Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 614/2003
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I 614/03

Arrêt du 12 décembre 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière : Mme
Boschung

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

P.________, intimé, représenté par CAP Assurance Protection Juridique, rue
St-Martin 26, 1005 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 7 mai 2003)

Faits:

A.
P. ________, né en 1951, a travaillé au service de l'entreprise X.________
SA, à Y.________, jusqu'au 30 septembre 1998, en tant qu'ouvrier sidérurgiste
non qualifié. Souffrant de lombalgies, il a subi une opération pour hernie
discale au moins d'octobre de la même année. Le 14 octobre 1999, il a déposé
une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une
rente; depuis le mois d'octobre 2000, il exerce une activité à 50 % au sein
de la municipalité de Y.________.

Dans le cadre de l'instruction de la demande, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'OAI) a confié un
examen clinique de l'assuré au Service médical régional AI (SMR). Dans un
rapport du 3 décembre 2001, le docteur A.________, médecin au SMR et
spécialiste en médecine interne et rhumatologie, a constaté l'existence d'un
syndrome lombo-vertébral commun, chronique et persistant. Après avoir
recueilli les avis des divers praticiens intervenus précédemment, il a fait
état d'une incapacité de travail totale et définitive de l'intéressé, dès le
mois d'octobre 1998 (opération pour hernie discale), dans son activité
antérieure d'ouvrier en sidérurgie. En revanche, dans une activité adaptée
aux troubles de ce dernier, le médecin prénommé a conclu à une pleine
capacité de travail dès le 1er mai 1999, soit après une période d'incapacité
totale de travail due aux suites opératoires.

Aussi, par décision du 27 mars 2002, l'OAI a-t-il nié le droit de l'intéressé
à une rente, motif pris que le taux d'invalidité, fixé à 5,23 %, n'ouvrait
pas droit à une telle prestation.

B.
Produisant un certificat médical du docteur B.________, spécialiste en
médecine interne, du 30 avril 2002, lequel évoque un état dépressif
chronique, P.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal des
assurances du canton de Vaud. Il a conclu à l'annulation de la décision
litigieuse et à ce qu'un complément d'instruction soit ordonné sous la forme
d'une expertise prenant en considération non seulement l'aspect physique mais
également psychique de son état de santé.

Par jugement du 7 mai 2003, la juridiction cantonale a admis le recours en ce
sens qu'elle a ordonné le renvoi du dossier à l'administration pour que
celle-ci procède, sur le plan somatique, à des mesures d'instruction
complémentaires afin de déterminer la capacité de travail de l'assuré dans
une activité adaptée et d'octroyer d'éventuelles mesures de réadaptation
professionnelle.

C.
L'OAI interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont il
requiert l'annulation.

Dans sa réponse, P.________ conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet
du recours et à la confirmation du jugement entrepris.

De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit éventuel de l'assuré à une rente de
l'assurance-invalidité.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Toutefois, le cas d'espèce demeure régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue, soit le 27 mars 2002 (ATF
121 V 366 consid. 1b).

2.
2.1 Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est
invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50 % au
moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI, prétendre une
demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.

Aux termes de l'art. 4 al. 1 LAI, l'invalidité est la diminution de la
capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une
atteinte à la santé physique ou mentale provenant d'une infirmité
congénitale, d'une maladie ou d'un accident.

Selon l'art. 28 al. 2 LAI, pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du
travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail,
est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide.

2.2 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le
juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin,
éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du
médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans
quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler.
En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer
quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V
261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid.
1).

En ce qui concerne, par ailleurs, la valeur probante d'un rapport médical, ce
qui est déterminant c'est que les points litigieux importants aient fait
l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens
complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées,
qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la
description du contexte médical soit claire et enfin que les conclusions de
l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid.
1c; VSI 2000 p. 154 consid. 2c).

3.
3.1 Les premiers juges ont considéré, en substance, que les avis médicaux au
dossier ne permettaient pas de trancher la question du droit de l'assuré à
une rente d'invalidité. Des investigations médicales complémentaires devaient
être entreprises, à tout le moins sur le plan somatique, pour clarifier
l'avis du docteur C.________, spécialiste en neurochirurgie au Centre
hospitalier Z.________ (rapport du 29 janvier 2002). L'avis de ce dernier
leur semblait aller à l'encontre de celui du docteur A.________. Pour ce qui
concerne le plan psychique, une affection de cette nature leur est parue peu
probable. Toutefois, ils ont précisé qu'il était loisible à l'OAI de procéder
à des investigations pluridisciplinaires.

3.2 A l'appui de ses conclusions, l'office recourant fait valoir que l'examen
clinique du docteur A.________ satisfait pleinement aux exigences requises
par la jurisprudence en matière de valeur probante. En outre, l'OAI est
d'avis que l'atteinte à la santé psychique est apparue postérieurement à la
date de la décision litigieuse, dans la mesure où elle a été signalée durant
la procédure devant la juridiction cantonale, et que par conséquent elle
pourra être prise en considération lors d'une prochaine révision.

3.3 De son côté, l'intimé soutient que les conclusions du rapport du docteur
A.________ manquent de motivation. Il déplore également que les organes de
l'OAI n'aient pas pris en compte son état psychique au cours de la procédure
administrative.

4.
4.1 L'examen clinique du SMR, à la suite duquel un rapport a été rédigé par le
docteur A.________ le 3 décembre 2001, a établi l'existence de lombalgies
communes, chroniques et persistantes. Ces troubles entraînent une diminution
de la capacité de travail de l'intimé qui n'est ainsi plus en mesure de
reprendre une activité physique lourde, mais peut en revanche mettre à profit
une capacité de travail normale dans une activité adaptée. Le rapport
d'examen du SMR du 5 décembre 2001, également rédigé par le docteur
A.________, expose que la nouvelle activité que l'assuré est capable
d'exercer doit tenir compte de ses limitations fonctionnelles, à savoir une
alternance régulière entre la position assise et debout, l'impossibilité
d'effectuer des travaux en porte-à-faux statique du tronc prolongé,
l'incapacité à soulever ou porter des charges excédant trois kilos, et
l'impossibilité d'effectuer des travaux imposant de fréquents déplacements
prolongés dans des escaliers ou sur des échelles.

Pour rendre ses conclusions, le docteur A.________ a tout d'abord convoqué
l'intéressé au SMR (consultation du 25 juillet 2001). Cette consultation lui
a permis de pratiquer plusieurs examens (neurologique, ostéo-articulaire,
rachidien), de prendre en considération toutes les plaintes émises par
l'assuré et d'avoir une pleine connaissance de l'anamnèse (sociale et
professionnelle, personnelle, par système, actuelle). Considérant comme
incomplets les documents transmis par le médecin de famille, le docteur
A.________ a ensuite fait appel aux médecins intervenus durant le traitement
pour hernie discale afin de  recueillir davantage de renseignements (dossier
radiologique, protocole opératoire, rapports de consultations) lui permettant
de connaître la situation objective au niveau du rachis et de se prononcer
sur la capacité de travail. Ainsi, après avoir soumis les points déterminants
à une étude fouillée, le médecin prénommé est parvenu à la conclusion que,
dans son activité d'ouvrier en sidérurgie, l'assuré présente une incapacité
totale de travail. En revanche, dans une activité adaptée (avec les
limitations décrites plus haut), il a retenu une pleine capacité de travail.

4.2 Cela étant, ni le rapport du docteur C.________, du 29 janvier 2002, ni
les documents médicaux produits par l'intimé au cours des procédures
cantonale et fédérale ne sont de nature à remettre en cause les conclusions
prises au sein du SMR. En effet, le rapport du docteur C.________ est
dépourvu de motivation et ne se prononce pas sur la capacité de travail dans
une activité adaptée. Quant aux certificats et rapports produits par l'assuré
(docteurs B.________ [certificats des 28 juillet et 10 octobre 2002],
D.________ [rapport du 25 juin 2003] et E.________ [rapports des 20 février,
18 mars et 5 juin 2003]), qui font état d'une aggravation de l'état de santé
sur le plan physique et de nouveaux troubles sur le plan psychique, il y a
lieu de relever que ces éléments ne peuvent être pris en considération dans
le présent litige. En effet, les affections décrites n'entrent pas dans la
période déterminante, dans la mesure où elles sont apparues postérieurement à
la date de la décision litigieuse (voir supra consid. 1). Partant, elles
doivent faire l'objet d'une nouvelle demande que l'intimé peut présenter à
l'administration (art. 87 al. 3 RAI).

4.3 Par conséquent, en l'absence d'élément permettant de mettre sérieusement
en doute les conclusions du SMR - dont le rapport répond à toutes les
exigences permettant de lui reconnaître pleine valeur probante -, il y a lieu
d'admettre que l'office recourant, à juste titre, fait grief aux premiers
juges d'avoir considéré que le dossier était insuffisant pour se prononcer
sur l'invalidité de l'assuré. En effet, il apparaît que ce dernier était
capable d'exercer une activité adaptée à plein temps au moment où la décision
litigieuse a été rendue.

5.
Il suit de là que, sans invalidité, P.________ aurait obtenu dans son
ancienne profession, depuis le 1er janvier 2000, un revenu mensuel de 3'636
fr., soit 47'268 fr. par an (questionnaire pour l'employeur du 25 janvier
2000). Dans une activité adaptée, les statistiques indiquent que le salaire
auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et
répétitives dans le secteur privé en 2000 est de 4'437 fr. par mois, soit
plus de 50'000 fr. par an (ESS 2000 p. 31, TA1, niveau de qualification 4),
ce qui est un revenu suffisant pour exclure le droit à une rente, même en
tenant compte d'une réduction du salaire statistique (cf. ATF 126 V 79 s.
consid. 5b/aa-cc).

6.
Vu ce qui précède, l'OAI était fondé, par sa décision du 27 mars 2002, à nier
le droit de l'assuré à une rente d'invalidité. Le recours est dès lors bien
fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 7 mai 2003 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 12 décembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   La Greffière: