Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 722/2003
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2003
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2003


I 722/03

Arrêt du 19 novembre 2004
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Lustenberger, Ursprung et
Frésard.
Greffier : M. Beauverd

L.________, recourant, représenté par Pro Infirmis Vaud,
rue du Grand-Pont 2bis, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 23 juin 2003)

Faits:

A.
L. ________, né en 1951, est atteint de sclérose en plaques. Il bénéficie
d'une rente entière d'invalidité depuis le 1er juillet 1993, ainsi que d'une
allocation pour impotent de degré moyen dès le 1er mai 1997. Depuis le 1er
juillet 1999, il perçoit une allocation pour impotence grave. En outre, il
s'est vu accorder divers moyens auxiliaires de l'assurance-invalidité.

Par lettre du 11 avril 2002, l'assuré a demandé la prise en charge par
l'assurance-invalidité d'un matériel informatique fourni par la Fondation
suisse pour les Téléthèses et constituant en une souris d'ordinateur
spécialement adaptée de type Mini Trackball Thumbelina PS/2. Le coût de ce
matériel s'élevait à 806 fr., y compris les frais d'étude de faisabilité et
d'entraînement à l'utilisation. A l'appui de sa demande, l'intéressé
alléguait qu'ayant perdu une grande partie de son autonomie en raison de
l'atteinte à sa santé, il avait besoin d'un ordinateur pour lire, écrire,
classer des documents personnels, ainsi que pour communiquer avec ses deux
fils mineurs domiciliés à B.________.

Par décision du 23 août 2002, l'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton de Vaud a refusé la prise en charge du matériel requis. Il a considéré
qu'en raison d'une péjoration de son état de santé, l'assuré n'était plus en
mesure d'effectuer des travaux de traduction qui lui avaient été confiés, de
sorte qu'il n'avait plus besoin de moyens informatiques pour l'exercice d'une
activité lucrative. Dans une lettre du même jour, l'office indiquait que dans
la mesure où il était capable de parler, l'intéressé n'avait pas besoin d'un
ordinateur pour entretenir des contacts avec son entourage.

B.
Saisi d'un recours contre cette décision, le Tribunal des assurances du
canton de Vaud l'a rejeté par jugement du 23 juin 2003.

C.
L.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il demande implicitement l'annulation, en concluant à la prise en charge de
la souris d'ordinateur Mini Trackball Thumbelina PS/2.

L'office AI conclut implicitement au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à présenter des déterminations.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003
modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO
2003 3852) ne sont pas non plus applicables.

2.
2.1 Selon l'art. 8 LAI, les assurés invalides ou menacés d'une invalidité
imminente ont droit aux mesures de réadaptation qui sont nécessaires et de
nature à rétablir leur capacité de gain, à l'améliorer, à la sauvegarder ou à
en favoriser l'usage. Ce droit est déterminé en fonction de toute la durée
d'activité probable (al. 1). Les assurés invalides ont droit aux prestations
prévues aux art. 13, 19, 20 et 21 LAI sans égard aux possibilités de
réadaptation à la vie professionnelle (al. 2).

Aux termes de l'art. 21 LAI, l'assuré a droit, d'après une liste que dressera
le Conseil fédéral, aux moyens auxiliaires dont il a besoin pour exercer une
activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour étudier ou
apprendre un métier ou à des fins d'accoutumance fonctionnelle (al. 1, 1ère
phrase). L'assuré qui, par suite de son invalidité, a besoin d'appareils
coûteux pour se déplacer, établir des contacts avec son entourage ou
développer son autonomie personnelle, a droit, sans égard à sa capacité de
gain, à de tels moyens auxiliaires conformément à une liste qu'établira le
Conseil fédéral (al. 2).

2.2 La liste des moyens auxiliaires indiquée à l'art. 21 LAI fait l'objet
d'une ordonnance du département fédéral de l'Intérieur (art. 14 RAI).
Conformément à cette délégation, le département a édicté l'ordonnance
concernant la remise de moyens auxiliaires par l'assurance-invalidité (OMAI).
L'art. 2 OMAI dispose qu'ont droit aux moyens auxiliaires, dans les limites
fixées par la liste annexée, les assurés qui en ont besoin pour se déplacer,
établir des contacts avec leur entourage ou développer leur autonomie
personnelle (al. 1). L'assuré n'a droit aux moyens auxiliaires désignés dans
cette liste par un astérisque (*), que s'il en a besoin pour exercer une
activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour étudier ou
apprendre un métier ou à des fins d'accoutumance fonctionnelle ou encore pour
exercer l'activité nommément désignée au chiffre correspondant de l'annexe
(al. 2).

2.3 Selon le ch. 13.01* de l'annexe à l'OMAI, l'assurance-invalidité prend en
charge - à l'exception de moyens auxiliaires peu coûteux et sous réserve
d'une participation de l'assuré aux frais d'acquisition d'appareils dont les
personnes valides ont également besoin en modèle standard - les instruments
de travail et appareils ménagers rendus nécessaires par l'invalidité, les
installations et appareils accessoires, ainsi que les adaptations nécessaires
à la manipulation d'appareils et de machines.

Aux termes du ch. 15.02 de l'annexe à l'OMAI, sont pris en charge au titre
des moyens auxiliaires permettant à l'invalide d'établir des contacts avec
son entourage les appareils de communication électriques et électroniques
pour les assurés incapables de parler et d'écrire, qui sont dépendants d'un
tel appareil pour entretenir des contacts quotidiens avec leur entourage et
qui disposent des facultés intellectuelles et motrices nécessaires à son
utilisation.

3.
3.1 En l'espèce, il est constant qu'au moment - déterminant en l'occurrence
(ATF 121 V 366 consid. 1b) - où la décision litigieuse a été rendue, le
recourant avait mis un terme à toute activité lucrative en raison de
l'aggravation de l'atteinte à sa santé, de sorte qu'il ne pouvait se fonder
sur le ch. 13.01* pour prétendre la prise en charge du moyen auxiliaire
requis. Il convient donc d'examiner si les conditions posées au ch. 15.02 de
l'annexe à l'OMAI sont en revanche réalisées.

3.2 La juridiction cantonale a considéré que tel n'était pas le cas. Certes,
elle a constaté que l'assuré n'est plus du tout en mesure de rédiger à la
main, de sorte que son incapacité d'écrire devait être admise. En revanche,
le tribunal cantonal est d'avis que l'intéressé est capable de parler. Bien
sûr, l'atteinte neurologique l'empêche de soutenir une conversation prolongée
et le volume sonore de sa voix est très faible, ce qui rend ses paroles très
peu audibles en cas de fatigue. Il n'en demeure pas moins, selon la
juridiction cantonale, que l'assuré n'est pas incapable de parler, de sorte
que l'une des conditions cumulatives prévues au ch. 15.02 de l'annexe à
l'OMAI n'est pas réalisée.

De son côté, le recourant concède que si la capacité de parler se limite à la
possibilité d'émettre des sons, même extrêmement faibles et souvent
inaudibles, il est effectivement capable de parler. En revanche, si l'on
admet que la capacité de parler comprend la faculté de s'exprimer, d'avoir
une conversation, de communiquer, d'être compris des autres et d'entrer en
relation avec les autres, l'intéressé est d'avis qu'il n'a pas cette
capacité. En l'occurrence, il peut, certes, exprimer des paroles comme
«manger, boire, (le) mettre plus droit sur (sa) chaise, fermer ou ouvrir la
fenêtre». Toutefois, non seulement ces paroles sont difficilement
compréhensibles pour son entourage, mais encore il ne peut pas avoir d'autres
conversations ni avec le personnel de l'établissement où il vit, ni avec les
membres de sa famille. S'il peut effectivement recevoir des appels
téléphoniques, il est cependant incapable de se faire comprendre de son
interlocuteur.

4.
4.1 La version actuellement en vigueur du ch. 15.02 de l'annexe à l'OMAI a été
introduite par une modification de l'OMAI du 13 novembre 1985 (RO 1985 2012),
en vigueur depuis le 1er janvier 1986. Dans sa teneur valable jusqu'au 31
décembre 1985, le ch. 15.02 prévoyait la prise en charge par
l'assurance-invalidité de machines à écrire automatiques lorsque l'assuré
était incapable de parler et d'écrire par suite de paralysie et ne pouvait
établir des contacts avec son entourage qu'à l'aide de cet appareil.

La jurisprudence a considéré que la modification de cette disposition
réglementaire avait pour but de tenir compte des progrès rapides de
l'électronique qui donne, pour la première fois, à des personnes incapables
de parler et d'écrire la possibilité de communiquer directement avec autrui.
On désirait par là attacher plus d'importance à la réadaptation sociale,
l'invalide devant être en mesure non seulement d'«établir des contacts avec
son entourage», mais d'«entretenir des contacts quotidiens avec (son)
entourage». En d'autres termes, le but de cette innovation avait été de
renoncer à la règle valable jusqu'alors, selon laquelle l'intéressé n'avait
droit qu'à un champ d'informations limité, et de rendre possible une
communication personnelle directe à travers un échange d'idées et d'opinions
(RCC 1987 p. 516 consid. 2a).

4.2 Vu ce qui précède, on ne saurait partager le point de vue de la
juridiction cantonale, selon lequel le recourant doit être considéré comme
capable de parler quand bien même l'atteinte à la santé l'empêche de soutenir
une conversation et ses paroles sont difficilement audibles en raison du
faible niveau sonore de sa voix.

Selon un rapport d'examen logopédique (du 6 février 2003) établi par la
Fondation P.________, Centre de traitements et de réadaptation, à A.________,
et produit en instance cantonale par l'assuré, celui-ci présente une
dysarthrie sévère due à des troubles respiratoires graves et des troubles
praxiques d'articulation et de diadococinésie sévères qui altèrent de façon
grave l'intelligibilité de la parole. Hormis l'expression, au prix de grands
efforts, des besoins quotidiens, ces troubles empêchent toute communication
avec autrui.

Sur le vu de ces constatations qui ne font l'objet d'aucune controverse entre
les parties, force est de considérer que le recourant n'est pas en mesure,
sans l'aide d'un ordinateur muni de commandes adaptées, de communiquer
directement avec autrui à travers un échange d'idées et d'opinions. Dans la
mesure où, par ailleurs, rien ne permet de penser que l'intéressé est privé
des facultés intellectuelles et motrices nécessaires à l'utilisation de ce
moyen de communication, les conditions du ch. 15.02 de l'annexe à l'OMAI
apparaissent en l'occurrence réalisées.

4.3 En l'état du dossier, il n'est cependant pas possible de savoir si la
souris d'ordinateur de type Mini Trackball Thumbelina PS/2 est la seule
commande adaptée possible. On ne peut dès lors juger si ce moyen revêt le
caractère simple et adéquat au sens de l'art. 21 al. 3 LAI. Il y a lieu par
conséquent d'ordonner un complément d'instruction sur cette question. Cette
tâche est du ressort de l'office, à qui il incombera de rendre une nouvelle
décision.

5.
Le recourant, qui obtient gain de cause, est représenté par Pro Infirmis. Il
a droit à une indemnité de dépens pour l'ensemble de la procédure (art. 159
al. 1 et 6 OJ; 61 let. g LPGA), la jurisprudence concernant la représentation
d'une partie par l'Association suisse des invalides (ATF 122 V 278)
s'appliquant par analogie en cas de représentation par Pro Infirmis (arrêt U.
du 10 avril 2002, I 284/01, consid. 4, et arrêt non publié K. du 30 avril
1998, I 501/97).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances du
canton de Vaud du 23 juin 2003 et la décision de l'Office AI pour le canton
de Vaud du 23 août 2002 sont annulés, la cause étant renvoyée audit office
pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle
décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office AI pour le canton de Vaud versera au recourant la somme de 800 fr. à
titre de dépens (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) pour l'ensemble de
la procédure.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 19 novembre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   Le Greffier: