Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 343/2003
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I 343/03

Arrêt du 22 mars 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Wagner

P.________, recourant, représenté par Jaime Serin Pérez, c/o Bergantiños
Convenios, Internacionales S.L., c/ Barcelona 22-24 Entresuelo, 15100
Carballo, Espagne,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 20 mars 2003)

Faits:

A.
A.a P.________, né le 30 janvier 1954, ressortissant espagnol, était au
bénéfice du statut de saisonnier. Au cours des années 1972 et 1973, il a
travaillé en qualité de monteur de voies ferrées au service de l'entreprise
M.________ AG. Le 13 juin 1973, il a été victime d'un accident professionnel
ayant entraîné l'amputation du membre inférieur droit. La Caisse nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-dessous: CNA) a pris en charge le
cas et lui a alloué à partir du 16 décembre 1973 une rente d'invalidité pour
une incapacité de gain de 55 %.

A.b Le 5 octobre 2001, P.________ a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité suisse. Dans un questionnaire du 19 février 2002, il a
indiqué qu'il n'avait pas repris d'activité lucrative depuis l'accident
survenu en 1973. La doctoresse G.________, médecin de l'Institut National
Espagnol de la Sécurité Sociale, dans un rapport médical détaillé du 26
octobre 2001, a constaté une légère claudication à droite. Elle a répondu par
la négative à la question de savoir si l'invalidité dont l'intéressé était
atteint le rendait incapable d'exercer une profession quelconque.
Dans une appréciation médicale du 13 mars 2002, le docteur R.________,
médecin de l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, a posé le
diagnostic de status après accident ferroviaire avec amputation du membre
inférieur droit, avec prothèse bien adaptée et bonne fonctionnalité. Il
indiquait qu'il n'y avait pas d'invalidité permanente donnant droit à la
rente et que le requérant n'avait jamais subi, sans interruption notable, une
incapacité de travail de 50 % en moyenne durant une année. Le 10 avril 2002,
confirmant sa prise de position antérieure, il a précisé que des activités de
substitution légères dans le secteur industriel étaient exigibles à 100 % et
qu'il en allait de même en ce qui concerne l'activité de magasinier.
Procédant à l'évaluation de l'invalidité de P.________ selon la méthode
générale de comparaison des revenus, l'office AI pour les assurés résidant à
l'étranger (ci-après: l'office AI) a fixé à 12 % la diminution de sa capacité
de gain. Dans un projet de décision du 31 mai 2002, il l'a avisé qu'il
n'avait pas droit à une rente d'invalidité, attendu que l'on pouvait
raisonnablement attendre de lui qu'il exerce une activité légère dans
laquelle il pourrait réaliser un revenu supérieur à la moitié de celui qui
serait le sien sans invalidité.
Le prénommé a contesté la position de l'office AI. Il produisait un
certificat médical du 5 juillet 2002 du docteur N.________, chirurgien à
C.________, dans lequel ce spécialiste signalait des lombalgies à répétition
et attestait une incapacité totale et permanente d'exercer tout travail
nécessitant un effort physique, par ex. dans la construction, l'agriculture
ou l'élevage du bétail. De son côté, le docteur R.________, dans une prise de
position du 22 août 2002, a confirmé que P.________ pouvait, avec un bon
appareillage, exercer de nombreuses activités. Par décision du 9 septembre
2002, l'office AI a rejeté la demande.

B.
Par jugement du 20 mars 2003, la Commission fédérale de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes résidant
à l'étranger a rejeté le recours formé par P.________ contre cette décision.

C.
Dans un mémoire du 7 mai 2003, P.________ interjette recours de droit
administratif contre ce jugement, en concluant à l'annulation de celui-ci. Il
invite le Tribunal fédéral des assurances à dire qu'il a droit à une rente
d'invalidité, au moins à concurrence de la rente versée par la CNA. Il
annonce qu'il produira un rapport médical du docteur A.________. Le 22 mai
2003, il a fait parvenir à la Cour de céans un rapport de ce médecin du 16
mai 2003, ainsi que les graphiques des examens subis par le patient.
Dans sa réponse du 13 août 2003, l'Office AI pour les assurés résidant à
l'étranger conclut à l'admission du recours, à l'annulation du jugement
attaqué et au renvoi de la cause à l'administration afin qu'il soit procédé
conformément à la prise de position de son service médical du 27 juillet
2003. L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas déposé d'observations.

Considérant en droit:

1.
Est litigieux le droit du recourant à une rente d'invalidité, soit le point
de savoir s'il présente un taux suffisant pour avoir droit à la rente.
Constatant que celui-ci était et qu'il est toujours en mesure d'exercer une
activité lucrative adaptée à son handicap dans le secteur industriel ou comme
magasinier à temps complet, les premiers juges ont confirmé le degré
d'invalidité de 12 % retenu par l'intimé. Le recourant, qui conteste toute
capacité de travail dans une activité légère, a produit devant la Cour de
céans le rapport du docteur A.________ du 16 mai 2003. Cette nouvelle pièce
est admissible (ATF 127 V 353), puisqu'elle a été produite le 22 mai 2003,
soit dans le délai de recours de trente jours qui a commencé à courir le 9
avril 2003, ne courait pas du 13 au 27 avril 2003 - soit du 7e jour avant
Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 34 al. 1 let. a OJ), et
arrivait à échéance vendredi 23 mai 2003.

2.
2.1 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas
applicable au présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales
n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 9
septembre 2002 (ATF 129 V 4, consid. 1.2 et les arrêts cités).

2.2 Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003
modifiant la LAI (4e révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO
2003 3852), ne sont pas non plus applicables.

3.
3.1 L'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la
Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre
circulation des personnes (Accord sur la libre circulation des personnes;
ALCP; RS 0.142.112.681) est entré en vigueur le 1er juin 2002. Selon l'art. 1
al. 1 de l'Annexe II « Coordination des systèmes de sécurité sociale » de
l'accord, fondée sur l'art. 8 de l'accord et faisant partie intégrante de
celui-ci (art. 15 de l'accord), en relation avec la section A de cette
annexe, les Parties contractantes appliquent entre elles en particulier le
Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application
des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs
non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de
la Communauté, ainsi que le Règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil du 21 mars
1972 fixant les modalités d'application des régimes de sécurité sociale aux
travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur
famille qui se déplacent, à l'intérieur de la Communauté, ou des règles
équivalentes. L'art. 80a let. a LAI, entré en vigueur le 1er juin 2002,
renvoie à ces deux règlements de coordination.

3.2 Bien que la décision du 9 septembre 2002 déniant le droit du recourant à
une rente d'invalidité ait été rendue après l'entrée en vigueur au 1er juin
2002 de l'ALCP et des règlements auxquels il fait référence, la prétention
litigieuse leur est antérieure. Une application rétroactive des normes de
coordination introduites en matière de sécurité sociale par l'accord est
exclue. L'art. 94 du règlement n° 1408/71 et l'art. 118 du règlement n°
574/72 contiennent des dispositions transitoires pour les travailleurs
salariés alors que l'art. 95 du règlement n° 1408/71 et l'art. 119 du
règlement n° 574/72 renferment de telles règles pour les travailleurs non
salariés. Selon les art. 94 § 1er et 95 § 1er du règlement n° 1408/71, le
règlement ne crée aucun droit à la rente pour une période antérieure à sa
mise en application dans l'Etat concerné (voir ATF 128 V 317 consid. 1b/aa).

4.
4.1 Selon l'art. 28 al. 2 LAI (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002), pour
l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que l'invalide pourrait
obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de lui,
après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une
situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait
pu obtenir s'il n'était pas invalide.

4.2 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident,
l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou
mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir
établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a
besoin de documents que le médecin doit lui fournir. L'appréciation des
données médicales revêt ainsi une importance d'autant plus grande dans ce
contexte. La jurisprudence a donc précisé les tâches du médecin, par exemple
lors de l'évaluation de l'invalidité ou de l'atteinte à l'intégrité, ou lors
de l'examen du lien de causalité naturelle entre l'événement accidentel et la
survenance du dommage (ATF 122 V 158 consid. 1b et les références; Spira, La
preuve en droit des assurances sociales, in : Mélanges en l'honneur de
Henri-Robert Schüpbach - Bâle, 2000, p. 268).
Dans l'assurance-invalidité, l'instruction des faits d'ordre médical se fonde
sur le rapport du médecin traitant destiné à l'Office AI, les expertises de
médecins indépendants de l'institution d'assurance, les examens pratiqués par
les Centres d'observation médicale de l'AI (ATF 123 V 175), les expertises
produites par une partie ainsi que les expertises médicales ordonnées par le
juge de première ou de dernière instance (VSI 1997, p. 318 consid. 3b;
Stéphane Blanc, La procédure administrative en assurance-invalidité, thèse
Fribourg 1999, p. 142). Lors de l'évaluation de l'invalidité, la tâche du
médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans
quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler.
En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer
quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 115 V
134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 s. consid. 1 in fine).

4.3 Les premiers juges ont considéré qu'ils n'avaient pas de motifs de
s'écarter des conclusions de l'administration et de son service médical,
attendu que les suites médicales de l'amputation avaient été simples et sans
complications, de sorte que, après un séjour à la clinique « Z.________ »,
l'intéressé était rentré en Espagne la même année. D'après le médecin de la
sécurité sociale espagnole, il ne suivait aucun traitement médical et n'avait
pas subi de contrôles médicaux ces dernières années, la prothèse était bien
adaptée et de bonne fonctionnalité, la mobilité au niveau des genoux et des
hanches, ainsi que celle de la colonne lombaire était conservée et non
douloureuse, alors que le Lasègue et le Bragard étaient négatifs. En
l'absence de toute autre pathologie, il convenait de constater avec le
médecin de l'intimé que le recourant avait été et qu'il était toujours en
mesure d'exercer une activité lucrative adaptée à son handicap dans le
secteur industriel ou comme magasinier à temps complet.

4.4 Dans son rapport médical du 16 mai 2003, le docteur A.________, médecin à
L.________, a posé le diagnostic d'amputation de la jambe droite suite à un
accident du travail, de maladie pulmonaire obstructive chronique de degré
modéré à sévère, et de dorso-lombalgie chronique due à une pathologie
rhumatismale et à des séquelles d'une ancienne fracture sur la vertèbre D11,
avec troubles d'adaptation secondaires à l'incapacité physique. Ce praticien
atteste que l'ensemble des douleurs et limitations physiques entraînent
d'importantes restrictions à l'accès au marché du travail. Il conclut à un
préjudice fonctionnel de 59 % dans tous les cas.
Compte tenu de l'avis du service médical de l'intimé du 27 juillet 2003, les
éléments de fait nouveaux mis en évidence par le docteur A.________ doivent
être pris en considération, dans la mesure où ils sont étroitement liés à
l'objet du litige et de nature à influencer l'appréciation au moment où la
décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités).
Vu qu'il subsiste des divergences, spécialement quant aux conséquences sur la
capacité de travail du recourant, il est nécessaire d'annuler le jugement
attaqué et la décision administrative litigieuse et de renvoyer la cause à
l'intimé pour qu'il procède à une instruction complémentaire sur le point de
savoir si et dans quelle mesure le recourant subit une diminution de sa
capacité de travail en raison de ses problèmes de santé. Il importera
également de déterminer si et, cas échéant, dans quelles activités le
recourant pourrait être incapable de travailler, subsidiairement quelles sont
les activités exigibles.

5.
Sur le vu de l'issue du litige, le recourant a droit à une indemnité de
dépens pour l'instance devant le Tribunal fédéral des assurances (art. 159
al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).
La Commission fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse,
survivants et invalidité pour les personnes résidant à l'étranger statuera
sur les dépens de première instance (art. 64 al. 1 PA).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement de la Commission fédérale de
recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les
personnes résidant à l'étranger, du 20 mars 2003, et la décision
administrative litigieuse du 9 septembre 2002 sont annulés, la cause étant
renvoyée à l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger pour
instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger versera au recourant la
somme de 1'500 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance devant le Tribunal fédéral des assurances.

4.
La Commission fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse,
survivants et invalidité pour les personnes résidant à l'étranger statuera
sur les dépens de première instance, au regard de l'issue du procès.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission fédérale de
recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les
personnes résidant à l'étranger, et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 22 mars 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   Le Greffier: