Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 248/2003
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I 248/03

Arrêt du 15 juin 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffière : Mme Berset

P.________, recourant, représenté par Me Hubert Theurillat, avocat, rue P.
Péquignat 12, 2900 Porrentruy,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350
Saignelégier, intimé

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances,
Porrentruy

(Jugement du 27 février 2003)

Faits:

A.
Au bénéfice d'un certificat fédéral de capacité (CFC) de coiffeur,
P.________, né le 16 janvier 1942, a exercé cette profession à titre
indépendant. Souffrant d'un eczéma aux mains en relation avec une substance
colorante, il a dû cesser définitivement cette activité.

A.a Le 31 mai 1999, il a déposé une demande de prestations auprès de l'Office
de l'assurance-invalidité du canton du Jura (ci-après: OAI) tendant à
l'octroi d'une rente. Par la suite, il a sollicité la prise en charge d'un
reclassement (formation professionnelle couronnée par un CFC en électronique,
informatique, électricité ou dans la mécanique). Aux termes d'examens
d'aptitude, la psychologue B.________ a posé un pronostic défavorable pour un
apprentissage dans ces différents domaines. En revanche, l'assuré pouvait
mettre en oeuvre ses capacités dans le domaine du commerce et de la vente,
sans qu'un CFC d'employé de commerce soit envisageable, faute de
connaissances linguistiques (anglais, allemand, grammaire française). Le CFC
d'employé de bureau en deux ans était en revanche abordable, mais n'offrait
pas de débouché dans le canton du Jura. En définitive, seul l'apprentissage
de vendeur paraissait adéquat, mais l'intéressé refusait catégoriquement
cette option, apparemment pour des raisons de prestige et de considération
sociale (rapport du 19 mars 2001).

Par décision du 20 juillet 2001, l'OAI a rejeté la demande de prestations.

Saisi d'un recours contre cette décision, le Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, l'a annulée et renvoyé
le dossier à l'OAI pour complément d'instruction et nouvelle décision dans le
sens d'une proposition de mesures de reclassement effectives dans le domaine
de la vente, conformes à la loi et comportant une sommation écrite, assortie
d'un délai de réflexion, attirant son attention sur les conséquences d'une
éventuelle opposition aux mesures proposées ( jugement du 25 février 2002).

A.b A l'issue d'une instruction complémentaire, par décision du 8 mai 2002,
l'OAI a octroyé à l'assuré une mesure de reclassement sous la forme d'un
stage de formation pratique dans le domaine de la représentation/vente avec
cours de base informatique et comptabilité chez M.________ SA, du 13 mai 2002
au 14 août 2002, suivi d'une formation en entreprise(s), d'une durée de neuf
mois.

Par communication du 2 août 2002, l'OAI a constaté que P.________ ne s'était
pas présenté chez M.________ SA et lui a demandé de lui faire part de son
intention de collaborer à son reclassement. Le prénommé a confirmé «sa
volonté de participer activement à sa réadaptation professionnelle,
respectivement dans la formation complète de vendeur avec CFC, d'une durée de
deux ans auprès de l'Ecole de commerce de la République et canton du Jura».

Par décision du 10 septembre 2002, l'OAI a rejeté la demande de prestations
de l'assuré dans la mesure où celui-ci s'opposait au stage de formation
pratique dans le domaine de la représentation/vente  chez M.________ SA. Il a
relevé qu'il ne pouvait pas prendre en charge la mesure de réadaptation
proposée par P.________, au motif qu'elle n'était ni simple, ni adéquate; il
était disposé à réexaminer la situation si l'intéressé revenait à de
meilleurs sentiments.

B.
Saisi d'un recours contre cette décision, le Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, l'a rejeté par jugement
du 27 février 2003.

C.
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens, à
l'octroi «des mesures d'ordre professionnel en vue de l'obtention d'une
formation équivalente à la sienne au moment où il est devenu invalide».

L'OAI conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à des mesures de réadaptation de
nature professionnelle.

2.
Le jugement entrepris expose de manière correcte les dispositions légales et
les principes jurisprudentiels régissant les conditions d'octroi de mesures
de réadaptation d'ordre professionnel (art. 8 LAI), singulièrement celles
relatives au reclassement dans une nouvelle profession (art. 17 LAI), ainsi
que les sanctions prévues en cas d'opposition à de telles mesures (art. 31
LAI; ATF 122 V 219 consid. 4), de sorte qu'on peut y renvoyer.

On précisera encore que la loi fédérale sur la partie générale des assurances
sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
n'est pas applicable au présent litige, le juge des assurances sociales
n'ayant pas à tenir compte des modifications du droit ou de l'état de fait
survenues après que la décision administrative litigieuse a été rendue (cf.
ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b). Ratione temporis, les
dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4e révision),
entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO 2003 3852), ne sont pas non plus
applicables.

3.
Ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, le recourant ne
saurait, pour plusieurs motifs, prétendre la prise en charge d'une formation,
couronnée par un CFC, équivalente à celle de coiffeur diplômé qui est la
sienne. En particulier, la plupart des formations proposées par le recourant
(en électricité, mécanique, électronique, informatique et même celle
d'employé de commerce) lui sont inaccessibles faute de connaissances de base
et/ou de capacités, ainsi qu'il résulte du rapport d'examen d'aptitudes du 19
mars 2001 de la psychologue B.________.

Plus discutable apparaît en revanche le refus opposé par la cour cantonale à
la prise en charge d'une formation de deux ans débouchant sur un CFC
d'employé de bureau ou de vendeur au motif principal que la durée probable
d'activité apparaît trop brève pour justifier la prise en charge de cette
mesure par l'assurance-invalidité (le recourant étant âgé de 57 ans à
l'époque de la demande de prestations).

En effet, selon l'art. 8 LAI qui fixe le principe du droit aux mesures de
réadaptation, ce droit est déterminé en fonction de toute l'activité
probable, ce par quoi il faut entendre toute la période d'activité restante
sur laquelle un assuré peut compter avec vraisemblance en se fondant sur des
données statistiques valables, telles les tables de capitalisation de
Stauffer et Schaetzle, et non pas (seulement) la durée d'activité prise en
compte jusqu'à l'âge de l'AVS. Ainsi que l'a déjà jugé le Tribunal fédéral
des assurances, ce principe est applicable aussi bien pour les mesures
médicales visées à l'art. 12 LAI (RCC 1970 p. 108 ss; arrêt non publié D.S.
du 30 décembre 1993, I 180/93), que pour l'octroi de moyens auxiliaires (RCC
1982 p. 220 sv. consid. 3b et 6a; sur l'ensemble de ces questions cf.
Meyer-Blaser, Zum Verhältnismässigkeitsgrundsatz im staatlichen
Leistungsrecht, thèse Berne 1985, p. 85 et 129).

Dans le cas particulier toutefois, la question de savoir s'il y a lieu de
prendre en considération la durée moyenne de l'activité restante pour juger
de l'adéquation de la mesure sous l'angle temporel - laquelle ne saurait être
qualifiée de brève - ou si l'on se trouve dans un cas où il ne fait pas de
doute que l'assuré prendra sa retraite à l'âge de l'AVS peut rester indécise
dès lors qu'elle ne s'avère pas décisive.

En réalité, la prise en charge de la formation demandée (notamment celle de
deux ans débouchant sur un CFC d'employé de bureau ou de vendeur) ne saurait
être accordée pour le motif principal et essentiel que la mesure de
réadaptation proposée par l'office intimé apparaît comme (la plus) simple et
(la plus) adéquate au regard de l'ensemble des circonstances (cf. consid. 4
ci-après) et du principe de proportionnalité (cf. ATF 107 V 76; RCC 1992 p.
388 consid. 1b, 1982 p. 220 ss consid. 3b et 6a, 1962 p. 205 et sv.;
Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], ad art. 17
LAI, p. 131; voir aussi ch. 4010, 4014 et 4022 de la Circulaire concernant
les mesures de réadaptation d'ordre professionnel édictée par l'OFAS). En
d'autres termes, la circonstance que l'administration a proposé au recourant
une mesure de réadaptation simple et adéquate fait obstacle à la prise en
charge par l'assurance-invalidité d'une autre formation plus longue et plus
coûteuse. A cela s'ajoute le fait que, selon le rapport de la psychologue
B.________, le CFC d'employé de bureau en particulier n'offre pratiquement
aucune possibilité d'emploi dans le canton du Jura.

Il s'ensuit que la décision de refus de prise en charge par l'office intimé
d'un reclassement de l'assuré dans une formation couronnée par un CFC est
conforme au droit.

4.
Quant à la mesure de réadaptation proposée par l'office intimé - que le
recourant a implicitement refusée - elle paraît adéquate au regard des
circonstances (durée raisonnable, formation adaptée à son handicap, domaine
correspondant à ses aptitudes pour le commerce et la vente). Le recourant
objecte pour l'essentiel qu'elle ne respecte pas le principe de l'équivalence
approximative des gains (comp. ATF 124 V 110 consid. 2a et les références,
122 V 79 consid. 3b/bb; VSI 1997 p. 85 consid. 1), dès lors qu'il peut (au
mieux) espérer obtenir à l'issue de la formation en cause un salaire égal à
la moitié de celui qu'il réalisait en tant que coiffeur indépendant. Or, la
question de l'équivalence approximative des gains ne se pose pas en pareil
cas. En effet, il sera loisible au recourant, le cas échéant, de déposer une
demande de rente d'invalidité visant à compenser la perte de gain résultant
du changement d'activités. L'office intimé était ainsi fondé à proposer cette
mesure de reclassement au recourant qui, de son côté, était tenu de
l'accepter, eu égard à son obligation de diminuer le dommage (ATF 123 V 96
consid. 4c, 113 V 28 consid. 4a; Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die
Invalidenversicherung (IVG), ad art. 28 LAI, p. 221). Dès lors que le
recourant a refusé de suivre cette formation pratique, c'est à juste titre
que l'administration a rejeté sa demande de prestations.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 15 juin 2004

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   La Greffière: