Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 327/2003
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I 327/03

Arrêt du 12 septembre 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme Piquerez

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion, recourant,

contre

F.________, 1961, intimée, représentée par Me Jacqueline Duc-Sandmeier,
Avocate, Immeuble Richemont B, 3963 Crans-sur-Sierre

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 28 mars 2003)

Faits:

A.
F. ________, née en 1961, sans formation professionnelle, a travaillé en
qualité d'employée de maison depuis 1993 à raison de 4 heures par jour, 4
jours par semaine. Elle a présenté, dès 1999, diverses périodes d'incapacité
de travail. Le 6 février 2001, elle a cessé toute activité pour raisons de
santé. Elle a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité,
sous forme de rente, le 15 juin 2001 auprès de l'Office cantonal AI du Valais
(ci-après : l'office).

Dans un rapport du 16 janvier 2001, les docteurs A.________ et B.________, de
la Clinique rhumatologique et de réadaptation de X.________, ont posé les
diagnostics de fibromyalgie et d'état dépressif. Ils ont estimé que la
capacité de travail de l'assurée dans son ancienne activité exercée à 50 %
était nulle. L'office a également recueilli les avis des docteurs C.________,
médecin traitant de F.________ (rapport du 12 juillet 2001) et D.________
(rapport des 23/24 août 2001). L'assurée a suivi un traitement auprès du
docteur E.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, qui a fait
part de son appréciation du cas à l'office (avis du 27 mars 2002). Le docteur
D.________ s'est encore exprimé dans un rapport du 29 juillet 2002.

L'office a procédé à une enquête économique de laquelle il est ressorti que
l'assurée confie la plupart de ses tâches ménagères aux membres de sa famille
et que le total des empêchements dans les activités habituelles est de 59 %
(rapport du 19 novembre 2001).

Par décision du 21 octobre 2002, l'office a rejeté la demande de rente de
l'assurée, motif pris qu'elle ne présentait aucune atteinte à la santé
invalidante.

B.
F.________ a formé recours contre cette décision devant le Tribunal cantonal
des assurances du canton du Valais. Elle réclamait notamment la mise en
oeuvre d'une expertise médicale.
La juridiction cantonale a admis le recours. Elle a annulé la décision
litigieuse et renvoyé la cause à l'office pour complément d'instruction, sous
la forme d'une expertise rhumato-psychiatrique (jugement du 28 mars 2003).

C.
L'office interjette recours contre ce jugement, dont il requiert
l'annulation.

F. ________ conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales déclare ne pas avoir d'observation à formuler quant à l'opportunité
de mettre en oeuvre des mesures d'instruction complémentaires et il s'en
remet à justice.

Considérant en droit:

1.
Il s'agit de savoir, en l'occurrence, si c'est à bon droit que les premiers
juges ont renvoyé la cause à l'administration pour expertise
rhumato-psychiatrique.

2.
2.1 Le juge cantonal dispose d'une large liberté dans le choix des preuves
qu'il entend administrer. Cette liberté est le corollaire de l'obligation à
sa charge d'établir les faits déterminants pour l'issue du litige et du
principe de la libre appréciation des preuves, en ce sens que le juge
apprécie celles-ci sans être lié par des règles formelles (art. 85 al. 2 let.
c LAVS [en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002], en relation avec l'art. 69 LAI
[dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002]; art. 61 let. c LPGA).

S'agissant plus particulièrement d'une expertise médicale, l'autorité
cantonale a en principe la possibilité soit de commettre elle-même un expert,
soit de renvoyer la cause à l'administration pour qu'elle mette en oeuvre
l'expertise. Le Tribunal fédéral des assurances n'intervient que si la
décision de renvoi se trouve en contradiction avec des pièces évidentes et
concordantes du dossier ou si elle méconnaît des preuves pertinentes et
suffisantes pour trancher le litige. Un renvoi à l'administration ne saurait
en effet apparaître comme le prétexte à un refus de trancher la cause au fond
sur la base du dossier constitué et conduire de ce fait à un déni de justice
de la part de l'autorité ou du moins à une violation du principe de célérité
de la procédure (cf. RAMA 1999 no U 342 p. 410, 1993 no U 170, p. 136).

2.2 Selon le docteur C.________, spécialiste en rhumatologie, l'intimée
souffre de fibromyalgie et de dépression. La poursuite de l'activité
pratiquée jusqu'alors (femme de ménage) n'est pas raisonnablement exigible en
raison de douleurs chroniques et d'un état dépressif. Un reclassement dans
une activité adaptée (c'est-à-dire n'impliquant en l'espèce ni le port de
charges ni sollicitation exagérée de la ceinture scapulaire) est
théoriquement possible, mais « conditionné » par l'état psychique de la
patiente (rapport du 12 juillet 2001).
A ce dernier propos, dans un rapport du 23 août 2001, le docteur D.________,
médecin psychiatre, qui a traité l'assurée en 1995 et du 16 juin 2001 au 2
juillet 2001, constate que celle-ci présente un syndrome dépressif léger.
Elle ne souffre cependant d'aucun trouble psychiatrique suffisamment sévère
pour justifier une incapacité de travail « significative ». Ce médecin a
cependant adressé la patiente au docteur E.________, spécialiste en
psychiatrie et psychothérapie, afin qu'elle bénéficie d'un traitement sous la
forme d'une « approche cognitivo-comportementale ». Dans un rapport du 27
mars 2002, le docteur E.________ déclare avoir régulièrement suivi l'intimée
du 2 février au 22 mars 2002; il pose le diagnostic de trouble anxieux
généralisé, d'attaques paniques et de probable trouble somatoforme
douloureux, affections qu'il considère comme ayant une incidence sur la
capacité de travail de l'intéressée. Il n'a pas répondu à diverses questions
plus précises posées par l'office en relation avec cette capacité de travail,
exprimant l'avis que la réponse à ces questions relevait d'une expertise
psychiatrique. Le docteur D.________ a revu l'intimée le 20 juin 2002. A la
demande de l'office, il a rempli un questionnaire dans lequel il a posé les
diagnostics de fibromyalgie et de trouble anxieux, tous deux sans
répercussion sur la capacité de travail. Il a noté que l'état de santé
(trouble anxieux) de l'intéressée s'améliorait. En conclusion, il a indiqué
que l'assurée ne présentait pas un ensemble de signes ou symptômes pouvant
évoquer un grave trouble de la personnalité; en revanche, elle souffre d'une
fibromyalgie sans comorbidité psychiatrique significative (rapport du 29
juillet 2002).

2.3 Il apparaît ainsi que, selon le docteur C.________, l'intéressée pourrait
exercer une activité adaptée pour autant que son état psychique le permette.
Sur le plan psychique, les diagnostics posés par les docteurs D.________ et
E.________ sont en partie divergents. Une même divergence existe en ce qui
concerne le degré de gravité du trouble anxieux et la répercussion des
atteintes à la santé sur la capacité de travail. Dans ces conditions, il
n'était pas aisé pour les premiers juges de se prononcer sur la capacité de
travail de l'intimée, en l'absence d'autres éléments de preuve qui eussent
permis d'accorder un poids décisif à un avis médical plutôt qu'à un autre.
Ils avaient d'autant moins de raison d'écarter d'emblée l'avis du
rhumatologue que les appréciations émises par les psychiatres ne concordent
pas. Aussi bien les premiers juges étaient-ils fondés à admettre qu'une
expertise était susceptible d'apporter des éclaircissements sur la nature et
l'étendue de l'activité qui peut encore être raisonnablement exigée de
l'assurée. En l'absence de pièces évidentes et concordantes au dossier, la
décision de renvoi n'apparaît pas critiquable.

3.
Il s'ensuit que le recours est mal fondé.

4.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art.134 OJ). L'intimée a
conclu au rejet du recours. Assistée d'un avocat et obtenant gain de cause en
procédure fédérale, elle peut prétendre une indemnité de dépens (art. 159 al.
1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le recourant versera à l'intimée un montant de 1500 fr. (y compris la taxe
sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances, à la Caisse de compensation du canton du Valais et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 12 septembre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. la Juge présidant la IIe Chambre:  p. la Greffière: