Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 591/2003
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I 591/03

Arrêt du 31 août 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Frésard. Greffier : M.
Beauverd

S.________, recourant, représenté par Me Yves Rausis, avocat, Etude Borel &
Barbey, 2, rue de Jargonnant, 1211 Genève 6,

contre

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 19 juin 2003)

Faits:

A.
S.  ________ souffre d'une malformation congénitale du coeur qui a nécessité
trois interventions chirurgicales en 1981, 1990 et 1999. Arrivé en Suisse le
19 octobre 1993, il est au bénéfice d'une autorisation de séjour (permis B).
Il a travaillé en qualité de livreur-magasinier au service de la société
D.________ SA du 1er février au 8 septembre 1998, date à partir de laquelle
il a été entièrement incapable de travailler.

Le 11 octobre 1999, il a présenté une demande tendant à l'octroi d'une mesure
de réadaptation de l'assurance-invalidité sous la forme d'une orientation
professionnelle. Par décision du 9 novembre 2001, l'Office cantonal de
l'assurance-invalidité du canton de Genève a rejeté cette requête, motif
pris, en résumé, que l'invalidité était survenue à l'âge de seize ans, soit
avant l'arrivée en Suisse et le début de la période d'assurance.

B.
Saisie d'un recours contre cette décision, la Commission cantonale genevoise
de recours en matière d'AVS/AI (aujourd'hui : le Tribunal cantonal des
assurances sociales) l'a rejeté par jugement du 19 juin 2003.

C.
S. ________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
dont
il demande l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, au renvoi de la
cause à la juridiction cantonale pour qu'elle statue sur son droit à des
prestations de l'assurance-invalidité.

L'office intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à présenter des déterminations.

Considérant en droit:

1.
La décision administrative litigieuse portait sur le refus d'une mesure de
réadaptation sous la forme d'une orientation professionnelle. L'intéressé
ayant requis l'octroi d'une rente d'invalidité en cours de procédure
cantonale, la commission de recours a jugé toutefois inutile de transmettre
le dossier à l'office AI pour qu'il statue sur ce point, motif pris qu'à
l'évidence, les conditions d'assurance pour l'octroi d'une telle prestation
n'étaient pas réalisées. Ce simple refus de transmettre le dossier à
l'administration ne constitue pas une extension de la procédure à une
question qui déborde le rapport juridique visé par la décision administrative
litigieuse (cf. ATF 122 V 36 consid. 2a et les références) et seul le droit
éventuel du recourant à la mise en oeuvre d'une mesure de réadaptation
d'ordre professionnel doit être examiné dans le cadre de la présente
procédure.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003
modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO
2003 3852) ne sont pas non plus applicables.

3.
3.1 Les étrangers ont droit aux prestations de l'assurance-invalidité, entre
autres conditions, s'ils comptent, lors de la survenance de l'invalidité, au
moins une année entière de cotisations ou dix années de résidence
ininterrompue en Suisse (art. 6 al. 2 LAI). Demeurent toutefois réservées les
dispositions dérogatoires des conventions bilatérales de sécurité sociale
conclues par la Suisse avec un certain nombre d'Etats pour leurs
ressortissants respectifs. En l'occurrence, la Suisse n'a toutefois pas
conclu de convention de sécurité sociale avec le pays d'origine du recourant.

Aux termes de l'art. 50 RAVS - applicable à la fixation de la durée minimale
de cotisations selon l'art. 6 al. 2 LAI (ATF 125 V 255 consid. 1b) - une
année de cotisations est entière lorsqu'une personne a été assurée au sens
des art. 1er ou 2 LAVS pendant plus de onze mois au total et que, pendant ce
temps-là, soit elle a versé la cotisation minimale (variante I), soit son
conjoint au sens de l'art. 3 al. 3 LAVS a versé au moins le double de la
cotisation minimale (variante II) ou, enfin, elle peut se prévaloir de
bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d'assistance (variante
III).

3.2  En l'espèce, il ressort d'un extrait du compte individuel du recourant,
versé au dossier, que l'intéressé s'est acquitté de cotisations durant onze
mois au total (du mois de février au mois de décembre 1998). Quant aux
variantes II et III, elles n'entrent pas en ligne de compte en l'occurrence.
En raison de l'atteinte à la santé, le prénommé n'a pas repris d'activité
lucrative après le 31 décembre 1998. Conformément à l'art. 3 al. 1, seconde
phrase, LAVS en liaison avec les art. 1 et 2 LAI, il n'en était pas moins
assuré à titre obligatoire et tenu, en qualité de personne n'exerçant pas
d'activité lucrative (art. 10 LAVS), de s'acquitter des cotisations de
l'assurance-invalidité à partir du 1er janvier 1999. Selon la jurisprudence,
tant qu'elles n'ont pas été déclarées irrécouvrables ni prescrites (art. 16
LAVS en corrélation avec l'art. 3 al. 2 LAI) au moment de la survenance de
l'invalidité, de telles cotisations doivent être prises en compte lorsqu'il
s'agit de déterminer si un assuré compte une année entière de cotisations au
moment de la survenance du cas d'assurance (SVR 2002 IV no 38 p. 122 consid.
3b).

Cela étant, la durée de cotisation minimale de plus de onze mois (variante I)
n'a été accomplie que postérieurement au 1er janvier 1999 (art. 50 RAVS) et
le recourant ne peut prétendre la mise en oeuvre d'une mesure de réadaptation
d'ordre professionnel que si l'invalidité est survenue après cette date.

4.
4.1 Aux termes de l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée survenue dès
qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux
prestations entrant en considération. Selon la jurisprudence, ce moment doit
être fixé objectivement d'après l'état de santé, des facteurs externes
fortuits étant sans importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à
laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une
prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le
moment où l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé
peut ouvrir droit à des prestations d'assurance (ATF 118 V 82 consid. 3a et
les arrêts cités; VSI 2001 p. 149 consid. 2a).

Les assurés invalides ou menacés d'une invalidité imminente ont droit aux
mesures de réadaptation qui sont nécessaires et de nature à rétablir leur
capacité de gain, à l'améliorer, à la sauvegarder ou à en favoriser l'usage
(art. 8 al. 1, première phrase, LAI). Dans ce domaine, le moment de la
survenance de l'invalidité est celui où l'invalidité, de par sa nature et sa
gravité, rend nécessaire et possible la mesure de réadaptation. En ce qui
concerne les mesures de réadaptation d'ordre professionnel, l'événement
assuré est réputé survenu lorsque l'atteinte à la santé influe sur la
capacité de gain à un degré tel que l'on ne peut plus exiger de l'intéressé
qu'il exerce son activité comme il le faisait avant la survenance de
l'atteinte, que la mesure de réadaptation envisagée apparaît nécessaire et
que les traitements et mesures médicales de réadaptation sont terminés (ATF
113 V 263 consid. 1b et les références).

4.2  Les premiers juges ont considéré que l'invalidité propre à ouvrir droit
à
une mesure de réadaptation d'ordre professionnel est survenue avant 1993,
année de la venue du recourant en Suisse. Ils se sont fondés pour cela sur
l'avis du docteur C.________, médecin-conseil de l'office AI, selon lequel la
capacité de travail de l'intéressé était déjà sensiblement réduite à cette
époque.

Le recourant conteste ce point de vue en faisant valoir que non seulement il
a exercé une activité à plein temps au service de la Société I.________ de
télécommunications peu avant son arrivée en Suisse (du 26 juin 1991 au 24
août 1993), mais encore il a pris un emploi à plein temps en Suisse dès que
les autorités de ce pays l'en ont autorisé. Selon l'intéressé, il aurait donc
pu, dès son arrivée en Suisse et moyennant une autorisation idoine, continuer
d'exercer une activité comparable à celle qu'il exerçait auparavant. C'est
donc seulement au mois de février 1999, soit après l'intervention
chirurgicale motivée par la profonde décompensation dont il avait été victime
au mois de septembre 1998, que l'état de santé a été suffisamment stabilisé
et qu'une mesure de réadaptation est devenue nécessaire et possible. Aussi,
le recourant est-il d'avis que l'invalidité propre à ouvrir droit à la
prestation requise est survenue au mois de février 1999.

4.3  Dans un rapport du 29 janvier 2000, le docteur M.________, spécialiste
en
cardiologie, a indiqué que l'intéressé souffrait, depuis sa naissance, d'une
malformation cardiaque complexe sous la forme d'une L-transposition des gros
vaisseaux, accompagnée d'une double discordance auriculo-ventriculaire et
ventriculo-artérielle, associée à une large communication inter-ventriculaire
membraneuse, à une sténose pulmonaire valvulaire et à une hypoplasie du tronc
pulmonaire. Ce médecin a attesté une incapacité de travail de 100 % dans
l'activité habituelle de livreur de journaux dès le 9 septembre 1998. Dans
des certificats des 11 décembre 2000 et 31 janvier 2003, il a ajouté qu'après
sa venue en Suisse, le recourant n'avait pas pu trouver un emploi dans son
domaine des télécommunications mais avait dû se contenter d'exercer un
travail pénible ayant eu peut-être une influence dans la détérioration
fonctionnelle de son coeur survenue au mois de septembre 1998. Même s'il est
actuellement stabilisé grâce à la troisième intervention chirurgicale
pratiquée au mois de février 1999, son état de santé ne lui permet plus de
reprendre son activité de livreur de journaux en raison des efforts physiques
importants qu'elle nécessite.

Sur le vu de cette appréciation médicale, qui ne fait l'objet d'aucune
controverse entre les parties, on constate qu'avant la décompensation
survenue au mois de septembre 1998, l'affection cardiaque dont le recourant
souffre depuis sa naissance ne l'empêchait pas d'exercer une activité
professionnelle à plein temps. En effet, comme cela ressort d'un certificat
de travail rédigé par l'employeur le 29 octobre 2000, l'intéressé a travaillé
au service de la Société I.________ de télécommunications du 26 juin 1991 au
24 août 1993, date de l'expiration de son contrat. Ensuite, après son
établissement en Suisse, il a exercé, toujours à plein temps, un emploi de
livreur de journaux du 1er février au 8 septembre 1998. Certes, il n'a exercé
aucune activité durant la période du 19 octobre 1993, date de son arrivée en
Suisse, au 31 janvier 1998. Cependant, cette absence d'activité s'explique
par le fait que le recourant n'a pas pu, dès son arrivée en Suisse, disposer
des autorisations nécessaires pour y exercer un emploi. Quoi qu'il en soit,
aucun document médical versé au dossier ne permet d'inférer que, durant la
période en question, l'affection cardiaque dont il souffre influait sur la
capacité de gain de l'intéressé à un degré tel que l'on ne pouvait exiger de
lui qu'il exerçât une activité dans la même mesure qu'avant son arrivée en
Suisse. Certes, le médecin-conseil de l'office AI, qui affirme se référer
pour cela à un entretien téléphonique avec le docteur M.________, est d'avis
que la capacité de travail du recourant était déjà réduite dans une mesure
importante lors de son arrivée en Suisse. Cependant, une telle opinion ne
ressort pas des appréciations du spécialiste prénommé, lequel s'est pourtant
exprimé à diverses reprises dans cette affaire (rapport du 29 janvier 2000,
certificats des 11 décembre 2000 et 31 janvier 2003). Cela étant, on ne
saurait partager le point de vue des premiers juges selon lequel l'invalidité
propre à ouvrir droit à une mesure de réadaptation d'ordre professionnel est
survenue avant ou à l'époque de la venue du recourant en Suisse.

Par ailleurs, bien que la troisième intervention chirurgicale ait permis de
stabiliser la situation sur le plan cardiaque après la sévère décompensation
survenue au mois de septembre 1998, le docteur M.________ est d'avis que le
recourant n'est plus en mesure de reprendre son ancienne activité de livreur
de journaux en raison des trop grands efforts physiques qu'elle nécessite. En
revanche, selon ce spécialiste, l'intéressé est tout à fait en mesure
d'exercer des activités en position assise dans un environnement de type
bureau (certificat du 31 janvier 2003). Dans ces conditions, force est
d'admettre qu'après la survenance de la décompensation cardiaque au mois de
septembre 1998, l'état de santé du recourant s'est dégradée à un degré tel
que l'on ne pouvait plus exiger de lui qu'il reprît l'activité exercée
auparavant. Dans la mesure où l'état de santé a été stabilisé par
l'intervention chirurgicale réalisée au mois de février 1999, une mesure de
réadaptation d'ordre professionnel apparaissait nécessaire et l'invalidité
ouvrant droit à la prestation en cause est réputée survenue au plus tôt à
cette époque. Comme les cotisations dont l'intéressé aurait dû s'acquitter en
qualité de personne n'exerçant aucune activité lucrative à partir du 1er
janvier 1999 n'étaient pas prescrites, la condition de la durée minimale de
cotisation était réalisée au moment de la survenance du cas d'assurance.

Vu ce qui précède, l'office intimé n'était pas fondé à nier le droit du
recourant à une mesure de réadaptation d'ordre professionnel pour ce motif.
Le recours se révèle ainsi bien fondé.

5.
Le recourant, qui obtient gain de cause, est représenté par un avocat. Il a
droit à une indemnité de dépens pour l'ensemble de la procédure (art. 159 al.
1 en liaison avec l'art. 135 OJ; art. 61 let. g LPGA).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement de la Commission cantonale genevoise de
recours en matière d'AVS/AI du 19 juin 2003, ainsi que la décision de
l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève du 9 novembre
2001 sont annulés; la cause est renvoyée audit office pour qu'il rende une
nouvelle décision concernant le droit du recourant à une mesure de
réadaptation d'ordre professionnel.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'office intimé versera au recourant la somme de 3'000 fr. (y compris la taxe
sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'ensemble de la procédure.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 31 août 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   Le Greffier: