Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 552/2003
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I 552/03

Arrêt du 26 novembre 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Frésard. Greffière : Mme
von Zwehl

E.________, recourante, représentée par la PROCAP, Association Suisse des
invalides, rue de Flore 30, 2500 Bienne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 13 mai 2003)

Faits:

A.
A.a E.________, né en 1956, a travaillé en qualité l'employée de maison du 22
octobre 1989 au 30 septembre 1990, date à laquelle elle a donné son congé.
Depuis lors, elle n'a plus exercé d'activité lucrative. Le 28 octobre 1993,
elle a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant
à l'octroi d'une rente ou d'une mesure de reclassement. Dans un rapport du 17
janvier 1994, son médecin traitant, le docteur G.________, a fait état d'une
thalassémie mineure, d'une psychasténie, ainsi que d'une éventuelle myopathie
enzymatique mineure, en précisant que les différents examens pratiqués
n'avaient jamais mis en évidence de pathologie organique. Par décision du 13
mars 1995, l'Office AI pour le canton de Vaud (ci-après: office AI) a rejeté
la demande, considérant que la requérante ne présentait aucune atteinte à la
santé invalidante. Par jugement du 28 juin 1995, le Tribunal des assurances
du canton de Vaud a confirmé cette décision.

A.b Le 28 juillet 1998, E.________ a déposé une nouvelle demande de
prestations, en invoquant une aggravation de son état de santé. L'office AI a
confié une expertise au Centre d'observation médicale de l'AI (COMAI). Après
avoir requis l'opinion d'un neurologue (le professeur C.________) et d'un
psychiatre (le docteur A.________) sur le cas, les médecins de cet
établissement ont retenu les diagnostics suivants: «neurasthénie, anémie
ferriprive sévère, phobies spécifiques chez une personnalité à traits
anankastiques (obsessionel compulsif), status post-hépatite B, antigène HBs
positif, et thalassémie mineure (bêta thalassémie hétérozygote)»; il existait
une capacité de travail résiduelle de 30 % au maximum pour des motifs
psychiatriques essentiellement (rapport du 12 mai 2000). Ce rapport a été
soumis au médecin-conseil de l'office AI qui s'est déclaré en désaccord avec
l'appréciation des médecins du COMAI (avis du 31 mai 2000). Par décision du
12 janvier 2001, l'office AI a derechef rejeté la demande.

B.
L'assurée a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton de
Vaud, qui l'a déboutée par jugement du 13 mai 2003. En bref, les premiers
juges ont estimé que le diagnostic de neurasthénie n'était pas suffisamment
étayé par les experts; et quand bien même l'assurée souffrirait d'une telle
affection, rien ne permettait d'admettre qu'elle occasionnait une incapacité
de travail et de gain d'une certaine importance.

C.
E.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle requiert l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut,
principalement, à l'octroi d'une rente entière d'invalidité et,
subsidiairement, au renvoi de la cause à l'administration pour nouvelle
décision.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le jugement entrepris expose correctement les règles légales (dans leur
teneur en vigueur à la date déterminante de la décision litigieuse) et les
principes jurisprudentiels régissant la notion d'invalidité (art. 4 LAI), son
évaluation et le degré de cette dernière ouvrant le droit à une rente (art.
28 LAI), ainsi que les modalités de la révision d'une décision de refus de
prestations, notamment en cas de nouvelle demande (art. 41 LAI; art. 87 ss
RAI). Sur ces différents points, il suffit d'y renvoyer.

On rappellera que parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent,
comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au sens de l'art. 4
al. 1 LAI, on doit mentionner - à part les maladies mentales proprement dites
- les anomalies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas
comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des
affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de
la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne
volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi
objectivement que possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un
assuré peut, malgré son infirmité mentale, exercer une activité que le marché
du travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est
ici de savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée dans son cas.
Pour admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à
la santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une activité
lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu
d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut,
pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait même
insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid. 2b et
les références; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

2.
Les plaintes exprimées par E.________ consistant essentiellement en une
importante faiblesse allant jusqu'à l'épuisement et des douleurs musculaires
diffuses au moindre effort, les experts du COMAI ont procédé à divers tests
pour vérifier s'il existait un substrat organique à cette fatigue chronique.
Tout en excluant l'existence d'une maladie musculaire primaire, ils ont
constaté que l'assurée avait certaines carences (surtout un manque de fer). A
elles seules, ces carences ne permettaient toutefois pas d'expliquer l'état
dans lequel se trouvait l'assurée, qui, selon le consilium du docteur
A.________, résultait avant tout d'une affection psychiatrique sous forme de
«neurasthénie de type faiblesse corporelle». De faible constitution depuis
son enfance, E.________ avait été choyée et protégée par ses parents - des
diplomates ghanéens aisés - sans parvenir à s'émanciper; arrivée à l'âge
adulte, elle s'était choisie pour époux un homme qu'elle avait jugé bon
travailleur afin de pallier à ses propres insuffisances; le rapide échec du
mariage l'avait à nouveau confrontée à ses manques qui se sont reproduits
dans sa relation avec son fils; incapable d'en assumer la charge, elle
l'avait envoyé à l'âge de 4 ans auprès des grands-parents en Angleterre. En
définitive, les experts ont abouti à la conclusion qu'un retour à une vie
professionnelle active était sérieusement compromis car E.________ avait
besoin inconsciemment de garder une position de dépendance à travers la
maladie (conflit de loyauté à l'égard de son fils).

3.
En l'occurrence, le dossier ne contient aucun élément concret permettant de
remettre en cause le diagnostic de neurasthénie retenu par les médecins du
COMAI. Si ce diagnostic est certes de moins en moins usité parmi les membres
du corps médical, il figure cependant toujours dans la Classification
internationale des troubles mentaux et des troubles du comportement CIM-10
établie par l'OMS (F 48.0). Il est à noter que l'ancien médecin traitant de
l'assurée, le docteur G.________, avait posé un diagnostic similaire
(«psychasthénie»). En revanche, on peut émettre des réserves sur
l'appréciation des experts du caractère exigible ou non d'une reprise
d'activité professionnelle par l'assurée. Contrairement à ce que laisserait
supposer le contenu de leurs réponses aux questions posées par l'office AI
[page 17 et ss du rapport], ils ne se sont pas montrés affirmatifs en ce qui
concerne l'étendue de l'incapacité de travail de E.________. A la lecture des
considérations médicales, on constate leurs doutes et leurs hésitations [voir
surtout la page 16 de leur rapport où les experts expriment leur difficulté à
apprécier les capacités adaptatives réelles de l'assurée]. Si l'on ne peut
leur reprocher d'avoir fait preuve de retenue dans l'examen de cette
question, leurs propos sont insuffisants pour que le juge puisse se
convaincre d'une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant
conduire à une invalidité au sens de l'art. 4 LAI. A cela s'ajoute qu'ils se
sont fondés essentiellement sur la manière dont E.________ elle-même ressent
et assume ses facultés de travail alors qu'il y a lieu d'établir la mesure de
ce qui est raisonnablement exigible d'un assuré le plus objectivement
possible. Nonobstant l'état de faiblesse dans laquelle elle se trouve depuis
de nombreuses années, la recourante a tout de même été en mesure de
travailler durant une année comme femme de chambre, apparemment à la
satisfaction de son employeur. On sait aussi qu'elle est capable d'assumer
seule la conduite de son ménage. Devant ces éléments- qui sont autant
d'indices parlant en faveur de l'existence d'une capacité de travail
résiduelle certaine - les experts ne pouvaient pas reprendre à leur compte,
sans un regard critique plus approfondi, les déclarations de l'assurée
laquelle, au demeurant, est restée très vague sur divers aspects de sa vie.

Cela étant, on ne saurait non plus conclure que la recourante jouit d'une
pleine capacité de travail excluant tout droit à des prestations de
l'assurance-invalidité comme l'ont estimé les premiers juges. Il existe tout
de même sur le vu de l'examen psychiatrique un sérieux doute à ce sujet. Il
convient par conséquent de renvoyer la cause à l'office intimé pour qu'il
ordonne une nouvelle expertise psychiatrique. Il appartiendra en particulier
à l'expert psychiatrie de déterminer aussi objectivement que possible la
capacité de travail de l'assurée. Dans cette mesure, le recours est bien
fondé.

4.
La recourante, qui est représentée par l'Association suisse des invalides et
qui obtient gain de cause sur sa conclusion subsidiaire, a droit à une
indemnité de dépens pour l'instance fédérale (ATF 122 V 278; art. 159 al. 1
en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances du
13 mai 2003 et la décision de l'Office AI pour le canton de Vaud du 12
janvier 2001 sont annulés, la cause étant renvoyée audit office pour
instruction complémentaire et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'office AI pour le canton de Vaud versera à la recourante la somme de 2'000
fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance
fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton Vaud statuera sur les dépens pour la
procédure de première instance au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 26 novembre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   La Greffière: