Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 315/2003
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I 315/03

Arrêt du 19 août 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme Piquerez

R.________, recourant, représenté par Me Claude Jeannerat, avocat, rue de
l'Hôpital 26, 2800 Delémont,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350
Saignelégier, intimé

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances,
Porrentruy

(Jugement du 31 mars 2003)

Faits:

A.
R. ________, né en 1957, a travaillé durant plusieurs années en qualité de
maçon auprès d'une entreprise jurassienne. Le 12 mai 2000, il a interrompu
toute activité lucrative ensuite d'un accident sur son lieu de travail.
Alléguant souffrir de douleurs dorsales, il a déposé, le 17 octobre 2000, une
demande de prestations de l'assurance-invalidité sous la forme de rééducation
dans la même profession et de rente auprès de l'Office de
l'assurance-invalidité du canton du Jura (l'office).

Se fondant sur divers rapports médicaux (notamment rapports des docteurs
A.________, B.________ et C.________ du 22 septembre 2000 et du médecin
traitant, le docteur D.________, du 2 novembre 2000), l'office a mis en
oeuvre un stage d'observation professionnelle en vue d'évaluer la capacité
résiduelle de travail de l'assuré dans une activité adaptée. Ce stage s'est
soldé par un échec après 2 demi-journées seulement, R.________ se plaignant
de douleurs dorsales. Un second stage d'observation a été mis sur pied, sans
plus de succès, l'assuré continuant à se plaindre de douleurs.

L'office a alors confié une expertise au docteur E.________, spécialiste en
médecine interne et maladies rhumatismales. Dans son rapport du 24 août 2001,
ce médecin a posé les diagnostics de lombosciatalgies gauches chroniques non
déficitaires (troubles statiques; discopathie L3/L4 et surtout L4/L5 et
L5/S1; dysbalance musculaire avec rétraction des ischio-jambiers; status
après chute le 10 mai 2000), de douleurs épicondyliennes bilatérales
récidivantes depuis 1982, sans signe actuel en faveur d'une épicondylite, et
de douleurs post-traumatiques de l'épaule droite (entorse
acromio-claviculaire de grade II; possible syndrome de conflit
sous-acromial). Ces atteintes à la santé contre-indiquent la poursuite d'une
activité physique lourde et sont responsables de diverses limitations dans
l'exercice d'une activité salariée. Compte tenu de ce constat, le docteur
E.________ a estimé que la capacité de travail dans l'ancienne profession de
maçon était nulle, mais qu'une activité adaptée était théoriquement exigible
à plein temps, étant précisé qu'une adaptation du rendement était nécessaire
vu le désentraînement non seulement physique mais également
socio-professionnel de l'assuré. Le médecin a encore préconisé la mise en
oeuvre de toutes les mesures susceptibles de permettre à l'assuré, encore
jeune, de recouvrer une capacité de travail.

L'office a alors entrepris de faire suivre à R.________ un nouveau stage
d'observation professionnelle conforme aux limitations constatées
médicalement, malgré les réticences de l'intéressé eu égard à un travail en
usine. L'assuré a été occupé du 7 janvier au 9 juin 2002 dans le domaine de
la petite mécanique. Dans son bilan du 7 juin 2002, le maître de stage a
relevé que R.________ avait effectué de petits travaux de reprise, des
travaux d'étampage ainsi que de chargement de machines semi-automatiques et
CNC. Sur un horaire prévu de 100 %, la présence effective de l'intéressé
n'avait été que de 40 %; quant au rendement durant les heures de présence, il
était de l'ordre de 90 %, avec une qualité d'exécution généralement très
bonne et une bonne résistance pour des travaux simples, réguliers et légers.
Par ailleurs, aucune limite physique ou psychique n'a été constatée chez
l'assuré qui s'est révélé très habile et qui s'adaptait facilement à
n'importe quel travail. Le maître de stage a estimé que R.________ devrait
pouvoir reprendre un emploi adapté et qu'il n'avait fait aucun effort pour
augmenter son temps de travail, alors qu'il aurait apparemment pu le faire.
Eu égard à ce rapport de fin de stage, l'office a estimé qu'aucune autre
mesure professionnelle ne pouvait augmenter la capacité de gain de
l'intéressé.

Dans un projet de rente du 8 août 2002, l'office a considéré que l'assuré
était totalement incapable d'exercer son ancienne profession de maçon depuis
mai 2000. Pour ce motif, une rente d'invalidité, basée sur un taux
d'incapacité de gain de 100 %, devait être accordée dès le 1er mai 2001;
toutefois, l'assuré étant à ce moment-là au bénéfice d'indemnités
journalières en raison de mesures d'ordre professionnel, le versement de la
rente ne pouvait prendre naissance qu'au terme de celles-ci, soit dès le 9
juin 2001. L'office a limité l'octroi de la rente au 12 août 2001 eu égard au
versement, dès le jour suivant, d'indemnités journalières liées à de
nouvelles mesures d'ordre professionnel au terme desquelles le taux
d'invalidité n'était plus que de 30,68 %. Par décision du 29 octobre 2002,
l'office a donc octroyé une rente entière d'invalidité portant sur la période
du 1er juin 2001 au 31 août 2001.

B.
R.________ a saisi la Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura d'un recours contre cette décision. Il concluait
principalement à l'octroi d'une rente d'invalidité et subsidiairement au
renvoi de la cause à l'office pour complément d'instruction. La juridiction
cantonale l'a débouté par jugement du 31 mars 2003.

C.
L'assuré interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il requiert l'annulation, sous suite de dépens, en reprenant les conclusions
formulées en première instance.

L'office conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recourant, qui soutient que son droit à une rente entière d'invalidité a
subsisté au-delà du 31 août 2001, conteste que ce droit puisse être limité
dans le temps.

2.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et la
jurisprudence relatives à la notion et à l'évaluation de l'invalidité (art. 4
et 28 LAI), de sorte qu'il suffit, sur ces points, d'y renvoyer.

On ajoutera que si la capacité de gain d'un assuré s'améliore, il y a lieu de
considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son
droit aux prestations dès qu'on peut s'attendre à ce que l'amélioration
constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même
lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans
interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre
(art. 88a RAI, en relation avec l'art. 41 LAI, applicable en l'espèce tel
qu'avant son abrogation le 1er janvier 2003 par suite de l'entrée en vigueur
de la LPGA). Cette réglementation vaut également pour l'octroi, avec effet
rétroactif, d'une rente dégressive et/ou temporaire (ATF 109 V 125; VSI 2001
p. 275 consid. 1a).

On mentionnera encore qu'en ce qui concerne la valeur probante d'un rapport
médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient fait
l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens
complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par
la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de
l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la
situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert
soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur
probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme
rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352
consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références).

3.
3.1 Dans un premier moyen, le recourant fait grief aux juges cantonaux de ne
pas avoir correctement établi sa capacité résiduelle de travail à l'issue de
son stage d'observation professionnelle. A cet égard, il allègue que le
rapport de stage aurait dû être soumis à l'avis du médecin-expert ou du
médecin traitant, afin de déterminer si l'activité exercée durant ledit stage
était exigible, et cas échéant à quel taux d'occupation. Par ailleurs, il
estime que le rendement ne saurait être fixé à 90 % sans autre mesure
d'évaluation, dès lors que son taux de présence n'a été que de 40 %, ce qui
ne peut être attribué à sa mauvaise volonté sur la seule base des remarques
du maître de stage.

3.2 Dans le cadre de l'instruction de la cause, l'office a confié une
expertise au docteur E.________. Son rapport a été établi sur la base d'une
étude fouillée du dossier médical, tient compte des plaintes de l'assuré et
les conclusions en sont convaincantes, de sorte qu'on peut lui accorder
pleine valeur probante au sens de la jurisprudence sus-mentionnée, comme
l'ont relevé à juste titre les premiers juges. D'une part, l'expert a
considéré que le recourant n'était plus capable d'exercer son ancienne
profession de maçon, ce qui n'est au demeurant pas contesté. D'autre part, il
a clairement défini les limitations de l'assuré. Or, force est de constater
que l'activité que ce dernier a exercé durant son stage d'observation
professionnelle respecte le cadre défini par ce médecin, à savoir l'absence
d'activité physique lourde, de port de charges excédant dix kilos, de
stations assise ou debout prolongées ou de mouvements répétitifs en
antéflexion et/ou en rotation du tronc, de même que de tâches répétitives
et/ou de maintien prolongé de positions les bras tendus. Point n'était dès
lors besoin de requérir l'avis d'un médecin sur l'exigibilité de l'activité
exercée. Par ailleurs, l'expert s'est prononcé sans ambiguïté sur le taux de
capacité de travail qu'il a fixé à 100 % dans une activité adaptée, en
précisant qu'il fallait, dans un premier temps, tenir compte d'une adaptation
du rendement. La juridiction cantonale était donc fondée à retenir que le
recourant était devenu capable, au terme de son stage d'observation, de
travailler à 100 % dans une activité adaptée, et cela quand bien même
l'intéressé ne s'était pas présenté régulièrement à son poste, dès lors
qu'aucun motif ne permet de justifier cet absentéisme. S'agissant du
rendement dans une telle activité, la détermination à laquelle ont procédé
les premiers juges ne prête pas le flanc à la critique. En particulier, dans
la mesure où le recourant est seul responsable de son faible taux de
présence, on ne voit pas pourquoi le rendement n'aurait pas pu être calculé
sur la base des travaux effectués durant ce laps de temps. Le taux de
rendement de 90 % retenu par la juridiction cantonale doit donc être
confirmé.

Aussi bien ne peut-on, d'une part, reprocher aux premiers juges d'avoir
établi la capacité résiduelle de travail du recourant de manière incorrecte.
D'autre part, la conclusion du recourant tendant au renvoi de la cause à
l'office pour complément d'instruction doit être rejetée, l'état de fait au
plan médical ayant été élucidé de manière suffisante. En particulier, les
certificats médicaux produits par l'intéressé en procédure fédérale ne lui
sont d'aucune utilité dans le présent litige, dès lors qu'ils se rapportent à
une situation de faits postérieure au moment de la prise de la décision
litigieuse et ne sont au demeurant pas de nature à remettre en cause
l'expertise du docteur E.________.

4.
4.1 Dans un second moyen, R.________ s'en prend à la fixation de son revenu
sans invalidité. Il considère que l'attestation de l'employeur sur laquelle
se sont fondés les premiers juges ne tient pas compte des vacances et que le
total annuel des heures de travail doit être porté à 2340 en lieu et place de
2122.

4.2 Il convient de rappeler que le revenu sans invalidité doit être déterminé
aussi concrètement que possible, de sorte qu'il se déduit en principe du
salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré, avant son invalidité
(Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], p. 205).
Or, en l'occurrence, celui-ci se montait en 2000 à 28 fr. 30 de l'heure pour
un total de 2122 heures par années, treizième salaire en sus, selon les
déclarations de l'employeur auprès duquel l'assuré travaillait à l'époque.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient le recourant, le nombre d'heures
par an mentionnées dans l'attestation remplie par l'employeur comprend les
vacances (voir à ce sujet l'art. 24 de la Convention collective pour le
secteur principal de la construction, approuvée par le Conseil fédéral le 10
novembre 1998). Le montant à retenir à titre de revenu sans invalidité en
2000, treizième salaire compris (supplément de 8,3 % sur le salaire horaire,
cf. art. 50 de la convention susmentionnée), est dès lors de 65'036 fr. 95.
Ce chiffre doit être adapté en fonction de l'évolution des salaires nominaux.
Par conséquent, compte tenu d'une indexation de 2,8 % pour 2001 et de 1,6 %
pour 2002 (évolution des salaires nominaux dans le domaine de la
construction, in : La Vie économique, 7-2003, tableau B 10.2), le revenu sans
invalidité à prendre en considération se monte à 67'927 fr. 70.

5.
5.1 Enfin, s'agissant du revenu avec invalidité, le recourant, qui ne conteste
pas le recours aux données statistiques, demande à ce qu'il soit procédé à un
abattement de 25 % et qu'il soit tenu compte, en sus, de son rendement estimé
à 90 %.

5.2 En l'espèce, la juridiction cantonale a fixé le revenu d'invalide, avant
déduction, à 56'894 fr. 25. Ce chiffre repose sur les données statistiques
(salaire auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples
et répétitives dans le secteur privé pour toute la Suisse [Enquête suisse sur
la structure des salaires 2000, TA1, p. 31]), après adaptation à l'horaire
usuel de travail dans les entreprises en 2001 et compte tenu de l'évolution
des salaires lors de cette même année.

C'est à juste titre que les premiers juges se sont référés aux données
statistiques, le recourant n'ayant plus exercé d'activité lucrative depuis le
12 mai 2000. Toutefois, si la démarche des juges cantonaux est correcte dans
son principe, leur calcul doit cependant être modifié eu égard au moment
déterminant pour l'appréciation du taux d'invalidité, à savoir 2002. Par
conséquent, compte tenu d'un horaire de travail hebdomadaire de 41,7 heures
(la dernière donnée disponible étant celle relative à l'année 2001) et de
l'évolution des salaires (2,5 % en 2001; 1,8 % en 2002), le revenu d'invalide
se monte, avant éventuelle déduction, à 57'918 fr. 65.

Les premiers juges ont tenu compte d'un rendement de 90 %, ce qui n'est pas
contesté. Il y a donc lieu d'adapter le revenu d'invalide en conséquence;
celui-ci se monte à 52'126 fr. 80.

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être
réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et
professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge,
années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux
d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir
d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire
statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent
influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 79 s. consid.
5b/aa-cc; VSI 2002 p. 70 s. consid. 4b). Les juges cantonaux ont admis un
abattement de 10 %, en sus de la baisse de rendement, au vu des limitations
de l'intéressé. Cette façon de voir échappe au grief de l'inopportunité (art.
132 let. a OJ; VSI 2002 p. 73 consid. 5). C'est en vain que le recourant
demande à bénéficier de la déduction globale maximum de 25 % sur le salaire
statistique en sus de la prise en considération de la diminution de
rendement, en l'absence de limitations liées à l'âge, au taux d'occupation et
à la nationalité (ATF 126 V 75). En effet, il est né en mai 1957 et il est au
bénéfice d'un permis C et d'une expérience professionnelle acquise en Suisse
depuis 1978. Compte tenu d'un abattement de 10 %, le revenu annuel d'invalide
est de 46'914 fr. 10 (valeur 2002).

6.
La comparaison des revenus donne une invalidité de 30,93 % ([67'927 fr. 70 -
46'914 fr. 10] x 100 : 67'927 fr. 70), taux qui ne donne aucun droit à la
poursuite du versement d'une rente de l'assurance-invalidité à l'issue des
ultimes mesures de réadaptation.

7.
Le recours se révèle ainsi en tous points mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 19 août 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Juge présidant la IIe Chambre:   La Greffière: