Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 321/2003
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I 321/03

Arrêt du 29 octobre 2003
IVe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari et Kernen. Greffier : M.
Berthoud

T.________, recourant, représenté par Me Laurent Huguenin, avocat, rue du
Temple 23, 2400 Le Locle,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2302 La Chaux-de-Fonds,
intimé

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 2 avril 2003)

Faits:

A.
Par décision du 22 août 2000, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de
Neuchâtel (l'office AI) a rejeté la demande de prestations présentée par
T.________ le 8 septembre 1999. Dans le cadre du litige qui s'en est suivi,
le Tribunal fédéral des assurances a, par arrêt du 6 février 2002 (I 264/01),
annulé la décision du 22 août 2000 et renvoyé la cause à l'administration
afin de déterminer si l'assuré présentait des troubles psychiques et, le cas
échéant, de dire s'ils sont invalidants.

Invitée à s'exprimer en qualité d'experte, la doctoresse A.________,
spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, a posé le diagnostic de trouble
hypochondriaque, de personnalité psychotique à traits paranoïaques, et de
trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger sans syndrome somatique. A
son avis, la capacité de travail de l'assuré n'est pas entravée par ses
affections psychiques; quant à des mesures d'ordre professionnel, elles sont
inutiles, mis à part, éventuellement, une aide au placement (rapport du 9
juillet 2002).

Par lettre du 22 juillet 2002, l'office AI a informé l'assuré qu'il
envisageait de rejeter sa demande de prestations.

Dans ses déterminations du 4 octobre 2002, l'assuré s'est référé à l'avis de
son psychiatre traitant, le docteur B.________, qui fait état d'un trouble
dépressif récurrent, épisode de degré moyen avec symptômes somatiques, d'un
soutien familial insuffisant et de difficultés relationnelles avec le père,
ainsi que d'asthme. Selon ce médecin, son patient n'est pas prêt à travailler
et sa capacité de travail est nulle (rapport du 27 septembre 2002). Par
ailleurs, l'assuré a produit une écriture du docteur C.________, généraliste,
qui se rallie à l'avis de son confrère B.________ (rapport du 4 octobre
2002). L'assuré a dès lors conclu principalement à l'octroi d'un reclassement
professionnel, subsidiairement au versement d'une rente entière d'invalidité.
Pour le cas où ses conclusions ne seraient pas admises, il a requis la mise
en oeuvre d'une contre-expertise.

Par décision du 8 octobre 2002, l'office AI a nié le droit de l'assuré à
toutes prestations.

B.
T.________ a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel qui l'a débouté par jugement du 2 avril 2003.

C.
L'assuré interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il
demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant principalement à
l'octroi d'un reclassement professionnel, subsidiairement au versement d'une
rente entière d'invalidité dès le 3 décembre 1998, plus subsidiairement au
renvoi de la cause à l'intimé.

L'office AI conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à des mesures d'ordre professionnel
de l'AI, à défaut à une rente d'invalidité.

2.
Le recourant fait essentiellement grief à l'administration et aux premiers
juges d'avoir écarté les avis des docteurs B.________ et C.________ au profit
de celui que la doctoresse A.________ a rendu, selon lui, sans connaître
suffisamment son cas.

3.
3.1 Dans un arrêt du 14 juin 1999 (ATF 125 V 351), le Tribunal fédéral des
assurances a précisé sa jurisprudence relative à l'appréciation des preuves
notamment dans le domaine médical. Il convient de rappeler ici que selon le
principe de la libre appréciation des preuves, qui s'applique aussi bien en
procédure administrative qu'en procédure de recours de droit administratif
(art. 40 PCF en corrélation avec l'art. 19 PA; art. 95 al. 2 OJ en liaison
avec les art. 113 et 132 OJ), l'administration ou le juge apprécie librement
les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une
appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit
examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la
provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter
un jugement valable sur le droit litigieux. Si les rapports médicaux sont
contradictoires, il ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des
preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une
opinion médicale et non pas sur une autre.
L'élément déterminant pour la valeur probante d'un certificat médical n'est
ni son origine ni sa désignation sous la forme d'un rapport ou d'une
expertise, mais bel et bien son contenu. A cet égard, il importe que les
points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le
rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en
considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine
connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences
médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien
motivées.

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, la
jurisprudence a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière
d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Lorsque, au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un
médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base
d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine
connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats
convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice
concret ne permet de douter de leur bien-fondé.

En outre, au sujet des rapports établis par les médecins traitants, le juge
peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin
traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son
patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier.

Toutefois, le simple fait qu'un certificat médical est établi à la demande
d'une partie et produit pendant la procédure ne justifie pas, en soi, des
doutes quant à sa valeur probante. Une expertise présentée par une partie
peut donc également valoir comme moyen de preuve. En vertu des principes
énoncés par la jurisprudence concernant l'appréciation des preuves, le juge
est toutefois tenu d'examiner si elle est propre à mettre en doute, sur les
points litigieux importants, l'opinion et les conclusions de l'expert mandaté
par le tribunal. Cette jurisprudence s'applique aussi bien lorsqu'un assuré
entend remettre en cause, au moyen d'une expertise privée, les conclusions
d'une expertise aménagée par l'assureur-accidents ou par un office AI.

3.2 Pour le surplus, les règles applicables à la solution du litige ont été
exposées au considérant 3 du jugement du 2 avril 2001, auquel il suffit de
renvoyer.

4.
4.1 En l'occurrence et quoi qu'en dise le recourant, le rapport de la
doctoresse A.________ remplit tous les réquisits jurisprudentiels et a donc
pleine valeur probante. A cet égard, la Cour de céans fait siens les
considérants du Tribunal administratif (cf. consid. 3c du jugement attaqué).
Au demeurant, le nombre de consultations psychiatriques menées par la
doctoresse A.________ (trois en l'espèce, alors que le docteur B.________
avait vu son patient à sept reprises), élément auquel le recourant semble
attacher beaucoup d'importance, a permis à l'experte psychiatre de se forger
une opinion suffisante pour rendre ses conclusions en connaissance de cause.

4.2 La seule question qu'il faut se poser est celle de savoir si les rapports
des docteurs B.________ et C.________, médecins traitants, sont  de nature à
jeter le doute sur les conclusions de l'experte A.________, de façon à
justifier un complément d'instruction sous la forme d'une surexpertise (cf.
ATF 125 V 353 consid. 3b/aa), ainsi que le recourant l'avait requis le 4
octobre 2002.

Contrairement à ce que le recourant soutient, l'évaluation de sa capacité de
travail par la doctoresse A.________ (cf. rapport du 9 juillet 2002) ne peut
sérieusement être remise en question par les    certificats médicaux des
docteurs B.________ et C.________ (cf. rapports des 27 septembre et 4 octobre
2002). En effet, le docteur C.________ (qui n'est pas spécialisé en
psychiatrie) n'a pas motivé l'appréciation qu'il porte au sujet du caractère
invalidant des affections psychiques de son patient, si bien que son rapport
n'est sur cette question pas probant. Quant au docteur B.________, dont le
diagnostic psychiatrique de base (trouble dépressif récurrent F 33)
correspond pour l'essentiel à celui de l'experte, il pose en revanche une
évaluation divergente de l'incapacité de travail de son patient. Motivée de
manière succinte, cette appréciation ne permet cependant pas de mettre en
doute les conclusions bien étayées, rendues au terme d'examens complets, de
la doctoresse A.________.

En d'autres termes, on ne trouve pas exposées dans les rapports des docteurs
C.________ et B.________ des raisons qui justifieraient de considérer que
l'appréciation de l'experte psychiatre - dont la tâche est précisément de
mettre ses connaissances spéciales à la disposition de l'administration afin
de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné (cf. ATF 125 V
352 consid. 3b/aa et les références) - serait sinon erronée, du moins peu ou
pas convaincante. Ces rapports ne permettent dès lors pas d'infirmer les
conclusions de la doctoresse A.________, en jetant un doute sur leur
pertinence si bien qu'un complément d'instruction ne se justifie pas.

4.3 Vu ce qui précède, on doit admettre que le recourant ne présente aucune
diminution de sa capacité de travail dans un emploi adapté, si bien qu'il
n'est pas invalide au sens de l'art. 4 LAI (dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002). De plus, il n'est pas établi qu'il soit menacé de
le devenir de façon imminente (cf. art. 8 al. 1 LAI). Aussi n'a-t-il droit ni
au reclassement (art. 17 LAI) ni à la rente (art. 28 LAI) qu'il souhaite
obtenir, mais il lui est néanmoins loisible de requérir une aide au placement
(art. 18 al. 1 LAI) de la part de l'intimé. Le recours est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 29 octobre 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IVe Chambre:   Le Greffier: