Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 617/2003
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I 617/03

Arrêt du 4 juin 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffière : Mme
von Zwehl

P.________, recourant, représenté par Me Christian Flückiger, avocat et
notaire, Spitalgasse 9, 3001 Berne,

contre

Office AI Berne, Chutzenstrasse 10, 3007 Berne, intimé

Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue
française, Berne

(Jugement du 4 août 2003)

Faits:

A.
Par décision du 10 avril 1995, l'Office AI du canton de Berne (ci-après:
l'office AI) a rejeté la demande de prestations de l'assurance-invalidité
déposée le 27 avril 1994 par P.________. Il a considéré que les troubles
dorsaux invoqués par le prénommé ne l'empêchaient pas de poursuivre une
activité professionnelle comme auxiliaire en imprimerie offset, activité
qu'il avait exercé durant plus de 10 ans au service de l'entreprise
W.________ SA avant de se voir licencié avec effet immédiat le 21 décembre
1994.

Après avoir opposé par deux fois un refus d'entrée en matière aux nouvelles
demandes de prestations de P.________ (décisions des 22 mai 1997 et 25 mars
1999), l'office AI a accepté, à la suite d'une procédure introduite par
celui-ci, d'entrer en matière sur une troisième demande déposée en mai 1999.
Invité à donner son appréciation sur la situation médicale de l'assuré, le
docteur F.________, médecin traitant, a fait état d'un syndrome cervical et
lombaire chronique, ainsi que d'une hernie discale L4-L5; il a déclaré que
son patient était désormais inapte à exercer des travaux lourds, mais
conservait une capacité de travail résiduelle (probable) de 50 % dans une
activité légère (rapport du 3 février 2000). L'office AI a confié une
expertise aux docteurs L.________, spécialiste FMH en neurochirurgie, et
H.________, psychiatre, qui ont, chacun de leur côté, conclu que l'assuré
était encore en mesure de travailler à 100 % dans une activité adaptée; la
doctoresse L.________ a par ailleurs précisé que l'existence d'une incapacité
totale à exercer une activité lourde pouvait être admise dès le début de
l'année 1999 (rapports des 29 septembre et 31 octobre 2000). Au vu de ces
conclusions, un stage d'observation au Centre neuchâtelois d'intégration
professionnelle (CNIP) a été mis en oeuvre du 28 mai au 30 septembre 2001.
L'assuré y a effectué un horaire à mi-temps sur la base d'un certificat
médical du docteur F.________. A nouveau appelée à se prononcer sur l'état de
santé de l'intéressé, la doctoresse L.________ a confirmé sa prise de
position initiale (rapport du 26 mars 2002).

Par décision du 14 juin 2002, l'office AI a rejeté la nouvelle demande de
prestations sur la base d'un taux d'invalidité de 33 %.

B.
L'assuré a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de
Berne, qui a rejeté le recours (jugement du 4 août 2003).

C.
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il requiert l'annulation. Sous suite de frais et dépens, il conclut, à titre
principal, à l'octroi d'une rente d'invalidité entière ou éventuellement
d'une demi-rente, et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause à
l'administration.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales  a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas
applicable en l'espèce, le juge des assurances sociales n'ayant pas à tenir
compte des modifications du droit ou de l'état de fait survenues après que la
décision litigieuse du 14 juin 2002 a été rendue (cf. ATF 127 V 467 consid.
1, 121 V 366 consid. 1b).

Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003
modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO
2003 3852) ne sont pas applicables.

2.
Le jugement entrepris expose correctement les règles légales et les principes
jurisprudentiels régissant la notion d'invalidité, son évaluation et le degré
de cette dernière ouvrant le droit à une rente (art. 28 LAI), ainsi que les
modalités de la révision d'une décision de refus de prestations, notamment en
cas de nouvelle demande (art. 41 LAI; art. 87 ss RAI). Il suffit d'y renvoyer
sur ces différents points.

3.
En l'espèce, le recourant conteste l'estimation de sa capacité de travail
résiduelle, retenue par l'office AI et les premiers juges sur la base des
conclusions de la doctoresse L.________. Se fondant sur l'avis de son médecin
traitant, ainsi que sur l'évaluation faite par les responsables de la
réadaptation à l'issue de son stage d'observation professionnelle, il
soutient qu'il n'est pas en mesure de travailler au-delà de 50 %, même dans
une activité adaptée légère.

4.
La doctoresse L.________ a examiné l'assuré à deux reprises, avant et après
le stage d'observation professionnelle que celui-ci a accompli au CNIP. A
l'occasion de son premier examen, elle a constaté une mobilité réduite de la
colonne au niveau des vertèbres cervicales et lombaires explicable, d'après
le bilan radiologique, par une mauvaise posture (scoliose à convexité droite;
effacement de la lordose physiologique) et par la présence d'atteintes
dégénératives, certaines plus marquées dans la région cervicale que lombaire
(ostéochondrose et spondylarthrose surtout en C6-C7; hernie discale L4-L5
avec possible atteinte radiculaire en L5 gauche); au sujet des douleurs à la
tête dont se plaignait P.________, elle a exprimé l'avis qu'elles ne
provenaient pas forcément de son problème cervical et qu'il pouvait tout
aussi bien s'agir de céphalées de tension. Ces éléments l'ont conduite à
reconnaître une incapacité de travail dans l'exercice d'une activité lourde
(100 %) ou semi-lourde (50 %), mais aucune dans une activité légère
permettant une alternance des positions et n'impliquant pas le soulèvement de
poids supérieurs à 10 kg, un maintien rigide du haut du corps ou encore des
gestes professionnels au-dessus de la tête (rapport du 29 septembre 2000). A
l'issue de son second examen, en mars 2002, la doctoresse L.________ n'a pas
observé de changement significatif; tout en prenant acte des douleurs
exprimés par l'assuré au cours du stage au CNIP, elle n'en a pas moins
confirmé ses premières conclusions, en ce sens qu'une activité légère à plein
temps demeurait à la portée de P.________ (rapport du 26 mars 2002).

Rendus au terme d'examens cliniques approfondis et d'une étude complète du
dossier médical de l'assuré, les rapports d'expertise de la doctoresse
L.________ remplissent toutes les exigences auxquelles la jurisprudence
soumet la valeur probante d'un tel document (ATF 125 V 352 consid. 3a et
3b/bb), si bien qu'il n'y a pas lieu de s'écarter de ses conclusions. Certes
le docteur F.________ a-t-il régulièrement attesté d'une incapacité de
travail de 50 %. Il n'a toutefois fait état d'aucun élément qui n'ait été
pris en considération par l'experte et son opinion, insuffisamment motivée,
ne fait pour l'essentiel que restituer les plaintes subjectives de son
patient. Quant au rapport du CNIP (du 10 octobre 2001), il n'est pas non plus
de nature à mettre sérieusement en doute l'avis de la doctoresse L.________.
Comme l'ont fait remarquer de manière pertinente les premiers juges, les
responsables du stage n'ont pas véritablement procédé à une évaluation de la
capacité de travail du recourant; c'est en effet seulement sur la base des
déclarations de ce dernier, qui s'estimait incapable d'assumer un horaire
supérieur à une demi-journée, qu'ils ont émis des réserves sur l'exigibilité
d'une reprise d'activité professionnelle au-delà de 50 %. Par ailleurs, si
les informations recueillies au cours d'un stage d'observation
professionnelle peuvent certes se révéler utiles, en complément des données
médicales, pour fixer le degré d'invalidité, elles ne sauraient supplanter
l'avis dûment motivé d'un médecin à qui il appartient, au premier chef, de
porter un jugement sur l'état de santé et d'indiquer dans quelle mesure et
pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler, le cas échéant
quels travaux on peut encore raisonnablement exiger de lui (ATF 125 V 261
consid. 4). On doit dès lors admettre que le recourant jouit, dans le cadre
des contre-indications mentionnées par l'experte, d'une capacité de travail
entière.

5.
5.1 Pour le calcul de l'invalidité, les premiers juges se sont exclusivement
référés aux données statistiques économiques, singulièrement à l'Enquête
suisse sur la structure des salaires [EES] éditée par l'Office fédéral de la
statistique (édition 2000, tableau TA1, p. 31). A titre revenu d'invalide,
ils ont retenu le salaire statistique de référence auquel peuvent prétendre
les hommes effectuant des activités simples et répétitives (niveau de
qualification 4) dans le secteur privé, compte tenu d'un horaire hebdomadaire
de travail de 41,8 heures et d'un abattement de 10 %, soit 50'076 fr.
S'agissant du revenu sans invalidité, ils se sont basés sur celui auquel
peuvent prétendre les hommes au bénéfice de connaissances professionnelles
spécialisées (niveau de qualification 3) dans le secteur de l'édition,
l'impression et la reproduction, calculé en fonction d'un horaire
hebdomadaire de travail de 41,8 heures, soit 78'186 fr. 90. Ils en ont inféré
un degré d'invalidité de 35,95 % [(78'186.90 - 50'076) x 100 : 78'186.90].
Les premiers juges ont encore procédé à une seconde comparaison des revenus
en appliquant un abattement de 15 %, et sont parvenus à la conclusion que le
taux d'invalidité de l'assuré n'atteignait toujours pas le seuil à partir
duquel la LAI accorde le droit à un quart rente (39,51 %).

5.2 En l'occurrence, pour déterminer le revenu sans atteinte à la santé du
recourant, il convient de se baser, non pas sur les données statistiques,
mais sur le dernier salaire que celui-ci a obtenu au service de l'entreprise
W.________ SA en tenant compte de l'évolution des salaires jusqu'à l'année
2000, moment déterminant pour la comparaison des revenus (ATF 128 V 174
consid. 4a). On ne se trouve pas, en effet, en présence de circonstances
particulières qui justifieraient que l'on s'écarte ici de la règle générale
du salaire réalisé en dernier lieu (voir Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die
Invalidenversicherung [IVG], 1997, p. 205-206). Par exemple dans l'hypothèse
où l'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité
professionnelle de l'assuré, ce qui n'est pas le cas en l'espèce (arrêt T. du
23 mai 2000, U 243/99, consid. 2b). Le revenu sans invalidité à prendre en
considération ici est donc de 73'470 fr. [dernier salaire perçu en 1994
(69'915 fr.) adapté à l'évolution des salaires nominaux dans la branche
d'activité jusqu'en 2000, soit + 1,8 % en 1995, + 1,9 % en 1996, - 0,1 % en
1997, + 0,1 % en 1998, + 0,4 % en 1999 et + 0,9 % en 2000 (Annuaire
statistique de la suisse)].

En ce qui concerne le revenu d'invalide, c'est en revanche à bon droit que
les premiers juges ont fait recours, en l'absence d'un revenu effectivement
réalisé par le recourant après la survenance de l'atteinte à la santé, aux
données résultant de l'EES (ATF 126 V 76 consid. 3b/aa et bb, 124 V 322
consid. 3b/aa). Pour autant, la première réduction du salaire statistique
qu'ils ont effectuée (10 %) apparaît critiquable dans la mesure où elle ne
tient pas suffisamment compte des circonstances personnelles et
professionnelles du recourant. Ce dernier, d'âge mûr, souffre d'une
limitation non négligeable du haut du corps et bénéficiait de prestations
particulières auprès de son employeur du fait de son ancienneté (ATF 126 V
75), de sorte qu'une réduction de 15 % semble plus appropriée dans son cas.
Il en résulte un revenu d'invalide de 47'294 fr.

La comparaison de revenus donne un résultat de 35,62 % [(73'470 - 47'294) x
100 : 73'470], soit un degré d'invalidité de 36 % (voir l'arrêt R. du 19
décembre 2003 destiné à la publication, U 27/02, dans lequel la Cour de céans
a procédé à un changement de la jurisprudence publiée aux ATF 127 V 129). Ce
taux est toutefois insuffisant pour ouvrir au recourant le droit à une rente
d'invalidité (art. 28 al. 1 LAI).

Le recours se révèle par conséquent mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Berne, Cour des affaires de langue française, et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 4 juin 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   La Greffière: