Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 96/2003
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H 96/03
H 98/03
H 99/03
H 103/03

Arrêt du 30 novembre 2004
Ire Chambre

MM. et Mmes les Juges Borella, Président, Leuzinger, Widmer, Ursprung et
Frésard. Greffier : M. Métral

A.________, recourante, représentée par Me Jean-Marie Allimann, avocat, rue
de la Justice 1, 2800 Delémont,
D.________, recourant, représenté par Me Jean-Marc Christe, avocat,
Marché-aux-Chevaux 5, 2800 Delémont,
B.________, recourant, représenté par Me Michel Voirol, avocat, rue des
Moulins 9, 2800 Delémont,
C.________, recourante, représentée par Me Christine Gossin, avocate, chemin
de la Nant 1, 2740 Moutier,
contre
Caisse de compensation de la société suisse des entrepreneurs, Sumatrastrasse
15, 8006 Zürich, intimée,

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances,
Porrentruy
(Jugement du 6 février 2003)

Faits:

A.
Par décisions du 15 janvier 1998, la Caisse de compensation de la Société
suisse des entrepreneurs (ci-après : la caisse) a réclamé à A.________,
B.________, C.________ et D.________ le paiement d'un montant de 535'934 fr.
60 à titre de réparation du dommage résultant du non-paiement de cotisations
sociales par la société X.________ SA, dont ils étaient administrateurs. La
société, auparavant appelée Y.________ SA, avait été déclarée en faillite le
20 février 1997 et liquidée en procédure sommaire. Les administrateurs
prénommés ont tous formé opposition à la décision de réparation du dommage
qui leur a été notifiée.

B.
Par actes du 6 mars 1998, la Caisse a ouvert une action contre chacun d'entre
eux devant le Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, en
concluant au paiement d'un montant de 432'730 fr. 25, solidairement entre les
défendeurs. Par ordonnance du 6 avril 1998, le juge délégué à l'instruction
des causes a suspendu les procédures jusqu'à droit connu sur l'issue d'un
procès pénal instruit contre les défendeurs pour détournement de cotisations
sociales. Il a ordonné la reprise de la procédure et la jonction des causes
par décision du 19 mai 2000, après que les quatre prévenus eurent été
acquittés sur le plan pénal.

Par jugement du 6 février 2003, le Tribunal cantonal de la République et
canton du Jura a admis les prétentions de la caisse et condamné A.________,
B.________, C.________ et D.________ au paiement de 432'730 fr. 25,
solidairement entre eux.

C.
Les prénommés interjettent chacun un recours de droit administratif contre ce
jugement, dont ils demandent l'annulation, sous suite de frais et dépens. A
titre subsidiaire, D.________ (cause H 98/03) conclut au renvoi de la cause
au tribunal cantonal pour qu'il statue à nouveau. L'intimée conclut au rejet
des recours, alors que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à
se déterminer.

Par décisions incidentes du 16 décembre 2003, le Tribunal fédéral des
assurances a partiellement admis les requêtes d'assistance judiciaire
déposées par A.________ (cause H 96/03) et B.________ (cause H 99/03), en ce
sens qu'ils ont été dispensés de payer les frais de justice en cas de perte
du procès. Par décision incidente du même jour, il a admis la requête
d'assistance judiciaire déposée par C.________ (cause H 103/03), qu'il a
libérée de l'obligation de payer les frais de justice en cas de perte du
procès et pour la défense de laquelle il a commis d'office Me Gossin.

Les recourants ont pu présenter leurs observations sur les mémoires de
recours et les réponses de l'intimée dans chacune des causes.

Considérant en droit:

1.
Les recours de droit administratif concernent des faits de même nature,
portent sur des questions juridiques communes et sont dirigés contre le même
jugement, de sorte qu'il se justifie de joindre les causes et de les liquider
dans un seul arrêt (ATF 128 V 126 consid. 1 et les références; cf. aussi ATF
128 V 194 consid. 1).

2.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

3.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003. Les
nouvelles dispositions légales ont notamment remplacé la procédure de la
décision administrative, suivie, en cas d'opposition, d'une action de la
caisse en réparation du dommage (ancien art. 81 RAVS), par une procédure de
décision, de décision sur opposition et de recours de droit administratif
(art. 52 al. 2 LAVS, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2003,
art. 52 et 56 LPGA). La procédure de l'action en réparation du dommage était
toutefois applicable en l'espèce, dès lors que la LPGA n'était pas encore en
vigueur au moment où la caisse a ouvert une telle action contre A.________,
D.________, B.________ et C.________ (cf. ATF 130 V 1).

4.
Selon l'art. 52 LAVS, tel qu'en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002,
l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas
des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation, est
tenu à réparation. Si l'organe est une personne morale, la responsabilité
peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATF
123 V 15 consid. 5b, 122 V 66 consid. 4a, 119 V 405 consid. 2 et les
références). Ces principes demeurent applicables en l'espèce, dès lors que
selon la jurisprudence, en cas de changement de règles de droit et en
l'absence de réglementation transitoire, le droit en vigueur au moment où les
faits juridiquement déterminants se sont produits est pertinent (ATF 127 V
467 consid. 1). Au demeurant, l'art. 52 al. 1 LAVS en vigueur depuis le 1er
janvier 2003 reprend l'ancien art. 52 LAVS quasiment sans modification. Les
termes «caisse de compensation» sont remplacés par «assurance» (en allemand :
remplacement de «Ausgleichkasse» par «Versicherung»; en italien : suppression
de «cassa di compensazione»), sans que cela entraîne un changement quant aux
conditions de la responsabilité de l'employeur (cf. ATF 129 V 13 sv. consid.
3.5).

5.
L'ancien art. 82 RAVS, qui régissait les effets du temps sur une créance en
réparation du dommage, a été abrogé à la suite de l'entrée en vigueur de la
LPGA, le 1er janvier 2003. La question est désormais réglée par l'art. 52 al.
3 LAVS.

Les recourants se réfèrent à l'ancienne disposition réglementaire, mais
certains d'entre eux demandent également l'application, à titre subsidiaire,
de l'art. 52 al. 3 LAVS. Tous font valoir que la caisse n'a pas agi
suffisamment tôt dès la connaissance du dommage qu'elle subissait dans la
faillite de X.________ SA, de sorte que ses prétentions étaient prescrites ou
périmées avant même la notification d'une décision de réparation du dommage.
Certains recourants ajoutent que la juridiction cantonale a suspendu la
procédure pendant plus de deux ans pour attendre l'issue du procès pénal, ce
qui, d'après eux, aurait quoi qu'il en soit entraîné la prescription de la
créance de la caisse en cours d'instance.

5.1
5.1.1Selon l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, le droit de demander la réparation du
dommage se prescrit lorsque la caisse de compensation ne le fait pas valoir
par une décision de réparation dans l'année après qu'elle a eu connaissance
du dommage, et, en tout cas, à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter
du fait dommageable. Il s'agit de délais de péremption, en ce sens que la
caisse de compensation est déchue du droit d'exiger la réparation du dommage
si elle n'a pas agi dans les délais requis (cf. ATF 128 V 12 consid. 5a, 17
consid. 2a, 126 V 451 consid. 2a, 121 III 388 consid. 3b et les références;
cf. également Andrea Braconi, Prescription et péremption dans l'assurance
sociale, in : Droit privé et assurances sociales, Fribourg 1990, p. 223 et
227 ss). Si elle a rendu une décision de réparation du dommage dans ces
délais et, en cas d'opposition, ouvert une action dans les 30 jours à compter
du moment où elle a eu connaissance de l'opposition (ancien art. 81 al. 3
RAVS), ses droits sont sauvegardés pour toute la durée de la procédure,
jusqu'à ce que la décision entre en force ou qu'un jugement définitif soit
rendu (RCC 1991 p. 136 consid. 2c; arrêt non publié B. du 8 janvier 1990 [H
102/88] consid. 2c).

5.1.2 L'art. 52 al. 3 LAVS, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier
2003, prévoit que le droit à réparation est prescrit («verjährt»; «si
prescrive») deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu
connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance
du dommage. Ces délais peuvent être interrompus et l'employeur peut renoncer
à s'en prévaloir. Il s'agit de délais de prescription, non de péremption,
comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (FF
1994 V p. 964 sv., 1999 p. 4422).

5.2
5.2.1La LPGA ne prévoit pas de disposition transitoire relative aux délais de
péremption et de prescription prévus par l'ancien art. 82 RAVS et l'art. 52
al. 3 LAVS. En l'absence d'une telle disposition, on pourrait considérer
comme un état de fait durable la créance en réparation du dommage soumise à
prescription ou péremption, et lui appliquer la nouvelle réglementation dès
son entrée en vigueur (cf. ATF 107 Ib 203 sv. consid. 7b, 102 V 207 sv.
consid. 2; RDAF 1998 II p. 189 sv. consid. 7a; RDAT 1995 I n. 46 p. 115 sv.
consid. 3). La péremption ou la prescription sont cependant des institutions
de droit matériel qui concernent directement l'existence de la créance en
réparation du dommage, à laquelle elles sont donc étroitement liées. Ce lien
de connexité pourrait justifier de soumettre la naissance de la créance en
réparation du dommage et sa péremption ou prescription à un seul et même
régime de droit transitoire, ce qui conduirait en l'occurrence à
l'application de l'ancien art. 82 RAVS exclusivement (consid. 4 supra; cf.
ATF 126 II 2 sv. consid. 2a; RDAF 2002 II p. 94 consid. 5b).

Il n'y a pas lieu de trancher cette question dans le cadre de la présente
procédure. De même n'est-il pas nécessaire d'examiner si, comme le
soutiennent certains recourants, une créance en réparation du dommage est
susceptible de prescription au sens de l'art. 52 al. 3 LAVS alors même
qu'elle fait l'objet d'une procédure judiciaire en cours. En effet, le délai
de deux ans prévus par cette disposition ne commencerait à courir, le cas
échéant, qu'à partir de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, le
1er janvier 2003, et pour autant que la créance ne soit pas déjà périmée à
cette date conformément à l'ancien art. 82 al. 1 RAVS (ATF 107 Ib 203 sv.
consid. 7b, 102 V 207 sv. consid. 2; RDAF 1998 II p. 189 sv. consid. 7a, RDAT
1995 I n. 46 p. 115 sv. consid. 3). Les recourants ne sauraient donc se
prévaloir du délai fixé par l'art. 52 al. 3 LAVS, moins de deux ans après son
entrée en vigueur.

5.2.2 B.________ demande que soit révisée la jurisprudence d'après laquelle
les délais prévus par l'ancien art. 82 al. 1 RAVS sont des délais de
péremption, non de prescription. Le recourant passe toutefois sous silence
les motifs pour lesquels cette jurisprudence a été adoptée (cf. ATF 112 V 7
sv. consid. 4c) et se réfère pour l'essentiel à l'Avis approfondi du Conseil
fédéral du 17 août 1997 [FF 1994 V 964 sv.]. Or, si «la nouveauté du texte»
de l'art. 52 al. 3 LAVS, pour reprendre les termes du Conseil fédéral, permet
effectivement de retenir que cette disposition fixe désormais d'authentiques
délais de prescription, elle est dépourvue de pertinence pour
l'interprétation de l'ancien art. 82 RAVS. Il n'y a donc pas lieu de revenir
sur la jurisprudence contestée par le recourant.

5.3
5.3.1Le dommage au sens de l'ancien art. 52 LAVS survient dès que l'on doit
admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des
motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 195 consid. 2.2, 126 V 444 consid.
3a, 121 III 384 consid. 3bb, 388 consid. 3a). Tel sera le cas lorsque des
cotisations sont frappées de péremption, ou en cas de faillite, en raison de
l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure
ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être
survenu au moment de l'avènement de la péremption ou le jour de la faillite;
ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et
la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans de l'ancien art. 82 al.
1 in fine RAVS (ATF 129 V 195 consid. 2.2, 123 V 16 consid. 5c). En ce qui
concerne le moment de la connaissance du dommage en cas de faillite, en
revanche, la jurisprudence retient généralement celui du dépôt de l'état de
collocation, ou celui de la publication de la liquidation de la faillite
faute d'actifs (ATF 129 V 195 sv. consid. 2.3).
5.3.2 En l'occurrence, le point de savoir quand exactement la caisse a eu
connaissance du dommage ne revêt pas un caractère déterminant. Ce moment ne
peut en effet pas être antérieur à celui de la survenance même du dommage, à
savoir le prononcé de la faillite de X.________ SA en février 1997. En
rendant les décisions de réparation du dommage du 15 janvier 1998, la caisse
a donc valablement sauvegardé le délai d'une année dès la connaissance du
dommage prévu par l'art. 82 al. 1 RAVS, sans qu'il soit nécessaire de
déterminer quand il a précisément commencé à courir. Elle a également
sauvegardé le délai de cinq ans dès la survenance du dommage subi dans la
faillite de X.________ SA, soit, en l'occurrence, dès le 20 février 1997. Par
ailleurs, comme on le verra (consid. 7.2 ci-après), aucun dommage n'était
survenu avant cette date en raison de la péremption du droit de percevoir des
cotisations. La question de la déchéance du droit d'exiger la réparation d'un
tel dommage ne se pose donc pas.

6.
La juridiction cantonale a retenu que A.________, C.________, B.________ et
D.________ étaient membres du conseil d'administration de X.________ SA du 23
décembre 1993 au prononcé de la faillite de la société. Pendant cette
période, la société a privilégié certains créanciers au détriment de la
caisse, notamment en payant d'avance certains fournisseurs, de manière à
pouvoir poursuivre son activité malgré ses difficultés financières. Ses
difficultés dataient de 1991, de sorte qu'elle était surendettée au terme des
exercices 1992, 1993 et 1994. Les administrateurs recherchés en
responsabilité connaissaient ces difficultés et le fait que les cotisations
sociales n'étaient pas acquittées régulièrement. Lors de la faillite de
X.________ SA, la caisse a subi un dommage correspondant à l'arriéré de
cotisations dues par la société pour la période précédant le 1er janvier 1994
(X.________ SA s'appelait alors Y.________ SA), pour un montant de 84 778 fr.
25 (avec intérêts et frais), ainsi qu'à l'arriéré de cotisations pour la
période du 1er janvier 1994 au prononcé de la faillite, pour un montant de
407 300 fr. (avec intérêts et frais, et compte tenu d'un montant de 1684 fr.
70 versé par la Caisse publique d'assurance-chômage le 30 janvier 1998, mais
sans les cotisations fixées dans des décisions postérieures à l'ouverture de
la faillite).

7.
7.1 Les recourants font valoir une constatation manifestement inexacte des
faits, en ce qui concerne notamment le montant du dommage. A cet égard, les
premiers juges auraient purement et simplement admis les allégués de la
caisse, sans que ceux-ci fussent établis. Les recourants ajoutent, en
substance, que les cotisations relatives à la période antérieure au 1er
janvier 1994 ne faisaient pas partie du dommage subi dans la faillite de
X.________ SA et dont ils pourraient être responsables à supposer qu'une
faute soit retenue : d'une part, selon certains d'entre eux, le droit de
percevoir ces cotisations était périmé, au plus tard le 31 décembre 1996,
conformément à l'art. 16 al. 2 LAVS (dans sa teneur en vigueur jusqu'à cette
date [RO 1954 219]), soit bien antérieurement à la déclaration de faillite;
d'autre part, plusieurs recourants soutiennent qu'ils n'auraient de toute
façon pas à répondre du dommage correspondant à cet arriéré de cotisations,
dès lors qu'ils n'étaient pas administrateurs pendant la période en cause.

7.2
7.2.1L'ancien art. 16 al. 2 LAVS prévoit que la créance de cotisation, fixée
par décision notifiée conformément au 1er alinéa, s'éteint trois ans après la
fin de l'année civile au cours de laquelle la décision est passée en force.
Cette disposition a été modifiée et le délai de péremption a été porté à cinq
ans par la loi fédérale du 7 octobre 1994 (10e révision de l'AVS), entrée en
vigueur le 1er janvier 1997. Selon les dispositions transitoires de cette loi
(lettre b al. 2), le nouveau délai de cinq ans s'applique également aux
créances qui n'étaient pas déjà éteintes à l'entrée en vigueur de la
modification.

7.2.2 Selon le jugement entrepris, les plus anciennes cotisations impayées
par X.________ SA correspondent à un décompte établi le 12 janvier 1994, pour
l'année 1993. Ces cotisations n'ont donc pas été fixées par une décision
antérieure au 1er janvier 1994, de sorte que le droit d'en exiger le paiement
n'était pas périmé, ni lors de l'entrée en vigueur du nouvel art. 16 al. 2
LAVS, le 1er janvier 1997, ni lors de la déclaration de faillite du 20
février 1997.
Les recourants n'exposent pas en quoi le raisonnement de la juridiction
cantonale serait erroné ou reposerait sur des constatations manifestement
inexactes. Le décompte du 12 janvier 1994 rectifie le montant approximatif
des acomptes exigés pendant l'année 1993, conformément à l'art. 34 al. 3 RAVS
(tel qu'en vigueur jusqu'au 1er janvier 2001; RO 1965 1037), sur la base de
la feuille de contrôle établie le 6 janvier 1994 par X.________ SA. Ces
cotisations n'ont donc pas pu être fixées avant le 1er janvier 1994. Sur ce
point également, le recours est mal fondé.

7.3
7.3.1Selon la jurisprudence, celui qui entre dans le conseil d'administration
d'une société a le devoir de veiller tant au versement des cotisations
courantes qu'à l'acquittement des cotisations arriérées, pour une période
pendant laquelle il n'était pas encore administrateur. En règle générale, il
y a dans les deux cas un lien de causalité entre l'inaction de l'organe et le
non-paiement des cotisations, de sorte que l'administrateur répond
solidairement de tout le dommage subi par la caisse de compensation en cas de
faillite de la société (RCC 1992 p. 262, 268 sv. consid. 7b). Mais lorsque la
société est déjà surendettée au moment où l'administrateur est entré en
fonction, celui-ci ne peut être tenu pour responsable, au plus, que du
dommage résultant de l'augmentation de la dette de cotisations envers la
caisse jusqu'au moment de la faillite, les tentatives de redressement
financier de la société ayant échoué. Il n'y a plus lieu, en effet, de
retenir un lien de causalité entre les cotisations impayées, pour des
salaires versés avant son entrée dans le conseil d'administration, et le
dommage subi par la caisse (cf. ATF 119 V 405 ss consid. 4). Les intérêts
moratoires pour l'arriéré de cotisation, courus depuis l'entrée dans le
conseil d'administration, sont cependant inclus dans le dommage (cf. ATF 119
V 408, consid. 4d).

7.3.2 Vu le surendettement de X.________ SA en 1992, 1993 et 1994, selon les
constatations des premiers juges, les administrateurs entrés en fonctions le
23 décembre 1993 ne répondent, au plus, que du dommage résultant de
l'augmentation de la dette de cotisations envers la caisse depuis qu'ils en
assument l'administration. Le surendettement de X.________ SA a en effet
persisté pendant les exercices 1995 et 1996, comme cela ressort manifestement
des attestations de l'organe de révision H.________ SA et de la faillite
prononcée le 20 février 1997 (il convient, sur ce point, de compléter les
constatations insuffisantes des premiers juges). C'est dire que la société
n'a jamais retrouvé une santé financière qui aurait permis aux recourants de
régler l'arriéré de cotisations pour les salaires versés avant leur entrée
dans le conseil d'administration.

Pour autant que les autres conditions de la responsabilité soient admises
(cf. consid. 8 et 9 ci-après), il appartiendra donc à la juridiction
cantonale de déterminer quel était l'arriéré de cotisations au moment de
l'entrée en fonction des administrateurs concernés, pour des salaires versés
précédemment par X.________ SA (étant précisé d'emblée que cet arriéré était
supérieur à 84'778 fr. 25, vu la réquisition de poursuite du 6 octobre 1995
portant sur 122'601 fr., plus intérêts, pour des cotisations relatives à
l'année 1993 [cf. consid. 7d du jugement entrepris]). Il appartiendra ensuite
aux premiers juges de déterminer dans quelle mesure la dette envers la caisse
s'est accrue depuis lors. Les administrateurs ne répondent que de cet
accroissement.

7.3.3 La juridiction cantonale a retenu que A.________ était entrée au
conseil d'administration de X.________ SA en même temps que les autres
recourants. Il ressort toutefois d'un extrait de la Feuille officielle suisse
du commerce figurant au dossier (FOSC n. 12 du 18 janvier 1994) que la
prénommée exerçait la fonction de secrétaire du conseil d'administration
avant d'en devenir présidente, par décision de l'assemblée générale du 23
décembre 1993. Sur ce point également, il appartiendra aux premiers juges de
compléter leurs constatations et d'examiner dans quelle mesure A.________
encourt une responsabilité pour son activité au sein de la société avant
1994.

8.
D.________ et C.________ nient avoir rempli la fonction d'organe de
X.________ SA, admise par la juridiction cantonale. Ils font valoir qu'ils ne
disposaient pas de la signature sociale. C.________ précise qu'elle
n'occupait qu'une fonction d'employée de commerce salariée, sans réel pouvoir
au sein de la société, tandis que D.________ fait valoir qu'il travaillait
sur les chantiers et ne s'occupait que de l'aspect technique de la direction
des travaux, sans participer à la gestion administrative et financière.

Il ressort cependant des constatations de fait des premiers juges, dont les
prénommés ne démontrent pas qu'elles seraient manifestement inexactes sur ce
point, que chacun des administrateurs de X.________ SA participait à la prise
des décisions importantes au sein du conseil d'administration et savait que
les cotisations sociales n'étaient pas payées régulièrement. Formellement,
les deux recourants étaient en outre membres du conseil d'administration de
X.________ SA, avec les pouvoirs et les responsabilités qui y étaient liés.
Ils disposaient donc chacun d'une voix au sein de cet organe (art. 713 CO;
Böckli, Schweizer Aktienrecht, 3ème éd., Zurich, Bâle, Genève 2004, p. 1476,
ch. 127; Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizerisches Aktienrecht, Berne
1996, § 31 ch. 22), qui a notamment pour attribution intransmissible et
inaliénable d'exercer la haute direction de la société et d'établir les
instructions nécessaires (art. 716a al. 1 ch. 1 CO), ainsi que d'exercer la
haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion pour s'assurer
qu'elles observent la loi, les statuts, les règlements et les instructions
données (art. 716a al. 1 ch. 5 CO). Dans ce cadre, ils avaient le devoir, en
tant que membres du conseil d'administration, d'assister aux séances, de se
renseigner périodiquement sur la marche des affaires et de prendre les
mesures appropriées lorsqu'ils avaient connaissance d'irrégularités commises
dans la gestion de la société (cf. Böckli, op. cit., p. 1535, 1555, ch. 313,
377; Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, op. cit., § 30 ch. 49). C.________ et
D.________ ne peuvent donc s'exonérer de leur responsabilité aux motifs
qu'ils ne représentaient pas X.________ SA vis-à-vis de tiers ou qu'il ne
participaient pas à la gestion de cette société.

9.
9.1 A.________, D.________ et B.________ soutiennent que le Tribunal cantonal
jurassien était lié par le jugement pénal les libérant de toute faute. Ils
ajoutent avoir obtenu des crédits de la Banque Jurassienne d'Epargne et de
Crédit (ci-après : BJCE) contre une cession générale de créances, de sorte
qu'ils n'avaient plus le pouvoir de disposer des rentrées d'argent pour payer
les arriérés de cotisations sociales; ils n'y voient pas une faute, mais bien
plutôt une circonstance excluant leur responsabilité. A.________ et
D.________ ajoutent qu'ils ont eux-mêmes subi de lourdes pertes dans la
faillite, après avoir investi des fonds propres dans l'entreprise et consenti
à la postposition de leurs créances, ce qui démontre qu'ils étaient
convaincus de parvenir à redresser X.________ SA. Ils n'auraient donc pas
commis de négligence grave en ne s'assurant pas du paiement régulier, par
cette société, des cotisations dont elle était débitrice envers la caisse.

9.2 Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales n'est
pas lié par les constatations et l'appréciation du juge pénal quant à
l'évaluation de la faute commise, mais tout au plus, à certaines conditions,
par ses constatations de fait (cf. ATF 111 V 177 consid. 5a et les
références). En l'espèce, l'appréciation de la faute par le juge pénal
diffère de celle du juge des assurances sociales, mais pour l'essentiel, les
faits sur lesquels le Tribunal cantonal jurassien a fondé son appréciation ne
sont pas contredits par le jugement pénal. Certes, ce dernier retient,
contrairement au jugement entrepris, que les administrateurs de X.________ SA
pouvaient espérer être en mesure de payer ultérieurement aux caisses
concernées les arriérés de cotisations sociales. Mais même en admettant, par
hypothèse, cette appréciation, une négligence grave devrait être retenue : le
surendettement de la société pendant plus de quatre ans avant la déclaration
de faillite démontre qu'elle ne faisait pas face à un manque passager de
liquidités, mais à des difficultés beaucoup plus sérieuses nécessitant un
véritable assainissement. Dans ce contexte, poursuivre l'exploitation en
laissant s'accroître l'arriéré de cotisations sociales revenait à faire
supporter à la caisse, dans une large mesure, le risque du redressement
espéré, mais incertain, et constituait une négligence grave. Que les
administrateurs aient été intimement convaincus de leurs chances de réussite,
et qu'ils aient eux-mêmes subi des pertes dans la faillite de X.________ SA,
n'exclut pas une telle négligence. Quant à la cession générale de créances à
la BJEC, elle ne dégageait pas les recourants de leurs obligations
d'administrateurs. Le crédit obtenu a permis de prolonger l'activité de
X.________ SA, et donc l'augmentation de la dette de cotisations envers la
caisse. En y consentant, les recourants ont accepté cette situation et le
risque supplémentaire qu'ils faisaient courir à la caisse.

10.
Certains recourants invoquent une faute concomitante de la caisse, au motif
qu'elle n'a pas poursuivi sans délai et sans interruption X.________ SA en
vue d'encaisser les cotisations arriérées.

10.1 La jurisprudence admet l'application par analogie des art. 4 LRCF et 44
al. 1 CO, et la réduction de l'obligation de réparer le dommage au sens de
l'ancien art. 52 LAVS en raison d'une faute propre de la caisse de
compensation intéressée (ATF 122 V 185). Une telle faute peut être admise,
notamment, lorsque la caisse accorde un sursis au paiement de cotisations
sociales et n'en poursuit pas l'encaissement à temps, en violation de ses
obligations légales (cf. art. 63 al. 1 let. e LAVS, 38bis RAVS [dans sa
teneur applicable en l'espèce, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000; RO 1951
p. 396ss]). La violation de ces obligations doit être constitutive de
négligence grave et être en relation de causalité avec le dommage subi (ATF
122 V 189, consid. 3c).

10.2 Selon les constatations des premiers juges, la caisse a établi des plans
de paiement avec la société endettée, de mars 1994 à octobre 1995, et
introduit des poursuites lorsqu'elle s'est aperçue que ces plans n'étaient
pas respectés. Les premiers juges ont constaté, en particulier,
l'introduction de seize réquisitions de poursuite entre le 21 juin et le 15
novembre 1996, pour les cotisations sociales impayées d'octobre 1994 à août
1996, ainsi que d'une réquisition de vente, le 27 septembre 1996. Dans ces
circonstances, il n'y a pas lieu de retenir que la caisse aurait gravement
négligé son obligation d'exiger le paiement des cotisations et d'en
poursuivre l'encaissement, de sorte que la juridiction cantonale a nié a
juste titre une faute concomitante.

11.
Les recourants, qui obtiennent partiellement gain de cause, peuvent prétendre
une indemnité de dépens réduite à charge de l'intimée (art. 159 al. 1 OJ).
Par ailleurs, la procédure est onéreuse, dès lors qu'elle ne porte pas sur
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance (art. 134 OJ a contrario). Vu
le sort du litige, les frais de justice sont mis pour moitié à charge des
recourants, d'une part, et pour moitié à charge de l'intimée, d'autre part
(art. 156 OJ).

A. ________ et B.________ sont au bénéfice de l'assistance judiciaire,
limitée à la dispense de payer les frais judiciaires en cas de perte du
procès. Leur part des frais de justice sera donc assumée par la caisse du
tribunal. Cette dernière prendra également en charge la part des frais de
justice de C.________; elle versera par ailleurs un complément à l'indemnité
réduite de dépens en faveur de cette recourante, dont la mandataire a été
commise d'office. Il convient cependant d'attirer l'attention des recourants
bénéficiant de l'assistance judiciaire sur le fait qu'ils pourront être tenus
de rembourser la caisse du tribunal s'ils deviennent ultérieurement en mesure
de le faire (art. 152 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Les causes H 96/03, H 98/03, H 99/03 et H 103/03 sont jointes.

2.
Le recours est partiellement admis et le jugement du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, du 6 février 2003 est
annulé; l'affaire est renvoyée à la juridiction cantonale pour qu'elle
procède conformément aux considérants.

3.
Les frais de justice, consistant en un émolument de 16'000 fr., sont mis,
pour moitié (8'000 fr.) à la charge de la Caisse de compensation de la
société suisse des entrepreneurs, et pour un huitième chacun (2'000 fr.), à
la charge des recourants.

4.
La part de frais mise à la charge de C.________, B.________ et A.________,
soit 6'000 fr. au total, est supportée provisoirement par la caisse du
Tribunal fédéral des assurances.

5.
Les frais de justice à charge de D.________ sont couverts par l'avance de
frais de 9000 fr. qu'il a versée; la différence, d'un montant de 7'000 fr.,
lui est restituée.

6.
L'intimée versera à C.________, B.________, A.________ et D.________ la somme
de 2'000 fr. chacun (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens
pour l'instance fédérale.

7.
Une indemnité de dépens de 2'000 fr., supportée par la caisse du tribunal,
est allouée en plus à C.________, au titre de l'assistance judiciaire.

8.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 30 novembre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   Le Greffier: