Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 555/2003
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2003
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2003


I 555/03

Arrêt du 15 octobre 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffier : M.
Berthoud

I.________, recourant, représenté par Me Bertrand Reich, avocat, boulevard
St-Georges 72, 1205 Genève,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 7 juillet 2003)

Faits:

A.
A.a I.________, né en 1946, a exercé la profession de tôlier. Souffrant de
troubles auditifs, il s'est annoncé à l'assurance-invalidité le 13 juillet
1994. Après avoir pris en charge des mesures de réadaptation d'ordre
professionnel, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud
(l'office AI) a statué sur le droit de l'assuré à la rente. Dans sa décision
du 2 septembre 1999, l'administration a arrêté le revenu annuel sans
invalidité à 70'191 fr.; eu égard à un gain annuel d'invalide de 43'000 fr.,
l'office AI a nié le droit à la rente, car le taux d'invalidité s'élevait à
38,73 %.

Cette décision, confirmée sur recours par le Tribunal des assurances du
canton de Vaud (cf. jugement du 6 juillet 2000), a été annulée par arrêt du
Tribunal fédéral des assurances du 14 mars 2001 (I 468/00). La Cour de céans
a renvoyé la cause à l'office AI pour qu'il détermine à nouveau le revenu
sans invalidité de I.________ en 1999, afin de pouvoir fixer son taux
d'invalidité. Le revenu d'invalide, soit 43'000 fr., a été confirmé.

A.b L'office AI a interpellé l'ancien employeur de l'assuré, G.________, par
lettre du 13 juillet 2001. En rappelant à l'employeur qu'il avait déclaré un
salaire brut de 70'191 fr. en 1992 et un salaire horaire net de 35 fr. en
1993, l'office AI lui a demandé de préciser le salaire horaire net pour
l'année 1992, de confirmer l'exactitude des informations verbales reçues le
22 avril 1999 selon lesquelles le salaire de l'assuré n'aurait pas été
augmenté jusqu'en 1999 s'il était resté à son service, puis de faire
connaître l'évolution moyenne des salaires dans l'entreprise entre 1992 et
1999. Dans sa réponse du 16 août 2001, G.________ a fait savoir que le
salaire horaire net de l'assuré était de 35 fr. en 1992, qu'il n'aurait pas
été augmenté par la suite eu égard au montant déjà très élevé de ce salaire,
et qu'en 1993 le salaire était moins élevé. L'employeur a ajouté qu'il
n'avait pas d'employé dans son entreprise, si bien qu'il ne pouvait pas
indiquer d'évolution de salaires.

Le 5 novembre 2001, l'office AI a soumis un projet de décision à l'assuré,
aux termes duquel il envisageait de tenir compte derechef d'un gain d'assuré
valide de 70'191 fr.; le taux d'invalidité serait ainsi à nouveau fixé à
38,73 % compte tenu d'un gain d'invalide de 43'000 fr. I.________ s'est
déterminé le 30 novembre suivant. Il a produit une lettre du 23 novembre 2001
qu'il avait adressée à G.________, où il exposait notamment que son salaire
horaire brut était en réalité de 42 fr. en 1992 et qu'il aurait dû s'élever à
46 fr. en 2000.

Par écriture du 20 décembre 2001, l'assuré a reproché à son ancien employeur
d'avoir commis une erreur dans le décompte des cotisations aux assurances
sociales. Il l'a dès lors invité à lui verser un complément de salaire de
26'647 fr. 70 et de s'acquitter sans tarder du paiement des cotisations au
taux de 5,25 % sur ses salaires bruts auprès de la caisse de compensation
compétente.

Le 20 décembre 2001, l'office AI a rendu une décision conforme à son projet
du 5 novembre 2001 et nié le droit de l'assuré à la rente.

B.
I.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton de
Vaud, en concluant principalement au versement d'une demi-rente d'invalidité
et subsidiairement au renvoi de la cause à l'office AI.

Pendente lite, le 14 janvier 2002, I.________ a assigné G.________ devant le
Tribunal des prud'hommes de C.________ en paiement d'une créance de 27'324
fr. Lors de l'audience du 11 février 2002, le demandeur a toutefois retiré sa
requête et les parties se sont données réciproquement quittance pour solde de
tout compte.

Par jugement du 7 juillet 2003, la juridiction cantonale a rejeté le recours
et maintenu la décision attaquée (ch. I et II du dispositif). Considérant que
l'état de santé psychique de l'assuré s'était aggravé depuis la décision
entreprise, elle a renvoyé la cause à l'office AI (ch. III du dispositif).

C.
I.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement; il
demande l'annulation des ch. I et II du dispositif, avec suite de dépens, et
conclut principalement à l'octroi d'une demi-rente d'invalidité dès le 13
juillet 1995, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale.

L'intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le revenu d'assuré valide du recourant en 1999.

2.
A l'appui de ses conclusions, le recourant soutient que son salaire horaire
aurait été augmenté d'un franc par an depuis 1993, si bien qu'en 1999 il
aurait eu droit à une rémunération horaire de 48 fr. avant déductions
sociales. Il ajoute que s'il n'avait pas perdu son emploi, en 1993, son
salaire horaire brut, au cours de cette année-là, se serait  en réalité élevé
à 43 fr.

3.
La solution du litige ressortit aux art. 4, 28 al. 1 et 2 LAI, dans leur
teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002.

La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA) du 6
octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas applicable,
dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à prendre en
considération les modifications du droit ou de l'état de fait postérieures à
la date déterminante de la décision litigieuse du 20 décembre 2001 (ATF 129 V
4 consid. 1.2 et les références).

4.
4.1 Selon l'art. 141 al. 3 RAVS, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre 2002, lorsqu'il n'est pas demandé d'extrait de compte, que
l'exactitude d'un extrait de compte n'est pas contestée ou qu'une réclamation
a été écartée, la rectification des inscriptions ne peut être exigée, lors de
la réalisation du risque assuré, que si l'inexactitude des inscriptions est
manifeste ou si elle a été pleinement prouvée. Se référant aux art. 25 OAI et
28 LAI, la jurisprudence a précisé que ces principes s'appliquent aussi
lorsque l'exactitude d'un compte individuel est remise en cause lors de la
détermination du revenu hypothétique d'assuré valide (arrêt non publié E. du
19 novembre 1996, I 133/96; cf. aussi ATF 117 V 261).

En l'occurrence, le risque d'invalidité était survenu, si bien que le
recourant devait apporter la preuve de l'inexactitude des inscriptions
portées sur son compte individuel. Il n'y est toutefois pas parvenu pour
l'année 1992, ce qui peut expliquer son désistement lors de l'audience du 11
février 2002. En revanche, pour 1993, les données ressortant du compte
individuel ne correspondent manifestement pas avec le questionnaire pour
l'employeur du 20 septembre 1994 : en effet, d'après le compte individuel,
l'assuré a travaillé pendant onze mois au service de G.________ pour un
salaire de 59'733 fr., tandis que selon le questionnaire de l'employeur
l'activité n'a duré que six mois et le salaire s'est élevé à 33'250 fr.

Quant au complément d'instruction auquel l'intimé a procédé à la suite de
l'arrêt du 14 mars 2001, il n'a pas permis d'établir (ni de rendre
vraisemblable) que le recourant aurait perçu en 1999 un salaire plus élevé
que celui dont il bénéficiait en 1993, s'il était resté au service de son
ancien employeur. Leurs déclarations sont en effet totalement contradictoires
et aucun élément concret ne vient conforter les points de vue respectifs de
l'employeur et de son salarié. Un complément d'instruction n'apporterait
vraisemblablement rien de neuf à cet égard.

4.2 Vu ce qui précède, seul le salaire porté sur le compte individuel du
recourant en 1992 (70'191 fr.) peut être pris en considération, comme dernier
revenu obtenu avant la survenance de l'atteinte à la santé, pour déterminer
le revenu hypothétique d'assuré valide en 1999.

Ce montant doit être adapté, selon l'évolution des salaires nominaux de la
branche d'activité, à la date déterminante pour l'évaluation de l'invalidité
(VSI 2000 p. 310; consid. 5.2 de l'arrêt K. du 20 mars 2003, I 324/02, connu
de l'intimé et du Tribunal cantonal; voir aussi ATF 129 V 223-224 consid.
4.2). En l'absence de convention collective applicable aux tôliers (cf.
rapport intermédiaire de l'office AI du 30 août 2001), il convient de se
fonder sur les données statistiques. De celles-ci, il ressort que l'indice
des salaires nominaux a passé de 1788 à 1836 points entre 1992 et 1993 (cf.
Annuaire statistique de la Suisse 1995, T3.15, p. 108), puis de 100,0 à 105,0
points de 1993 à 1999 pour le secteur secondaire (cf. Annuaire statistique de
la Suisse 2001, T3.4.3.1 p. 203).

La comparaison du gain indexé à l'année 1999, de 75'679 fr., au revenu
d'invalide de 43'000 fr. aboutit à une perte de gain de 43 %.

5.
Le recours est en conséquence bien fondé quant au principe du droit à une
rente. La cause sera dès lors renvoyée à l'intimé afin qu'il examine les
conditions - alléguées - du cas pénible (art. 28 al. 1bis LAI), puis fixe le
montant et le début du versement de la rente par une nouvelle décision.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que les ch. I et II du dispositif du jugement
du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 7 juillet 2003 ainsi que la
décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 20
décembre 2001 sont annulés, l'affaire étant renvoyée à l'intimé pour qu'il
fixe la rente au sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 octobre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. la Présidente de la IIIe Chambre:   Le Greffier: