Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 481/2003
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I 481/03

Arrêt du 30 septembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Ferrari. Greffière : Mme
Boschung

V.________, recourant, représenté par Me Jean-Pierre Bloch, avocat, place de
la Gare 10, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 26 février 2003)

Faits:

A.
V. ________, né en 1963, a travaillé en tant que chef de rayon au service de
l'entreprise M.________ jusqu'au 5 mai 1995. Le 3 novembre 1995, il a déposé
une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant principalement à
l'octroi d'une mesure de réorientation professionnelle ou de reclassement
dans une nouvelle profession.

L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'OAI) a
recueilli divers renseignements médicaux, notamment des rapports des médecins
des services de rhumatologie et de neurologie de l'hôpital X.________
(rapports des 23 juin, 6 et 25 octobre 1995). En outre, il a confié des
expertises aux médecins du Centre médical d'observation de
l'assurance-invalidité (COMAI; rapport d'expertise du 8 novembre 1996 et
rapport intermédiaire du 27 mars 2000), ainsi qu'au docteur S.________,
spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du Centre médical de
psychothérapie cognitive de Y.________ (CMPC; rapport du 16 août 2001). L'OAI
a également ordonné un séjour d'observation professionnelle au Centre
d'intégration professionnelle de W.________ (CIP). Cette mesure, initialement
prévue pour trois mois (du 25 août au 23 novembre 1997), a été interrompue le
31 octobre 1997 en raison du manque de collaboration et de motivation de
l'assuré.

Par décision du 19 décembre 2001, l'OAI a rejeté la demande de l'assuré,
motif pris que les lombalgies chroniques constatées n'entraînaient pas
d'incapacité dans son ancienne profession de vendeur. Par ailleurs, il a
considéré que l'expertise psychiatrique confiée au docteur S.________ ne
mettait pas en évidence de pathologie invalidante au sens de
l'assurance-invalidité parce que le trouble somatoforme diagnostiqué n'était
pas accompagné d'une comorbidité psychiatrique grave.

B.
L'intéressé a recouru contre cette décision devant le Tribunal des assurances
du canton de Vaud en concluant implicitement à l'octroi d'une rente entière
d'invalidité. Il reprochait à l'administration de s'être fondée exclusivement
sur le rapport psychiatrique du docteur S.________ et, partant, de ne pas
avoir mis sur pied une expertise rhumatologique, laquelle aurait permis de
constater l'existence d'une atteinte à la santé de nature somatique
entraînant une incapacité de travail.
Après avoir confié une expertise au docteur H.________, spécialiste en
chirurgie et orthopédie (rapport du 7 décembre 2002), la juridiction
cantonale a rejeté le recours par jugement du 26 février 2003. Elle a
considéré que l'invalidité était insuffisante pour ouvrir droit à des
prestations.

C.
V.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il demande l'annulation, en concluant, avec suite de dépens, à l'octroi de
prestations de l'assurance-invalidité dès le 2 novembre 1996. Se considérant
comme absolument incapable de travailler, il sollicite l'octroi d'une rente.

L'OAI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à présenter une détermination.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit éventuel du recourant à une rente de
l'assurance-invalidité.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Le cas d'espèce demeure toutefois régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue, soit le 19 décembre 2001
(ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.
2.1 Selon l'art. 4 al. 1 LAI, l'invalidité est la diminution de la capacité de
gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une atteinte à la
santé physique ou mentale provenant d'une infirmité congénitale, d'une
maladie ou d'un accident.

2.2 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé sur la
base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail que
l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et
compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au
revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al. 2 LAI).
La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi
exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les
confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux
d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 30
consid. 1, 104 V 136 consid. 2a et 2b).

2.3 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le
juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin,
éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du
médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans
quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler.
En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer
quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V
261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid.
1).

3.
3.1 En l'occurrence, les premiers juges ont considéré que l'assuré présente
une "capacité de gain résiduelle de 80 %" au moins. Ils se sont fondés pour
cela sur les conclusions des experts S.________ et H.________. Selon la
juridiction cantonale, les rapports de ces experts répondent aux exigences
permettant de leur accorder pleine valeur probante.

3.2 Sur le plan physique, le docteur H.________ a attesté l'existence de
troubles statiques et de lésions dégénératives de la colonne vertébrale qui
entraînent des rachialgies de fatigue, accompagnés d'un désalignement des
vertèbres L4-L5-S1, ainsi que d'une légère protrusion discale postérieure,
sans compression radiculaire.

Selon l'expert, ces troubles représentent un handicap relatif, dans la mesure
où ils provoquent uniquement un inconfort du creux des reins et,
occasionnellement, quelques douleurs irradiées. Par conséquent, ce médecin a
conclu que l'intéressé serait parfaitement capable, du point de vue physique,
de reprendre son activité antérieure, dans la mesure où il serait dispensé
des travaux lourds. Il serait également capable d'exercer de nombreuses
autres activités telles que contrôleur, surveillant, magasinier ou
réceptionniste, à raison d'une capacité de l'ordre de 80-90 % pour tenir
compte des limitations quant aux efforts physiques. Au demeurant, le médecin
prénommé est d'avis que l'assuré aurait dû accepter un travail de
caissier-surveillant d'un tunnel de lavage proposé par l'entreprise
M.________, fonction qu'il aurait pu exercer à raison de 95-100 %, et qu'il a
pourtant refusée pour une question de "dignité" (rapport d'expertise du 7
décembre 2002).

Il n'y a pas lieu de s'écarter de l'avis de l'expert, lequel a procédé à une
étude fouillée du cas, a fondé son rapport sur des examens complets et est
parvenu à des conclusions bien motivées. Au demeurant, cet avis n'est pas
remis en cause en procédure fédérale par le recourant.

Dès lors, il y a lieu de considérer que l'assuré subit, en raison de
l'atteinte à la santé physique, une diminution de sa capacité de travail de
20 % au plus dans une activité adaptée.

3.3 Sur le plan psychique, le docteur S.________ a diagnostiqué un trouble
somatoforme indifférencié, une personnalité évitante, sans troubles
dépressifs majeurs ou mineurs. Il a précisé que ce trouble de "type évitant"
était toutefois mineur, fréquent dans la population, et qu'il jouerait
davantage un rôle défavorable dans les perspectives d'une réadaptation
professionnelle que sur la capacité de travail en soi. Ce médecin a indiqué
que ledit trouble ne s'inscrivait pas dans une histoire personnelle
douloureuse, n'était associé ni à une comorbidité psychiatrique
significative, ni à un trouble de la personnalité atteignant le seuil
diagnostic. La situation de l'intéressé lui paraît "figée" depuis de
nombreuses années, en raison de troubles plus subjectifs qu'objectifs. Dans
un tel cas, l'expert explique qu'il serait illusoire d'attendre une évolution
favorable des symptômes pour exiger la reprise d'une activité
professionnelle. Les bénéfices secondaires sont trop importants, et seul le
refus des prestations de l'assurance-invalidité est susceptible de faire
évoluer la situation en permettant à l'assuré de mobiliser toutes son énergie
pour retrouver un emploi (expertise du 16 août 2001).

Sur le vu de ces constatations médicales, force est de constater que les
critères jurisprudentiels (voir VSI 2000 p. 154 consid. 2c; arrêt R. du 2
décembre 2002 [I 53/02] consid. 2.2) établissant l'existence d'un trouble
somatoforme à caractère invalidant ne sont pas réalisés en l'occurrence. Dès
lors, si l'expert a indiqué une diminution de la "capacité de travail" de 25
% au plus, depuis l'année 2000 dans une activité adaptée, c'est uniquement en
considération d'éléments étrangers à l'invalidité comme la durée de l'arrêt
de travail, une formation insuffisante, des difficultés linguistiques et un
certain confort "existentiel". Cela étant, il apparaît que l'assuré ne subit
pas d'atteinte à la santé psychique de nature à entraîner une incapacité de
travail.

3.4 Au vu de ce qui précède, la juridiction cantonale était fondée à fixer à
80 % au moins la capacité de travail globale de l'assuré dans une profession
adaptée comme celle de contrôleur, de surveillant, de magasinier ou de
réceptionniste.

4.
4.1 Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est
invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50 % au
moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI, prétendre une
demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.

Pour l'évaluation de l'invalidité, sont déterminants les rapports existant au
moment de l'ouverture du droit à une éventuelle rente, ainsi que les
modifications éventuelles survenues jusqu'au moment de la décision qui ont
des conséquences sur le droit à la rente (ATF 128 V 174; arrêts L. du 18
octobre 2002, I 761/01, et G. du 22 août 2002, I 440/01).

En l'espèce, la comparaison des revenus doit être effectuée compte tenu des
circonstances de fait telles qu'elles se présentaient en 1996, soit une année
après le début de l'incapacité de travail significative (voir art. 29 al. 1
let. b LAI).

4.2 Afin d'évaluer le revenu d'invalide, il doit être tenu compte avant tout
de la situation professionnelle concrète de l'intéressé. En l'absence d'un
revenu effectivement réalisé, il y a lieu de se référer aux données
statistiques, telles qu'elles résultent de l'enquête sur la structure des
salaires (ESS) publiée par l'Office fédéral de la statistique (ATF 126 V 76
consid. 3b/aa et bb). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts
standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF
124 V 323 consid. 3b/bb; VSI 1999 p. 182).

Ainsi, le salaire annuel auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des
activités simples et répétitives dans le secteur privé en 1996 est de 4'294
fr. par mois compte tenu d'un horaire de travail de 40 heures par semaine
(ESS 1996 p.17, TA1, niveau de qualification 4). Il doit ensuite être porté à
4'497 fr. (4'294 : 40 x 41,9), soit 58'473 fr. par an, dès lors que la
moyenne usuelle de travail dans les entreprises en 1996 était de 41,9 heures
(La Vie économique 12/2002 p. 88, tableau B 9.2). La capacité de travail du
recourant étant réduite de 20 %, le revenu annuel exigible s'élève à 46'778
fr.

4.3 Le gain que le recourant a réalisé en 1995, selon l'attestation de son
ancien employeur faisant état des gains mensuels, correspond à  4'423 fr. par
mois, soit 57'499 fr. par an (y compris la part au 13ème salaire). Ce montant
doit être adapté en principe à l'évolution des salaires dans le commerce de
détail en 1996 (Office fédéral de la statistique, Evolution des salaires 2001
p. 31, tableau T1.93). Malgré les données statistiques qui font état d'une
diminution de 0,2 % des salaires, il n'y a pas lieu de s'écarter du revenu
obtenu en 1995, la diminution du revenu dans sa dernière activité n'étant
notoirement pas vraisemblable.

4.4 Au regard des revenus ainsi obtenus, le recourant subit une diminution de
sa capacité de gain de 18,6 % ([57'499 - 46'778] x 100 : 57'499).

Le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèle
mal fondé.

5. Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Par
ailleurs, le recourant, qui succombe, ne peut prétendre une indemnité de
dépens (art. 159 al. 1 OJ en liaison avec art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 30 septembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre:   La Greffière: