Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 52/2003
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I 52/03

Arrêt du 16 janvier 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Berthoud

E.________, recourant, représenté par Me Philippe Nordmann, avocat, place
Pépinet 4, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 12 septembre 2002)

Faits:

A.
A.a A deux reprises, les 25 janvier 1996 et 19 octobre 1998, E.________ avait
requis l'octroi de prestations de l'assurance-invalidité; il s'était heurté à
un refus de l'administration, signifié par décisions des 12 février 1997 et
29 août 2000 qui n'ont pas été attaquées. Pour statuer, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (l'office AI) disposait
notamment d'un rapport du docteur G.________, du 28 décembre 1998, qui avait
posé le diagnostic suivant : diabète type II (familial), hypertriglycéridémie
type II (rhabdomyolyse en octobre 1995), glomérulonéphrite mésangiale à
dépôts d'IgM et de C'3 avec protéinurie, H.T.A., obésité, anxiété, état
dépressif, restless legs syndrome, oesophagite peptique stade I (ulcère
pylorique avec sténose relative du bulbe duodénal). De son côté, le docteur
O.________, médecin du Service médical régional de l'AI (SMR), avait précisé
que l'assuré - médecin irakien de formation dont le diplôme n'était pas
reconnu en Suisse - était incapable d'exercer des travaux lourds et des
tâches nécessitant des horaires irréguliers (en raison de la prise
d'insuline); en revanche, sa capacité de travail demeurait entière dans toute
activité légère intellectuelle (rapport du 5 juin 2000).

A.b Par lettre du 14 mars 2001 qu'il a adressée à l'office AI, le docteur
K.________ a annoncé une aggravation de l'état de santé de son patient,
consistant en particulier en une pancréatite aiguë dans le cadre d'une
hypertriglycéridémie majeure qui s'était décompensée. Il ajoutait que le
patient était incapable de travailler à partir du 14 janvier 2001 et qu'une
reprise de l'activité lucrative était envisageable à partir du 1er avril
2001. Invité par l'office AI (cf. lettre du 15 mars 2001) à produire un
certificat médical attestant une aggravation de son état de santé et la date
de celle-ci, à défaut de quoi il ne serait pas entré en matière sur la
nouvelle demande, l'assuré a remis un rapport du docteur M.________, du 12
février 2001, qui estimait légitime de considérer que l'état de santé du
patient s'était aggravé.

Interrogé par l'office AI, le docteur V.________, médecin du SMR, a retenu
que la situation était superposable à celle que son confrère M.________ avait
constatée le 5 juin 2000 (cf. rapport du 13 juillet 2001). L'office AI a dès
lors fait savoir à l'assuré, dans un projet de décision du 26 juillet 2001,
qu'il envisageait de rejeter sa nouvelle demande de prestations.

L'assuré s'est déterminé sur ce projet, dans une lettre du 27 août 2001,
alléguant qu'il était totalement invalide et qu'il avait ainsi droit à une
rente entière d'invalidité. A l'appui de ses conclusions, il a produit un
rapport du docteur I.________, du 24 août 2001. Par ailleurs, il a ajouté
qu'il bénéficiait d'un certificat d'incapacité de travail valable jusqu'à
mi-septembre 2001 et que le docteur D.________ se mettrait en rapport avec
l'office AI pour confirmer l'existence d'une telle incapacité de travail.

Par décision du 20 septembre 2001, l'office AI a refusé d'entrer en matière
sur la nouvelle demande de prestations. L'administration a considéré que
l'atteinte à la santé de l'assuré n'avait pas provoqué d'incapacité de
travail de longue durée propre à ouvrir le droit à des prestations de l'AI;
elle a déduit que l'assuré n'avait pas établi de manière plausible que son
état de santé s'était aggravé de manière à influencer ses droits.

B.
E.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton de
Vaud, en concluant à son annulation et au versement d'une rente entière
d'invalidité à partir du 1er avril 2001. Il a produit divers rapports
médicaux, émanant des docteurs K.________ (des 8 et 14 mars 2002), X.________
(du 5 mars 2002), et s'est également référé au rapport du docteur D.________
(du 7 décembre 2001). Il a par ailleurs requis l'audition de la doctoresse
X.________.

La juridiction cantonale de recours l'a débouté par jugement du 12 septembre
2002.

C.
E.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation ainsi que celle de la décision du 20 septembre 2001,
avec suite de dépens, en concluant au versement d'une rente entière
d'invalidité. Il verse au dossier de nouveaux rapports émanant des docteurs
H.________ et B.________ (du 22 mai 2002), K.________ (du 18 juin 2002), et
D.________ (des 26 et 30 juin 2003).

L'intimé conclut implicitement au rejet du recours, tandis que l'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

D.
Durant la procédure fédérale, l'intimé est entré en matière sur une nouvelle
demande de prestations (cf. lettre du 5 février 2003), après que le recourant
eut derechef invoqué une péjoration de son état de santé. L'intimé en a
informé la Cour de céans par écriture du 16 juillet 2003.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA) du 6
octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 20 septembre
2001 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

2.
2.1 Lorsque la rente ou l'allocation pour impotent a été refusée parce que le
degré d'invalidité était insuffisant ou parce qu'il n'y avait pas
d'impotence, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l'assuré rend
plausible que son invalidité ou son impotence s'est modifiée de manière à
influencer ses droits (art. 87 al. 3 et 4 RAI). Cette exigence doit permettre
à l'administration qui a précédemment rendu une décision de refus de
prestations entrée en force, d'écarter sans plus ample examen de nouvelles
demandes dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments,
sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 125 V 412 consid.
2b, 117 V 200 consid. 4b et les références).

Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit
commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière
générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée
d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrée en
matière. A cet égard, l'administration se montrera d'autant plus exigeante
pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps
de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit
sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation que le juge doit en principe
respecter. Ainsi, le juge ne doit examiner comment l'administration a tranché
la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux,
c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière en se
fondant sur l'art. 87 al. 4 RAI et que l'assuré a interjeté recours pour ce
motif. Ce contrôle par l'autorité judiciaire n'est en revanche pas nécessaire
lorsque l'administration est entrée en matière sur la nouvelle demande (ATF
109 V 114 consid. 2b).

2.2 Dans un arrêt du 16 octobre 2003 en la cause D. (I 249/01), destiné à la
publication dans le Recueil officiel, le Tribunal fédéral des assurances a
modifié sa jurisprudence relative à l'art. 87 al. 3 RAI (dans sa teneur en
vigueur jusqu'au 31 décembre 2002) et jugé que le principe inquisitoire,
selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office
par l'autorité (cf. ATF 125 V 195 consid. 2, 122 V 158 consid. 1a et les
références), ne s'applique pas à cette procédure. Eu égard au caractère
atypique de celle-ci dans le droit des assurances sociales, la Cour de céans
a précisé que l'administration pouvait appliquer par analogie l'art. 73 RAI
(en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002; actuellement, voir l'art. 43 al. 3
LPGA) - qui permet aux organes de l'AI de statuer en l'état du dossier en cas
de refus de l'assuré de coopérer - à la procédure régie par l'art. 87 al. 3
RAI, à la condition de s'en tenir aux principes découlant de la protection de
la bonne foi (cf. art. 5 al. 3 et 9 Cst.; arrêt B. du 13 juillet 2000, H
290/98). Ainsi, lorsqu'un assuré introduit une nouvelle demande de
prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son
invalidité ou son impotence se sont modifiées, notamment en se bornant à
renvoyer à des pièces médicales qu'il propose de produire ultérieurement ou à
des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d'office,
l'administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses
moyens de preuve, en l'avertissant qu'elle n'entrera pas en matière sur sa
demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Enfin, cela
présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d'autres termes
qu'ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués.

Si cette procédure est respectée, le juge doit examiner la situation d'après
l'état de fait tel qu'il se présentait au moment où l'administration a
statué.

Cette nouvelle jurisprudence vaut pour les cas futurs, ainsi que pour les
affaires pendantes devant un tribunal au moment de son changement (cf. ATF
122 V 184 consid. 3b, RAMA 2000 n° U 370 p. 106 consid. 2, avec les
références citées).

3.
3.1 En procédure administrative, le recourant a certes rendu plausible que
son état de santé s'était aggravé depuis les précédentes décisions de refus
de rente. Les rapports des docteurs K.________, du 14 mars 2001, et
M.________, du 12 février 2001, en attestent.

Cela ne signifie toutefois pas que sa capacité de travail s'en soit trouvée
affectée de façon à accroître son invalidité au sens de l'art. 4 LAI (dans sa
teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002), ainsi que l'art. 87 al. 3 RAI
le requiert pour justifier la réouverture du dossier. En effet, le docteur
K.________ n'a fait état que d'une incapacité de travail temporaire (du 14
janvier au 31 mars 2001), tandis que son confrère M.________ ne s'est pas
exprimé sur ce point. Quant au docteur I.________ (cf. rapport du 24 août
2001), il n'a rapporté que des affections déjà connues de l'intimé, en plus
de douleurs consécutives à un accident survenu en décembre 2000 dont ses
confrères K.________ et M.________ n'avaient pas jugé bon de signaler
l'existence dans leurs avis respectifs. De plus, le docteur I.________ n'a
pas explicité les raisons pour lesquelles il estimait que le recourant
n'avait plus aucune capacité de travail dans une activité légère; au regard
de l'avis de ses deux confrères prénommés, cette affirmation ne paraît pas
suffisamment plausible.

3.2 Les divers avis médicaux que le recourant a produits tant devant le
Tribunal cantonal des assurances que devant la Cour de céans ne sont pas
déterminants pour l'issue de la procédure. En effet, dans un litige de ce
genre, l'examen du juge des assurances est d'emblée limité au point de savoir
si les pièces déposées en procédure administrative justifiaient ou non la
reprise de l'instruction du dossier. De surcroît, dans le cas d'espèce, à
l'exception de l'avis du docteur D.________ du 7 décembre 2001, les
attestations médicales portent toutes sur des faits survenus postérieurement
à la décision litigieuse, si bien qu'elles ne doivent pas être prises en
considération pour en apprécier la légalité (cf. consid. 1 ci-dessus). Il
demeure néanmoins loisible au recourant de saisir en tout temps
l'administration d'une nouvelle demande de prestations, s'il estime que les
conditions réglementaires sont remplies (cf. art. 87 al. 3 et 4 RAI); c'est
d'ailleurs ce qu'il a fait, vu la lettre de l'intimé du 5 février 2003.

Par ailleurs, c'est à tort que le recourant reproche aux premiers juges
d'avoir renoncé à recueillir le témoignage de la doctoresse X.________ et
violé ainsi son droit d'être entendu. En effet, il n'incombait pas au juge de
réunir les preuves permettant de rendre plausible la modification de son
invalidité, mais uniquement d'examiner la question du refus d'entrée en
matière prononcé le 20 septembre 2001. De toute manière et sans que cela ne
constituât davantage une violation du droit du recourant d'être entendu selon
l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. SVR 2001 IV n° 10 p. 28 consid. 4b), la juridiction
cantonale de recours pouvait par une appréciation anticipée des preuves, à la
lecture de l'écriture de la doctoresse X.________ du 5 mars 2002, admettre
que le témoignage requis concernait des faits survenus postérieurement à la
décision administrative litigieuse.

3.3 A partir du 15 mars 2001, jour où l'intimé a fait savoir au recourant
qu'il n'avait pas rendu plausibles les faits qu'il alléguait, l'intéressé a
bénéficié d'un délai de plusieurs mois pour se déterminer et déposer ses
moyens de preuve. En pareilles circonstances (proximité temporelle de la
précédente décision de refus; allégués insuffisamment documentés), le délai
que l'intimé a observé jusqu'à son refus d'entrée en matière du 20 septembre
2001 est amplement suffisant (cf. arrêt D. du 2 décembre 2003, I 67/02).

En l'espèce, le recourant n'a pas rendu plausible, au stade de la procédure
administrative, que sa capacité de travail avait été réduite de façon à
modifier le degré de son invalidité. Il s'ensuit que l'intimé a refusé à
juste titre d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations, si
bien que le recours est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 16 janvier 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   Le Greffier: