Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 682/2003
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I 682/03

Arrêt du 16 décembre 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Frésard et Boinay, suppléant. Greffier : M.
Métral

R.________, recourant, représenté par Me Louis-Marc Perroud, avocat, rue du
Progrès 1, 1701 Fribourg,

contre

Office AI du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez,
intimé

Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Givisiez

(Jugement du 11 septembre 2003)

Faits:

A.
R. ________, né en 1955, exerçait la profession de régleur, pour le compte de
l'entreprise X.________SA. Depuis 1986, il souffre de lombalgies basses
chroniques qui ont régulièrement entraîné des incapacités de travail. Les
traitements conservateurs suivis lui permettaient de reprendre le travail
après quelques jours de repos.

Le 2 juillet 1997, R.________ a évité une chute en se retenant à un
échafaudage, ce qui a provoqué une vive douleur dans le bras droit. Le
docteur P.________ a posé le diagnostic de lésion partielle du
sous-scapulaire et de pincement coracoïdien (rapport du 15 septembre 1997).
Malgré les soins prodigués, dont trois interventions chirurgicales pratiquées
en octobre 1997, décembre 1997 et octobre 1999, des douleurs à l'épaule
droite ont persisté. R.________ a également développé des épicondylalgies à
droite et à gauche, de sorte que son médecin traitant, le docteur E.________,
a suggéré l'abandon de l'activité de régleur et un reclassement dans une
profession plus légère (rapport du 31 juillet 1998).

Dès le mois de mars 1998, X.________SA a occupé R.________ à 50 % dans des
activités de nettoyage de machines et de magasinier. Ce taux d'activité
correspondait à la capacité de travail attestée notamment par le docteur
S.________ après un séjour d'un mois à la Clinique Y.________ (rapport du 31
mars 1998). Progressivement, l'employeur a chargé l'intéressé de travaux plus
lourds, ce qui a conduit le docteur E.________ à attester une nouvelle
incapacité de travail totale dès le 24 mars 1999.

Saisi d'une demande de prestations depuis le mois de juillet 1998, l'Office
AI du canton de Fribourg (ci-après : office AI) a organisé un stage au Centre
d'observation professionnelle de l'assurance-invalidité d'Yverdon (ci-après :
COPAI), du 4 décembre 2000 au 2 février 2001. D'après le médecin-conseil du
COPAI, le docteur M.________, l'assuré souffrait d'atteintes douloureuses aux
épaules et aux coudes, ainsi que de lombalgies; du côté droit, en
particulier, la mobilité de l'épaule était diminuée et la force réduite dès
que le coude n'était pas collé au corps. Dans une activité légère, par
exemple des travaux de surveillance, de contrôle ou de magasinage léger, il
pourrait reprendre une activité à plein temps «avec l'espoir d'un rendement
proche de la norme» (rapport du 5 mars 2001). Les maîtres de stage ont pour
leur part constaté des difficultés pour la réalisation de travaux lourds à
moyennement lourds, avec des ports de charges supérieures à dix kilos ou
demandant des gestes en amplitude ou en extension des bras; de même, les
tâches impliquant l'usage intensif des mains n'étaient pas adaptées. Dans des
activités permettant de ménager l'usage des membres supérieurs, la capacité
résiduelle de travail était encore importante et on pouvait raisonnablement
supposer que le rendement de l'assuré y serait correct (rapport du 7 mars
2001). Par la suite, l'assuré a subi une huméro-ulno-arthroplastie selon
Morrey, en raison d'une arthrose de stade II au coude gauche; l'intervention
fut pratiquée en février 2001.

Par décision du 3 septembre 2001, l'office AI a nié le droit de R.________ à
une rente d'invalidité. Pour sa part, la Caisse nationale suisse d'assurance
en cas d'accidents lui a reconnu le droit à une rente fondée sur un taux
d'invalidité de 25 % dès le 1er octobre 2001, ainsi qu'à une indemnité pour
une atteinte à l'intégrité de 10 % (décision du 27 novembre 2001).

B.
R.________ a déféré la décision du 3 septembre 2001 de l'office AI au
Tribunal administratif du canton de Fribourg. En cours de procédure, il a
produit une expertise réalisée par les docteurs L.________, chef du service
d'orthopédie et de traumatologie de l'appareil moteur de Hôpital Z.________,
et B.________, chef de clinique adjoint (rapport du 30 avril 2002). Ces
praticiens ont notamment posé le diagnostic de lombosciatalgies droites
non-déficitaires dans le cadre d'un canal lombaire étroit en L4 L5 et d'une
ancienne hernie discale L4-L5, avec une arthrose postérieure au même niveau;
cette atteinte entraînait selon eux une incapacité de travail de 50 % dans
une activité permettant l'alternance des positions assise et debout, et
n'imposant pas de mouvements répétitifs, de longs déplacements, ni le port de
charges. Ils attestaient également d'une incapacité de travail de 25 % dans
une activité adaptée, en raison de douleurs et d'une limitation de la
mobilité du coude gauche.

Par jugement du 11 septembre 2003, la juridiction cantonale a rejeté le
recours, en considérant que R.________ présentait un taux d'invalidité de 36
%, insuffisant pour ouvrir droit à une rente.

C.
L'assuré interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
dont il demande l'annulation. Il conclut à l'octroi d'une demi-rente
d'invalidité avec effet dès le 1er septembre 2001, et à titre subsidiaire, au
renvoi de la cause à l'office AI pour nouvelle décision, le tout sous suite
de dépens. L'intimé et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à
se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité. Le
pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances n'est donc pas limité à
la violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation - mais s'étend également à l'opportunité de la décision
attaquée. Le tribunal n'est pas lié par l'état de fait constaté par la
juridiction inférieure, et il peut s'écarter des conclusions des parties à
l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).

2.
Le jugement entrepris expose les dispositions légales et la jurisprudence
pertinentes, de sorte qu'il convient d'y renvoyer.

3.
Tous les rapports médicaux figurant au dossier attestent une incapacité de
travail totale dans la profession de régleur, comme l'ont admis les premiers
juges. Il n'y a pas lieu de revenir sur ce point, que les parties ne
contestent pas.

4.
Le recourant fait valoir que sa capacité de travail dans une activité
adaptée, telle que décrite par le COPAI, est réduite de 50 % en raison de
douleurs dorsales. Il appuie son argumentation sur le rapport des docteurs
L.________ et B.________ et soutient que les responsables du COPAI n'ont pas
suffisamment pris en considération ces douleurs pour apprécier sa capacité
résiduelle de travail.

La juridiction cantonale a considéré, pour sa part, que les douleurs dorsales
de l'assuré sont entrées dûment en considération pour les responsable du
COPAI, mais qu'elles n'étaient pas suffisamment intenses, à l'époque, pour
justifier une incapacité de travail dans une activité légère. Le rapport des
docteurs L.________ et B.________ semblait, certes, indiquer une aggravation
des douleurs, mais postérieurement seulement à la décision administrative
litigieuse, de sorte qu'elles ne faisaient pas l'objet de la procédure en
cours. Dès lors, pour les premiers juges, il n'y avait lieu de prendre en
considération que les conséquences physiques de l'atteinte au membre
supérieur droit du recourant pour évaluer son invalidité.

5.
5.1 A suivre le raisonnement de la juridiction cantonale, qui ne met pas en
cause la valeur probante de l'expertise produite par le recourant, celui-ci
serait passé d'une capacité de travail quasiment totale au moment de la
décision litigieuse (dans une activité adaptée, telle que décrite par le
COPAI) à une incapacité de travail de 50 % lorsque les docteurs L.________ et
B.________ l'ont examiné, sept mois plus tard. Ces praticiens ne font
toutefois pas état de l'exacerbation soudaine de douleurs dorsales, mais
indiquent que celles-ci se sont intensifiées au cours des trois dernières
années. Une dégradation subite de la capacité de travail du recourant est
donc peu vraisemblable.

Indépendamment de cela, le rapport établi par les docteurs L.________ et
B.________ n'atteste pas seulement une incapacité de travail en raison de
douleurs dorsales, mais également en raisons d'atteintes dont souffre le
recourant au coude gauche et à l'épaule droite. Contrairement aux
responsables du COPAI, ils font état, en particulier, d'une incapacité de
travail de 25 % dans une activité adaptée, en raison des seules atteintes au
coude gauche. Les premiers juges ne pouvaient pas en faire simplement
abstraction.

5.2 Sans emporter pleinement la conviction - on relèvera en particulier que
le diagnostic de syndrome douloureux chronique à localisation multiple, posé
par les experts, semble indiquer une surcharge psychique, sans toutefois que
les docteurs L.________ et B.________ précisent sa portée sur l'appréciation
de la capacité de travail du recourant -, l'expertise produite par le
recourant suffit à mettre sérieusement en doute les conclusions du rapport du
COPAI. La mise en oeuvre d'une instruction complémentaire, sous la forme
d'une nouvelle expertise, est donc nécessaire.

6.
Le recourant obtient gain de cause pour sa conclusion subsidiaire. Il peut
donc prétendre des dépens à la charge de l'intimé (art. 159 al. 1 OJ). La
procédure est gratuite, dès lors qu'elle porte sur l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et le jugement du Tribunal administratif
du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, du 2 octobre 2003 ainsi
que la décision sur opposition de l'Office AI du canton de Fribourg du 3
septembre 2001 sont annulés, la cause étant renvoyée à l'Office AI du canton
de Fribourg pour instruction complémentaire au sens des considérants et
nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office AI du canton de Fribourg versera au recourant la somme de 2500 fr.
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance
fédérale.

4.
Le Tribunal administratif du canton de Fribourg statuera sur les dépens pour
la procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 16 décembre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   p. le Greffier: