Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 504/2003
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I 504/03

Arrêt du 6 novembre 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme Berset

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

P.________, intimé, représenté par Pro Infirmis Vaud, rue du Grand-Pont 2bis,
1002 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 21 mai 2003)

Faits:

A.
P. ________ est frappé de surdité depuis l'âge de deux ans. A partir du 1er
juin 1983, il a été mis au bénéfice d'une rente entière d'invalidité, fondée
sur un taux d'invalidité de 100 pour cent en raison d'une schizophrénie
paranoïde.

Par l'intermédiaire de Pro Infirmis, il a demandé la prise en charge par
l'assurance-invalidité de cours de langue de signes (le 1er mai 2000) et de
lecture labiale (le 15 mai 2000).

Par décision du 27 septembre 2000, l'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton de Vaud (ci-après : l'office) a rejeté les deux demandes, au motif que
l'assuré avait déjà bénéficié de tels cours pendant sa scolarité, qui ne lui
avaient pas permis d'atteindre un degré d'autonomie suffisant. En outre, les
frais de la mesure et son résultat prévisible n'étaient pas dans une
proportion raisonnable.

B.
Par jugement du 21 mai 2003, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a
admis le recours formé par l'assuré contre cette décision qu'il a annulée.
Considérant que l'assuré avait droit à la prise en charge des deux cours, il
a renvoyé la cause à l'office pour qu'il statue sur la quotité des
prestations devant être allouées.

C.
L'office interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il
demande l'annulation.

Pro infirmis déclare au nom de l'intimé n'avoir rien à ajouter. L'Office
fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.
Le recourant reproche aux premiers juges d'avoir fait totalement abstraction
du fait que l'assuré, actuellement âgé de 38 ans, est sourd depuis l'âge de
deux ans. Durant son adolescence, il a déjà bénéficié de cours (orthophonie,
logopédie, lecture labiale), mais sans succès. On ne saurait donc admettre
que les mesures demandées sont simples et adéquates.

3.
La surdité dont est frappé l'assuré depuis son enfance représente, au sens de
la jurisprudence, un état défectueux stable, qui peut en principe donner
droit à des mesures médicales au sens de l'art. 12 LAI. Ces mesures doivent
toutefois être de nature à améliorer de manière notable la capacité de gain,
ce qui n'est souvent pas le cas des bénéficiaires de rente entière (ATF 115 V
200 consid. 5c et les références). En l'espèce, cette condition n'est pas
remplie, l'assuré étant au bénéfice d'une rente d'invalidité fondée sur un
taux d'incapacité de gain de 100 pour cent en raison d'une grave affection
psychique.

4.
Il s'agit donc d'examiner si les cours en question peuvent être pris en
charge au chapitre des moyens auxiliaires.

4.1 En vertu de l'art. 21 al. 1 LAI, 1ère phrase, l'assuré a droit, d'après
une liste que dressera le Conseil fédéral, aux moyens auxiliaires dont il a
besoin pour exercer une activité lucrative ou accomplir ses travaux
habituels, pour étudier ou apprendre un métier ou à des fins
d'accoutumance fonctionnelle. L'article 21bis al. 2 LAI prévoit que
l'assurance peut allouer des contributions à l'assuré qui a recours, en lieu
et place d'un moyen auxiliaire, aux services de tiers.

Selon la jurisprudence constante, il faut entendre par moyen auxiliaire de
l'assurance-invalidité un objet permettant de suppléer aux défaillances de
certaines parties du corps humain ou de leurs fonctions (ATF 115 V 194
consid. 2c, 112 V 15, consid. 1b).

Par ailleurs, étant donné que les contributions versées pour les services de
tiers au sens de l'art. 21bis al. 2 LAI ne représentent qu'une prestation qui
remplace un moyen auxiliaire déterminé - à la remise duquel l'assuré peut en
principe prétendre, mais qu'il n'est pas en mesure d'utiliser lui-même pour
des motifs qui tiennent à sa personne - lesdits services de tiers ne
sauraient avoir, eux           aussi, qu'un caractère auxiliaire. Ces
services sont donc destinés uniquement à suppléer, en lieu et place du moyen
auxiliaire considéré, aux «défaillances de certaines parties du corps humain
ou de leurs fonctions»; ils ne doivent pas viser, de par leur nature, des
buts qui excèdent ceux du moyen auxiliaire auxquels ils se substituent (ATF

112 V 15 consid. 1b; RCC 1986 p. 357 consid. 1b, p. 670 consid. 3b).

4.2 Aux termes de l'art. 9 al. 1 let. c OMAI, l'assuré a droit au
remboursement des frais liés à l'invalidité, qui sont dûment établis et
causés par les services spéciaux de tiers dont il a besoin, en lieu et place
d'un moyen auxiliaire, pour acquérir des aptitudes particulières qui
permettent de maintenir des contacts avec l'entourage.

4.3 En l'espèce, les cours en question n'ont pas le caractère d'un moyen
auxiliaire, mais doivent être considérés comme des frais occasionnés par le
service de tiers au sens de l'art. 9 OMAI. Ils permettent à l'évidence de
faciliter - et d'améliorer- les contacts avec l'entourage.

4.4 Le fait que l'assuré s'est vu appliquer - sans succès - diverses mesures
dans le passé n'est pas en soi un motif pour refuser le droit aux mesures en
cause. Cela reviendrait à poser une condition supplémentaire, non prévue par
la loi ou son règlement d'exécution, à la prise en charge de contributions
pour des services de tiers. Une telle circonstance peut en revanche être un
indice que la mesure n'est pas adéquate.

4.5 L'insuccès des mesures précédentes s'explique très vraisemblablement par
les graves troubles du comportement de l'assuré pendant son enfance et son
adolescence, attestées par les nombreuses pièces médicales ainsi que les
différents rapports des services qui se sont occupés de l'enfant. C'est ainsi
qu'un rapport de l'Office régional de réadaptation professionnelle du canton
de Vaud du 6 juillet 1984 fait était d'accès de colère clastique au cours
desquels il arrivait à l'assuré de battre les enseignants de l'école pour
sourds de X.________, ainsi que d'une évolution de cette symptomatologie vers
l'apparition de bouffées délirantes. Ce contexte psychologique n'était à
l'évidence pas favorable à un enseignement.

4.6 Comme l'a exposé Pro Infirmis dans son recours à l'autorité cantonale, la
santé psychique de l'assuré paraît s'être stabilisée, ce qui permet un
investissement dans l'apprentissage. On note à ce propos que l'assuré, qui a
été hospitalisé à huit reprises à Z.________ entre 1983 et 1993, l'a été
depuis lors une seule fois, en 1999, cela en raison d'un événement
déclenchant particulier (un geste de pseudo-autonomisation, consécutif au
décès de sa mère). Un bilan neuro-psychologique a été organisé pour
déterminer si l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement en vue
d'améliorer ses moyens de communiquer. Il est apparu qu'un apprentissage du
langage labial et de la langue des signes était mieux approprié que des
séances de logopédie. Les cours de lecture labiale et de langue des signes
sont prodigués, respectivement, par A.________, logopédiste et par B.________
de la Société romande de lutte contre la surdité. Toutes deux attestent des
progrès accomplis par l'assuré grâce aux cours en question (rapports des 10
juillet et 21 juillet 2000). La doctoresse C.________ qualifie de
«remarquable» l'évolution de l'assuré tant du point de vue du langage, de la
compréhension, de l'écriture et de la communication en général; ces cours ont
permis à l'assuré de participer à plusieurs activités sociales (rapport du 23
octobre 2000). On peut ainsi en déduire que la mesure est adéquate. On ne
saurait pas affirmer, par ailleurs, que le coût des cours est disproportionné
au but à atteindre. De tels cours sont un moyen simple pour l'acquisition des
capacité qui permettent le maintien des  des contacts avec l'entourage.

4.7 La pratique administrative invoquée par le recourant ne conduit pas à une
solution différente, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur sa
légalité. En effet, comme l'a relevé le Tribunal fédéral des assurances dans
l'arrêt du 29 octobre 2001, I 418/01, le ch. 1039 CMAI ne mentionne le cas
des «sourds tardifs» qu'à titre d'exemple, ce qui indique que d'autres
situations sont envisageables et peuvent être prises en charge par
l'assurance-invalidité. On ne saurait donc en déduire, par un raisonnement a
contrario, une règle générale selon laquelle les frais mentionnés ne sont
jamais remboursés en cas de surdité congénitale  chez un adulte.

5.
Le recours est ainsi mal fondé. La procédure est gratuite, dès lors qu'elle
porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 6 novembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   La Greffière: