Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 305/2003
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I 305/03

Arrêt du 15 février 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffière
: Mme Moser-Szeless

1. P.________,
2. E.________ et J.________, agissant par leur mère P.________,
recourantes, toutes les 3 représentées par
Me Luke H. Gillon, avocat, boulevard de Pérolles 21, 1701 Fribourg,

contre

Office AI du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez,
intimé,

concernant M.________, agissant par Me Danièle Mooser, avocate, rue de Vevey
8, 1630 Bulle

Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Givisiez

(Jugement du 27 février 2003)

Faits:

A.
Depuis le mois d'août 1998, M.________ vit séparé de sa femme, P.________, à
laquelle la garde de leurs filles, E.________ et J.________ a été attribuée
(cf. ordonnance du Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine du 9
décembre 1998). Il a perçu des indemnités journalières de
l'assurance-maladie, Avenir Assurances, du 1er novembre 2000 au 31 août 2001,
après avoir déposé une demande de prestations auprès de l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Fribourg (ci-après : l'office AI).

A la suite de la décision de l'office AI du 10 juillet 2001, par laquelle il
reconnaissait à M.________ un degré d'invalidité de 67 % à compter du 29
novembre 2000, la caisse-maladie a informé son assuré qu'elle réclamerait
directement à la Caisse de compensation du canton de Fribourg (ci-après : la
caisse) le remboursement de 19'582 fr. en raison d'une surindemnisation
(courrier du 5 octobre 2001). Le même jour, elle a requis de la caisse la
compensation avec des paiements rétroactifs de l'assurance-invalidité du
montant de 19'582 fr.; sa demande a été acceptée.

Par décision du 24 octobre 2001, l'office AI a mis l'assuré au bénéfice d'une
rente d'invalidité de 1624 fr. par mois à partir du 1er novembre 2000 (1664
fr. à partir du 1er janvier 2001). Le même jour, il a alloué à P.________,
avec effet rétroactif depuis la même date, une rente complémentaire pour
conjoint (de 487 fr., puis de 499 fr. à compter du 1er janvier 2001) et des
rentes complémentaires pour enfant (de 650 fr., puis 666 fr. dès le 1er
janvier 2001, par enfant). Des arrérages de ces rentes, il a déduit en faveur
de l'Avenir Assurances un montant de 10'259 fr. sur les prestations dues à
P.________ et ses filles, et de 9'323 fr. sur celles de M.________, jusqu'à
concurrence de 19'582 fr., proportionnellement au total des prestations de
l'assurance-invalidité versées du 1er novembre 2000 au 31 août 2001.

B.
P.________, E.________ et J.________ ont déféré la décision du 24 octobre
2001 de l'office AI au Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des
assurances sociales. Contestant la répartition de la créance de la
caisse-maladie opérée par l'office AI, elles ont conclu, en substance, à ce
que celle-ci ne soit compensée qu'avec les arrérages de la rente en faveur de
M.________ et que le montant de 10'259 fr. soit versé à P.________. Elles ont
été déboutées par jugement du 27 février 2003.

C.
P.________ et ses filles interjettent recours de droit administratif contre
ce jugement en reprenant leur conclusion précédente, sous suite de dépens.

M.________, l'office AI - de manière implicite - et la caisse concluent tous
trois au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

D.
Après la clôture de l'échange d'écritures, les recourantes ont déposé une
nouvelle pièce datée du 15 janvier 2004.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas
applicable au présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales
n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 24
octobre 2001 (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les arrêts cités).

2.
2.1 L'obligation de restituer les indemnités journalières de
l'assurance-maladie perçues en trop par M.________ (19'582 fr.), de novembre
2000 à août 2001, n'est pas contestée comme telle. Le litige porte en
revanche sur la compensation de ces indemnités avec les rentes
complémentaires pour épouse et pour enfant de l'assurance-invalidité, qui lui
ont été allouées à titre rétroactif pour la même période.

2.2 En procédure fédérale, les recourantes ont produit une copie d'un
procès-verbal d'audience du 15 janvier 2004 devant le Juge de police de
X.________, selon lequel M.________ leur cède le rétroactif qui lui est dû de
l'assurance-invalidité pour solde des pensions dues pour les mois de mars et
avril 2000. Il s'agit là de faits postérieurs à la décision litigieuse du 24
octobre 2001, laquelle détermine l'objet du litige, et ne sont pas de nature
à influencer l'issue de la contestation au moment déterminant. Il n'y a donc
pas lieu de les prendre en considération (cf. consid. 1).

3.
3.1 Les assureurs-maladie qui ont alloué des indemnités journalières durant
une période pour laquelle un assuré peut prétendre une rente d'invalidité à
titre rétroactif sont tenus, en principe, de réclamer à l'intéressé le
montant de la surindemnisation (cf. art. 78 al. 2 LAMal et 122 OAMal). A cet
effet, ils peuvent réclamer la restitution du montant de leur créance aux
organes de l'assurance-invalidité, lesquels déduisent ce montant de la somme
correspondant aux mensualités de rente arriérée (en vertu de l'art. 20 al. 2
LAVS en corrélation avec l'art. 50 LAI). La restitution des prestations de
l'assurance-maladie en raison d'une surindemnisation relève toutefois
exclusivement des rapports juridiques entre l'assuré et l'assureur-maladie.
Celui-ci informe l'assuré, par écrit, du montant exact de sa créance en le
rendant attentif au fait que s'il entend contester la compensation, il doit
recourir exclusivement contre la décision de l'assureur-maladie (RCC 1989 p.
334 sv. consid. 5 et 6a; cf. aussi la circulaire de l'OFAS concernant la
compensation des paiements rétroactifs de l'AI avec les créances en
restitution de prestations des caisses-maladie reconnues par la
Confédération, valable dès le 1er janvier 1999).

3.2 En l'occurrence, cette procédure a été en partie suivie. Par courrier du
5 octobre 2001, la caisse-maladie a informé M.________ que la décision de
l'assurance-invalidité par laquelle une rente entière d'invalidité lui était
octroyée dès le 1er novembre 2000 entraînait une surindemnisation et lui a
indiqué le montant exact de sa créance (19'582 fr.). En revanche, cette
communication ne contenait pas l'indication selon laquelle l'assuré pouvait
contester la prétention de la caisse-maladie, ni l'exposé de moyens de droit.
Toutefois, le 24 octobre suivant, l'intimé a informé M.________ et les
recourantes que s'ils voulaient s'opposer à la créance de l'Avenir Assurances
et la compensation avec le paiement rétroactif de la rente de
l'assurance-invalidité, il leur appartenait de recourir contre la décision de
la caisse-maladie. Cela étant, les irrégularités de procédure commises par
l'assureur-maladie n'ont pas porté à conséquence puisque les recourantes
n'entendent pas contester le principe même de la compensation, ni le montant
sur lequel elle porte, mais uniquement les modalités de celle-ci.

4.
En vertu de l'art. 20 al. 2 LAVS, applicable dans le domaine de
l'assurance-invalidité en vertu de l'art. 50 al. 1 LAI, peuvent être
compensées avec des prestations échues, notamment, les créances en
restitution des indemnités journalières de l'assurance-maladie. Ces
dispositions visent à éviter la surindemnisation découlant d'une rente
allouée ultérieurement par l'assurance-invalidité et à garantir la
réalisation de la créance de restitution de l'assurance obligatoire des soins
(RCC 1989 p. 334 consid. 5a; cf. ATF 105 V 293 consid. 4).

De manière générale, la compensation en droit public - et donc notamment en
droit des assurances sociales - est subordonnée à la condition que deux
personnes soient réciproquement créancières et débitrices l'une de l'autre
conformément à la règle posée par l'art. 120 al. 1 CO (ATF 130 V 505 consid.
2.4 et les références; voir également cet arrêt pour les exceptions à la
condition de la réciprocité des sujets de droit). Par ailleurs, la
jurisprudence en matière d'assurances sociales soumet la compensation à
l'exigence que cette mesure ne mette pas en péril les moyens d'existence des
intéressés (voir par exemple ATF 115 V 343 consid. 2c, 111 V 103 consid. 3b).
Cette exigence est à rapprocher de l'art. 125 ch. 2 CO, aux termes duquel ne
peuvent être éteintes par compensation les créances dont la nature spéciale
exigent le paiement effectif entre les mains du créancier (ATF 108 V 47
consid. 2; ATF 130 V 505 consid. 2.4). La compensation opérée avec une rente
n'est donc possible que dans la mesure où le montant retenu sur la rente
mensuelle ne touche pas le minimum vital de la personne tenue à restitution
(ATF 115 V 343 consid. 2c, 111 V 103 consid. 3b, 107 V 74 consid. 2). La
question de savoir si la compensation est admissible au regard de la garantie
du minimum vital se pose non seulement en présence de rentes en cours,
versées mensuellement, mais également en cas de paiements rétroactifs de
rentes. En effet, ceux-ci ont également pour but de couvrir le besoin
existentiel des assurés pour la période pour laquelle les rentes ont été
versées rétroactivement (arrêts non publiés S. du 10 juin 1992, I 375/90, W.
du 19 avril 1989, I 503/88, T. du 29 avril 1986, H 153/85).

5.
5.1 Se référant à l'ATF 107 V 72, les premiers juges ont admis le principe de
la compensation en retenant que les art. 34 et 35 LAI relatifs aux rentes
complémentaires pour le conjoint (art. 34 LAI) et pour enfant ne créent pas
un droit propre aux époux et enfants à l'octroi d'une rente complémentaire.
Dès lors, le montant de la compensation devait être calculé et réparti en
fonction de la rente principale et des rentes complémentaires dont M.________
est le seul et unique titulaire.

5.2 Invoquant l'art. 71ter RAVS, entré en vigueur au 1er janvier 2002, les
recourantes soutiennent que les rentes pour enfant auraient dû être versées
directement à l'épouse séparée afin de pallier l'absence d'entretien de la
part du bénéficiaire de la rente de l'assurance-invalidité qui ne pouvait
plus assumer ce soutien. Par ailleurs, les premiers juges auraient violé le
droit fédéral (art. 93 LP) dans la mesure où ils n'ont pas tenu compte du
minimum vital des recourantes en admettant la compensation: M.________
n'ayant pas versé la totalité des pensions d'entretien à son épouse et ses
filles, P.________ aurait vécu «au-dessous du minimum vital».

6.
6.1 Il est constant que la compensation en cause remplit la condition de la
réciprocité de la personne du créancier et du débiteur, puisque M.________
est à la fois titulaire de la rente d'invalidité et des rentes
complémentaires pour conjoint et pour enfant ayant fait l'objet d'une
réduction, et débiteur des prestations versées en trop par la caisse-maladie.
On ne saurait donc reprocher à la juridiction cantonale de «violer le
fondement et le principe des rentes complémentaires et des rentes pour
enfant», puisque ni le conjoint, ni les enfants ne disposent d'un droit
propre à de telles rentes. A cet égard, la référence que font les recourantes
à l'art. 71ter RAVS - qui règle le versement des rentes pour enfants lorsque
les parents vivent séparés - ne leur est d'aucun secours, dès lors que cette
disposition n'est pas applicable au présent litige (voir ci-avant consid. 1).
Au demeurant, la loi, respectivement la jurisprudence, reconnaissent le droit
de l'épouse séparée de son mari au versement de la rente complémentaire à
certaines conditions (art. 34 al. 4 LAI), ainsi que des rentes pour enfants
lorsque l'épouse détient l'autorité parentale, que l'enfant n'habite pas avec
le père invalide et que l'obligation de celui-ci envers celui-là se limite au
versement d'une contribution aux frais d'entretien (ATF 103 V 134 consid. 3,
101 V 210 consid. 2; SVR 2002 IV n° 5 p. 11 consid. 4c/aa, 2000 IV n° 22 p.
65 consid. 1a et les références). Toutefois, tant l'art. 34 al. 4 LAI que les
principes jurisprudentiels relatifs à la rente pour enfant concernent le
paiement des rentes complémentaires pour le futur et ne s'opposent pas à la
compensation d'une créance avec des rentes qui doivent être versées
rétroactivement et sur lesquelles la caisse de compensation opère des
retenues. Dès lors que les rentes en cause n'avaient pas encore été versées
en mains de P.________, l'office intimé était en droit de les compenser avec
les sommes versées en trop à l'époux de celle-ci.

6.2 Quant à la prétendue atteinte au minimum vital, les recourantes se
limitent à alléguer que M.________ n'a pas versé de pension alimentaire à son
épouse pour en déduire qu'elles n'auraient jamais bénéficié du minimum vital
au sens de l'art. 93 LP. Elles n'établissent toutefois pas, au degré de la
vraisemblance prépondérante, qu'elles ont effectivement vécu avec des moyens
financiers au-dessous du seuil du minimum vital pendant la période sur
laquelle portent les arriérés des rentes accessoires (1er novembre 2000 au 31
août 2001). A défaut de toute indication sur la fortune et les revenus de
P.________, la simple affirmation des recourantes ne suffit pas pour admettre
qu'elles n'ont pas couvert leur besoin existentiel dans le passé. Au
demeurant, même s'il a négligé l'entretien de son épouse ayant cessé tout
paiement à partir du mois d'avril 2000, M.________ lui a versé les
contributions d'entretien pour les enfants. Par ailleurs, P.________
disposait d'une créance de droit civil à l'égard de son conjoint, dont il lui
appartenait de demander l'exécution en cas de besoin. En outre, il apparaît à
la lecture de l'ordonnance du 21 mai 2002 du Tribunal civil de
l'arrondissement de la Sarine versée au dossier cantonal que l'assistance
judiciaire a été refusée à P.________ dans la procédure civile, au motif
qu'elle disposait d'un montant mensuel suffisant pour supporter les frais de
la procédure. Ce sont là suffisamment d'indices qui permettent, faute
d'éléments contraires démontrés par les recourantes, de retenir que leur
minimum vital n'était pas entamé pendant la période concernée.

En conséquence, les premiers juges n'avaient pas à examiner cette condition.

7.
Il résulte de ce qui précède que le recours est mal fondé.

8.
Compte tenu de la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ).
En sa qualité de co-intéressé, représenté par une avocate, M.________ a droit
à des dépens mis à la charge des recourantes qui succombent.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Les recourantes verseront à M.________ la somme de 1'000 fr. à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à l'assuré, au Tribunal
administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, à la
Caisse de compensation du canton de Fribourg et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 15 février 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   La Greffière: