Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 177/2003
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I 177/03

Arrêt du 18 juin 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Frésard. Greffier : M.
Métral

C.________, 1961, recourante, représentée par Me Hervé Bovet, avocat, rue de
Romont 33, 1701 Fribourg,

contre

Office AI du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez,
intimé

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales,
Givisiez

(Jugement du 12 février 2003)

Faits:

A.
C. ________, née en 1961, travaillait en qualité d'aide de cuisine. Le 30
juin 1997, elle consulta le docteur B.________, médecin généraliste, en
raison de lombalgies. Celui-ci attesta une incapacité de travail totale du 30
juin au 1er juillet 1997 et du 8 juillet au 2 novembre 1997, de 50 % entre le
3 novembre 1997 et le 15 avril 1998, puis à nouveau de 100 %, pour une durée
indéterminée. Opérée le 20 août 1998 pour une hernie discale L4-L5 gauche,
elle déposa une demande de rente de l'assurance-invalidité le 1er octobre
1998, en raison de la persistance des douleurs malgré l'opération. Le docteur
I.________, spécialiste en rhumatologie, assurait le traitement
post-opératoire. Il attesta une incapacité de travail totale jusqu'au 31
décembre 1998, puis de 50 % dès le 1er janvier 1999, en raison d'un syndrome
lombo-radiculaire irritatif discret.

L'assurée reprit son activité professionnelle à mi-temps, mais consulta
rapidement le docteur B.________ en raison de ses douleurs. Ce praticien
attesta une incapacité de travail variable jusqu'à 15 avril 1999, date à
partir de laquelle il fit état d'une incapacité de travail totale. Dans le
cadre d'un mandat d'expertise confié par l'Office de l'assurance-invalidité
du canton de Fribourg (ci-après : office AI), le docteur O.________,
spécialiste en neurochirurgie, posa le diagnostic de failed-back syndrome et
de possible instabilité segmentaire L4-L5, et attesta une capacité résiduelle
de travail de 50 % dès le 1er janvier 1999 (rapport du 9 août 1999). Selon le
docteur O.________, une nouvelle intervention chirurgicale serait susceptible
d'améliorer cette situation, mais ses chances de succès étaient limitées,
compte tenu du psychisme de l'assurée. Pour sa part, le docteur A.________,
spécialiste en rhumatologie, considéra qu'une opération serait vouée à
l'échec, compte tenu notamment de l'évolution vers un état douloureux
chronique, avec des signes d'amplification selon Waddel et un possible état
dépressif (rapport du 25 septembre 1999). Cette opinion était également
partagée par le docteur G.________, psychiatre, qui posa le diagnostic de
syndrome somatoforme douloureux persistant associé à un état anxio-dépressif
(préoccupations, troubles du sommeil, sentiment de tension, d'inquiétude),
dans un rapport établi le 28 septembre 1999. A réception de ces rapports
médicaux, le docteur O.________ attesta une incapacité de travail totale dès
le 1er octobre 1999. Il précisa qu'il maintenait les diagnostics somatiques
posés précédemment, mais qu'il y avait lieu d'y ajouter celui de syndrome
somatoforme douloureux persistant; les troubles fonctionnels en rapport avec
cette dernière affection étaient désormais nettement prédominants (rapport du
15 octobre 1999).

Chargé d'une expertise psychiatrique par l'office AI, le docteur H.________
nia, pour sa part, l'existence de troubles somatoformes douloureux et posa le
diagnostic de faible hypochondrie (CIM F42.2), sans influence sur la capacité
de travail de l'assurée (rapport du 9 mars 2000). Il confirma ces
constatations dans un rapport complémentaire établi le 28 juin 2001, en dépit
d'avis contraire émis par les docteurs W.________ et K.________, médecins au
Service de rhumatologie, médecine physique et rééducation de l'Hôpital
F.________  (rapport du 15 septembre 2000), ainsi que par le docteur
B.________ (rapport du 1er mars 2001). L'assuré produisit encore un rapport
psychiatrique établi le 1er octobre 2001 par les docteurs D.________ et
L.________, lesquels ont attesté une incapacité de travail totale en raison
de troubles somatoformes douloureux.

Par décision du 14 novembre 2001, l'office AI alloua à C.________ une rente
entière pour la période du 1er juin au 31 décembre 1998, puis une demi-rente
d'invalidité dès le 1er janvier 1999. S'y ajoutaient une rente complémentaire
pour le conjoint et deux rentes pour enfant.

B.
Cette décision fut déférée par l'assurée au Tribunal administratif du canton
de Fribourg, qui rejeta le recours par jugement du 12 février 2003.

C.
C.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement.
En substance, elle conclut principalement à la réforme du jugement entrepris
en ce sens qu'une rente entière lui soit allouée dès le 1er octobre 1999, et
subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance judiciaire cantonale pour
instruction complémentaire et nouveau jugement, le tout sous suite de dépens.

L'office intimé conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 D'après la jurisprudence, la législation applicable en cas de changement
de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de
l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences
juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits sur
lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se prononcer
dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif étant par
ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision
administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b).

1.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et a
entraîné la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Compte tenu de la date de la décision administrative
litigieuse, ces modifications ne sont pas applicables en l'espèce. De même,
la modification du 21 mars 2003 de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité
(4ème révision de l'AI), entrée en vigueur le 1er janvier 2004, n'est pas
applicable dans le cadre de la présente procédure.

2.
Le jugement entrepris expose les dispositions légales et la jurisprudence
pertinentes, relatives à la notion d'invalidité, à l'échelonnement des rentes
selon le taux d'invalidité et à la manière de déterminer ce taux. Il convient
donc d'y renvoyer sur ces points.

3.
L'office AI et la juridiction cantonale ont reconnu à la recourante une
incapacité de travail de 50 % en raison d'atteintes à sa santé physique. Eu
égard notamment au rapport du 9 août 1999 du docteur O.________, il n'y a pas
lieu de revenir sur cette constatation, au demeurant non contestée par la
recourante.
Cela étant, C.________ soutient qu'à ses atteintes à la santé physique
s'ajoutent des troubles somatoformes douloureux, de sorte qu'elle serait
totalement incapable de travailler. A cet égard, les premiers juges se
seraient fondés à tort sur les rapports des 9 mars 2000 et 28 juin 2001 du
docteur H.________, en négligeant les autres avis médicaux figurant au
dossier.

4.
4.1
4.1.1Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les
atteintes à la santé physique, provoquer une invalidité au sens de l'art. 4
al. 1 LAI, on doit mentionner - à part les maladies mentales proprement dites
- les anomalies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas
comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des
affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de
la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne
volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi
objectivement que possible (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid. 2b et les
références; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

4.1.2 Selon la jurisprudence, des troubles somatoformes douloureux peuvent,
dans certaines circonstances, conduire à une incapacité de travail (ATF 120 V
119 consid. 2c/cc; RAMA 1996 no U 256 p. 217 ss consid. 5 et 6). De tels
troubles entrent dans la catégorie des affections psychiques, pour lesquelles
une expertise psychiatrique est en principe nécessaire quand il s'agit de se
prononcer sur l'incapacité de travail qu'ils sont susceptibles d'entraîner
(VSI 2000 p. 160 consid. 4b; arrêt N. du 12 mars 2004, destiné à la
publication, I 683/03, consid. 2.2.2 et les arrêts cités). Compte tenu des
difficultés, en matière de preuve, à établir l'existence de douleurs, les
simples plaintes subjectives de l'assuré ne suffisent pas pour justifier une
invalidité (entière ou partielle). Dans le cadre de l'examen du droit aux
prestations de l'assurance sociale, l'allégation des douleurs doit être
confirmée par des observations médicales concluantes, à défaut de quoi une
appréciation de ce droit aux prestations ne peut être assurée de manière
conforme à l'égalité de traitement des assurés (arrêt N. précité, consid.
2.2.2; arrêt B. du 18 mai 2004, prévu pour la publication, I 457/02, consid.
5.3.1).
4.1.3 Un rapport d'expertise attestant la présence d'une atteinte psychique
ayant valeur de maladie - tels des troubles somatoformes douloureux - est une
condition juridique nécessaire, mais ne constitue pas encore une base
suffisante pour que l'on puisse admettre une limitation de la capacité de
travail susceptible d'entraîner une invalidité (arrêt N. précité, consid.
2.2.3; Ulrich Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und
seine Bedeutung in der Sozialversicherung, namentlich für den
Einkommensvergleich in der Invaliditätsbemessung, in : René
Schauffhauser/Franz Schlauri (éd.), Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, St. Gall
2003, p. 64 sv., et note 93). En effet, selon la jurisprudence, les troubles
somatoformes douloureux persistants n'entraînent pas, en règle générale, une
limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une
invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI (voir sur ce point Meyer-Blaser, op.
cit., p. 76 ss, spéc. p. 81 sv.). Une exception à ce principe est admise dans
les seuls cas où, selon l'estimation du médecin, les troubles somatoformes
douloureux se manifestent avec une telle sévérité que, d'un point de vue
objectif, la mise en valeur de sa capacité de travail ne peut, pratiquement,
- sous réserve des cas de simulation ou d'exagération (SVR 2003 IV no 1 p. 2
consid. 3b/bb; voir aussi Meyer-Blaser, op. cit. p. 83, spéc. 87 sv.) - plus
raisonnablement être exigée de l'assuré, ou qu'elle serait même insupportable
pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 sv. consid. 2b et les
références; arrêt N. précité, consid. 2.2.3 et les arrêts cités; voir
également ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

Admissible seulement dans des cas exceptionnels, le caractère non exigible
d'un effort de volonté en vue de surmonter la douleur et de la réintégration
dans un processus de travail suppose, dans chaque cas, soit la présence
manifeste d'une comorbité psychiatrique d'une acuité et d'une durée
importantes, soit le cumul d'autres critères présentant une certaine
intensité et constance. Ce sera le cas en particulier (1) des affections
corporelles chroniques ou d'un processus maladif s'étendant sur plusieurs
années sans rémission durable, (2) d'une perte d'intégration sociale dans
toutes les manifestations de la vie, (3) d'un état psychique cristallisé,
sans évolution possible au plan thérapeutique, marquant simultanément l'échec
et la libération du processus de résolution du conflit psychique (profit
primaire tiré de la maladie), ou enfin (4) de l'échec de traitements
ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art et de mesures de
réhabilitation, cela en dépit de la motivation et des efforts de la personne
assurée pour surmonter les effets des troubles somatoformes douloureux (VSI
2000 p. 155 consid. 2c; arrêt N. précité, consid. 2.2.3 in fine; voir
également arrêt B. précité, consid. 7.4, ainsi que Meyer-Blaser, op. cit. p.
76 ss, spéc. 80 ss).

4.1.4 Dans le cadre de la libre appréciation dont ils disposent (art. 40 PCF
en liaison avec l'art. 19 PA; art. 95 al. 2 en liaison avec les 113 et 132
OJ; VSI 2001 p. 108 consid. 3a), l'administration et le juge (en cas de
litige) ne sauraient ni ignorer les constatations de fait des médecins, ni
faire leurs les estimations et conclusions médicales relatives à la capacité
(résiduelle) de travail, sans procéder à un examen préalable de leur
pertinence du point de vue du droit des assurances sociales. Cela s'impose en
particulier lorsque l'expert atteste une limitation de la capacité de travail
fondée uniquement sur le diagnostic de troubles somatoformes douloureux. Dans
un tel cas, il appartient aux autorités administratives et judiciaires
d'examiner avec tout le soin nécessaire si l'estimation médicale de
l'incapacité de travail prend en considération également des éléments
étrangers à l'invalidité (en particulier des facteurs psychosociaux et
socio-culturels) qui ne sont pas pertinents du point de vue des assurances
sociales (ATF 127 V 299 consid. 5a; VSI 2000 p. 149 consid. 3), ou si la
limitation (partielle ou totale) de la capacité de travail est justifiée par
les critères juridiques déterminants énumérés ci-dessus, considérés
globalement (cf. arrêt N. précité, consid. 2.2.5; arrêt B. précité, consid.
7.4 in fine).

4.2 Parmi les médecins à l'avis desquels se réfère la recourante, les
docteurs D.________ et L.________ sont les seuls psychiatres à avoir attesté
une incapacité de travail en raison de troubles somatoformes douloureux. Ils
ne font toutefois pas état de comorbidité psychiatrique grave, mais
mentionnent tout au plus un état anxio-dépressif diagnostiqué en 1999 par le
docteur G.________. Par ailleurs, si les médecins prénommés indiquent que les
douleurs sont au centre du tableau clinique présenté par l'assurée et sont à
l'origine d'une souffrance significative ainsi que d'une altération du
fonctionnement professionnel et social, leur analyse quand à ce dernier point
ne trouve appui ni sur l'anamnèse sommaire établie par leurs soins, ni sur
celle rédigée par le docteur H.________. Dans cette mesure, et compte tenu
notamment de relations familiales demeurées intactes, on ne saurait parler de
véritable perte d'intégration sociale. Cela étant, si l'assurée souffre
effectivement de douleurs chroniques en raison d'atteintes à sa santé
physique, sur lesquelles elle est partiellement fixée, il n'apparaît pas que
les troubles somatoformes douloureux allégués soient susceptibles, le cas
échéant, d'entraîner une incapacité de travail supérieure à celle déjà
retenue par la juridiction cantonale et l'intimé eu égard aux atteintes à sa
santé physique.

Les autres rapports médicaux auxquels se réfère la recourante ne permettent
pas davantage de tenir pour établie l'incapacité de travail  alléguée par le
recourante en raison de troubles psychiques, dès lors qu'ils n'attestent
généralement pas d'incapacité de travail, ou qu'ils n'émanent pas de
spécialistes en la matière et se limitent à attester une incapacité de
travail totale en raison de troubles somatoformes douloureux, sans ajouter de
réelle motivation à ce diagnostic.

5.
Vu ce qui précède, le recours est mal fondé, de sorte que la recourante ne
peut prétendre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). La procédure est par ailleurs
gratuite, dès lors qu'elle porte sur l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 18 juin 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   Le Greffier: