Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 449/2003
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I 449/03

Arrêt du 18 septembre 2003
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Schön, Président, Borella, Leuzinger, Ursprung et
Frésard. Greffière: Mme Gehring

D.________, France, recourant, ayant élu domicile c/o Me Pierre Siegrist,
avocat, Grand-rue 17, 1204 Genève,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 15 mai 2003)

Faits:

A.
Par décision du 20 mai 1999, l'Office de l'assurance-invalidité pour les
assurés résidant à l'étranger (ci-après : OAI) a refusé d'allouer une rente
d'invalidité à D.________, ressortissant belge domicilié en France, au motif
que les dispositions conventionnelles entre la Suisse et la Belgique ne
permettaient pas le paiement d'une rente d'invalidité à un ressortissant
belge domicilié dans un Etat tiers. Cette décision n'a pas été attaquée.

Le 31 octobre 2002, l'OAI a alloué au prénommé une rente entière d'invalidité
à partir du 1er juin 2002, date de l'entrée en vigueur de l'Accord du 21 juin
1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne
et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes
(Accord sur la libre circulation des personnes [ALCP]). Le début de
l'invalidité (et du droit théorique à la rente) a été fixé au 6 décembre
1997.

B.
Par jugement du 15 mai 2003, la Commission fédérale de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes résidant
à l'étranger a rejeté le recours formé par D.________ contre cette décision.

C.
Ce dernier interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il requiert l'annulation, en concluant au versement de la rente précitée avec
effet rétroactif au 6 décembre 1997.

L'OAI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 Sous l'angle formel, le recourant demande au Tribunal fédéral des
assurances d'appeler en cause les «interlocuteurs susceptibles d'avoir joué
un rôle négatif» dans le fait qu'il n'a pas droit à une rente de décembre
1999 à mai 2002, soit pour la période durant laquelle il était soumis au
régime de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et
le Royaume de Belgique du 24 septembre 1975. La demande d'appel en cause vise
principalement l'Etat belge, contre lequel le recourant entend intenter une
action «s'il s'avère qu'il a adopté une mesure discriminatoire en
contradiction avec les Directives et Lois européennes applicables aux
ressortissants CEE de l'époque».

Dans la procédure de recours de droit administratif devant le Tribunal
fédéral des assurances, l'objet de la procédure est limité à la décision
attaquée. Cette procédure ne connaît pas l'appel en cause ou l'intervention
en tant qu'institutions autonomes. Il appartient au tribunal de décider
librement de faire participer, dans le cadre de l'échange d'écritures (art.
110 al. 1 OJ), d'éventuels intéressés qui ne sont pas parties à la procédure.
Il le fera, en particulier, en faveur des personnes auxquelles un jugement
entré en force est susceptible d'être opposé et qui, de ce fait, sont
invitées à exercer leur droit d'être entendues (ATF 125 V 94 consid. 8;
Pierre Moor, Droit administratif, 2ème éd., Berne 2002, volume II, p. 254;
André Grisel, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, vol. II, p. 851;
Benoît Bovay, Procédure administrative, Berne 2000, p. 152 sv.; Alfred
Kölz/Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des
Bundes, 2ème éd., Zurich 1998, p. 191, ch. 528; cf. aussi Isabelle Häner, Die
Beteiligten im Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, Zurich 2000, p.
170).

1.2 Le point de savoir si un arrêt est susceptible de déployer des effets à
l'égard de tiers est déterminé en fonction de l'application du droit de fond
(ATF 114 Ia 95 consid. 1b). Dans le cas particulier, le litige porte sur le
moment à partir duquel le recourant a droit à une rente d'invalidité. Cette
question doit être résolue à la lumière de dispositions - de droit interne ou
international - en matière de sécurité sociale (infra consid. 2). Le Tribunal
fédéral des assurances n'est pas compétent pour se prononcer sur la
responsabilité d'un Etat tiers ou d'autres personnes ou institutions que le
recourant se propose d'invoquer dans le cadre d'une procédure ultérieure
(voir art. 128 OJ). Le fondement juridique d'une telle procédure est tout à
fait différent de celui qui est à l'origine du cas d'espèce. Le présent
jugement n'est donc pas susceptible d'être opposé, sur le plan du principe ou
du degré de responsabilité d'un tiers, dans une procédure ultérieure en
réparation. Partant, il ne se justifie pas de donner, notamment à l'Etat
belge, la possibilité de se déterminer en qualité d'intéressé à la présente
procédure (comp. avec l'arrêt G. du 22 avril 2003 [U 307/01]). Les
conclusions en ce sens du recourant doivent ainsi être rejetées.

2.
2.1 Sur le fond du litige, les premiers juges exposent à juste titre que les
rapports dans le domaine de la sécurité sociale entre la Suisse et la
Belgique étaient régis, avant l'entrée en vigueur de l'ALCP, par la
Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et le Royaume de
Belgique du 24 septembre 1975. Le point 4 du protocole final à ladite
convention prévoit qu'en dérogation au principe de l'égalité de traitement
énoncé à l'art. 3 de la convention, les rentes de l'assurance-invalidité
suisse ne sont versées aux titulaires de nationalité belge qu'en Suisse et en
Belgique. Cette limitation s'explique par le fait que l'Etat belge n'a pas
été en mesure d'assurer la réciprocité en ce qui concerne le droit des
ressortissants suisses domiciliés dans un Etat tiers (voir FF 1976 II 823).

2.2 Cette situation juridique s'est modifiée avec l'entrée en vigueur de
L'ALCP.

Selon l'art. 1er § 1er de l'annexe II - intitulée «Coordination des systèmes
de sécurité sociale», fondée sur l'art. 8 de l'accord et faisant partie
intégrante de celui-ci (art. 15 ALCP) - en relation avec la Section A de
cette annexe, les Parties contractantes appliquent entre elles en particulier
le Règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à
l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux
travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à
l'intérieur de la Communauté (ci-après: règlement no 1408/71), ainsi que le
Règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités
d'application du règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l'application des
régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non
salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la
Communauté (ci-après: règlement no 574/72). L'art. 80a LAI, entré en vigueur
le 1er juin 2002, renvoie à ces deux règlements de coordination.

Par ailleurs, l'art. 20 ALCP stipule que, sauf disposition contraire
découlant de l'annexe II, les accords de sécurité sociale bilatéraux entre la
Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne sont suspendus dès
l'entrée en vigueur de l'accord, dans la mesure où la même matière est régie
par l'accord. Ainsi, le règlement no 1408/71 se substitue à toute convention
de sécurité sociale liant, soit exclusivement deux ou plusieurs Etats
membres, soit au moins deux Etats membres et un ou plusieurs autres Etats
(art. 6 du règlement no 1408/71). Son application souffre toutefois quelques
exceptions (voir p. ex. Bettina Kahil-Wolff, L'Accord sur la libre
circulation des personnes Suisse-CE et le droit des assurances sociales, in:
SJ 2001 II p. 115). En particulier, un certain nombre de dispositions
conventionnelles liant des Etats entre eux restent applicables à condition
d'être énumérées à l'annexe III du règlement. A ce propos, on relève que
selon la Section A ch. 1 let. i de l'annexe II de l'accord, l'annexe III
partie A du règlement no 1408/71 relative aux dispositions de sécurité
sociale qui restent applicables, maintient en vigueur le point 4 du protocole
final de la Convention entre la Suisse et la Belgique en ce qui concerne le
paiement de prestations en espèces à des personnes résidant dans un Etat
tiers. Par Etat tiers, il faut désormais entendre un Etat qui n'est pas
considéré comme un Etat membre au sens de l'art. 1er § 2 de l'annexe II de
l'accord (voir p. ex. Jan Michael Bergmann, Überblick über die Regelungen des
APF betreffend die Soziale Sicherheit, in: Rechtsschutz der Versicherten und
der Versicherer gemäss Abkommen EU/CH über die Personenfreizügigkeit [APF] im
Bereich der Sozialen Sicherheit, St-Gall 2002, p. 27; Roland A. Müller,
Soziale Sicherheit, in: Bilaterale Verträge Schweiz-EG, Zurich 2002, p. 157
note 68; cf. également Gérard Lyon-Caen/Antoine Lyon -Caen, Droit social
international et européen, 8ème éd., Paris 1993, p. 198, ch. 250). Dans la
mesure où le recourant est domicilié dans un Etat membre, le point 4 du
protocole relatif à la Convention entre la Confédération suisse et la
Belgique ne lui est donc pas opposable.

2.3 L'art. 10 § 1er du règlement no 1408/71, qui pose le principe de la levée
de la clause de résidence, prévoit que sauf disposition contraire du
règlement, les prestations en espèces, notamment d'invalidité, ne peuvent
subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni
confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d'un Etat
membre autre que celui où se trouve l'institution débitrice. C'est donc en
application de cette disposition que le recourant peut désormais se voir
allouer une rente de l'assurance-invalidité suisse.

Cependant, comme l'a également rappelé la commission de recours, une
application rétroactive des normes de coordination introduites en matière de
sécurité sociale par l'accord est exclue. L'art. 94 du règlement no 1408/71
et l'art. 118 du règlement no 574/72 contiennent des dispositions
transitoires pour les travailleurs salariés alors que l'art. 95 du règlement
no 1408/71 et l'art. 119 du règlement no 574/72 renferment de telles règles
pour les travailleurs non salariés. Selon les art. 94 § 1er et 95 § 1er du
règlement no 1408/71, le règlement ne crée aucun droit à la rente pour une
période antérieure à sa mise en application dans l'Etat concerné (voir ATF
128 V 317 consid. 1b/aa).

2.4 Il résulte de ce qui précède, que le recourant a droit à une rente à
partir du 1er juin 2002, comme l'ont retenu avec raison l'administration et
les premiers juges. Le recours se révèle ainsi mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Caisse
interprofessionnelle d'AVS de la Fédération romande des syndicats patronaux
(CIAM-AVS), Genève, à la Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI
pour les personnes résidant à l'étranger et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 18 septembre 2003

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la Ire Chambre:   La Greffière: