Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Sozialrechtliche Abteilungen I 245/2003
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I 245/03

Arrêt du 30 juillet 2003
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Widmer, Ursprung et Frésard. Greffière : Mme Piquerez

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

F.________, intimé, représenté par Me Jean-Daniel Kramer, avocat, avenue
Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-de-Fonds

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 18 novembre 2002)

Faits:

A.
F. ________, né en 1942, sans formation professionnelle, a déposé une demande
de prestations de l'assurance-invalidité en date du 8 décembre 1999 auprès de
l'Office de l'assurance-invalidité pour le Canton de Vaud (l'office). Cet
assuré, qui a travaillé pendant de nombreuses années en qualité de commerçant
indépendant (forain), est en incapacité totale de travail médicalement
attestée depuis juin 1998 en raison d'affections du poignet gauche :
téno-synovite plasmocytaire fibrineuse destructrice, maladie de Dupuytren
(rapports des docteurs G.________ du 26 juin 1997 et S.________ du 28
décembre 1998, notamment). D'importantes limitations fonctionnelles du
poignet gauche ont été mises en évidence (rapport du 27 août 1998 du docteur
P.________). F.________ a subi divers traitements, y compris chirurgicaux,
qui n'ont toutefois pas permis d'améliorer son état de santé, selon l'avis de
son médecin traitant. Celui-ci a confirmé l'incapacité de travail totale
depuis le 26 juin 1998 (rapport du 21 janvier 2000) et a encore ajouté
(renseignements fournis par téléphone à l'office et confirmés par écrit
[rapport du 26 juin 2001]) que l'assuré était capable de travailler à 100 %
dans une activité adaptée n'impliquant pas l'utilisation de la main gauche.

Se fondant sur trois descriptions de poste de travail, l'office a considéré
que l'assuré était capable de réaliser, après survenance de l'invalidité, un
gain équivalent, voire supérieur à celui qui était le sien avant l'apparition
de la maladie, calculé sur la base des comptes d'exploitation 1995-2000 de
l'intéressé. Dès lors, l'administration a proposé le rejet de la demande.
F.________ a alors allégué être également atteint de problèmes pulmonaires et
a produit un rapport du docteur B.________ du 4 septembre 2001, qui fait état
d'une broncho-pneumonie chronique obstructive de degré moyen de type
emphysème post-tabagique et d'une surinfection bronco-pulmonaire. Le docteur
V.________, spécialiste en pneumologie et médecin-conseil de l'office, s'est
prononcé sur ce rapport et a nié que les affections pulmonaires constatées
puissent exercer un effet sur les activités prises en compte dans la
comparaison des revenus, les seules incidences de ces affections pouvant être
une limitation dans des efforts soutenus ou lors de la marche en pente. Par
décision du 21 décembre 2001, l'office a refusé toute prestation à
F.________.

B.
Par jugement du 18 novembre 2002, le Tribunal des assurances du Canton de
Vaud a admis le recours de l'assuré en ce sens qu'il a renvoyé le dossier à
l'administration, afin qu'elle mette en oeuvre un stage au Centre
d'observation professionnelle de l'AI (COPAI) en vue de déterminer
l'incidence de l'affection de F.________ sur sa capacité de travail.

C.
L'office interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il
requiert l'annulation, en concluant, principalement, à la confirmation de sa
décision du 21 décembre 2001 et, subsidiairement, au renvoi de la cause au
Tribunal cantonal des assurances afin que celui-ci se prononce sur le degré
d'invalidité de l'assuré sur la base du dossier.

L'assuré conclut au rejet du recours. Quant à l'Office fédéral des assurances
sociales, il a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le jugement attaqué annule la décision du 21 décembre 2001 et renvoie le
dossier à l'office recourant pour qu'il complète l'instruction par la mise en
oeuvre d'un stage auprès du COPAI et rende une nouvelle décision relative à
l'octroi d'une rente d'invalidité.

Même si elle ne met pas fin à la procédure, une décision de renvoi, qui
invite l'administration à statuer à nouveau selon des instructions
impératives, est une décision autonome, susceptible en tant que telle d'être
attaquée par la voie du recours de droit administratif, et non une simple
décision incidente (ATF 117 V 241 consid. 1, 113 V 159).

2.
Le jugement entrepris expose de manière complète et exacte les dispositions
légales régissant l'évaluation de l'invalidité (art. 4 et 28 LAI), de telle
sorte qu'on peut y renvoyer.

La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA) du 6
octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 21 décembre
2001 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

3.
3.1 En substance, le premier juge a considéré que F.________ souffrait d'une
atteinte à la santé physique au sens de l'art. 4 LAI, sous la forme d'une
synovite destructive du poignet gauche. A l'instar de l'office, il a reconnu
que l'intéressé était devenu totalement incapable d'exercer son ancienne
profession, mais qu'il bénéficiait encore d'une capacité de travail de 100 %
dans une activité adaptée ne nécessitant pas l'usage de la main gauche.
Procédant à l'examen du calcul du taux d'invalidité opéré par l'office, il a
considéré que le revenu d'invalide n'avait pas été déterminé conformément à
la notion de marché structuré du travail offrant un éventail d'emplois
diversifiés, l'office ne s'étant basé que sur trois descriptions de postes de
travail (surveillant de parking, employé de contrôle dans l'industrie et
courtier en publicité), dont une ne correspondait au demeurant pas aux
limitations fonctionnelles de l'assuré (courtier en publicité). En
conséquence, il a retenu que le revenu d'invalide devait être déterminé sur
la base de l'Enquête suisse sur la structure des salaires éditée par l'Office
fédéral de la statistique (ESS). Toutefois, il a considéré que le dossier ne
permettait pas de se prononcer sur un éventuel abattement du salaire
statistique, car l'influence de l'atteinte à la santé sur la capacité de
travail de l'intéressé n'avait pas été évaluée. Pour combler cette lacune, il
a décidé de renvoyer le dossier à l'administration afin qu'elle mette en
oeuvre un stage auprès du COPAI.

3.2 Dans son recours de droit administratif, l'office fait valoir que les
limitations fonctionnelles de F.________ sont clairement définies par les
rapports médicaux figurant au dossier et qu'il n'est pas nécessaire de
procéder à un stage au COPAI pour déterminer l'influence de l'atteinte à la
santé sur la capacité de travail. D'autre part, dans l'hypothèse où le revenu
d'invalide devait être déterminé sur la base de l'ESS, l'abattement prévu par
la jurisprudence devrait être calculé sur la base du dossier, celui-ci
contenant toutes les informations utiles à cet effet.

4.
En l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que l'intimé
était victime d'une atteinte à la santé ne lui permettant plus d'utiliser sa
main gauche. Tous les rapports médicaux figurant au dossier sont clairs à ce
propos et ne sont pas contestés. Il ne fait pas de doute non plus, à la
lecture des différents avis émis par le corps médical, que F.________ peut
mettre à profit une capacité de travail de 100 % dans une activité ne
requérant pas l'usage de la main gauche, point de vue que l'intimé ne remet
au demeurant pas en question dans son principe.

5.
5.1 S'agissant de l'évaluation du revenu d'invalide, le premier juge a, avec
raison, estimé qu'on ne pouvait se fonder sur la fiche DPT relative à la
profession de courtier en publicité. Cette activité requiert effectivement
l'usage partiel des deux mains, ce qui n'est pas exigible de l'intimé. La
juridiction cantonale a alors considéré que le revenu d'invalide ne pouvait
être fixé sur la base des deux seules descriptions de postes restantes. On ne
saurait s'écarter de ce point de vue. En effet, le revenu du travail que
l'invalide est encore capable de réaliser doit être déterminé compte tenu
d'un marché équilibré du travail. Cette notion implique un marché du travail
structuré de telle sorte qu'il offre un éventail d'emplois diversifiés (ATF
110 V 276 consid. 4b). Or, la prise en compte de deux professions exigibles
n'est manifestement pas représentative d'un éventail d'emplois diversifiés,
comme l'a relevé à juste titre la juridiction cantonale. En conséquence,
celle-ci a considéré qu'il y avait lieu de se reporter aux données
statistiques pour évaluer le revenu d'invalide.

Cependant, vu l'absence de formation de l'intimé, seules peuvent entrer en
ligne de compte, en tant qu'activités raisonnablement exigibles, des
activités simples et répétitives. Or, de telles activités exigent dans la
majeure partie des cas l'usage des deux mains. Il s'agit en effet de métiers
pour la plupart de type manuel. On ne saurait dès lors considérer que les
données statistiques relatives aux activités simples et répétitives dans les
secteurs de la production et des services recouvrent un nombre significatif
de professions adaptées au handicap du recourant. Il convient bien plutôt,
comme l'a au demeurant relevé le premier juge, de faire admettre l'intimé
dans un centre d'observation professionnelle afin de déterminer si et, le cas
échéant, dans quelle mesure il est à même, concrètement, de mettre en valeur
sa capacité de travail et de gain. Les informations recueillies au cours d'un
tel stage peuvent en effet se révéler utiles, en complément des données
médicales, pour fixer le degré d'invalidité (voir à ce sujet : L'instruction
des possibilités de gain des personnes prétendant une rente, compte-rendu
d'une séance du 10 novembre 1989 consacrée aux problèmes de l'expertise
médicale et professionnelle, in : RCC 1990 p. 59 ss; Karl Abegg, Coup d'oeil
sur l'activité des centres d'observation professionnelle de l'AI, in : RCC
1985 p. 246 ss). Elles apparaissent même indispensables dans le cas d'espèce,
vu la difficulté de se rendre compte, sans renseignements précis, des
possibilités de gain encore offertes à l'intéressé en regard de ses problèmes
de santé.

6.
Partant, le recours doit être rejeté.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le Canton de Vaud versera à
F.________ la somme de 800 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
Canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 30 juillet 2003
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Juge présidant la IIe Chambre:   La Greffière: