Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 39/2003
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I 39/03

Arrêt du 14 avril 2003
IIe Chambre

MM. les Juges Schön, Président, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme Gehring

R.________, recourant, représenté par Me Mauro Poggia, avocat, rue
De-Beaumont 11, 1206 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, boulevard du Pont-d'Arve 28, 1205 Genève, intimé

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 24 septembre 2002)

Faits :

A.
R. ________ a travaillé en qualité de projectionniste. A la suite d'une chute
survenue le 19 août 1996, il s'est blessé au genou droit et au dos.

La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accident (ci-après : CNA) a
pris en charge le cas. Par décision du 3 février 1998 confirmée sur
opposition, elle a mis un terme à ses prestations d'assurance, motif pris que
R.________ ne présentait plus de séquelles au niveau du genou droit
consécutives à l'accident du 19 août 1996 et que, depuis le 1er septembre
1997, l'état de son genou autorisait une capacité entière de travail en
qualité de projectionniste. La procédure de recours interjetée devant le
Tribunal administratif de la République et Canton de Genève a été suspendue.

Le 17 novembre 1997, R.________ a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'un reclassement dans une nouvelle
profession et d'un placement. Par décision du 3 juin 1999, l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'office AI) a rejeté
la demande.

B.
Par jugement du 24 septembre 2002, la Commission cantonale de recours en
matière d'AVS/AI du canton de Genève a rejeté le recours formé contre cette
décision par R.________.

C.
Ce dernier interjette un recours de droit administratif contre ce jugement
dont il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à l'octroi
d'un reclassement professionnel et d'une rente entière jusqu'à
l'aboutissement de ce dernier.

L'office AI conclut au rejet du recours tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Le cas d'espèce reste néanmoins régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.
2.1 Selon l'art. 4 al. 1 LAI, l'invalidité est la diminution de la capacité de
gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une atteinte à la
santé physique ou mentale provenant d'une infirmité congénitale, d'une
maladie ou d'un accident.

Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est
invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50 % au
moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI, prétendre une
demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.

Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être déterminé sur la
base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu du travail que
l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et
compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au
revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al. 2 LAI).
La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi
exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les
confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux
d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 30
consid. 1, 104 V 136 consid. 2a et 2b).

2.2 Un assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son
invalidité rend nécessaire le reclassement et si sa capacité de gain peut
ainsi, selon toute vraisemblance, être sauvegardée ou améliorée de manière
notable (art. 17 LAI). Tel n'est en principe pas le cas si l'assuré ne subit
pas, même en l'absence d'une telle mesure de reclassement, une diminution de
sa capacité de gain de l'ordre de 20 % au moins (ATF 124 V 110 sv. consid.
2b).

2.3 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le
juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin,
éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du
médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans
quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler.
En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer
quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V
261 consid. 4, 15 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid.
1).

3.
3.1 En l'espèce, l'intimé et les premiers juges ont considéré que le recourant
n'avait pas droit aux prestations de l'assurance-invalidité, motif pris que
son état de santé est compatible avec l'exercice de sa profession habituelle
et qu'il ne subit par conséquent pas de manque à gagner. A l'appui de leur
point de vue, ils se sont fondés sur une expertise du 16 février 1999 du
docteur A.________, spécialiste en chirurgie. Aux termes de cette expertise,
le recourant présente un status post lésion du ligament latéral interne du
genou droit avec évolution favorable, des troubles statiques du rachis avec
scoliose, bascule du bassin et arthrose débutante de l'articulation
postérieure L5-S1. L'exercice du métier de projectionniste est compatible
avec l'atteinte au genou droit. En ce qui concerne le rachis, l'expert se
range à l'avis du docteur B.________, spécialiste des maladies rhumatismales.
Selon ce médecin (rapport du 2 novembre 1998), le recourant présente une
scoliose lombaire à convexité droite de 13 degrés, un début d'arthrose des
articulaires postérieurs en L5-S1 à droite, ainsi qu'une structure et une
morphologie osseuses dans les limites de la norme. Le problème de lombalgies
chroniques du recourant n'est pas incompatible avec l'exercice de la
profession de projectionniste.

De son côté, le recourant fait valoir qu'il n'est plus en mesure d'exercer le
métier de projectionniste et qu'il convient par conséquent de lui accorder un
reclassement professionnel, ainsi qu'une rente temporaire jusqu'au terme de
cette mesure. A l'appui de ses conclusions, il se fonde principalement sur
l'avis du docteur C.________, spécialiste en chirurgie. Aux termes des
rapports établis par ce médecin en dates du 27 mars 2000 et du 22 mai 2002,
le recourant souffre de douleurs aux genoux et au dos. L'affection au genou
gauche n'entraîne pas d'incapacité de travail du recourant en qualité de
projectionniste. Par contre, l'atteinte au genou droit crée une instabilité
invalidante. Compte tenu en outre des problèmes lombaires du recourant, ce
médecin en conclut qu'une mesure de réorientation professionnelle se justifie
au vu de l'ensemble des affections de l'assuré. Ces déductions sont
corroborées par le médecin traitant de l'assuré, le docteur D.________ (cf.
courriers du 5 juillet 2002, du 2 mars 1998 et rapports du 12 décembre 1997)
et par le médecin-conseil de l'Office cantonal de l'emploi du canton de
Genève, le docteur E.________, spécialiste en cardiologie (cf. fiche
d'expertise médicale du 17 mars 1998).

3.2 Dans un arrêt du 14 juin 1999 (ATF 125 V 351), le Tribunal fédéral des
assurances a précisé sa jurisprudence relative à l'appréciation des preuves
notamment dans le domaine médical. Il convient de rappeler ici que selon le
principe de la libre appréciation des preuves, qui s'applique aussi bien en
procédure administrative qu'en procédure de recours de droit administratif
(art. 40 PCF en corrélation avec l'art. 19 PA; art. 95 al. 2 OJ en liaison
avec les art. 113 et 132 OJ), l'administration ou le juge apprécie librement
les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une
appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit
examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la
provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter
un jugement valable sur le droit litigieux. Si les rapports médicaux sont
contradictoires, il ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des
preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une
opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la
valeur probante d'un certificat médical n'est ni son origine ni sa
désignation sous la forme d'un rapport ou d'une expertise, mais bel et bien
son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants
aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des
examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes
exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse),
que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les
conclusions de l'expert soient bien motivées.
Dans l'arrêt précité, sans remettre en cause le principe de la libre
appréciation des preuves, la jurisprudence a posé des lignes directrices en
ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de
rapports médicaux. Ainsi, lorsque, au stade de la procédure administrative,
une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste
reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations
complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert
aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi
longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé. En
outre, au sujet des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut
et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est
généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en
raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier.

3.3 En l'occurrence, l'expertise du docteur A.________ a été établie de
manière circonstanciée, au terme d'une étude attentive et complète du
dossier, ainsi qu'à l'issue d'un examen complet de l'assuré. Elle a pris en
considération les antécédents médicaux de ce dernier ainsi que ses plaintes.
Le diagnostic posé est clair et motivé. L'expert en tire des déductions non
contradictoires et corroborées par d'autres avis médicaux. En particulier,
les conclusions selon lesquelles l'état de santé du recourant est compatible
avec l'exercice de sa profession habituelle concordent avec celles du médecin
d'arrondissement de la CNA, le docteur F.________, spécialiste en chirurgie
orthopédique (appréciation médicale du 25 septembre 1997, courriers du 29
septembre et du 12 décembre 1997), ainsi qu'avec l'avis du docteur B.________
(rapport du 2 novembre 1998) auquel l'expertise fait expressément référence.
Aboutissant à des résultats convaincants, cette dernière répond en tous
points aux critères jurisprudentiels énumérés ci-dessus (consid. 3.2) et
revêt une pleine valeur probante.

D'un avis contraire, le docteur C.________ considère que l'état de santé du
recourant n'est pas compatible avec l'exercice de la profession de
projectionniste. Toutefois, dans la mesure où l'état de santé du recourant ne
s'est pas modifié au cours de ces dernières années (cf. courrier du 5 juillet
2002 du docteur D.________), les conclusions du docteur C.________ sont
fondées sur des constatations médicales pour l'essentiel superposables à
celles contenues dans l'expertise et ne constituent dès lors qu'une
appréciation différente des affections en cause et en particulier de la
capacité de travail de l'assuré en résultant. En outre, dans la mesure où ces
conclusions ne sont corroborées que par le médecin traitant du recourant,
d'une part, et par le docteur E.________ aux termes d'une "fiche d'expertise
médicale" dépourvue de diagnostic et de motivation, d'autre part, elles ne
sont pas de nature à mettre en doute le caractère probant de l'expertise du
docteur A.________.

3.4 Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'intimé et les premiers
juges ont nié le droit du recourant à l'octroi de prestations de
l'assurance-invalidité, motif pris que son état de santé est compatible avec
l'exercice de la profession de projectionniste et qu'il ne présente par
conséquent pas d'invalidité ou, à tout le moins, pas d'invalidité suffisante
pour ouvrir droit à une rente ou à un reclassement. Le recours se révèle dès
lors mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce :

1.
Le recours est rejeté

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission cantonale de
recours en matière d'AVS/AI et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 avril 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p.o. le Président de la IIe Chambre:  La Greffière: