Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 56/2003
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I 56/03

Arrêt du 18 juin 2003
IIe Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Widmer et Frésard. Greffière : Mme
Moser-Szeless

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

P.________, intimée, représentée par la Fédération suisse pour l'intégration
des handicapés (FSIH), place Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 11 septembre 2002)

Faits:

A.
P. ________, née en 1963, a exercé diverses activités, dont celle de
manutentionnaire puis de nettoyeuse en salle d'opération auprès de la
Clinique X.________. Souffrant de longue date de douleurs cervicales et
dorsales, elle a définitivement cessé toute activité en février 1996, et
présenté, le 24 septembre suivant, une demande de prestations de
l'assurance-invalidité.

Les diverses consultations spécialisées prescrites par son médecin traitant,
le docteur A.________, ont fait apparaître, sur le plan physique, les
diagnostics de troubles statiques vertébraux avec dysfonctions étagées, de
séquelles de Scheuermann (rapport du docteur E.________ du 31 août 1992),
ainsi qu'un genu valgum (rapport du docteur F.________ du 7 juin 1991); au
niveau psychique, le docteur A.________ a précisé que la prénommée souffrait
en outre d'un état dépressif chronique dans le cadre d'un conflit conjugal et
proposait un examen complémentaire par un psychiatre (rapport du 10 décembre
1996). Il attestait d'une incapacité de travail entière dans des activités
physiques lourdes, mais estimait la patiente capable d'exercer une activité
légère tout en réservant l'avis du psychiatre. Ayant examiné l'assurée à la
demande de son médecin traitant, le docteur B.________ a diagnostiqué des
rachialgies diffuses et troubles dysthymiques, ainsi qu'une fibromyalgie
(rapport du 9 octobre 1997).

Dans le cadre de l'instruction de la demande, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (l'office AI) a confié une
expertise médicale au Centre d'observation médicale de l'AI (COMAI). Dans
leur rapport du 10 avril 2000, les experts ont constaté, entre autres
affections, l'existence d'un syndrome somatoforme douloureux persistant sous
forme principalement de dorso-lombalgies, d'un trouble dépressif récurrent et
d'un trouble de la personnalité non spécifique, à traits masochiques et
dépendants; ils ont conclu à une capacité de travail résiduelle comprise
entre 40 et 50 % dans une activité adaptée n'exigeant ni des travaux lourds,
ni le port de charges lourdes et permettant une alternance de positions. Ils
ont par ailleurs relevé que des mesures de réadaptation professionnelle dans
l'activité de coiffeuse - souhait émis par l'assurée - n'étaient pas
indiquées en raison des gonalgies et rachialgies dont elle se plaignait; ils
préconisaient en revanche une mesure d'aide au placement.

Par décision du 28 février 2001, l'office AI a fixé le taux d'invalidité de
l'assurée à 5,05 %, niant en conséquence son droit à des mesures
professionnelles ainsi qu'à une rente. Il a considéré qu'elle présentait une
capacité de travail entière dans une activité adaptée à son état de santé, à
l'instar d'une activité industrielle légère.

B.
Alléguant que l'office AI s'était écarté à tort de l'évaluation des experts
du COMAI, P.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal des
assurances du canton de Vaud, en concluant, principalement, au renvoi de la
cause à l'administration pour que soient mises en oeuvre des mesures de
réadaptation. A titre subsidiaire, elle demandait la reconnaissance de son
droit à une demi-rente d'invalidité.

Par jugement du 11 septembre 2002, le tribunal cantonal a réformé la décision
attaquée en ce sens qu'il a reconnu à l'assurée un droit à une demi-rente
d'invalidité dès le 1er septembre 1997, ainsi qu'à une aide au placement.

C.
L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il requiert l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du 28
février 2001.

L'intimée conclut au rejet du recours, sous suite de dépens. Quant à l'Office
fédéral des assurances sociales, il a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine
de l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

1.2 Le litige porte sur le droit de l'intimée à des prestations de
l'assurance-invalidité.

Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et
réglementaires ainsi que les principes jurisprudentiels relatifs à la notion
d'invalidité résultant d'une atteinte à la santé mentale (art. 4 LAI),
singulièrement de troubles somatoformes douloureux (VSI 2000 p. 154 consid.
2c), à son évaluation chez les assurés actifs (art. 28 al. 2 LAI) - en
particulier en ce qui concerne les modalités de recours à des données
salariales statistiques (ATF 126 V 75) - aux conditions du droit à une rente
d'invalidité (art. 28 al. 1 LAI), ainsi qu'à la valeur probante d'un rapport
médical (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c). Il suffit donc d'y
renvoyer sur ces différents points.

2.
2.1 Les premiers juges ont considéré, en substance, que l'incapacité de
travail de l'assurée, que les experts du COMAI ont estimée de l'ordre de 40 à
50 %, entraînait dans une activité adaptée une incapacité de gain d'un taux
de 52,13 %, ouvrant droit à une demi-rente d'invalidité.

2.2 A l'appui de ses conclusions, l'office recourant fait valoir, d'une part,
que l'expertise du COMAI ne démontrerait pas l'existence d'une comorbidité
psychiatrique et, d'autre part, qu'elle ne contiendrait pas les conclusions
d'un rhumatologue. Il soutient également que l'expert psychiatre tente de
justifier le taux d'incapacité de travail de l'intimée par des facteurs
étrangers à l'invalidité, tels que l'inadaptation sociale, le manque de
formation, des difficultés linguistiques et la situation financière difficile
du couple. Selon le recourant, les troubles diagnostiqués ne présentent pas
un tel degré de gravité que l'assurée ne serait pas en mesure d'exercer une
activité lucrative.

De son côté, l'intimée est d'avis que l'office recourant n'avait pas à
s'écarter des conclusions des experts du COMAI, qu'elle partage entièrement,
dès lors que celles-ci ont pleine valeur probante au sens de la
jurisprudence.

3.
3.1 Les experts du COMAI ont retenu les diagnostics de trouble somatoforme
douloureux persistant sous forme principalement de dorso-lombalgies, associé
à un état dépressif récurrent (épisode actuel de degré moyen), de troubles de
la personnalité non spécifique, à traits masochiques et dépendants, troubles
statiques modérés du rachis et séquelles mineures de Scheuermann ainsi qu'une
hyper-réactivité bronchique et rhino-conjonctivite allergique. L'ensemble de
ces pathologies entraîne une diminution de la capacité de travail de
l'intimée avec une composante psychiatrique déterminante. P.________ n'est
ainsi plus en mesure de reprendre une activité physiquement exigeante, mais
peut en revanche mettre à profit une capacité de travail de l'ordre de 40 à
50 % dans une activité adaptée de type manutention légère.

Pour rendre leurs conclusions, les experts se sont adjoint les services d'un
médecin psychiatre, la doctoresse C.________, qui estime que l'intimée, dont
le fonctionnement est très limité et rigide, présente clairement tous les
signes et symptômes d'un syndrome somatoforme douloureux persistant. La
psychiatre a également mis en évidence le diagnostic d'état dépressif
récurrent, épisode actuel de degré moyen. La reconnaissance de cet état
dépressif récurrent, épisode de degré moyen (F33.1 dans la classification
internationale du CIM-10) constitue, par rapport aux troubles somatoforme
douloureux, une comorbidité psychiatrique d'une certaine gravité. En ce qui
concerne, en particulier, ce critère lors de l'appréciation du caractère
invalidant de troubles somatoformes, on rappellera que si, dans certains cas
d'espèce, la jurisprudence a nié l'existence d'une incapacité de travail
significative résultant de tels troubles en l'absence de comorbidité
psychiatrique grave (VSI 2000 p. 156), elle a rappelé à diverses reprises que
cet arrêt ne peut être interprété en ce sens que des troubles de ce type ne
seraient susceptibles de fonder une invalidité au sens de la LAI qu'en
relation avec une telle comorbidité (arrêts Q. du 8 août 2002, [I 783/01] et
L. du 6 mai 2002 [I 275/01). Un tel schématisme, qui procède d'une mauvaise
compréhension des motifs de l'arrêt publié dans VSI 2000 p. 156, ne saurait,
en effet, s'accorder avec la complexité de la problématique du caractère
invalidant des troubles somatoformes douloureux, qui justifie les exigences
posées à l'adresse de l'expert par la jurisprudence précitée (arrêt M. du 14
janvier 2003, [I 338/02]).

Par ailleurs, contrairement à l'allégation de l'office recourant, un médecin
spécialiste en rhumatologie a également participé à l'élaboration du rapport
d'expertise, puisque le docteur D.________, rhumatologue, a discuté avec ses
confrères des constatations médicales relatives à la situation de l'assurée
et signé ledit rapport, en en acceptant donc l'ensemble des conclusions. Au
demeurant, même si on ignore lequel des experts a nommément procédé à une
telle appréciation, l'assurée a fait l'objet d'un test ostéo-articulaire au
cours duquel l'existence de 8 points selon Smythe pour une fibromyalgie,
ainsi que celle de points algiques à la palpation ou à la mobilisation, a été
constatée, de sorte que des aspects rhumatologiques ont également été pris en
compte.

3.2 En l'espèce, les critères relevés par les experts, à savoir, sur le plan
psychique, un trouble de la personnalité non spécifique, à traits masochiques
et dépendants, l'existence, déjà mentionnée, d'une comorbidité psychiatrique,
les dorso-lombalgies et les troubles statiques modérés du rachis, sur le plan
physique, la longue évolution des affections physiques ressenties par
l'assurée, une situation familiale difficile en raison d'un important conflit
conjugal et l'absence de simulation ou d'intention dans la manifestation des
symptômes décrits permettent, conformément à la jurisprudence (cf. VSI 2000
p. 154 consid. 2c) de poser un pronostic défavorable quant à la reprise du
travail de l'assurée à temps complet. A cet égard, si les experts mentionnent
certes, comme le relève le recourant, des éléments tels que l'émigration et
le manque de formation scolaire et professionnel en rapport avec le pronostic
défavorable relatif à la capacité de travail de l'intimée, ils se fondent
toutefois principalement sur l'état dépressif et la chronification de la
situation médicale, sans rémission durable, pour justifier leur appréciation.

En conséquence, en l'absence d'élément permettant de mettre sérieusement en
doute les conclusions des experts du COMAI, - dont le rapport répond à toutes
les exigences permettant de lui reconnaître pleine valeur probante (ATF 125 V
351 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c) -, on ne saurait, à l'instar du
recourant, faire grief aux premiers juges d'avoir retenu que l'intimée est
atteinte de troubles d'une certaine gravité en raison desquels elle n'est
capable d'exercer qu'une activité adaptée à 50 %. Dans cette mesure, le cas
d'espèce se distingue des situations jugées dans les deux arrêts de la Cour
de céans mentionnés par le recourant (I 141/02 et I 759/01).

4.
Les premiers juges ont reconnu le droit de l'assurée à une demi-rente
d'invalidité dès le 1er septembre 1997, fondée sur un degré d'invalidité de
52,13 % qu'ils ont fixé conformément à l'art. 28 al. 2 LAI, ainsi qu'à une
mesure d'aide au placement. La Cour de céans n'a pas de raison de s'écarter
du jugement entrepris sur ces points, que ne conteste au demeurant pas
l'office recourant.
Il suit de ce qui précède que le recours est infondé.

5.
L'intimée, représentée par la Fédération suisse pour l'intégration des
handicapés (FSIH), obtient gain de cause et peut dès lors prétendre une
indemnité de dépens (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud versera à
P.________ la somme de 1'800 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour la procédure de dernière instance.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 18 juin 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   La Greffière: