Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 495/2003
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I 495/03

Arrêt du 5 février 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Frésard. Greffière : Mme
Gehring

V.________, recourante,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé,

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 10 juin 2003)

Faits:

A.
V. ________, ressortissante française née en 1971 et domiciliée en France, a
travaillé en Suisse depuis 1989, en qualité de sommelière. Au cours du mois
de juin 1997, elle a été victime d'une contusion au coude droit et, depuis
lors, elle n'a plus été en mesure d'exercer son activité professionnelle
habituelle. Le 31 août 1997, elle a perdu son emploi.

Le 4 juin 1998, V.________ a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'un reclassement dans une nouvelle
profession et d'une rente. Dans ce cadre, elle a été mise au bénéfice d'un
stage de réadaptation professionnelle (décisions communiquées le 23 mars 2000
et le 30 octobre 2000), sous suite d'indemnité journalière (décisions du 25
juillet 2000 et du 25 août 2000). A la suite des constatations
contradictoires qu'il a faites au terme de ce stage, l'Office cantonal de
l'assurance-invalidité du canton de Genève a confié la mise en oeuvre d'une
expertise pluridisciplinaire au Centre d'Observation Médicale de
l'Assurance-Invalidité (COMAI). Selon le rapport en résultant, V.________
dispose d'une capacité résiduelle de travail de 70 % dans une activité
adaptée à son état de santé. Se fondant sur ces conclusions, l'Office AI pour
les assurés résidant à l'étranger (ci-après : l'office) a rejeté la demande
de V.________, au motif que le degré d'invalidité qu'elle présente (17%)
était insuffisant pour ouvrir droit aux prestations (décision du 1er octobre
2002).

B.
Par jugement du 10 juin 2003, la Commission fédérale de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes résidant
à l'étranger a rejeté le recours formé contre cette décision par V.________.

C.
Cette dernière interjette recours de droit administratif contre ce jugement
dont, implicitement, elle requiert l'annulation, en concluant, à l'octroi
d'un reclassement professionnel.

L'office ainsi que l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de
Genève concluent au rejet du recours, cependant que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de la recourante aux prestations de
l'assurance-invalidité, en particulier sur le degré d'invalidité qu'elle
présente.

2.
2.1 Ratione temporis, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant
la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO 2003 3852)
ne sont pas applicables (ATF 127 V 467 consid. 1). Dans la mesure où elles
ont été modifiées par la novelle, les dispositions ci-après sont donc citées
dans leur version antérieure au 1er janvier 2004.

2.2 Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les
dispositions légales et la jurisprudence applicables en l'espèce, de sorte
qu'il suffit d'y renvoyer.
Il convient d'ajouter que selon l'art. 17 al. 1 LAI, l'assuré a droit au
reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend nécessaire
le reclassement et si sa capacité de gain peut ainsi, selon toute
vraisemblance, être sauvegardée ou améliorée de manière notable. Sont
considérées comme un reclassement les mesures de formation destinées à des
assurés qui en ont besoin, en raison de leur invalidité, après achèvement
d'une formation professionnelle initiale ou après le début de l'exercice
d'une activité lucrative sans formation préalable, pour maintenir ou pour
améliorer sensiblement leur capacité de gain (art. 6 al. 1 RAI). Il faut
alors que l'invalidité soit d'une certaine gravité; selon la jurisprudence,
cette condition est donnée lorsque l'assuré subit dans l'activité encore
exigible sans autre formation professionnelle, une perte de gain durable ou
permanente de quelque 20 % (ATF 124 V 110 consid. 1b et les références).
D'après l'art. 28 al. 2 LAI, pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du
travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail,
est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide.
Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé sur la
base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail que
l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et
compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au
revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al. 2 LAI).
La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi
exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les
confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux
d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 30
consid. 1, 104 V 136 consid. 2a et 2b).

3.
3.1 En l'occurrence, pour déterminer le degré d'invalidité, l'office et les
premiers juges ont considéré que la recourante disposait d'une capacité
résiduelle de travail de 70 % dans une activité adaptée. A l'appui de leur
point de vue, ils se sont fondés sur les conclusions du rapport d'expertise
pluridisciplinaire du 27 mai 2002 des médecins du COMAI. Selon celles-ci, la
recourante souffre de douleurs chroniques du coude droit sur probable
allodynie, séquellaire d'un enclavement du nerf cubital. Du point de vue
rhumatologique, neurologique et psychiatrique, l'assurée présente une
capacité résiduelle de travail de 20 % dans son ancienne profession de
sommelière. Dans une activité adaptée à son état de santé (hôtesse d'accueil
ou représentante), c'est-à-dire sans port de charges, ni travaux lourds, ni
mouvements supérieurs à la ligne horizontale, sa capacité résiduelle de
travail est estimée à 70 %.

3.2 Ainsi que l'office et les premiers juges l'ont observé à juste titre, ce
rapport répond aux exigences jurisprudentielles permettant de lui reconnaître
pleine valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c). Les
points litigieux ont fait l'objet d'une étude circonstanciée. Le rapport se
fonde sur des examens complets et prend en considération les plaintes
exprimées par la recourante. Il a été établi en pleine connaissance de
l'anamnèse et du dossier médical. La description du contexte médical et
l'appréciation de la situation médicale sont claires et les conclusions des
experts sont dûment motivées.

En particulier, celles-ci ne sont remises en cause par aucune des pièces
médicales versées au dossier mais elles sont au contraire corroborées par
certaines d'entre elles. Ainsi, dans un certificat du 25 septembre 2000, le
docteur M.________, spécialiste en chirurgie de la main, indique que la
recourante présente une compression du nerf cubital ainsi que des douleurs
résiduelles très invalidantes qui contre-indiquent l'exercice de son activité
professionnelle usuelle et nécessitent un reclassement professionnel. Une
reprise du travail à 100 % n'est pas envisageable sans diminution des
douleurs. Dans un rapport du 13 janvier 2000, la doctoresse D.________,
médecin traitant, fait état d'une impotence fonctionnelle du membre supérieur
droit mais précise qu'une activité ne sollicitant nullement celui-ci est
envisageable sans restriction. Par ailleurs, les certificats du 4 octobre
2000 et du 20 août 2002 du docteur L.________, orthopédiste, le certificat du
28 septembre 2000 du docteur B.________, neurologue, ainsi que le certificat
du 8 novembre 2002 du docteur C.________, spécialiste en microchirurgie de la
main, ne contiennent aucune indication concernant l'incapacité de travail
résultant de l'affection en cause. Quant aux certificats du 10 février 2003
et du 28 mai 2003 du docteur K.________, spécialiste en anesthésiologie, ils
sont d'autant moins déterminants pour l'issue du litige que d'une part le
juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en
règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la décision
litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b et les arrêts cités), soit
en l'occurrence en 2002, et que, d'autre part, ces documents émanent d'un
spécialiste en anesthésiologie et ne donnent également aucune précision
concernant l'incapacité de travail relative à l'affection qu'ils constatent.

3.3 Sur le vu de ce qui précède, il n'existe aucun élément susceptible de
mettre sérieusement en doute les conclusions du rapport d'expertise du 27 mai
2002 de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'en écarter. C'est ainsi à juste titre
que les premiers juges ont retenu que la recourante disposait d'une capacité
résiduelle de travail de 70 % dans une activité adaptée.

4.
4.1 Procédant à la comparaison des gains déterminants, l'office et les
premiers juges ont pris en considération au titre du revenu sans invalidité
le gain que l'intéressée aurait réalisé en 2002 en qualité de sommelière au
service de son dernier employeur, soit 45'600 fr. (12 x 3'800 fr.). Ce
montant n'est pas contesté.

4.2 Quant au revenu d'invalide, l'administration et les premiers juges ont
retenu un gain de 37'800 fr. correspondant à l'exercice à 70 % de la
profession d'hôtesse d'accueil.

Cependant, il apparaît que la recourante est sans activité lucrative depuis
le mois de juin 1997. Faute d'un revenu exigible effectivement réalisé, il
convient de se référer, conformément à la jurisprudence (ATF 126 V 76 consid.
3a/bb et les références), aux données de l'Enquête suisse sur la structure
des salaires (ESS). Selon les indications fournies par cette publication, une
femme pouvait en 2000 prétendre, en exerçant une activité simple et
répétitive (niveau de qualification 4), un revenu annuel de 43'896 fr.
([3'658 fr. x 12]) (ESS 2000, p. 31, Tableau TA1, valeur médiane, tous
secteurs confondus, part au 13ème salaire comprise). Ce salaire hypothétique
représente, compte tenu du fait que les salaires bruts standardisés se basent
sur un horaire de travail de quarante heures, soit une durée hebdomadaire
inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en 2000 (41,8 heures; La
Vie économique, 12-2002 p. 88, tabelle B 9.2), un revenu annuel de 45'871 fr.
([43'896 fr. x 41,8] : 40). Adapté à l'évolution des salaires de 2.5 % en
2001 et de 2.3 % en 2002 selon l'indice des salaires nominaux pour les femmes
(Evolution des salaires en 2002, p. 33, Tableau T1.2.93), le revenu
d'invalide s'élève à 47'018 fr. en 2001, respectivement 48'100 fr. en 2002.
Compte tenu du handicap subi par la recourante, il convient de procéder à une
réduction de 15 % du revenu d'invalide (cf. ATF 126 V 75 ss), lequel s'élève
par conséquent à 40'885 fr. Sur la base d'une capacité résiduelle de travail
de la recourante de 70 %, le revenu d'invalide déterminant s'élève par
conséquent à 28'620 fr.

4.3 En comparant ce montant avec le revenu sans invalidité (45'600 fr.), on
obtient une perte de gain de 16'980 fr. correspondant à un taux d'invalidité
de 37,23 %, lequel, s'il ne permet pas le versement d'une rente, est
supérieur au seuil à partir duquel une perte de gain durable dans toute
activité exigible ouvre droit, en principe, au reclassement dans une nouvelle
profession (cf. consid. 2.2 supra). Si l'on se fondait sur des données
existant au moment de l'ouverture théorique du droit à la rente (ATF 129 V
222, 128 V 174), on n'aboutirait pas à un résultat sensiblement différent.

4.4 Dans ces circonstances et dès lors que l'assurée présente une aptitude à
la reconversion professionnelle compte tenu de ses ressources adaptatives, de
son jeune âge, de ses capacités d'apprentissage et d'intégration sociale (cf.
rapport d'expertise du 27 mai 2002 du COMAI), aucun élément au dossier ne
permet de conclure de manière convaincante que la recourante n'est pas à même
de se plier aux exigences d'une mesure de réadaptation et de la réussir. En
particulier, le manque de motivation et d'engagement dont, selon le rapport
OSER du 5 décembre 2000, l'assurée a fait preuve au cours du stage qu'elle a
suivi du 2 août 2002 au 10 novembre 2002, ne constitue pas un obstacle à un
reclassement dans une nouvelle profession adaptée à son état de santé. Il
convient dès lors de considérer qu'il existe une juste proportion entre le
succès d'une telle mesure et les frais qu'elle entraîne (cf. ATF 103 V 16
consid. 1b; RCC 1988 p. 495 consid. 2a). Au demeurant, l'administration peut
suivre l'évolution du reclassement en se réservant la possibilité de
supprimer le droit aux prestations par la voie de la révision (cf. art. 41
LAI, par analogie), dans l'éventualité où la recourante, par son attitude,
compromettrait le succès de la réadaptation. Sur le vu de ce qui précède,
c'est dès lors à tort que l'administration et les premiers juges ont rejeté
la demande de la recourante tendant à l'octroi d'un reclassement dans une
nouvelle profession adaptée à son état de santé. Le recours se révèle dès
lors bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement de la Commission fédérale de recours en
matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger du 10 juin 2003,
ainsi que la décision de l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger
du 1er octobre 2002 sont annulés dans la mesure où ils rejettent la demande
de reclassement dans une nouvelle profession. La cause est renvoyée à
l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger pour complément
d'instruction et nouvelle décision au sens des considérants.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission fédérale de
recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les
personnes résidant à l'étranger, à l'Office cantonal AI Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 5 février 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   La Greffière: