Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 322/2003
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I 322/03

Arrêt du 22 mars 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme von Zwehl

S.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 21 octobre 2002)

Faits:

A.
Titulaire d'un CFC d'installateur sanitaire, S.________, né en 1959, a
travaillé dans cette profession de 1983 à 1994; par la suite, il a perçu des
indemnités de chômage. Souffrant de lombalgies et de problèmes
dermatologiques, il a présenté le 25 avril 1996 une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à un reclassement dans une nouvelle
profession.

A l'issue de l'instruction médicale, l'Office AI pour le canton de Vaud
(ci-après : l'office AI) a organisé - en accord avec S.________ - un stage
d'observation de trois mois (de août à novembre 1997) au Centre ORIPH à
Y.________, afin d'évaluer les compétences du prénommé pour une formation de
dessinateur en installations sanitaires. Cette mesure a été prolongée
jusqu'au 31 juillet 1998. Dans leur rapport final du 24 juin 1998, les
responsables de la réadaptation ont conclu qu'un apprentissage dans ce
domaine était difficilement envisageable compte tenu des résultats obtenus
par l'assuré aux cours théoriques, et ont préconisé une formation pratique en
entreprise. Malgré les nombreuses démarches effectuées avec l'aide du service
de réadaptation auprès des sociétés de la place, S.________ n'a pas trouvé de
poste de travail. Lassé par son inactivité, celui-ci a alors demandé à
pouvoir bénéficier d'un reclassement comme chauffeur de taxi, ce qui lui a
été accordé (communication du 23 février 2000); l'office AI l'a cependant
rendu attentif que dans cette activité, il ne recouvrerait vraisemblablement
pas sa capacité de gain antérieure. La formation a eu lieu du 1er mars au 30
juin 1999. L'assuré a trouvé un emploi salarié auprès de la société
T.________ SA dès le 9 septembre 1999 pour un revenu mensuel brut de 2'100
fr., sur la base d'un l'horaire hebdomadaire de 53 heures. Par lettre du 12
mars 2000, il a demandé l'octroi d'une demi-rente d'invalidité pour compenser
sa perte de gain.

Par décision du 21 décembre 2000, l'office AI a dénié à l'assuré le droit à
une rente, motif pris que son degré d'invalidité était insuffisant pour
ouvrir droit à une telle prestation. Il a considéré en effet, d'après une
enquête menée auprès de trois compagnies de taxi, que l'assuré pouvait
réaliser un salaire annuel moyen de 40'200 fr. ce qui, comparé au revenu sans
invalidité de 61'009 fr. (montant qu'il aurait obtenu auprès de son ancien
employeur en 2000), conduisait à un taux d'invalidité de 34 %.

B.
Par jugement du 21 octobre 2002, notifié à son destinataire le 25 mars 2003,
le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé par
l'assuré contre cette décision.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il requiert l'annulation. Il conclut, sous suite de dépens, à la
reconnaissance d'un taux d'invalidité de 61 % et, partant, au versement d'une
demi-rente.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à présenter des observations.

Considérant en droit:

1.
Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les dispositions
légales régissant la notion, respectivement l'évaluation de l'invalidité,
ainsi que l'échelonnement des fractions de rente en fonction du degré
d'invalidité (art. 4 et 28 LAI), de sorte qu'on peut y renvoyer.

On précisera encore que la loi fédérale sur la partie générale des assurances
sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
n'est pas applicable au présent litige qui reste soumis au droit en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002 (cf. ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid.
1b). Ratione temporis, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003
modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004, ne
sont pas non plus applicables.

2.
Le recourant reproche essentiellement aux premiers juges de ne pas avoir
retenu, à titre de revenu d'invalide, le montant du gain qu'il réalise comme
chauffeur de taxi et d'avoir fait référence, en lieu et place de ce montant,
aux données salariales publiées par l'Office fédéral de la statistique.

3.
De jurisprudence constante, le revenu d'invalide doit être évalué avant tout
en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé. Si
l'activité exercée après la survenance de l'atteinte à la santé repose sur
des rapports de travail particulièrement stables, qu'elle met pleinement en
valeur la capacité de travail résiduelle exigible et encore que le gain
obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas
d'éléments de salaire social, c'est le revenu effectivement réalisé qui doit
être pris en compte pour fixer le revenu d'invalide. En l'absence d'un revenu
effectivement réalisé - soit lorsque l'assuré, après la survenance de
l'atteinte à la santé, n'a pas repris d'activité lucrative ou alors aucune
activité adaptée normalement exigible - le revenu d'invalide peut être évalué
sur la base de statistiques sur les salaires moyens (ATF 126 V 76 consid. 3b,
117 V 18).

4.
4.1 D'après les pièces médicales versées au dossier, le recourant souffre de
troubles statiques (hyperlordose du segment lombaire bas, rectitude du
segment lombaire haut et spondylose avec antélisthésis de L5), ainsi que
d'affections dermatologiques (kyste sacro-coccygien récidivant et
hidrosadénite suppurative) qui ne nécessitent toutefois pas de traitements
réguliers; il doit éviter les travaux impliquant de gros efforts et le port
de charges lourdes, de même que les activités où il serait amené à transpirer
et les milieux poussiéreux ou enfumés (voir les rapports établis à
l'intention de l'office AI des docteurs M.________, médecin traitant, et
A.________, du service de dermatologie du CHUV). Dans le cadre de ces
contre-indications, sa capacité de travail est donc entière, ce qui n'est pas
contesté.

4.2 Depuis septembre 1999 à ce jour, le recourant est employé par la même
entreprise de taxi (T.________ SA); il est au bénéfice d'un contrat de
travail de durée indéterminée et travaille selon un horaire complet (53
heures par semaine) mais seulement dix mois sur douze (de janvier à juin et
de septembre à décembre), ne pouvant pas supporter la station assise
prolongée durant les fortes chaleurs en raison de ses problèmes
dermatologiques (voir attestation médicale du docteur P.________ du 4
septembre 2001); selon les déclarations de son employeur, son revenu pour
l'année 2000 s'est élevé à 21'287 fr. Sous l'angle des conditions comme de la
durée d'engagement, les rapports de travail qui lient le recourant à la
société T.________ SA peuvent certes être considérés comme suffisamment
stables au sens de la jurisprudence citée ci-dessus (consid. 3). On ne voit
pas non plus que la rémunération convenue contienne des éléments de salaire
social. En revanche, on peut douter que l'activité de chauffeur de taxi mette
pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible. Auditionnée
par la juridiction cantonale à ce sujet, la doctoresse M.________ a déclaré
que cette activité ne lui paraissait pas idéale à cause des problèmes dorsaux
de S.________. A cela s'ajoute le fait que le prénommé se trouve dans
l'incapacité d'exercer sa profession durant au moins deux mois par an. Or, on
doit constater qu'il existe sur le marché du travail un nombre suffisant
d'activités qui tiendraient mieux compte des limitations imposées par son
état de santé (somme toute relativement peu contraignantes), et dans
lesquelles il pourrait mettre à profit sa capacité de travail entière sur
toute l'année pour obtenir un revenu annuel supérieur à 21'287 fr. Cela
justifie que l'on s'écarte dans le cas particulier du revenu effectif réalisé
par le recourant et qu'on recoure aux données salariales statistiques pour
déterminer le revenu d'invalide. Attaqué sur ce point, le jugement cantonal
n'est pas critiquable.

4.3 Le salaire statistique de référence est celui auquel peuvent prétendre
les hommes effectuant des activités simples et répétitives dans le secteur
privé, soit en 2000, 4'437 fr. par mois (L'enquête suisse sur la structure
des salaires 2000, p. 31, tableau TA1; niveau de qualification 4). Comme les
salaires bruts standards ont été calculés sur la base d'un horaire de travail
de 40 heures par semaine, soit une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne
usuelle dans les entreprises en 2000 (41,8 heures; La vie économique 3/2001,
tableau B 9.2, p. 100), ce montant doit être porté à 4'636 fr. [4'437 x 41,8
: 40]. Le recourant doit éviter le port de charges, mais il est encore jeune
et possède, selon l'évaluation faite par les responsables de l'ORIPH, de
bonnes aptitudes professionnelles, de sorte qu'une déduction de 10 % prend
suffisamment en considération les circonstances du cas. Cela donne un salaire
mensuel de 4'172 fr (soit 50'064 fr. par an). Une comparaison de ce montant
au revenu hypothétique - non contesté - réalisable sans invalidité de 61'009
fr., conduit à fixer le taux d'invalidité du recourant à 18 % [(61'009 -
50'064) x 100 : 61'009], soit un taux inférieur au seuil ouvrant le droit à
une rente (cf. art. 28 al. 1 LAI). Une perte de gain de cet ordre serait en
soi suffisante pour qu'un examen sur l'opportunité d'autres mesures de
réadaptation puisse se justifier (arrêt J. du 18 octobre 2000, [I 665/99]),
mais cette question sort toutefois du cadre du présent litige.

Le recours se révèle ainsi mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 22 mars 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   La Greffière: