère,
semi-sédentaire, sans exposition au froid.

Par décision du 25 octobre 2002, l'OAI a rejeté la demande de rente, motif
pris que l'invalidité était insuffisante pour ouvrir droit à une telle
prestation.

B.
Par jugement du 10 juillet 2003, le Tribunal des assurances du canton de Vaud
a annulé la décision entreprise et renvoyé la cause à l'administration pour
nouvelle décision après complément d'instruction sur les plans psychiatrique
et économique.

C.
L'OAI interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont il
requiert l'annulation; il produit un avis médical du SMR, du 12 novembre
2003, relatif à une éventuelle atteinte psychiatrique et aux activités
considérées comme adaptées à l'état de santé de l'assuré.

A. ________ n'a pas répondu au recours. De son côté, l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Dans le cadre de l'évaluation de l'invalidité de l'assuré, il s'agit de
déterminer si les premiers juges étaient fondés à renvoyer la cause à
l'office recourant pour complément d'instruction en ce qui concerne les
aspects psychiatrique et économique du dossier.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas
applicable, sur le plan matériel, au présent litige, dès lors que le juge des
assurances sociales n'a pas à prendre en considération les modifications du
droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de la décision
litigieuse du 25 octobre 2002 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid.
1b).

En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles
transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour
de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA
1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er
janvier 2003 (tel le présent litige) ou introduites après cette date devant
un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies
par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les
dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales
modifiées par la LPGA (arrêt non publié D. du 18 juin 2003, K 47/02).

3.
3.1 Les premiers juges ont exposé les dispositions légales et la jurisprudence
qui fondent le droit à une rente de l'assurance-invalidité; il suffit à cet
égard de renvoyer à leur jugement.

3.2 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le
juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin,
éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du
médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans
quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler.
En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer
quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V
261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid.
1).

3.3 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le
domaine des assurances sociales (cf. depuis le 1er janvier 2003 l'art. 43
LPGA), l'administration est tenue d'ordonner une instruction complémentaire
lorsque les allégations des parties et les éléments ressortant du dossier
requièrent une telle mesure. En particulier, elle doit mettre en oeuvre une
expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du
cas (ATF 117 V 283 consid. 4a; RAMA 1985 K 646 p. 240 consid. 4).

Si l'administration ou le juge (cf. depuis le 1er janvier 2003 les art. 43 et
61 let. c LPGA), se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves
fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office,
sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance
prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier
cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves
(appréciation anticipée des preuves; Kieser, Das Verwaltungsverfahren in der
Sozialversicherung, p. 212, n° 450; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und
Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., p. 39, n° 111 et p. 117, n° 320;
Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 274; cf. aussi ATF 122 II 469
consid. 4a, 122 III 223 consid. 3c, 120 Ib 229 consid. 2b, 119 V 344 consid.
3c et la référence). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit
d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid.
4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours
valable (ATF 124 V 94 consid. 4b, 122 V 162 consid. 1d et l'arrêt cité).

3.4 En ce qui concerne, par ailleurs, la valeur probante d'un rapport
médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient fait
l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens
complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par
la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de
l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la
situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert
soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur
probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme
rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352
consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références).

4.
4.1 Les premiers juges ont considéré, en substance, que les avis médicaux au
dossier ne permettaient pas de trancher la question du droit de l'assuré à
une rente d'invalidité. D'une part, des investigations médicales
complémentaires devaient être entreprises sur le plan psychiatrique, pour
clarifier l'influence de facteurs psychosociaux sur l'état de santé de
l'assuré. D'autre part, sur le plan économique, les activités proposées par
l'OAI ne semblaient pas adaptées à la situation et entraînaient une
évaluation illusoire du revenu d'invalide.

4.2 A l'appui de ses conclusions, l'office recourant fait valoir que le
rapport du SMR, sur lequel est fondée sa décision du 25 octobre 2002,
satisfait pleinement les exigences requises par la jurisprudence en matière
de valeur probante. En ce qui concerne un éventuel trouble psychiatrique,
l'OAI relève que l'avis médical complémentaire du SMR indique précisément que
l'intimé ne présentait pas une atteinte à la santé psychique invalidante. Au
surplus, il apparaît que le médecin traitant de l'assuré n'a jamais fait état
de l'existence d'un trouble de cette nature. Enfin, l'OAI réfute la
qualification de «revenu d'invalide illusoire», précisant que cet élément du
calcul de l'invalidité est le fruit de descriptions de postes de travail du
canton de Vaud, également utilisées par la SUVA.

5.
5.1 En l'espèce, le dossier contient des pièces médicales fournies par le
docteur B.________, médecin traitant de l'assuré, et un rapport d'examen du
SMR. Ce document médical, plus détaillé que toutes les autres pièces, se
fonde sur une étude attentive du dossier; il prend en considération la
situation médicale de l'assuré dans son ensemble - aussi bien objectivement
que subjectivement - et repose sur des examens complets de l'intéressé.
Enfin, ses conclusions sont dûment motivées. Il respecte en tous points les
exigences posées par la jurisprudence citée ci-dessus et il y a lieu en
conséquence de lui attribuer une pleine valeur probante.

Il ressort de ce rapport que A.________ est à même de mettre à profit une
capacité de travail entière dans une activité adaptée, ce malgré
l'insuffisance artérielle dont il souffre au niveau des membres inférieurs et
les diverses interventions vasculaires dont il a fait l'objet depuis 1987
(notamment amputation du 4ème orteil droit, dilatation et pose de stent de
l'iliaque externe gauche, sympathectomie lombaire droite, pontage synthétique
ilio-fémoral gauche). L'activité adaptée décrite par les praticiens du SMR
consiste en une activité légère (port de charges n'excédant pas 15 kilos,
sans efforts de poussée), semi-sédentaire, permettant une alternance des
positions, sans déplacements importants, à hauteur d'établi et sans
exposition au froid.

5.2 Il reste à examiner si une expertise psychiatrique était nécessaire pour
statuer sur les droits de l'intimé au moment où la décision du 25 octobre
2002 a été rendue, date qui constitue la limite temporelle du pouvoir de
cognition du tribunal de céans. Selon les médecins du SMR, il n'existait, au
moment où ils ont pratiqué leurs examens, aucun signe parlant en faveur d'un
trouble psychique invalidant. Ces spécialistes ont certes relevé chez
l'assuré «une anxiété et une tristesse liées au rétrécissement de sa vie
professionnelle, familiale et personnelle, tout comme à ses ennuis de santé
chroniques», sans qu'il s'agisse toutefois d'une maladie psychique. Leurs
constatations ont été, en outre, corroborées par celles du docteur B.________
qui n'a mis en évidence aucune plainte d'ordre psychique. En définitive, seul
W.________, assistant social au sein du Centre social régional de Y.________
(lettre du 3 octobre 2002), a décrit des inclinations pour des pensées
suicidaires, sans pour autant évoquer la nécessité d'un suivi psychiatrique.
Ne correspondant pas à un avis médical, cette dernière pièce ne saurait
remettre en cause l'avis concordant des praticiens qui se sont prononcés. On
relèvera, au demeurant, que l'assuré n'apporte aucun élément justifiant de
douter du bien-fondé des considérations médicales exposées ci-dessus ou
permettant de penser qu'il est atteint dans sa santé psychique. Pour le
surplus, aucune pièce médicale au dossier n'est venue apporter la preuve du
développement d'un trouble d'ordre psychique entre l'examen du SMR du 21 mars
2002 et la décision de l'OAI du 25 octobre suivant.

Par conséquent, après examen des rapports précités, l'administration ne
saurait être critiquée pour avoir considéré le dossier médical comme complet
et estimé, au degré de vraisemblance prépondérante requis en matière
d'assurances sociales, que le recourant ne présentait pas de troubles d'ordre
psychique invalidants ou des signes d'une telle affection nécessitant une
instruction complémentaire. Au demeurant, ce point de vue a été confirmé par
les réponses du docteur L.________ (cf. § 2 de l'avis médical complémentaire
du SMR du 12 novembre 2003). En effet, ce médecin a indiqué que les symptômes
psycho-affectifs relevés lors de l'examen étaient banals et d'expression
normale dans une situation de perte d'emploi pour raison de santé et
d'isolement par rapport à la famille. Il apparaît, dès lors, que l'intimé
était capable d'exercer une activité adaptée (cf. consid. 5.1 in fine) à
plein temps au moment où la décision litigieuse a été rendue. Un complément
d'instruction en vue d'éclaircir la situation n'était donc pas nécessaire.

On rappellera en outre que les actes médicaux ne doivent pas être complétés
au seul motif qu'un examen supplémentaire pourrait éventuellement aboutir à
une appréciation différente, à moins qu'ils ne présentent des lacunes ou
qu'ils ne soient contestés sur des points précis, ce qui n'est pas le cas en
l'espèce (ATF 110 V 53 consid. 4a).

Vu ce qui précède, c'est à tort que les premiers juges ont fait grief au
recourant d'avoir statué sur la base d'un dossier insuffisant.

6.
6.1 A.________ aurait obtenu, sans invalidité, dans son ancienne profession,
un revenu annuel de 46'675 fr., dès le 1er janvier 2000 (questionnaire pour
l'employeur du 26 juillet 2000).

6.2 D'après l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après: ESS),
le salaire mensuel brut (valeur centrale) des hommes exerçant une activité
simple et répétitive (niveau de qualification 4, selon la classification
utilisée par l'OFS) dans le secteur privé était de 4'437 fr. en 2000 (ESS
2000 p. 31 TA1). Au regard du large éventail d'activités de ce type que
recouvrent les secteurs de la production et des services, on doit convenir
qu'un certain nombre d'entre elles ne nécessitent ni longs déplacements, ni
port de charges, tout en permettant une alternance des positions, de sorte
qu'elles sont adaptées au handicap présenté par l'assuré. Dès lors, une
instruction complémentaire sur l'existence d'activité adaptée au handicap de
l'intimé sur le marché équilibré du travail s'avère inutile. Comme les
salaires bruts standardisés tiennent compte d'un horaire de travail de 40
heures (ESS 2000 p. 10), soit une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne
usuelle dans les entreprises en 2000 (41,8 heures: La Vie économique 10/2002
p. 88), il convient d'adapter le revenu mentionné ci-dessus, en le portant à
4'637 fr. Or, même en procédant à un abattement maximum de 25 % - une
déduction moins importante apparaîtrait cependant mieux appropriée - pour
tenir compte des circonstances propres à la personne du recourant et
susceptibles de limiter ses perspectives salariales, on obtient un revenu
mensuel de 3'478 fr., soit 41'736 fr. annuellement. Celui-ci, après
comparaison avec le revenu sans atteinte à la santé de l'assuré (cf. consid.
6.1), conduit à un taux d'invalidité légèrement supérieur à celui calculé par
l'OAI, mais n'ouvrant, en tout état de cause, pas droit à des prestations de
l'assurance-invalidité.

7.
Il suit de là que l'OAI était fondé, par sa décision du 25 octobre 2002, à
nier le droit de l'assuré à toute prestation. Le recours est dès lors bien
fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 10 juillet 2003 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 19 mars 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   La Greffière: