Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Sozialrechtliche Abteilungen I 410/2003
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I 410/03

Arrêt du 2 septembre 2003
IIIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Meyer et Kernen. Greffière : Mme Piquerez

D.________, recourante,
agissant par sa curatrice B.________,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 17 janvier 2003)

Faits:

A.
D. ________, née en 1962, sans formation professionnelle, a déposé le 23
février 2000 une demande de prestations de l'assurance-invalidité sous la
forme d'une rente auprès de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton
de Vaud (l'office). Elle y alléguait avoir travaillé en qualité de
manutentionnaire jusqu'au 14 juillet 1999 et avoir été en incapacité de
travail totale depuis lors en raison d'une fibromyalgie.

Procédant à l'instruction de la cause, l'office a requis l'avis du
médecin-traitant de l'assurée, le docteur C.________. Dans son rapport du 7
mars 2000, ce médecin a posé les diagnostics de fibromyalgie floride et
d'état dépressif chronique. Il estimait que l'incapacité de travail était
totale depuis le 14 juillet 1999. La doctoresse A.________, spécialiste en
médecine interne et maladies rhumatismales, s'est également prononcée sur
l'état de santé de D.________. Elle a diagnostiqué un syndrome douloureux
chronique ainsi qu'un tabagisme chronique. Malgré une incapacité de travail
totale, elle considérait qu'une réinsertion professionnelle devait être
envisagée, vu le jeune âge de la patiente.

L'office a confié une expertise au docteur S.________, spécialiste en
psychiatrie et psychothérapie. Dans son rapport du 8 mars 2002, l'expert a
posé les diagnostics de dysthymie (actuellement de degré moyen) (diagnostic
différentiel : trouble thymique induit par l'alcool), de trouble de
somatisation avec majoration des plaintes, de trouble panique avec
agoraphobie de degré léger, de dépendance et abus d'alcool, de consommation
de cannabis, de personnalité immature (dépendante) à fonctionnement état
limite, ainsi que de surcharge professionnelle, difficultés financières et
antécédents de maltraitance. Il a exprimé ne pas voir de raison permettant de
s'écarter de la fixation, par le médecin-traitant, de l'incapacité de travail
à 70 % du 14 juillet 1999 au 21 décembre 2001. Par contre, depuis cette date,
l'expert a estimé la capacité de travail à 40-50 % dans toute activité
compatible avec la formation et la motivation de l'assurée, eu égard à
l'évolution lentement favorable sous traitement antidépresseur et abstinence
partielle à l'alcool.

Procédant à l'évaluation de l'instruction menée au plan médical, les docteurs
P.________ et V.________ du Service médical régional de l'AI ont retenu que
les problèmes thymiques et les troubles de la personnalité limitaient la
capacité de travail de l'assurée à 50 %; les limitations fonctionnelles
n'étaient pas d'ordre somatique mais devaient éviter des conflits
hiérarchiques, fréquents avec ce type de caractère.

Par décision du 13 septembre 2002, l'office a octroyé à D.________ une rente
entière d'invalidité à partir du 1er juillet 2000 basée sur un taux
d'invalidité de 70 %, puis une demi-rente d'invalidité dès le 1er janvier
2002 basée sur un taux d'invalidité de 50 %.

B.
L'assurée a formé recours contre cette décision devant le Tribunal cantonal
des assurances du canton de Vaud. Elle concluait à la mise en oeuvre d'une
nouvelle expertise en raison du manque d'objectivité du docteur S.________.
Elle précisait par ailleurs être atteinte de surdité, affection signalée de
longue date à l'office. L'instance judiciaire cantonale l'a déboutée par
jugement du 17 janvier 2003.

C.
D.________, représentée par sa curatrice, interjette recours de droit
administratif contre ce jugement, dont elle requiert implicitement
l'annulation, concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité dès le
1er janvier 2002 en raison d'une aggravation de son état de santé.

L'office conclut au rejet du recours. L'office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
L'instance inférieure a correctement rappelé les règles légales et les
principes jurisprudentiels relatifs à l'évaluation de l'invalidité, ainsi
qu'à l'application des lois ratione temporis; il y a lieu, sur ces points, de
renvoyer à son jugement.

On ajoutera que, selon l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un bénéficiaire de
rente se modifie de manière à influencer le droit à la rente, celle-ci est,
pour l'avenir, augmentée, réduite ou supprimée. Tout changement important des
circonstances, propre à influencer le degré d'invalidité, donc le droit à la
rente, peut donner lieu à une révision de celle-ci. Le point de savoir si un
tel changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels
qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de rente et les
circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 125 V 369
consid. 2 et la référence; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390
consid. 1b). D'après la jurisprudence, la rente peut être révisée non
seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi
lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la
capacité de gain ont subi un changement important (ATF 113 V 275 consid. 1a
et les arrêts cités; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid.
1b). Si la capacité de gain d'un assuré s'améliore, il y a lieu de considérer
que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux
prestations dès qu'on peut s'attendre à ce que l'amélioration constatée se
maintienne durant une assez longue période. Il en va ainsi lorsqu'un tel
changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et
sans qu'une complication prochaine soit à craindre (art. 88a RAI, en relation
avec l'art. 41 LAI, applicable en l'espèce tel qu'avant son abrogation le 1er
janvier 2003 par suite de l'entrée en vigueur de la LPGA; cf. ATF 127 V 467
consid. 1 et 121 V 366 consid. 1b). Cette réglementation vaut également pour
l'octroi, avec effet rétro-actif, d'une rente dégressive et/ou temporaire
(ATF 109 V 125; VSI 2001 p. 275 consid. 1a).

2.
2.1 La recourante, qui ne conteste plus l'objectivité de l'expert psychiatre
commis par l'office intimé, fonde sa prétention relative à l'octroi d'une
rente entière d'invalidité sur une aggravation de son état de santé. Elle
invoque notamment que, par ordonnance de mesures provisionnelles du 20
janvier 2003, confirmée par jugement du 3 avril 2003, la garde de ses enfants
lui a été retirée et qu'elle a été placée sous curatelle volontaire au sens
de l'art. 394 CC. Elle ajoute avoir effectué plusieurs séjours dans des
établissements spécialisés en alcoologie, ainsi qu'au sein du secteur
psychiatrique de l'Hôpital X.________ à Y.________. D'autre part, elle estime
que la surdité dont elle est atteinte n'a pas été prise en considération.

2.2 Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales
apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après
l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF
127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b, 116 V 248 consid. 1a). Les faits
survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent
normalement faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 117 V
293 consid. 4).

2.3 Or, certaines des circonstances invoquées par la recourante sont
postérieures à la décision litigieuse du 13 décembre 2002. En effet, les
décisions de justice concernant les mesures de retrait de garde et de
placement sous curatelle ont été rendues en 2003. En ce qui concerne le
séjour au sein de l'institution E.________, établissement spécialisé dans le
traitement de l'alcoolisme, il a eu lieu en 2003. Il en est de même de la
seconde hospitalisation dans le service de psychiatrie de l'Hôpital
d'Y.________ (du 8 janvier au 26 février 2003). Ces éléments sortent donc de
l'objet de la contestation et ne sont pas de nature à influencer
l'appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (sur ce point,
ATF 127 V 467 consid. 1).

2.4 Quant au séjour (entre mai et novembre 2002) auprès de la Fondation des
O.________, institution spécialisée dans le traitement de l'alcoolisme et
autres dépendances, il ne constitue pas un fait permettant d'attester une
aggravation de l'état de santé. Au contraire, il démontre la volonté de la
recourante de régler son problème lié à l'alcool, qu'elle avait au demeurant
déjà entrepris de gérer par elle-même, selon les indications données à
l'expert psychiatre.

2.5 Relativement à la première hospitalisation en milieu psychiatrique, du 11
juin au 3 juillet 2002, il y a lieu de relever ce qui suit.

2.5.1 En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est
déterminant c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude
circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il
prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne
examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la
description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale
soient claires et enfin que les conclusions soient dûment motivées. Au
demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine
du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais
bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et
les références).

2.5.2 En l'espèce, le docteur S.________ a estimé que la recourante
présentait une dysthymie de sévérité moyenne, associée à un trouble de
somatisation avec majoration des symptômes volontaire, une dépendance et des
abus d'alcool sévères et un trouble de la personnalité atteignant le seuil
diagnostic. En raison d'une évolution lentement favorable sous traitement
antidépresseur et abstinence partielle à l'alcool, le docteur S.________ a
considéré que l'incapacité de travail était passée de 70 % (du 14 juillet
1999 au 21 décembre 2001) à 40-50 %, dès le 22 décembre 2001.

L'expert a rendu une expertise fondée sur une étude attentive du dossier. Il
a procédé à de nombreux tests cliniques et paracliniques et a eu un long
entretien avec l'assurée. Son rapport tient compte des plaintes de cette
dernière. Les développements sont clairs et les conclusions convaincantes, de
sorte qu'on peut lui accorder pleine valeur probante. A cet égard, l'expert a
particulièrement pris soin de discuter la question de la capacité de travail
exigible de la part de l'assurée au regard des plaintes douloureuses qu'elle
exprime, et ses conclusions sur ce point sont dûment motivées. Dès lors, on
ne saurait s'en écarter sur la seule base du certificat émanant de l'Hôpital
d'Y.________, qui se limite à constater une hospitalisation de 22 jours sans
en mentionner les causes, et considérer, à l'instar de la recourante, que son
état de santé s'est aggravé, à peine quatre mois après la consultation et les
tests effectués chez le médecin expert.  Quoi qu'il en soit, il sied de
constater qu'aucune pièce du dossier ne permet de remettre en question les
conclusions de l'expert psychiatre.

2.6 Enfin, en ce qui concerne l'affection auditive de la recourante, il est
constaté que D.________ est atteinte de surdité de perception modérée
bilatérale. Elle a été appareillée et les résultats sont parfaitement
satisfaisants. Elle n'a d'ailleurs pas évoqué un quelconque problème relatif
à son ouïe aux différents médecins qui l'ont examinée au cours de
l'instruction. En outre, aucune pièce au dossier n'atteste une incapacité de
travail, même partielle, en raison de cette atteinte. Il n'y a dès lors pas
lieu d'en tenir compte.

2.7 Cela étant, les griefs de la recourante doivent être écartés.

Toutefois, il ressort de l'expertise du docteur S.________ que la diminution
de l'incapacité de travail de la recourante, en raison de l'évolution
lentement favorable de son état de santé, doit être fixée au 22 décembre
2001. Partant, il convient de réduire les prestations de
l'assurance-invalidité à une demi-rente, fondée sur un taux d'invalidité de
50 %, dès le 1er avril 2002, date à laquelle l'amélioration de la capacité de
gain de l'assurée avait duré trois mois déjà, sans interruption notable et
sans qu'une complication prochaine fût à craindre, et non dès le 1er janvier
2002, comme l'a effectué l'office intimé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est très partiellement admis. Le jugement du Tribunal des
assurances du canton de Vaud du 17 janvier 2003, ainsi que la décision de
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 13 septembre
2002 sont annulés en ce sens que la recourante a droit à une rente entière
d'invalidité pour la période du 1er juillet 2000 au 31 mars 2002 et à une
demi-rente d'invalidité dès le 1er avril 2002.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 septembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre:   La Greffière: