Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 621/2003
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I 621/03

Arrêt du 21 avril 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffier : M. Berthoud

Office cantonal AI Genève, rue de Lyon 97, 1203 Genève, recourant,

contre

O.________, intimé, représenté par Me Caroline Könemann, avocate, 14a, chemin
du Chamoliet, 1226 Thônex

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI,  Genève

(Jugement du 13 juin 2003)

Faits:

A.
O. ________, né en 1948, a travaillé en qualité de menuisier jusqu'en 1983,
puis comme employé d'intendance auprès d'une banque jusqu'en 1997. Le 12
septembre 1997, il s'est annoncé à l'assurance-invalidité en indiquant qu'il
souffrait d'arthrose et de dépression.

L'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève (l'office AI)
a recueilli l'avis du docteur M.________, médecin traitant, qui a attesté une
incapacité totale de travail (cf. rapports des 23 octobre 1997 et 28 mai
1999). Confronté à l'absence de renseignements complémentaires du médecin
traitant, l'office AI a confié un mandat d'expertise pluridisciplinaire à la
Policlinique médicale X.________, fonctionnant en tant que Centre
d'observation médicale de l'AI (COMAI). Dans leur rapport final du 17 mai
2001, les responsables du COMAI ont diagnostiqué un état dépressif sévère
sans symptôme psychotique, un trouble mixte de la personnalité (personnalité
émotionnellement labile de type impulsif et dépressif), un syndrome
lombo-vertébral chronique et de l'hypertension artérielle.

L'incidence de ces troubles de santé sur la capacité de travail de l'assuré a
été appréciée différemment par les médecins du COMAI, suivant la nature de
l'atteinte à la santé. C'est ainsi que la doctoresse N.________, psychiatre,
a estimé que l'ampleur de la symptomatologie psychiatrique, évoluant de
manière chronique, entraînait une incapacité de travail de l'ordre de 80 %.
D'un point de vue strictement rhumatologique, les médecins ont conclu que la
capacité de travail ne devait pas excéder 30 % dans l'ancienne activité de
menuisier nécessitant des travaux de force avec les mains, mais qu'en
revanche dans une activité adaptée n'impliquant ni le port constant de
charges ni des travaux de manutention pénibles, ladite capacité pourrait
atteindre 80 %, hormis des périodes de poussée aiguë. A l'issue d'une
évaluation multidisciplinaire, les experts ont estimé que la capacité de
travail était de l'ordre de 40 %.

Dans un prononcé du 17 septembre 2001, l'office AI a fait savoir à l'assuré
qu'il avait arrêté son taux d'invalidité à 100 % depuis le 1er novembre 1997
puis à 60 % à partir du 1er septembre 2000.

B.
O.________ a déféré ce prononcé à la Commission cantonale genevoise de
recours en matière d'AVS/AI (actuellement : Tribunal cantonal des assurances
sociales du canton de Genève), en concluant principalement à l'allocation
d'une rente entière d'invalidité à partir du 1er novembre 1997 ainsi qu'au
versement d'indemnités journalières du 1er août au 31 octobre 1997,
subsidiairement à la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise au COMAI.

Devant la juridiction cantonale, l'office AI a contesté la recevabilité d'un
recours formé contre un prononcé de l'AI. Le 23 juillet 2002, l'office AI a
rendu trois décisions, par lesquelles il a mis l'assuré au bénéfice d'une
rente entière d'invalidité du 1er novembre 1997 au 31 août 2000, fondée sur
un taux d'invalidité de 100 %, puis d'une demi-rente à partir du 1er
septembre 2000, basée sur un taux d'invalidité de 60 %. L'assuré a recouru
contre ces décisions en persistant dans ses conclusions.

Par jugement du 13 juin 2003, la juridiction cantonale a constaté que le
recours dirigé contre le prononcé du 17 septembre 2001 était sans objet. Elle
a partiellement admis le recours formé contre les décisions du 23 juillet
2002, en ce sens qu'elle a accordé une rente entière d'invalidité à l'assuré
à partir du 1er septembre 2000, fondée dès ce moment-là sur un degré
d'invalidité de 80 %.

C.
L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de ses décisions du
23 juillet 2002.

L'intimé conclut principalement au rejet du recours, avec suite de dépens,
subsidiairement à ce qu'une expertise indépendante soit ordonnée. L'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le taux d'invalidité du recourant à partir du 1er
septembre 2000.

2.
La solution du litige ressortit aux art. 4 et 28 LAI, dans leurs teneurs en
vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 et jusqu'au 31 décembre 2003,
respectivement.

La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA) du 6
octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 23 juillet
2002 (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les références).

3.
La commission de recours a considéré que les avis divergeaient au sein du
COMAI quant au degré de l'incapacité de travail, dès lors que le psychiatre
avait retenu un taux de 80 % tandis que le collège des experts avait arrêté
ce taux à 60 %. Selon la commission, l'avis du psychiatre revêtait en
l'espèce une importance particulière, dans la mesure où l'assuré souffrait
principalement d'une atteinte sévère à la santé psychique. Dans ces
conditions, elle a jugé que l'administration n'avait aucune raison valable de
s'écarter de ce taux d'incapacité de travail de 80 %, lequel justifiait en
conséquence le versement d'une rente entière fondée sur un degré d'invalidité
de 80 % également.

A l'appui de son recours, l'office AI se réfère à l'arrêt S. du 19 août 2003,
I 53/03. Il rappelle que dans le cas d'une expertise pluridisciplinaire, il
importe de s'attacher à la discussion globale menée par le collège des
experts, plutôt qu'aux rapports forcément sectoriels et limités des
différents spécialistes consultés en cours d'expertise (cf. consid. 6.1 de
l'arrêt S.). Comme l'expert psychiatre a participé à la séance au cours de
laquelle a été abordée, discutée et tranchée la question de la capacité
résiduelle de travail de l'assuré, le recourant soutient que le rapport
d'expertise ne contient aucune contradiction et que la commission de recours
n'avait pas de raison de s'écarter des conclusions finales.
De son côté, l'intimé soulève de nombreux griefs à l'encontre du rapport
d'expertise du COMAI. En bref, il allègue que les conclusions du COMAI ont
été dictées par les intérêts de l'office AI qui l'avait mandaté. Il dénie
toute valeur probante au rapport d'expertise en se prévalant notamment d'une
anamnèse lacunaire, de la (courte) durée des consultations médicales, de
l'absence de concertation entre les experts, du défaut de signatures des
médecins qui l'ont examiné (docteurs S.________ et N.________) au bas du
rapport final, d'une appréciation en sa défaveur des conclusions des
spécialistes en rhumatologie et en psychiatrie par le collège des experts, et
du fait que l'avis du psychiatre a été remis en cause par des internistes. De
plus, il estime choquant que l'opinion de spécialistes qui ne l'ont examiné
qu'une seule fois puisse l'emporter sur celles de ses médecins traitants
(docteurs K.________, M.________ et Y.________) qui le suivent depuis
plusieurs années et qui attestent tous une incapacité totale de travail. Il
ajoute qu'il n'est pas admissible d'exiger de sa part qu'il reprenne le
travail, compte tenu de son âge et de la durée de la procédure. Enfin,
l'intimé rappelle que l'office AI ne peut fixer sans autre un taux
d'invalidité correspondant à l'incapacité de travail retenue par les
médecins, mais que l'administration doit toujours examiner le revenu que
l'assuré pourrait réaliser dans l'accomplissement de travaux raisonnablement
exigibles.

4.
Le grief de prévention que l'intimé soulève à l'encontre des experts du COMAI
ne constitue qu'un simple allégué et ne saurait justifier a posteriori la
récusation des experts. Au demeurant, l'indépendance et l'impartialité des
experts des COMAI, exigées par les art. 4 aCst. et 6 par. 1 CEDH, est réputée
garantie (cf. ATF 123 V 175 et JAAC 1998 n° 95 p. 917) et la Cour de céans ne
voit aucune raison de les remettre  en cause sur la base d'une simple
allégation.

Les quelques imperfections du rapport d'expertise du COMAI que l'intimé met
en exergue n'ont pas d'incidence sur la valeur probante de ce document. En
effet, nonobstant ses critiques, ledit rapport se distingue des autres avis
médicaux par le fait que les points litigieux y ont fait l'objet d'une étude
circonstanciée, basée sur des examens complets et pluridisciplinaires. Pour
le surplus, le rapport prend en considération les plaintes de l'intimé; il a
été établi en pleine connaissance de l'anamnèse; la description du contexte
médical et l'appréciation de la situation médicale sont claires et les
conclusions du collège des experts sont dûment motivées (cf. ATF 125 V 352
consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références).
Singulièrement, l'intimé oublie que l'expertise pluridisciplinaire était
destinée à porter une appréciation globale (et non sectorielle) de son cas,
de sorte que l'évaluation finale de la capacité de travail par le collège des
experts pouvait différer de l'avis de l'un des spécialistes qui le composait,
sans que cela porte atteinte à la valeur probante de l'expertise. A cet
égard, les constatations faites par les spécialistes du COMAI revêtent plus
de poids que l'appréciation de l'incapacité de travail par les médecins
traitants de l'intimé, pour les motifs exposés dans l'arrêt ATF 125 V 353
consid. 3b/cc et les références (cf. aussi RJJ 1995 p. 44; RCC 1988 p. 504
consid. 2), si bien que le recourant pouvait s'écarter des avis médicaux
invoqués par l'intimé sans violer le droit fédéral.

5.
Vu ce qui précède, la motivation de la commission de recours ne saurait être
suivie, car elle revient à ôter toute justification à la conduite d'une
expertise pluridisciplinaire. De surcroît, les premiers juges ont substitué
leur évaluation de la capacité de travail de l'intimé à celles des experts -
dont la tâche était pourtant de mettre leurs connaissances spéciales à la
disposition de l'administration afin de l'éclairer sur les aspects médicaux
d'un état de fait donné (cf. ATF 125 V 352 consid. 3b/aa et les références) -
en motivant très sommairement leur point de vue; or cela était critiquable
dans la mesure où le rapport d'expertise du COMAI satisfaisait à tous les
réquisits jurisprudentiels (cf. ATF 125 V 352 consid. 3a) et qu'il avait
ainsi pleine valeur probante.

Dans ces conditions, le complément d'instruction que l'intimé requiert à
titre subsidiaire apparaît superflu. Sa capacité résiduelle de travail
s'élève ainsi à 40 % dans une activité adaptée à son handicap.

6.
A teneur des décisions litigieuses du 23 juillet 2002, l'office recourant a
mis l'intimé au bénéfice d'une rente entière d'invalidité pour une période
limitée au 31 août 2000, prestation qu'il a remplacée par une demi-rente dès
le 1er septembre suivant. Au regard de la jurisprudence (cf. ATF 125 V 417 sv
consid. 2d et les références, SVR 2003 IV n° 35 p. 107 consid. 2.1 et la
référence), on pourrait se demander si le procédé ne devrait pas être
assimilé à un cas de révision du droit à la rente, au sens de l'art. 41 LAI
(en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002). Cette question peut toutefois rester
indécise, car aussi bien en 1997 qu'en 2000 (cf. ATF 129 V 222), le taux
d'invalidité de l'intimé était supérieur à la limite de 66 2/3 % ouvrant
droit à la rente entière (cf. art. 28 al. 1 LAI, dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2003), ainsi qu'on va le voir.

Pour déterminer le revenu d'invalide de l'intimé en 2000, il convient de se
fonder sur les statistiques salariales ressortant de l'enquête suisse sur la
structure des salaires 2000 publiée par l'Office fédéral de la statistique
(cf. ATF 124 V 321). Selon la table TA1 (p. 31), le salaire déterminant,
toutes activités confondues dans le secteur privé, était de 4'437 fr. par
mois (valeur standardisée) pour des travaux simples et répétitifs (niveau 4)
exercés par un homme. Ce salaire mensuel hypothétique de 4'437 fr. se basant
sur une durée hebdomadaire de travail de 40 heures, inférieure à la moyenne
usuelle dans les entreprises, il y a lieu de l'ajuster à 41,8 heures par
semaine (Annuaire statistique de la Suisse 2002, p. 207, T3.2.3.5), ce qui
aboutit à un salaire mensuel de 4'636 fr. 65, ou annuel de 55'640 fr. Ce
montant doit être adapté à la capacité de travail réduite de l'intimé (40 %),
d'où l'on obtient un revenu de 22'256 fr.

A ce stade, sans même appliquer de coefficient de réduction (cf. ATF 126 V
75), la comparaison de ce revenu d'invalide de 22'256 fr. avec le salaire
dont l'intimé aurait pu bénéficier en 2000, soit au minimum 71'500 fr.
(attendu qu'il réalisait pareil gain en 1997, selon le questionnaire
d'employeur du 9 février 1998), laisse déjà apparaître une perte de gain
minimale de 69 %. Il s'ensuit que le jugement attaqué sera confirmé en son
dispositif, par substitution de motifs.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le recourant versera à l'intimé la somme de 2'500 fr. à titre de dépens pour
la procédure fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 21 avril 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   Le Greffier: