Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 521/2003
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I 521/03

Arrêt du 28 juillet 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffière : Mme
Gehring

R.________, 1960, recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, rue de
Romont 33, 1700 Fribourg,

contre

Office AI du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez,
intimé

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

(Jugement du 18 juin 2003)

Faits:

A.
R.  ________, né en 1960, a travaillé depuis 1989 en qualité d'ouvrier de
production. Souffrant de douleurs lombaires, il a présenté une incapacité
entière et ininterrompue de travail depuis le 22 janvier 1999; il a été
licencié avec effet au 31 octobre suivant. Le 1er février 2000, il a déposé
une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une
rente. Par décision du 21 décembre 2000, l'Office de l'assurance-invalidité
du canton de Fribourg (l'office) a rejeté la demande, considérant que le
degré d'invalidité qu'il présentait (6%) était insuffisant pour ouvrir droit
à la rente.

B.
Par jugement du 18 juin 2003, le Tribunal administratif du canton de Fribourg
a rejeté le recours formé contre cette décision par R.________.

C.
Celui-ci interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il requiert l'annulation, en concluant, avec suite de dépens, principalement
à l'octroi d'une rente entière, subsidiairement à la mise en oeuvre d'une
expertise pluridisciplinaire.

L'office conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à l'octroi d'une rente,
singulièrement sur le degré d'invalidité qu'il présente.

2.
2.1 Ratione temporis, la loi fédérale sur la partie générale du droit des
assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er
janvier 2003, n'est pas applicable au présent litige, dès lors que le juge
des assurances sociales n'a pas à prendre en considération les modifications
du droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de la
décision litigieuse (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b). De même,
les dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème
révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO 2003 3852) ne sont pas
non plus applicables (ATF 127 V 467 consid. 1).

2.2  Selon l'art. 4 al. 1 LAI, l'invalidité est la diminution de la capacité
de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une atteinte à
la santé physique ou mentale provenant d'une infirmité congénitale, d'une
maladie ou d'un accident.
Selon l'art. 28 al. 1 LAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre
2003, applicable en l'espèce), l'assuré a droit à une rente entière s'il est
invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50 % au
moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI (en vigueur jusqu'au
31 décembre 2003), prétendre une demi-rente s'il est invalide à 40 % au
moins.
Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé sur la
base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail que
l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et
compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au
revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al. 2 LAI).
La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi
exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les
confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux
d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 30
consid. 1, 104 V 136 consid. 2a et 2b).

3.
L'administration et la juridiction cantonale ont déterminé le degré
d'invalidité du recourant, en comparant le revenu qu'il réaliserait sans
invalidité avec celui issu d'une activité raisonnablement exigible exercée à
plein temps. Ils ont considéré qu'il présentait une capacité entière de
travail dans une activité adaptée à son état de santé physique. Sur le plan
psychique, ils ont par contre nié l'existence de troubles invalidants, ce que
l'intéressé conteste.

4.
Sur le plan rhumatologique, ce dernier se plaint de douleurs au niveau du
genou gauche, de l'épaule droite et du rachis lombaire. Aux termes d'un
rapport d'expertise du 26 juin 2001, la doctoresse M.________, spécialiste
des maladies rhumatismales, a posé le diagnostic de lombo-pygialgies gauches
chroniques dans le cadre d'une anomalie de transition avec sacralisation
possible de la cinquième vertèbre lombaire, d'une discopathie des quatrième
et cinquième vertèbres lombaires, de troubles statiques dorso-lombaires, de
dysbalance et de déconditionnement musculaire, de spondylarthrose dorsale
débutante, de syndrome fémoro-patellaire gauche, de syndrome douloureux de
l'épaule droite sans signe d'étiologie organique, ainsi que de syndrome
d'amplification des douleurs. L'atteinte au niveau du rachis lombaire est
modérée et la discopathie n'a pas occasionné de syndrome radiculaire
déficitaire. L'ensemble de ces troubles n'entraîne pas de limitations de la
capacité de travail du recourant dans une activité lucrative respectant les
mesures d'épargne lombaire, c'est-à-dire évitant le port de charges lourdes,
le port usuel de charges modérément lourdes, les mouvements répétés de
rotation et de flexion antérieure du tronc, les positions statiques
prolongées, ainsi que de fréquentes montées et descentes d'escaliers. Ainsi,
le recourant présente une capacité résiduelle de travail de 40 % dans son
ancien métier. En revanche, dans une activité adaptée à son état de santé
physique (contrôle de chaînes de production, alimentation de machines-outils,
par exemple), sa capacité de travail est entière, ce que l'office et la
juridiction cantonale ont dès lors retenu à juste titre. Le recourant ne le
conteste d'ailleurs pas.

5.
Sur le plan psychique, l'administration et la juridiction cantonale ont nié
l'existence d'une atteinte à la santé invalidante, se fondant sur les
conclusions d'un rapport d'expertise du 6 novembre 2000 complété le 6 mars
2002 du docteur B.________, spécialiste en neurologie-psychiatrie. Selon ce
médecin, le recourant ne souffre d'aucun trouble de la personnalité de type
psychotique, histrionique, narcissique, antisocial ou borderline. En
revanche, il présente quelques traits caractéristiques de troubles de la
personnalité (évitante, dépendante, passive- agressive et résiduelle -
atypique) relevant des troisième et quatrième groupes. Sans être
déterminantes, ces affections diminuent sa capacité de gain dans la mesure où
le taux d'occupation exigible de sa part s'élève à 50 voire 60 % avec un
rendement relativement faible, au cours d'une première phase transitoire,
nécessaire pour qu'il se ré-entraîne au rythme du travail dans un centre de
réadaptation professionnelle de l'assurance-invalidité. Par la suite, ce taux
est susceptible de s'améliorer jusqu'à atteindre 60 voire 100 % avec un
rendement supérieur.

6.
Inversement, le recourant fait valoir une incapacité entière de travail dans
toute activité lucrative résultant de troubles psychiques. A l'appui de son
point de vue, il se prévaut des conclusions d'un rapport de contre-expertise
du 6 avril 2002 du docteur K.________, spécialiste en psychiatrie et
psychothérapie. En bref, ce médecin indique que le recourant présente une
diminution modérée des facultés intellectuelles (F70), ainsi qu'un épisode
dépressif sans symptômes psychotiques (F32.2). Ces affections sont
incompatibles avec l'exercice de toute activité lucrative, sauf à être
effectuée en atelier protégé et sous réserve d'amendement de l'état dépressif
de l'assuré. Toutefois, les chances de succès de toute démarche en ce sens
sont d'ores et déjà compromises.

7.
7.1 Dans son rapport, le docteur K.________ constate en outre que ses
observations ne s'écartent pas notablement de celles du docteur B.________,
si ce n'est qu'il émet un doute quant au fonctionnement mental du recourant.
Aussi a-t-il requis la mise en oeuvre d'examens psychométriques. Aux termes
du rapport du docteur E.________ (psychologue) en résultant, le recourant
présente une structure psychotique caractérisée par des troubles archaïques
du fonctionnement de la pensée, compatible avec l'hypothèse d'un
fonctionnement mental marqué par des séquelles de psychose infantile.

7.2  Selon le docteur K.________, ce constat invalide l'avis du docteur
B.________ et corrobore celui selon lequel le recourant présente une
incapacité entière de travail dans toute activité lucrative. Or, au chapitre
des diagnostics posés à l'appui de ces conclusions, le docteur K.________
fait état uniquement de diminution modérée des facultés intellectuelles
(F70), ainsi que d'un épisode dépressif sans symptômes psychotiques (F32.2).
Dans la mesure où il conclut à l'incapacité entière de travail du recourant
dans toute activité lucrative sans se référer aux séquelles de psychose
infantile, son avis s'avère dès lors contradictoire et n'est pas convaincant
(ATF 125 V 352 consid. 3b/aa et les références), de sorte qu'il ne saurait
être suivi.

7.3  Par ailleurs, les conclusions du docteur B.________ selon lesquelles le
taux d'occupation exigible de la part du recourant oscille entre 50 - 60 % -
au cours d'une première phase transitoire dont ce médecin ne détermine pas la
durée - et, par la suite, entre 60 - 100 %, sont imprécises.

7.4  Dès lors, à défaut d'informations suffisantes sur l'incapacité de
travail
issue globalement des troubles physiques et psychiques dont le recourant
souffre, il n'est pas possible de se prononcer sur le degré d'invalidité
qu'il présente et donc sur son éventuel droit à une rente. Afin de pouvoir se
déterminer en connaissance de cause sur ces questions, il appartenait à
l'administration, voire à la juridiction cantonale, d'instruire la cause en
réunissant toutes les informations nécessaires (art. 88 al. 4 en relation
avec l'art. 69 RAI), ce qu'elles n'ont fait que partiellement. Dans ces
circonstances, un complément d'instruction, en l'espèce sous forme d'une
expertise pluridisciplinaire s'impose. Il convient dès lors de renvoyer la
cause à l'office afin qu'il rende une nouvelle décision après instruction
complémentaire sur la capacité de travail exigible de l'intéressé dans une
activité adaptée à son état de santé physique et psychique.

8.
8.1 Sur le vu de ce qui précède, le recours se révèle bien fondé. Représenté
par un avocat, le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à une
indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation
avec l'art. 135 OJ).

8.2  Par ailleurs, la décision litigieuse ayant pour objet l'octroi ou le
refus de prestations d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du canton de
Fribourg du 18 juin 2003, ainsi que la décision de l'Office pour
l'assurance-invalidité du canton de Fribourg du 21 décembre 2000 sont
annulés, la cause étant renvoyée audit office pour complément d'instruction
et nouvelle décision au sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office pour l'assurance-invalidité du canton de Fribourg versera au
recourant la somme de 2'500 fr. à titre de dépens (y compris la taxe sur la
valeur ajoutée) pour l'instance fédérale.

4.
Le Tribunal administratif du canton de Fribourg statuera sur les dépens pour
la procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 28 juillet 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

P. la Présidente de la IIIe Chambre:   La Greffière: