Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 428/2003
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I 428/03

Arrêt du 18 novembre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari et Kernen. Greffière :
Mme Piquerez

A.________, recourante,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 10 avril 2003)

Faits:

A.
A. ________, née en 1965, sans formation professionnelle, n'a pas exercé à ce
jour d'activité lucrative. Le 28 août 1998, elle a déposé une demande de
rente d'invalidité dans laquelle elle alléguait notamment souffrir de
dépression et être, de ce fait, totalement incapable de travailler depuis le
29 septembre 1997. Suivant ses dires, sans l'atteinte à la santé, elle aurait
travaillé à plein temps comme femme de ménage.

Procédant à l'instruction du cas, l'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton de Vaud (l'office) a réuni divers avis médicaux. Selon la doctoresse
B.________, médecin-traitant, l'assurée souffre notamment de grave dépression
et l'incapacité de travail est totale depuis 1997 (rapport du 22 septembre
1998). Le docteur C.________, chef de clinique auprès du Département
universitaire de psychiatrie adulte du CHUV à Lausanne (DUPA), a reçu à deux
reprises en consultation l'assurée les 19 et 27 mai 1998. Il a diagnostiqué
un épisode dépressif sévère sans symptôme psychotique et ordonné son
hospitalisation à l'Hôpital X.________ en raison d'un risque de passage à
l'acte suicidaire (rapport du 10 décembre 1998). La doctoresse E.________, de
l'association Y.________, a également diagnostiqué une dépression sévère sans
symptôme psychotique, attestant de consultations suivies du 11 juin 1998 au
28 septembre 1999 et de début 2000 au 3 mai 2000 (certificat du 13 décembre
2000).

L'office a confié une expertise psychiatrique au docteur D.________. Dans son
rapport du 13 février 2001, il pose les diagnostics d'état dépressif majeur
d'intensité légère à moyenne (diagnostic différentiel : trouble de
l'adaptation avec humeur anxio-dépressive chronique), de non-observance du
traitement, de personnalité à traits passifs-agressifs, de lombalgies banales
et de difficultés socio-économiques - inadaptation socio-culturelle. Il en a
conclu que l'intéressée était capable de mettre à profit une capacité de
travail de 70 %, tant dans une activité de ménagère que de femme de ménage.

Se fondant sur les conclusions de l'expert psychiatre, l'office a rejeté la
demande de rente de l'assurée au motif que sa capacité résiduelle de travail
était de 70 % par décision du 16 juillet 2001.

B.
A.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal cantonal des
assurances du canton de Vaud qui l'a déboutée par jugement du 10 avril 2003.

C.
L'assurée interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle requiert l'annulation, concluant au renvoi de la cause à la juridiction
de première instance pour mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique.

L'office conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

D.
Par écriture du 9 septembre 2003, le Centre social régional Z.________ a
requis un complément d'instruction.

Considérant en droit:

1.
Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie
la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de
fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366
consid. 1b et les arrêts cités).

Dans le cas particulier, le litige porte sur le point de savoir si, jusqu'à
la date du 16 juillet 2001 correspondant à la décision de l'office, la
recourante souffrait de troubles psychiques limitant sa capacité de gain dans
une mesure propre à fonder son droit à une rente d'invalidité.

2.
Les premiers juges ont exposé les règles légales et principes
jurisprudentiels relatifs aux notions d'invalidité et d'atteintes psychiques
invalidantes, au calcul du taux d'invalidité ainsi qu'à la valeur probante
des expertises. On peut sur ce point renvoyer à leurs considérants, y compris
sur la non application de la LPGA.

On ajoutera encore, en ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou
socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, que le Tribunal fédéral
des assurances a récemment précisé sa jurisprudence relative aux atteintes à
la santé psychique. Ainsi, les facteurs psychosociaux ou socioculturels ne
figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une
incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit
reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical
pertinent, entravant la capacité de travail  (et de gain) de manière
importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs
psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent
l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic  médical précise s'il y a
atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit
pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de
facteurs socioculturels; il faut au contraire que le tableau clinique
comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par
exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique
assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte
psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels et qui doit
de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en
définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où
l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur
explication et leur source dans le champ  socioculturel ou psychosocial, il
n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 299 consid.
5a in fine; VSI 2000 p. 155 consid. 3).

3.
3.1 En l'espèce, les juges cantonaux ont considéré que l'expertise du docteur
D.________ remplissait les conditions posées par la jurisprudence pour qu'il
lui soit accordé pleine valeur probante. Dès lors, ils se sont fondés sur les
conclusions de ce médecin, qui a fixé la capacité de travail résiduelle à 70
%, pour nier le droit de la recourante à une rente d'invalidité.

A. ________ conteste la valeur probante de l'expertise susmentionnée et
estime que le dossier doit être renvoyé à l'instance inférieure pour mise en
oeuvre d'une nouvelle expertise psychiatrique.

3.2 Pour réaliser son expertise, le docteur D.________ a eu en mains les
rapports des docteurs B.________ et C.________. Il n'a en revanche pas eu
connaissance du certificat médical de la doctoresse E.________. Cela n'est
toutefois pas décisif pour apprécier la valeur probante de son rapport, dès
lors que le diagnostic posé par ce médecin correspond à celui du docteur
C.________. Par ailleurs, l'expert a apporté un soin particulier à
l'établissement des faits et à l'examen clinique de la recourante, procédant
encore à des tests et des examens avant de donner son diagnostic et ses
conclusions. En outre, le docteur D.________ a eu trois entretiens en
décembre 2000 avec l'assurée, le dernier hors la présence de l'époux et avec
l'aide d'un traducteur indépendant, après s'être rendu compte que, pour des
motifs divers, l'intervention de l'époux comme interprète ne permettait pas
d'obtenir des données fiables.

Il n'y a pas de divergence entre les différents avis médicaux quant au
diagnostic, celle-ci ne portant que sur l'intensité de l'état dépressif grave
diagnostiqué. Or, à cet égard, l'avis de l'expert repose sur des examens
fouillés et complets réalisés plusieurs mois, voire plusieurs années après
les consultations auprès des deux autres médecins précités. Dès lors, les
conclusions bien motivées de l'expert ne sauraient être mises en doute par
l'avis de ces médecins, d'autant que les propos de l'assurée lors des
consultations auprès de ces derniers ont été traduits, du moins en grande
partie, par son mari ce qui porte atteinte à la fiabilité de leurs
constatations. Dans ces conditions, il n'y a pas de motif permettant de
s'écarter du diagnostic posé par l'expert. Dans ce sens, il ne se justifie
pas davantage de procéder à une nouvelle expertise dès lors que les
renseignements qu'elle fournit sont suffisants pour statuer.

Dans ces conditions également, il n'y a pas lieu pas de donner suite à la
requête de complément d'instruction déposée par le Centre social régional
Z.________, pour le motif également que celle-ci est tardive.

3.3 L'appréciation de la capacité de travail n'est pas davantage critiquable
au vu des règles énoncées ci-dessus et de la motivation pertinente donnée par
l'expert. Contrairement à l'avis des premiers juges, celui-ci a posé un
diagnostic médical qui correspond à une atteinte à la santé ayant valeur de
maladie. Peu importe à cet égard qu'il en ait rattaché l'origine à des
facteurs socio-culturels. Reste que cette atteinte à la santé ne porte
conséquence que partiellement à la capacité de travail de l'assurée si bien
qu'elle ne lui ouvre pas le droit à la rente.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 18 novembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre:   La Greffière: