Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 594/2003
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I 594/03

Arrêt du 20 octobre 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Métral

D.________, recourant, représenté par Me Jacques-André Schneider, avocat, rue
du Rhône 100, 1204 Genève,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 30 juin 2003)

Faits:

A.
D. ________, né en 1960, travaille comme ouvrier pour la société C.________
depuis 1989. Il souffre de lombosciatalgies depuis le mois de mars 1995. Dès
le mois de novembre 1996, son médecin traitant, le docteur T.________, puis
les médecins de l'Hôpital H.________ ont attesté une incapacité de travail
totale. Hospitalisé à l'Hôpital H.________, du 25 novembre au 6 décembre
1996, le prénommé a subi une hémilaminectomie L4-L5 gauche le 24 février 1997
dans ce même établissement. A la suite de l'opération, le docteur F.________,
chef de clinique adjoint du Service de neurochirurgie de l'Hôpital
H.________, attesta une incapacité de travail totale jusqu'au 12 mai 1997,
puis une incapacité de travail de 50 %, pour une durée indéterminée (rapports
des 6 mars et 16 avril 1997).

Dès le mois de mai 1998, la société C.________ a affecté son employé à une
tâche plus légère que celle effectuée précédemment, dans des travaux d'aide
au service de conciergerie en gare de L.________; le médecin traitant attesta
cependant plusieurs périodes d'incapacité de travail dans cette nouvelle
activité. D.________ fut à nouveau hospitalisé à l'Hôpital H.________, du 14
au 25 septembre 1998, où les examens pratiqués ont permis d'exclure une
récidive de hernie discale. Au terme de cette hospitalisation, les docteurs
G.________ et S.________ ont fait état de troubles somatoformes douloureux,
syndrome lombo-vertébral irritatif non déficitaire et status
post-hémilaminectomie L4-L5 gauche, en précisant qu'il n'y avait pas, de leur
point de vue, d'incapacité de travail dans des activité adaptées (rapport du
8 octobre 1998).

Pour sa part, le docteur E.________ examina D.________ le 7 décembre 1998, à
la demande de la société C.________, et proposa de retenir une incapacité de
travail de 50 % (rapport du 2 février 1999). A réception de ce document, le
docteur F.________, pour le Service médical de la société C.________, a
proposé de mettre D.________ en retraite anticipée partielle, pour raisons
médicales, en précisant partager l'opinion du docteur E.________ relative à
l'incapacité de travail de l'intéressé (lettre du 8 février 1999 du docteur
F.________ au docteur T.________). Le 24 février 1999, ce dernier a déposé
une demande de prestations de l'assurance-invalidité.

Dans un rapport du 10 juillet 2000 à l'Office de l'assurance-invalidité pour
le canton de Vaud (ci-après : office AI), le docteur T.________ décrivit une
capacité de travail de 80 à 100 % dans l'activité de conciergerie pour
laquelle l'employaient désormais la société C.________; l'assuré lui avait
toutefois déclaré être incapable de travailler plus d'une demi-journée. Selon
le médecin traitant, toute activité légère ne mettant pas à contribution le
dos, spécialement la région lombo-sacrée, était exigible, l'assuré présentant
une limitation pour les activités impliquant une position orthostatique ou
assise prolongée. Dans une lettre du 29 août 2001 à l'office AI, il revint
toutefois sur cette appréciation et attesta une incapacité de travail de 50 %
dans l'activité exercée par l'assuré depuis mai 1998.

Sur la base du dossier constitué par l'office AI, le Service médical régional
L.________(ci-après : SMR) attesta une capacité de travail entière dans une
activité n'impliquant pas la mise à contribution du dos, en position penchée
en avant ou lors du port de lourdes charges (rapport du 26 juin 2001). Par
décision du 27 septembre 2001, l'office AI rejeta la demande de prestations
de l'assuré, eu égard à la capacité de travail résiduelle attestée par le
SMR.

B.
D.________ déféra cette décision au Tribunal des assurances du canton de
Vaud, en concluant à l'octroi d'une rente d'invalidité. La juridiction
cantonale rejeta le recours, par jugement du 30 juin 2003.

C.
L'assuré interjette un recours de droit administratif contre ce jugement, en
produisant notamment deux rapports établis les 16 juin et 8 juillet 2003 par
le docteur O.________, médecin associé au service de rhumatologie, médecine
physique et réhabilitation de l'Hôpital H.________, ainsi qu'un rapport
établi le 11 août 2003 par les docteurs B.________ et U.________, médecins au
service de neurologie de l'Hôpital H.________. Le recourant conclut,
principalement, à l'annulation du jugement entrepris et à l'octroi d'une
demi-rente de l'assurance-invalidité; à titre subsidiaire, il demande le
renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour complément d'instruction
et nouveau jugement, le tout sous suite de dépens.

L'intimé conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité, de sorte
que le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances n'est pas limité à
la violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation - mais s'étend également à l'opportunité de la décision
attaquée. Le tribunal n'est pas lié par l'état de fait constaté par la
juridiction inférieure et peut s'écarter des conclusions des parties à
l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).

2.
2.1 D'après la jurisprudence, la législation applicable en cas de changement
de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de
l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences
juridiques, les faits sur lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut
être amené à se prononcer dans le cadre d'une procédure de recours de droit
administratif étant, par ailleurs, ceux qui se sont produits jusqu'au moment
de la décision administrative litigieuse (ATF 129 V 4 consid. 1.2, 398
consid. 1.1 et les références).

2.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et a
entraîné la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Compte tenu de la date de la décision administrative
litigieuse, ces modifications ne sont pas applicables en l'espèce. De même,
la modification du 21 mars 2003 de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité
(4ème révision de l'AI), entrée en vigueur le 1er janvier 2004, n'est pas
applicable dans le cadre de la présente procédure.

3.
Le jugement entrepris expose les dispositions légales et la jurisprudence
relatives à la notion d'invalidité, à l'échelonnement des rentes selon le
taux d'invalidité ainsi qu'aux critères permettant d'évaluer la valeur
probante d'un rapport médical. Sur ces points, il convient d'y renvoyer.

4.
4.1 La juridiction cantonale a considéré que de nombreux rapports médicaux,
précis et solidement étayés, figuraient au dossier et établissaient que le
recourant ne subissait aucune incapacité de travail en raison d'atteintes à
la santé d'origine somatique. Une incapacité de travail en raison de troubles
somatoformes douloureux pouvait également être exclue : l'assuré ne
présentait pas de comorbidité psychiatrique, quatre des cinq signes de
non-organicité de Waddell étaient positifs et le status objectif ne révélait
aucune atteinte grave (une récidive de hernie discale pouvant notamment être
exclue).

4.2 Ce point de vue ne convainc pas. En effet, de l'ensemble des médecins
ayant examiné l'assuré, seuls les docteurs G.________ et S.________ font
clairement état d'une capacité de travail entière dans des conditions de
travail adaptées, sans toutefois préciser quelles seraient ces conditions;
les médecins du SMR ne font que confirmer cette appréciation, sur la base du
dossier médical mis à leur disposition. En revanche, les docteurs F.________,
E.________, O.________, B.________ retiennent tous une incapacité de travail
de 50 % dans l'activité pourtant relativement légère à laquelle le recourant
est affecté depuis le mois de mai 1998. Certes, les rapports établis par ces
praticiens ne sont pas entièrement convaincants, dès lors qu'ils n'exposent
pas véritablement sur quelles constatations objectives reposent leurs
conclusions. Ils sont toutefois suffisamment probants pour mettre
sérieusement en doute l'appréciation des docteurs G.________, S.________, et
des médecins du SMR, émise elle-même au terme de rapports relativement
sommaires. Les prises de position du docteur T.________ ne permettent pas
davantage de se prononcer en connaissance de cause sur les atteintes à la
santé physique dont souffre le recourant et leur influence sur sa capacité
résiduelle de gain, compte tenu, en particulier, de leur caractère
contradictoire.

En ce qui concerne les troubles somatoformes douloureux décrits par les
docteurs G.________ et S.________, il serait prématuré de nier d'emblée leur
influence sur la capacité de travail du recourant, alors qu'aucune
investigation psychiatrique n'a encore été réalisée. A cet égard, on
précisera que les signes de non-organicité selon Waddell sont fréquemment
constatés en cas d'atteintes invalidantes à la santé psychique, et qu'une
affection psychique peut être indépendante d'une atteinte grave à la santé
physique (sur les critères auxquels le psychiatre appelé à se déterminer sur
la portée de troubles somatoformes douloureux prêtera une attention
particulière : arrêt N. du 12 mars 2004, [I 683/03] destiné à la publication,
C. du 18 juin 2004 [I 177/03] et les références).

4.3 La divergence des rapports médicaux figurant au dossier - aucun d'entre
eux ne revêtant une valeur probante déterminante - rend nécessaire une
instruction complémentaire. Compte tenu des aspects physique et psychique que
présentent les atteintes à la santé décrites par les médecins consultés à ce
jour, cette instruction sera mise en oeuvre sous la forme d'une expertise
pluridisciplinaire.

5.
Le recourant obtient partiellement gain de cause, de sorte qu'il peut
prétendre des dépens à charge de l'intimé (art. 159 al. 1 OJ). Par ailleurs,
la procédure est gratuite, dès lors qu'elle porte sur l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis, en ce sens que le jugement du 30 juin 2003 du Tribunal
des assurances du canton de Vaud et la décision du 27 septembre 2001 de
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud sont annulés; la
cause est retournée à l'intimé pour complément d'instruction au sens des
motifs et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'office de l'assurance-invalidité versera au recourant une indemnité de
dépens de 2'500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) pour la procédure
fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens de
première instance au regard de l'issue du procès de dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 20 octobre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   p. le Greffier: