Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 511/2003
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I 511/03

Arrêt du 13 septembre 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Ursprung et Geiser, suppléant. Greffière :
Mme von Zwehl

S.________, recourant, représenté par Me Charles Guerry, avocat, rue de
Romont 33, 1700 Fribourg,

contre

Office AI du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez,
intimé

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales,
Givisiez

(Jugement du 5 juin 2003)

Faits:

A.
Après avoir exercé le métier de boucher, puis de chauffeur de cars,
S.________, né en 1949, a été engagé en février 1989 par la commune de
A.________ comme employé au service de la voirie.

Au cours de sa vie professionnelle, le prénommé a été victime de plusieurs
incidents. En particulier, il a dû être hospitalisé en 1986 pour une fracture
comminutive du plateau tibial interne et externe, lésion qui lui a laissé à
ce jour des séquelles importantes (chondrose avancée du condyle fémoral
externe et interne gauche avec érosion centrale de la rotule). Le 26
septembre 1989, un couvercle de fonte est tombé sur son épaule gauche; cet
accident - qui a donné lieu à deux rechutes et motivé une intervention
chirurgicale le 8 septembre 1997 pour une rupture des coiffes des rotateurs
ainsi qu'un syndrome du tunnel carpien - a été pris en charge par la Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA); cette dernière lui
verse dans ce contexte une rente fondée sur une incapacité de gain de 25 %
depuis le 1er janvier 1999 (décision du 21 mai 1999). Enfin, le 5 juillet
1998, l'explosion d'une bonbonne de gaz lui a occasionné des brûlures du 1er
et du 2ème degré au bras et à la jambe droites ainsi qu'au visage. En raison
de ces multiples atteintes, S.________ s'est trouvé en incapacité de travail
totale du 8 septembre 1997 au 11 janvier 1998; par la suite, il pu reprendre
son activité mais à un taux réduit (25 % du 12 janvier au 3 mai 1998 et 50 %
du 4 mai au 5 juillet 1998); dès le 6 juillet 1998, il a derechef été mis en
arrêt de travail à 100 %. Le 31 août suivant, son employeur a résilié les
rapports de service. Entre-temps, le 30 avril 1998, il a déposé une demande
de prestations de l'assurance-invalidité tendant à une rente.

Après avoir recueilli divers renseignements médicaux, l'Office AI du canton
de Fribourg (ci-après: l'office AI) a organisé à l'intention de l'assuré un
stage d'observation professionnelle qui s'est déroulé au centre ORIPH de
B.________ du 18 octobre au 12 novembre 1999. Dans leur rapport du 13 janvier
2000, les responsables de la réadaptation ont conclu que nonobstant les
différents problèmes de santé de l'assuré, celui-ci devrait être en mesure de
reprendre un travail dans une activité adaptée avec un taux de présence de
100 % et un rendement de 50 % (voir également le rapport du 15 novembre 1999
du médecin-conseil du centre ORIPH). Le 6 décembre 1999, S.________ a dû être
opéré pour un phlegmon du plancher buccal; cette affection n'a toutefois
entraîné qu'une incapacité de travail temporaire.
Par prononcé du 3 mai 2000, l'office AI a informé l'assuré qu'il le
considérait apte à retravailler dans une activité adaptée dès le 1er novembre
1998 et qu'en conséquence, il avait droit à une rente entière du 1er
septembre au 31 octobre 1998 puis, au-delà de cette date, à une demi-rente
fondée sur un degré d'invalidité de 61 % - prestations assorties d'une rente
complémentaire pour son épouse.

B.
S. ________ a recouru au Tribunal administratif du canton de Fribourg, en
concluant à l'octroi d'une rente d'invalidité entière et, à titre
subsidiaire, à la mise en oeuvre d'une expertise médicale. Dans sa réponse,
l'office AI a proposé de soumettre l'assuré à un examen médical approfondi
auprès du Centre d'observation médicale de l'AI (COMAI) à Berne. La procédure
a été suspendue.

Dans leur rapport du 15 juillet 2002, complété le 13 janvier 2003, les
médecins du COMAI sont parvenus aux mêmes conclusions que les maîtres de
stage et le médecin-conseil du centre ORIPH, à savoir que l'assuré peut
travailler à plein temps avec un rendement de 50 % dans une activité légère
sans port répété de charges au-delà de 10 kg et ne nécessitant ni déplacement
sur un sol inégal, ni manipulations au-dessus de l'horizontale. Après que les
parties ont eu l'occasion de se déterminer sur ce rapport, le tribunal a
rejeté le recours par jugement du 5 juin 2003.

C.
S. ________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
dont
il requiert l'annulation. Sous suite de dépens, il conclut à l'octroi d'une
rente d'invalidité entière au-delà du 31 octobre 1998.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à présenter des déterminations.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA) du 6
octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 3 mai 2000
(ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les références). Pour les mêmes motifs, les
dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème révision),
entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO 2003 3852) n'entrent pas non plus
en ligne de compte.

2.
Le jugement entrepris expose correctement les règles légales et les principes
jurisprudentiels régissant la notion, respectivement l'évaluation de
l'invalidité, ainsi que l'échelonnement des fractions de rente en fonction du
degré d'invalidité (art. 4 et 28 LAI), de sorte que sur ces différents
points, on peut y renvoyer.

On doit cependant préciser qu'une décision par laquelle
l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif
et, en même temps, prévoit la réduction de cette rente, correspond à une
décision de révision au sens de l'art. 41 LAI (ATF 125 V 417 sv. consid. 2d
et les références). Selon cette disposition (dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002), si l'invalidité d'un bénéficiaire de rente se
modifie de manière à influencer le droit à la rente, celle-ci est, pour
l'avenir, augmentée, réduite ou supprimée. Tout changement important des
circonstances, propre à influencer le degré d'invalidité, donc le droit à la
rente, peut donner lieu à une révision de celle-ci (ATF 125 V 369 consid. 2
et la référence; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b).

3.
Le recourant ne conteste pas l'appréciation de sa capacité de travail
résiduelle par les médecins du COMAI; il ne discute pas non plus le moment à
partir duquel l'intimé et la juridiction cantonale (de manière implicite)
l'ont jugé capable de reprendre une activité lucrative. Il reproche en
revanche à ces derniers de s'être référés, pour la comparaison des revenus
avec et sans invalidité, à l'année 1998 au lieu de l'année 2000, date à
laquelle il aurait obtenu chez son ancien employeur une augmentation
salariale substantielle portant son revenu annuel de 65'000 fr. (en 1998) à
70'500 fr. D'autre part, sans discuter le recours aux données statistiques
pour fixer son revenu d'invalide, il estime que la déduction du salaire
statistique retenue dans son cas (10 %) est trop basse et qu'elle ne tient
pas suffisamment compte de ses circonstances personnelles, notamment de son
âge, du handicap généré par ses nombreuses atteintes à la santé (troubles du
genou et de l'épaule gauches; problèmes ORL; cervicalgies; éthylisme) et du
fait qu'il ne peut réaliser qu'un rendement réduit. Pour lui, l'ensemble de
ces éléments justifient une déduction de 20 % à tout le moins.

4.
En l'occurrence, les conditions d'une révision sont données, ce que le
recourant ne conteste pas à juste titre, dès lors qu'il a recouvré, d'un
point de vue médical, une capacité de travail résiduelle de 50 % (taux de
présence de 100 % avec un rendement de 50 %) dans une activité légère et
adaptée dès le 1er novembre 1998 (cf. le rapport du COMAI).

5.
5.1 Selon la jurisprudence, pour procéder à la comparaison des revenus, il
convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les
revenus avec et sans invalidité doivent alors être déterminés par rapport à
un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer
le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue être
prises en compte (ATF 129 V 222 consid. 4, 128 V 174 consid. 4.1 et 4.2).
5.2  Dans le cas particulier, la naissance du droit à la rente se situe en
1998 et la comparaison des revenus doit se faire à ce moment-là.

Au titre de revenu sans invalidité pour 1998, on doit retenir le montant de
65'000 fr. (cf. questionnaire pour l'employeur du 15 juin 1998). Pour le
revenu d'invalide, dès lors que seules entrent en ligne de compte des
activités légères, le salaire de référence est celui auquel peuvent prétendre
les hommes effectuant des activités simples et répétitives (niveau de
qualification 4) dans le secteur privé, à savoir 4268 fr. par mois (Enquête
suisse sur la structure des salaires [ESS] 1998, TA1, p. 25). Comme les
salaires bruts standardisés tiennent compte d'un horaire de travail de 40
heures, soit une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les
entreprises en 1998 (41,9 heures; Annuaire statistique de la Suisse 2000, T
3.11, p. 116), ce montant doit être porté à 4471 fr., soit 53'652 fr. par an.
Dès lors que l'assuré ne peut réaliser, avec un taux de présence de 100 %,
qu'un rendement de 50 %, on obtient un salaire annuel de 26'826 fr. (et non
de 25'032 fr. comme calculé dans le jugement entrepris).

5.3  La réduction du montant des salaires ressortant des statistiques en vue
de fixer le gain d'invalide en l'absence d'un revenu effectivement réalisé
doit tenir compte de certains empêchements propres à la personne de
l'invalide, à savoir les limitations liées au handicap, l'âge, les années de
service, la nationalité et, le cas échéant, la catégorie d'autorisation de
séjour, ainsi que le taux d'occupation. Une déduction globale supérieure à 25
% n'est pas admise (ATF 126 V 79 sv. consid. 5b/aa-cc; VSI 2002 p. 70 sv.
consid. 4b). La déduction, qui doit être effectuée globalement, résulte d'une
évaluation et doit être brièvement motivée par l'administration; le juge des
assurances sociales ne peut, sans motifs pertinents, substituer son
appréciation à celle de l'administration (ATF 126 V 81 consid. 6).

La juridiction cantonale a admis une réduction de 10 % essentiellement en
considération du fait que «les salaires indiqués dans les statistiques
officielles sont légèrement surfaits lorsqu'ils s'appliquent à des activités
légères». Or, cette manière de faire n'est pas compatible avec la
jurisprudence qui commande que l'évaluation se rapporte aux circonstances
personnelles de l'assuré concerné. En l'espèce, les éléments mis en avant par
le recourant (son âge, ses limitations fonctionnelles et son rendement
diminué) sont tous des facteurs susceptibles d'influer sur ses perspectives
salariales; la nationalité et la catégorie du permis de séjour, en revanche,
ne sont pas pertinents. Dans la mesure où S.________ est encore relativement
éloigné de l'âge de la retraite et qu'il bénéficie de surcroît d'une longue
expérience du marché du travail suisse, l'on ne saurait accorder à ces
éléments - appréciés dans leur globalité - l'importance qu'il voudrait.
Ceux-ci justifient néanmoins que l'on s'écarte de l'appréciation des premiers
juges sur ce point et que l'on fixe l'abattement du salaire statistique à 15
%.

5.4  La comparaison des revenus déterminants (à savoir 65'000 fr. pour le
revenu sans invalidité et 22'802 fr. [26'826 - 15 %] pour le revenu
d'invalide) conduit à un degré d'invalidité arrondi de 65 % [(65'000 -
22'802) x 100 : 65'000]. Ce taux est inférieur au seuil donnant droit à une
rente entière d'invalidité (voir art. 28 al. 1 LAI), si bien que le passage
de la rente entière à la demi-rente est bien-fondé.

Suivant l'office intimé, les premiers juges ont cependant omis de prendre en
considération le fait qu'en cas d'allocation d'une rente dégressive ou
temporaire, la date de la modification du droit (diminution ou suppression de
la rente) doit être fixée conformément à l'art. 88a al. 1 RAI (ATF 125 V 417
consid. 2d; VSI 2001 p. 275 consid. 1a, et les références). Selon cette
disposition, si la capacité de gain d'un assuré s'améliore, il y a lieu de
considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son
droit aux prestations dès qu'on peut s'attendre à ce que l'amélioration
constatée se maintienne durant une assez longue période; il en va de même
lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans
interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre.

In casu, le changement déterminant étant survenu le 1er novembre 1998,
l'office AI ne pouvait pas réduire le droit à la rente du recourant avant le
1er février 1999. Le jugement et la décision devront donc être réformés dans
ce sens.

6.
Reste à examiner si des modifications de ces revenus, susceptibles
d'influencer le droit à la rente, sont survenues jusqu'au moment de la
décision litigieuse.
A partir du 1er janvier 2000, le recourant aurait bénéficié d'une
augmentation de salaire suivant le règlement des échelles de salaire auquel
il était soumis chez son ancien employeur (voir la lettre du 8 juin 2000 du
syndic de la Commune de A.________). De 65'000 fr. en 1998, son salaire
aurait ainsi passé à 70'500 fr. en 2000.

En procédant à la comparaison des revenus pour l'année 2000, on doit retenir
un salaire statistique de référence de 4437 fr. par mois pour les hommes
chargés des activités simples et répétitives (ESS 2000, TA1, p. 31). Calculé
en fonction d'un horaire hebdomadaire de travail de 41,8 heures (Annuaire
statistique de la Suisse 2000, T 3.2.3.5, p. 207), ce montant donne 4637 fr.
(soit 55'644 fr. par an). Compte tenu d'un rendement exigible de 50 % et
d'une réduction du salaire statistique de 15 %, on aboutit à un revenu
d'invalide de 23'649 fr. par an. La comparaison des revenus déterminants
donne un taux d'invalidité arrondi de 66 % [(70'500 - 23'649) x 100 : 70'500]
(cf. ATF 130 V 122 consid. 3), si bien que cette modification reste sans
influence sur le droit à la rente.

7.
Le recourant qui obtient très partiellement gain de cause a droit à une
indemnité de dépens réduite (art. 159 al.1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est très partiellement admis. Le jugement du 5 juin du Tribunal
administratif du canton de Fribourg ainsi que la décision du 3 mai 2000 de
l'Office AI du canton de Fribourg sont réformés en ce sens que le recourant à
droit à une rente entière du 1er septembre 1998 au 31 janvier 1999, puis à
une demi-rente dès le 1er février 1999.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 1'000 fr. (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le Tribunal administratif du canton de Fribourg statuera à nouveau sur les
dépens de la procédure cantonale au regard de l'issue définitive du procès de
dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 13 septembre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   La Greffière: