Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 507/2003
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I 507/03

Arrêt du 15 janvier 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari et Boinay, suppléant.
Greffière : Mme Berset

A.________, 1950, recourant, représenté par Me Jean-Marie Agier, avocat,
FSIH, place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 21 mai 2003)

Faits:

A.
A. ________, né en 1950, a travaillé en qualité de maçon et de manoeuvre au
service de différentes entreprises jusqu'au 30 septembre 1999. A partir du
1er octobre 1999, il a présenté une incapacité de travail oscillant entre 50
% et 100 % en raison de douleurs lombaires.

Le 31 octobre 2000, il a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité (rente). Dans un rapport du 4 décembre 2000, son
médecin traitant, le docteur T.________ a diagnostiqué des « lombalgies
chroniques persistantes sur troubles statiques et dégénérescence discale
L4-L5, L5-S1, canal lombaire étroit en L4-L5, arthrose postérieure au même
niveau, importante dysbalance musculaire, obésité, diabète de type II,
maladie de reflux gastro-oesophagien ». Le docteur T.________ s'est fondé sur
les rapports du docteur P.________, rhumatologue, (du 29 novembre 1999),
ainsi que sur l'appréciation des docteurs F.________ et B.________, du
service d'orthopédie et de traumatologie de l'appareil moteur du Centre
hospitalier X.________, du 14 mars 2000). Il a également estimé que son
patient présentait une capacité de travail maximale de 50 % dans une activité
adaptée (petits travaux d'entretien).

Les doctoresses M.________ et V.________, du service médical régional de l'AI
(SMR) ont, quant à elles, fixé à 100 % la capacité de travail de A.________
dans une activité adaptée et déterminé les limitations fonctionnelles comme
suit : « Pas de port de charges supérieures à 10 kg, marche inférieure à 100
m, alternance position assise-debout, pas de latéroflexion ou d'antéflexion »
(rapport du 23 juillet 2001).

Dans un projet de décision du 10 août 2001, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (l'office AI) a informé
A.________ qu'il envisageait de nier son droit à une rente au motif que son
taux d'invalidité n'atteignait pas 40 %. L'assuré a contesté ce point de vue
à l'appui d'une appréciation du docteur T.________ du 24 août 2001, dont il
ressort que sa capacité résiduelle de travail ne dépassait pas 30 %, ainsi
que d'un rapport du 31 mai 2001 du docteur R.________, du Centre anti-douleur
de la Clinique Y.________, annexé à l'avis du médecin traitant.

Le 5 novembre 2001, le SMR a pris position sur les avis des docteurs
T.________ et R.________ et confirmé que l'assuré présentait une capacité de
travail à 100 % dans une activité adaptée respectant les limitations
fonctionnelles précitées.

Par décision du 14 novembre 2001, l'office AI a rejeté la demande de
prestations, estimant que le taux d'invalidité n'atteignait pas 40 %.

B.
A.________ a recouru devant le Tribunal cantonal des assurances en concluant
à l'octroi d'une rente entière d'invalidité. Par jugement du 21 mai 2003, la
juridiction cantonale a rejeté le recours.

C.
A.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, il requiert le renvoi
du dossier à la juridiction cantonale, principalement, pour qu'elle respecte
son droit d'être entendu et subsidiairement, pour qu'elle procède à une
expertise pluridisciplinaire.

L'office AI conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, a apporté diverses modifications dans le domaine
de l'assurance-invalidité. Cette loi, entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
n'est toutefois pas applicable au présent litige qui reste soumis au droit en
vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 ( cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366
consid. 1b).

2.
2.1 Invoquant une violation de l'art. 29 al. 2 Cst., le recourant soutient que
l'intimé a violé son droit d'être entendu au cours de la procédure cantonale
en lui remettant pour consultation une copie des pièces principales du
dossier dans lequel ne figuraient pas les deux rapports du SMR.

2.2 La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art. 4 a Cst. et qui
s'applique également à l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 127 I 56 consid. 2b, 127 III
578 consid. 2c, 126 V 130 consid. 2a), a déduit du droit d'être entendu, en
particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une
décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant
aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès
au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre
connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 16 consid. 2a/aa,
124 V 181 consid. 1a, 375 consid. 3b et les références).

2.3 Une condition nécessaire du droit de consulter le dossier est que
l'autorité, lorsqu'elle verse au dossier de nouvelles pièces dont elle entend
se prévaloir dans son jugement, soit tenue d'en aviser les parties. Encore
qu'elle ne soit pas obligée de les renseigner sur chaque production de
pièces, car il suffit qu'elle tienne le dossier à leur disposition (ATF 128 V
278 consid. 5b/bb et les références).

2.4 En l'espèce, pendant le délai de recours, le mandataire de l'assuré a
sollicité de l'intimé une copie du dossier qui lui a été transmise le 6
décembre 2001. Les pièces envoyées ne contenaient pas les avis  médicaux du
SMR des 23 juillet et 5 novembre 2001. En revanche y figurait une copie de
lettre de l'intimé du 12 novembre 2001 adressée au docteur T.________,
évoquant les limitations fonctionnelles fixées par le SMR et le fait que le
cas du recourant avait à nouveau été soumis à l'appréciation de ce service.

2.5 La question se pose de savoir si un tel état de faits est constitutif
d'une violation du droit d'être entendu ou si, au contraire, l'assuré avait,
en vertu de son devoir de collaborer, l'obligation d'exiger les pièces dont
il avait constaté l'omission. Cette question peut rester indécise, dès lors
que le jugement doit être annulé pour d'autres motifs.

3.
3.1 Le recourant demande le renvoi du dossier aux premiers juges pour qu'ils
procèdent à une expertise pluridisciplinaire afin d'établir sa capacité
résiduelle de travail.

3.2 La juridiction cantonale s'est fondée sur les deux avis des médecins du
SMR pour admettre que les emplois légers mentionnés par l'intimé satisfont «
aux contre-indications incontestées » découlant de l'état de santé de
l'assuré. Elle précise qu'elle ne voit pas pour quels motifs celui-ci ne peut
pas travailler à 100 % dans un emploi de type léger et sédentaire.

4.
Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge,
s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement
aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin
consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle
mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En
outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer
quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V
261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid.
1).

5.
5.1 Dans un arrêt du 14 juin 1999 (ATF 125 V 351), le Tribunal fédéral des
assurances a précisé sa jurisprudence relative à l'appréciation des preuves
notamment dans le domaine médical. Il convient de rappeler ici que selon le
principe de la libre appréciation des preuves, qui s'applique aussi bien en
procédure administrative qu'en procédure de recours de droit administratif
(art. 40 PCF en corrélation avec l'art. 19 PA; art. 95 al. 2 OJ en liaison
avec les art. 113 et 132 OJ), l'administration ou le juge apprécie librement
les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une
appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit
examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la
provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter
un jugement valable sur le droit litigieux. Si les rapports médicaux sont
contradictoires, il ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des
preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une
opinion médicale et non pas sur une autre.

L'élément déterminant pour la valeur probante d'un certificat médical n'est
ni son origine ni sa désignation sous la forme d'un rapport ou d'une
expertise, mais bel et bien son contenu. A cet égard, il importe que les
points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le
rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en
considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine
connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences
médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien
motivées (ATF 125 V 352 consid. 3a).
En particulier, le juge accorde davantage de poids à un rapport d'expertise
remplissant toutes les conditions requises par la jurisprudence qu'à
l'opinion du médecin-traitant (ATF 125 V 353

consid. 3b/cc; RJJ 1995 p. 44; RCC 1988 p. 504 consid. 2).

5.2 En l'espèce, les premiers juges ont confirmé la décision de l'office
intimé en se fondant essentiellement sur les rapports des 23 juillet et 5
novembre 2001 du SMR, selon lesquels l'assuré était apte à exercer à 100 %
une activité légère tenant compte d'un certain nombre de limitations (petite
mécanique à l'établi ou dans l'horlogerie).

Longs d'une page au total, ces deux avis ne comprennent ni anamnèse, ni
observation clinique, ni description des plaintes du recourant. Les
conclusions des médecins du SMR s'appuient entièrement sur d'autres
appréciations médicales dont elles retiennent surtout les éléments qui
minimisent les atteintes à la santé de l'assuré. Au surplus, la détermination
de la capacité résiduelle de travail est théorique et ne tient pas compte du
fait que le recourant a exercé depuis son enfance des activités physiquement
lourdes. Dans ces circonstances, on ne saurait accorder valeur probante aux
rapports des médecins du SMR.

Par ailleurs, aucun autre médecin ne s'est prononcé sur le taux de la
capacité de travail du recourant, hormis le médecin traitant. Or, l'avis de
ce dernier n'emporte pas non plus la conviction. En effet, ce praticien a
fixé la capacité résiduelle de travail du recourant dans une activité adaptée
à 50 %, le 4 décembre 2000, pour la réduire, sans explication, à 30 % neuf
mois plus tard (lettre du 24 août 2001). De surcroît, il a estimé, de manière
irréaliste, que son patient était apte à exercer des petits travaux
d'entretien, alors que les positions de latéroflexion et d'antéflexion sont
proscrites, selon les constatations des médecins du SMR.

Sur le vu de ce qui précède, les premiers juges n'étaient pas fondés à
statuer, comme ils l'ont fait, sur la base des seuls avis médicaux au
dossier. Il y a donc lieu de renvoyer la cause à l'intimé afin qu'il procède
à une expertise dans le but de déterminer avec précision la capacité de
travail résiduelle du recourant, compte tenu de toutes les affections dont il
souffre ainsi que des facultés physiques et mentales dont il dispose. A
l'issue de la procédure d'instruction complémentaire, il appartiendra à
l'intimé de rendre une nouvelle décision sur le droit à la rente du
recourant.

Dans cette mesure, le recours se révèle bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances du
canton de Vaud du 21 mai 2003, ainsi que la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 14 novembre 2001 sont
annulés, la cause étant renvoyée audit office pour instruction complémentaire
et nouvelle décision au sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 2000 fr. ( y compris la taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 janvier 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   La Greffière: