Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 531/2003
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I 531/03

Arrêt du 30 juin 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffière
: Mme Berset

Office cantonal AI Genève, rue de Lyon 97, 1203 Genève, recourant,

contre

M.________, représenté par Me Cyril Aellen, avocat, boulevard Georges-Favon
19, 1211 Genève 11

Commission cantonale de recours AVS/AI de la République et canton de Genève

(Jugement du 3 avril 2003)

Faits:

A.
M.________, né en 1951, a travaillé en qualité de livreur/manutentionnaire
pour le compte de l'entreprise B.________ SA, du mois de mars 1987 au 22
octobre 1996, date à partir de laquelle il a présenté une incapacité de
travail totale et n'a plus repris d'activité professionnelle. Le 28 mai 1997,
il a déposé une demande de prestations auprès de l'Office cantonal de
l'assurance-invalidité du canton de Genève (l'OCAI) alléguant souffrir de
douleurs musculaires dans le dos.

L'OCAI a recueilli l'avis du docteur A.________, médecin-traitant de
l'assuré. Dans son rapport du 5 novembre 1997, celui-ci a fait état de
fibromyalgie, associée à un état anxio-dépressif, et a précisé que l'assuré
était totalement incapable de travailler dans son ancienne profession. Un
rapport du 17 février 1997 du docteur S.________, spécialiste en médecine
interne et rhumatologie, annexé à ce document, indiquait que l'assuré ne
présentait apparemment aucune lésion objective. L'OCAI a soumis l'intéressé à
une expertise pluridisciplinaire confiée au COMAI. Dans leur rapport du 12
juillet 2001, les médecins du centre d'observation ont retenu principalement
les diagnostics de trouble somatoforme douloureux persistant de type
fibromyalgie et de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, avec
syndrome somatique. Ils ont estimé la capacité de travail résiduelle à 40-50
% dans un emploi adapté.

Suivant l'avis de son médecin-conseil, le docteur C.________ (rapport du 22
août 2001), l'OCAI, par décision du 15 novembre 2001, a refusé l'octroi de
prestation de l'assurance-invalidité à l'assuré, au motif que le trouble
somatoforme douloureux dont il souffrait n'était pas invalidant au sens de la
loi.

B.
M.________ a formé recours contre cette décision devant la Commission
cantonale de recours AVS-AI de la République et canton de Genève (la
commission, aujourd'hui : Tribunal cantonal des assurances sociales). Il
alléguait que le trouble somatoforme dont il tait atteint justifiait une
incapacité de travail de 75 % et qu'il avait droit à une rente entière
d'invalidité. La commission a fait droit à ses conclusions par jugement du 3
avril 2003.

C.
L'OCAI interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont il
requiert l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du 15
novembre 2001.

M.________ conclut au rejet du recours, sous suite de dépens. Il solicite par
ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure
fédérale.

L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Est litigieux le droit de l'intimé à une rente d'invalidité. A cet égard, les
premiers juges ont exposé les règles légales et les principes
jurisprudentiels applicables en matière d'évaluation de l'invalidité; il
suffit, sur ces points, de renvoyer à leur jugement.

On ajoutera que la loi fédérale sur la partie générale du droit des
assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er
janvier 2003, n'est pas applicable au présent litige, dès lors que le juge
des assurances sociales n'a pas à prendre en considération les modifications
du droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de la
décision entreprise du 15 novembre 2001 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366
consid. 1b).

2.
Sur la base de l'expertise pluridisciplinaire, les premiers juges ont
considéré que l'intimé souffrait d'un trouble somatoforme douloureux. Ils ont
estimé que ce trouble constituait une affection invalidante au sens de la
loi, dès lors que les experts avaient attesté d'une comorbidité
psychiatrique. Ils n'ont cependant retenu, sous l'angle de la capacité de
travail,  que la seule évaluation de l'expert psychiatre, de 75 %. Après
avoir procédé à la comparaison des revenus, ils ont conclu à une incapacité
de gain de 73,50 % et ont octroyé une rente entière d'invalidité à l'intimé.

L'office recourant considère, quant à lui, que le trouble somatoforme
douloureux présenté par l'intéressé n'a pas de caractère invalidant, car il
ne remplit pas les conditions posées par la jurisprudence. En outre,
s'agissant de l'évaluation de la capacité de travail, il fait grief aux
premiers juges d'avoir écarté les conclusions de synthèse du collège des
experts au profit du seul avis émis par le consultant psychiatrique.

3.
3.1 Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les atteintes
physiques, provoquer une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI, on doit
mentionner - à part les maladies mentales proprement dites - les anomalies
psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas comme des
conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à
prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité
de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la
mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que
possible (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid. 2b et les références; cf.
aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

3.2 Selon la jurisprudence, des troubles somatoformes douloureux peuvent,
dans certaines circonstances, conduire à une incapacité de travail (ATF 120 V
119 consid. 2c/cc; RAMA 1996 no U 256 p. 217 ss consid. 5 et 6). De tels
troubles entrent dans la catégorie des affections psychiques, pour lesquelles
une expertise psychiatrique est en principe nécessaire quand il s'agit de se
prononcer sur l'incapacité de travail qu'ils sont susceptibles d'entraîner
(VSI 2000 p. 160 consid. 4b; arrêt N. du 12 mars 2004, destiné à la
publication, I 683/03, consid. 2.2.2 et les arrêts cités). Compte tenu des
difficultés, en matière de preuve, à établir l'existence de douleurs, les
simples plaintes subjectives de l'assuré ne suffisent pas pour justifier une
invalidité (entière ou partielle). Dans le cadre de l'examen du droit aux
prestations de l'assurance sociale, l'allégation des douleurs doit être
confirmée par des observations médicales concluantes, à défaut de quoi une
appréciation de ce droit aux prestations ne peut être assurée de manière
conforme à l'égalité de traitement des assurés (arrêt N. précité, consid.
2.2.2; arrêt B. du 18 mai 2004, prévu pour la publication, I 457/02, consid.
5.3.1).
3.3 Un rapport d'expertise attestant la présence d'une atteinte psychique
ayant valeur de maladie - tels des troubles somatoformes douloureux - est une
condition juridique nécessaire, mais ne constitue pas encore une base
suffisante pour que l'on puisse admettre une limitation de la capacité de
travail susceptible d'entraîner une invalidité (arrêt N. précité, consid.
2.2.3; Ulrich Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und
seine Bedeutung in der Sozialversicherung, namentlich für den
Einkommensvergleich in der Invaliditätsbemessung, in : René
Schauffhauser/Franz Schlauri (éd.), Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, St. Gall
2003, p. 64 sv., et note 93). En effet, selon la jurisprudence, les troubles
somatoformes douloureux persistants n'entraînent pas, en règle générale, une
limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une
invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI (voir sur ce point Meyer-Blaser, op.
cit., p. 76 ss, spéc. p. 81 sv.). Une exception à ce principe est admise dans
les seuls cas où, selon l'estimation du médecin, les troubles somatoformes
douloureux se manifestent avec une telle sévérité que, d'un point de vue
objectif, la mise en valeur de sa capacité de travail ne peut, pratiquement
plus, - sous réserve des cas de simulation ou d'exagération (SVR 2003 IV no 1
p. 2 consid. 3b/bb; voir aussi Meyer-Blaser, op. cit. p. 83, spéc. 87 sv.) -
raisonnablement être exigée de l'assuré, ou qu'elle serait même insupportable
pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 sv. consid. 2b et les
références; arrêt N. précité, consid. 2.2.3 et les arrêts cités; voir
également ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

Admissible seulement dans des cas exceptionnels, le caractère non exigible
d'un effort de volonté en vue de surmonter la douleur et de la réintégration
dans un processus de travail suppose, dans chaque cas, soit la présence
manifeste d'une comorbidité psychiatrique d'une acuité et d'une durée
importantes, soit le cumul d'autres critères présentant une certaine
intensité et constance. Ce sera le cas (1) des affections corporelles
chroniques ou d'un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans
rémission durable, (2) d'une perte d'intégration sociale dans toutes les
manifestations de la vie, (3) d'un état psychique cristallisé, sans évolution
possible au plan thérapeutique, marquant simultanément l'échec et la
libération du processus de résolution du conflit psychique (profit primaire
tiré de la maladie), ou enfin (4) de l'échec de traitements ambulatoires ou
stationnaires conformes aux règles de l'art et de mesures de réhabilitation,
cela en dépit de la motivation et des efforts de la personne assurée pour
surmonter les effets des troubles somatoformes douloureux (VSI 2000 p. 155
consid. 2c; arrêt N. précité, consid. 2.2.3 in fine; Meyer-Blaser, op. cit.
p. 76 ss, spéc. 80 ss).

3.4  Dès lors qu'en l'absence de résultats sur le plan somatique le seul
diagnostic de troubles somatoformes douloureux ne suffit pas pour justifier
un droit à des prestations d'assurance sociale, il incombe à l'expert
psychiatre, dans le cadre large de son examen, d'indiquer à l'administration
(et au juge en cas de litige) si et dans quelle mesure un assuré dispose de
ressources psychiques qui - eu égard également aux critères mentionnés au
consid. 3.3 ci-dessus - lui permettent de surmonter ses douleurs. Il s'agit
pour lui d'établir de manière objective si, compte tenu de sa constitution
psychique, l'assuré peut exercer une activité sur le marché du travail,
malgré les douleurs qu'il ressent (cf. arrêt N. précité consid. 2.2.4. et les
arrêts cités).

3.5 Les prises de position médicales sur la santé psychique et sur les
ressources dont dispose l'assuré constituent une base indispensable pour
trancher la question (juridique) de savoir si et dans quelle mesure on peut
exiger de celui-ci qu'il mette en oeuvre toute sa volonté pour surmonter ses
douleurs et réintégrer le monde du travail. Dans le cadre de la libre
appréciation dont ils disposent (art. 40 PCF en liaison avec l'art. 19 PA;
art. 95 al. 2 en liaison avec 113 et 132 OJ; VSI 2001 p. 108 consid. 3a),
l'administration et le juge (en cas de litige) ne sauraient ni ignorer les
constatations de fait des médecins, ni faire leurs les estimations et
conclusions médicales relatives à la capacité (résiduelle) de travail, sans
procéder à un examen préalable de leur pertinence du point de vue du droit
des assurances sociales. Cela s'impose en particulier lorsque l'expert
atteste une limitation de la capacité de travail fondée uniquement sur le
diagnostic de troubles somatoformes douloureux. Dans un tel cas, il
appartient aux autorités administratives et judiciaires d'examiner avec tout
le soin nécessaire si l'estimation médicale de l'incapacité de travail prend
en considération également des éléments étrangers à l'invalidité (en
particulier des facteurs psychosociaux et socio-culturels) qui ne sont pas
pertinents du point de vue des assurances sociales ( ATF 127 V 299 consid.
5a; VSI 2000 p. 149 consid. 3), ou si la limitation (partielle ou totale) de
la capacité de travail est justifiée par les critères juridiques
déterminants, énumérés aux consid. 3.2 et 3.3 ci-dessus (cf. arrêt N. précité
consid. 2.2.5).

4.
Pour rendre leurs conclusions, les médecins du COMAI ont procédé à un examen
clinique complet de l'assuré et se sont adjoints les services d'un
psychiatre, le docteur I.________, et d'un rhumatologue, le docteur
G.________. Le premier a retenu les diagnostics de fibromyalgie, de trouble
dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique et de
troubles de la personnalité non spécifiques. L'assuré était peu collaborant
et ne répondait que de manière partielle et fuyante aux questions. La
surcharge psychogène était sans doute liée à une très grande frustration et à
une profonde blessure narcissique chez un homme d'origine méditerranéenne qui
n'avait pu faire venir sa famille en Suisse. La symptomatologie algique
permettait à l'intéressé d'être à nouveau reconnu, non pas en tant
qu'ouvrier, mais en tant que victime du travail, de la médecine et de
l'immigration. Les conséquences des atteintes à la santé d'ordre psychique
justifiaient selon l'expert une incapacité de travail de 75 %, avec la
possibilité, une fois que son handicap aura été reconnu, que son avenir
psychosocial ne soit pas trop sérieusement compromis.

Du point de vue rhumatologique, l'assuré souffrait de rachialgies chroniques,
de troubles dégénératifs correspondant à son âge et d'une dystrophie de
croissance dorsale discrète. Il présentait aussi des douleurs diffuses du
système locomoteur compatibles cliniquement avec une fibromyalgie. En
conclusion sur le plan somatique, le patient était limité dans une activité
professionnelle lourde (charges à porter de façon répétitive; travaux penchés
en avant) dans une proportion de 25 %. Dans un travail léger en revanche, il
n'y avait aucune contre-indication à un emploi lucratif à temps complet.

En définitive, dans leur synthèse, les experts ont retenu les diagnostics
(avec retentissement significatif sur la capacité de travail) de trouble
somatoforme douloureux persistant de type fibromyalgie, de trouble dépressif
récurrent, épisode actuel moyen, avec syndrome somatique et (sans
retentissement significatif sur la capacité de travail) de trouble non
spécifique de la personnalité. Dans leur appréciation du cas, ils ont
mentionné que l'assuré avait souffert depuis 1995 de rachialgies cervicales,
toutefois sans conséquences sur son aptitude à travailler; l'origine de
l'incapacité de travail actuelle devait être recherchée dans un effort plus
marqué au travail le 23 octobre 1996, sans que les divers spécialistes
consultés n'aient constaté d'éléments pathologiques expliquant l'intensité
des plaintes; celles-ci s'étaient étendues sur le reste du rachis, ainsi que
sur les membres supérieurs et avaient amené au diagnostic de fibromyalgie et
d'état anxio-dépressif. Selon leur observation, il n'y avait pas de
modification significative des éléments décrits par les spécialistes en 1997,
l'assuré continuant à se plaindre de douleurs diffuses ostéo-musculaires. Le
tableau clinique était tout à fait pathognomonique d'un trouble somatoforme
douloureux persistant, de type fibromyalgie et les plaintes liées à la
fatigue appartenaient au même tableau. Du point de vue psychiatrique,
l'anamnèse ne permettait pas de considérer que le tableau se fût péjoré
significativement; au vu des réponses contradictoires, il était difficile de
distinguer la part de désarroi psychologique et celle d'état dépressif
caractérisé. Parmi les facteurs susceptibles d'être à l'origine de cet état,
les experts ont évoqué l'éloignement familial, le contexte d'émigration,
l'accomplissement d'un travail de force, la maturescence, le faible degré de
scolarisation et de formation professionnelle, ainsi qu'un effet de «coping».
Tout en vivant seul, l'assuré avait maintenu une certaine intégration sociale
avec plusieurs cercles de connaissances et il était en mesure de vivre de
manière indépendante. En définitive, en présence d'un trouble somatoforme
douloureux persistant, d'allure modérée, et d'un trouble dépressif récurrent
dont l'intensité actuelle était modérée, il persistait une capacité de
travail raisonnablement exigible de l'ordre de 40 à 50 %.

5.
5.1 En l'espèce, l'existence d'une comorbidité psychiatrique manifeste, tant
sous l'angle de l'acuité que de la durée, doit être niée dans le cas de
l'intimé. Certes, les médecins du COMAI ont fait état, à côté du diagnostic
principal de trouble somatoforme douloureux persistant, d'un trouble
dépressif récurrent, épisode actuel moyen et de trouble non spécifique de la
personnalité. Comme tel, ce dernier trouble ne saurait être assimilé à une
véritable atteinte à la santé psychique ayant valeur de maladie; les médecins
précités l'ont d'ailleurs spécifié dans leur rapport, parlant à cet égard de
diagnostic sans retentissement significatif sur la capacité de travail et
n'abordant pas plus cet aspect de la personnalité du recourant dans leur
appréciation du cas ou dans leurs conclusions. En revanche, au nombre de
diagnostics avec retentissement significatif sur la capacité de travail, les
experts ont retenu un épisode moyen d'un trouble dépressif récurrent ayant
pour eux valeur de maladie. Toutefois, selon la doctrine médicale (cf.
notamment Dilling/Mombour/Schmidt [Hrsg.], Internationale Klassifikation
psychischer Störungen, ICD-10 Kapitel V [F], 4ème édition, p. 191) sur
laquelle s'appuie le Tribunal fédéral des assurances, en présence de troubles
somatoformes douloureux persistants, les états dépressifs constituent des
manifestations (réactives) d'accompagnement de ces troubles, de sorte qu'un
tel diagnostic ne saurait être reconnu comme constitutif d'une comorbidité
psychiatrique autonome du trouble somatoforme douloureux (arrêts P. du 21
avril 2004, I 870/02, consid. 5.2 et N. précité consid. 3.3.1 in fine;
Meyer-Blaser, op. cit. p. 81, note 135).

5.2 On ne voit pas non plus que l'intimé réunit en sa personne plusieurs des
autres critères (ou du moins pas dans une mesure très marquée) consacrés par
la jurisprudence qui fondent un pronostic défavorable en ce qui concerne
l'exigibilité d'une reprise d'activité professionnelle. Il a été souligné
dans le rapport d'expertise que la symptomatologie de l'intimé a peu d'impact
sur sa vie sociale qui est restée similaire à celle qu'il avait pour habitude
de mener quand il exerçait encore une activité lucrative. En ce sens,
l'assuré surmonte apparemment ses douleurs quand il s'agit d'assurer sa
propre subsistance au quotidien et de maintenir une vie sociale, alors qu'il
s'estime dans le même temps incapable d'y faire face dans l'exercice d'une
quelconque activité professionnelle -, circonstance plaidant en défaveur de
la reconnaissance d'une incapacité de travail de longue durée (voir
Meyer-Blaser, op. cit. p. 84). En tout état de cause, une perte d'intégration
sociale dans toutes les manifestations de la vie (2) fait manifestement
défaut; les experts relèvent que l'intimé vit de manière indépendante,
s'occupe de son ménage, conserve un rythme de vie régulier et qu'il dispose
encore de ressources adaptatives. On peut également douter que chez
l'intéressé, l'apparition du trouble somatoforme douloureux résulte d'une
libération du processus de résolution du conflit psychique (profit primaire
tiré de la maladie) (3). En effet, les experts n'ont fait mention d'aucune
source de conflit intra-psychique ni situation conflictuelle externe; des
facteurs comme l'éloignement de la famille, l'émigration ainsi que le faible
degré de scolarisation et de formation professionnelle ont été évoqués, mais
de façon si vague et si générale qu'il est impossible d'en apprécier la
portée dans le cas du recourant qui vit à Genève depuis longtemps sans
difficultés d'intégration particulières. En revanche, selon les experts, il
était fort probable que la stratégie d'adaptation, «coping», ait été
influencée par l'exemple de collègues de travail et de compatriotes ayant
quitté le monde du travail à l'approche de la cinquantaine en raison de
troubles jugés invalidants. C'est là un indice laissant plutôt apparaître un
profit secondaire tiré de la maladie (le désir subjectif de se voir
indemniser par une rente), ce qui doit, en règle générale, conduire au refus
des prestations (voir Meyer-Blaser, op. cit. p. 86). Enfin, il y a lieu de
relativiser l'échec des traitements ambulatoires et des mesures de
réhabilitation (4) entrepris par le recourant. En abandonnant rapidement
différents traitements médicamenteux, le recourant n'a pas permis à ses
médecins d'évaluer leur réelle efficacité sur sa symptomatologie. Par
ailleurs, il apparaît que l'intéressé n'a pas tout entrepris pour améliorer
sa situation; il ne pratique aucune activité physique, en dépit des
recommandations des experts, qui ont également relevé l'absence de motivation
à réintégrer le monde du travail, malgré l'existence d'un potentiel de
réinsertion professionnelle.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, et en dépit du caractère chronique et
durable des douleurs (1) de l'assuré, on doit nier - d'un point de vue
juridique - qu'une mise en valeur de sa capacité de travail, jugée complète
au plan somatique dans une activité adaptée, ne puisse pratiquement plus
raisonnablement être exigée de lui ou qu'elle serait même insupportable pour
la société. A cet égard, la reconnaissance d'une invalidité, dans une
perspective thérapeutique psychosociale, échappe aux buts de la loi. Il y a
dès lors lieu de s'écarter des conclusions des médecins du COMAI et de
retenir que l'intimé est en mesure de reprendre une activité professionnelle
dans le cadre des contre-indications formulées par les experts au point de
vue rhumatologique. Il s'ensuit que le rejet de la demande de prestations par
l'office AI n'était pas critiquable.

5.3 Dans ces circonstances, les premiers juges n'étaient pas fondés  à
reconnaître à M.________ le droit à une rente entière d'invalidité.

On relèvera, au surplus, que ceux-ci semblent profondément méconnaître les
principes de l'expertise pluridisciplinaire (cf. notamment Jacques Meine,
L'expert et l'expertise - critères de validité de l'expertise médicale, in
L'expertise médicale Genève 2002, p. 23 sv.; François Paychère, Le juge et
l'expert - plaidoyer pour une meilleure compréhension, ibidem, p. 147).

Le recours doit dès lors être admis.

6.
Selon la loi (art. 152 OJ) et la jurisprudence, les conditions d'octroi de
l'assistance judiciaire gratuite sont en principe remplies si les conclusions
ne paraissent pas vouées à l'échec, si le requérant est dans le besoin et si
l'assistance d'un avocat est nécessaire ou du moins indiquée (ATF 125 V 202
consid. 4a, 372 consid. 5b et les références).

L'intimé, qui succombe, ne saurait prétendre à une indemnité de dépens. Il
remplit par contre les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire pour la
procédure fédérale. Son attention est toutefois attirée sur le fait qu'il
devra rembourser la caisse du tribunal, s'il devient ultérieurement en mesure
de le faire (art. 152 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement de la Commission cantonale de recours
AVS-AI de la République et canton de Genève du 3 avril 2003 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'assistance judiciaire est accordée. Les honoraires (y compris la taxe sur
la valeur ajoutée) de Me Cyril Aellen sont fixés à 2'500 fr. pour la
procédure fédérale et seront supportés par la caisse du tribunal.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 30 juin 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   La Greffière: