Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 306/2003
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H 306/03

Arrêt du 28 mai 2004
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Rüedi, Ursprung et
Frésard. Greffière : Mme Moser-Szeless

S.________, recourant,

contre

Caisse suisse de compensation, 18, avenue Edmond-Vaucher, 1203 Genève,
intimée

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 2 octobre 2003)

Faits:

A.
Le 28 avril 2003, S.________, né le 15 janvier 1937, ressortissant français
et domicilié en France, a présenté une demande de rente de vieillesse, en
indiquant avoir travaillé quatre ans (de mars 1953 à mars 1957) en Suisse.

Par décision du 13 juin 2003, confirmée sur opposition du requérant le 31
juillet suivant, la Caisse suisse de compensation (ci-après: la caisse) a
rejeté la demande, au motif qu'il n'avait cotisé à l'AVS que durant six mois
au total.

B.
S.________ a recouru devant la Commission fédérale de recours en matière
d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger (ci-après: la commission)
qui l'a débouté par jugement du 2 octobre 2003.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il requiert implicitement l'annulation. Il demande que son dossier soit revu
faisant valoir qu'il avait travaillé en Suisse pendant au moins trois ans.

La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales (OFAS) a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente ordinaire de l'AVS,
singulièrement sur la durée de cotisations ouvrant un tel droit.

2.
2.1 Dès lors que le recourant, de nationalité française et domicilié en
France, fait valoir un droit à une rente de vieillesse suisse en raison de
son activité lucrative exercée en Suisse dans les années cinquante, il
convient d'examiner dans quelle mesure l'Accord du 21 juin 1999 entre la
Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats
membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (Accord sur la
libre circulation des personnes; ALCP; RS 0.142.112.681) s'applique au
présent cas. L'ALCP est entré en vigueur le 1er juin 2002, soit après
l'accomplissement par le recourant de l'âge ouvrant le droit à une rente de
vieillesse suisse (le 15 janvier 2002; art. 21 al. 1 LAVS), mais avant que la
décision litigieuse n'ait été rendue (le 31 juillet 2003).

Le cas échéant, le recourant serait soumis à l'ALCP et aux règlements
auxquels il renvoie du point de vue personnel - ressortissant d'un Etat
membre, S.________ doit être considéré comme un travailleur qui est ou a été
soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres (art. 2 par. 1 du
règlement n° 1408/71) - et du point de vue matériel - le règlement n° 1408/71
s'appliquant à toutes les législations relatives aux branches de sécurité
sociale qui concernent les prestations de vieillesse (art. 4 par. 1 let. c
dudit règlement).

2.2 Selon l'art. 1 par. 1 de l'Annexe II «Coordination des systèmes de
sécurité sociale» de l'accord, fondée sur l'art. 8 de l'accord et faisant
partie intégrante de celui-ci (art. 15 de l'accord), en relation avec la
section A de cette annexe, les Parties contractantes appliquent entre elles
en particulier le Règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971
relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs
salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se
déplacent à l'intérieur de la Communauté (règlement n° 1408/71), ainsi que le
Règlement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités
d'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux
travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à
l'intérieur de la Communauté (règlement n° 574/72), ou des règles
équivalentes. L'art. 153a let. a LAVS, entré en vigueur le 1er juin 2002,
renvoie à ces deux règlements de coordination.

2.3 Les dispositions transitoires pour les travailleurs salariés, prévues à
l'art. 94 du règlement n° 1408/71, posent le principe selon lequel ledit
règlement ne crée aucun droit à la rente pour une période antérieure à sa
mise en application dans l'Etat concerné (art. 94 par. 1; voir ATF 128 V 317
consid. 1b/aa). Elles ne résolvent pas la question de savoir si une
prétention née en raison d'un événement survenu avant l'entrée en vigueur de
ce règlement dans l'Etat intéressé, mais sur laquelle l'administration ne
s'est prononcée qu'après ce moment, est réglée selon le droit communautaire,
respectivement conventionnel, ou si doivent être appliquées les normes en
vigueur jusqu'à cette date (arrêt E. du 12 mars 2004, H 14/03, prévu pour la
publication, consid. 4.2.1 et les références).

En revanche, selon l'art. 118 par. 1 du règlement n° 574/72, «lorsque la date
de la réalisation du risque se situe (...) avant la date de mise en
application du règlement d'application sur le territoire de l'Etat membre
intéressé et que la demande de pension ou de rente n'a pas encore donné lieu
à liquidation avant cette date, cette demande entraîne, pour autant que des
prestations doivent être accordées au titre en question, pour une période
antérieure à cette dernière date, une double liquidation:
- a) pour la période antérieure à la date de mise en application du règlement
d'application sur le territoire de l'Etat membre intéressé, conformément
(...) aux conventions en vigueur entre les Etats membres en question;
- b) pour la période commençant (...) à la date de mise en application du
règlement d'application sur le territoire de l'Etat membre intéressé,
conformément au règlement.
Toutefois, si le montant calculé en application des dispositions visées au
point a) est plus élevé que celui calculé en application des dispositions
visées au point b), l'intéressé continue à bénéficier du montant calculé en
application des dispositions visées au point a).»

Conformément à cette disposition, il y a lieu d'examiner le droit éventuel du
recourant à une rente de vieillesse, d'une part, sous l'angle de la
Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République
française, du 3 juillet 1975 (RS 0.831.109.349.1; ci-après: la convention
franco-suisse; suspendue depuis le 1er juin 2002 conformément à l'art. 20
ALCP; [voir à ce sujet, ATF 130 V 59 consid. 2.2 et l'arrêt S. du 5 février
2004, H 37/03, consid. 6.2, prévu pour la publication]) - pour la période du
1er février (date de la naissance éventuelle du droit à la rente; art. 21 al.
2 LAVS) au 31 mai 2002, et d'autre part, sous l'angle de l'ALCP pour la
période à partir du 1er juin 2002.

3.
3.1 Tant la convention franco-suisse que l'ALCP contiennent des  règles
relatives à une période d'assurance inférieure à une année.

3.1.1 Selon l'art. 18 al. 2 de la convention franco-suisse, si, pour
l'ouverture du droit à une prestation selon la législation de l'un des Etats
contractants, une période minimale d'assurance d'une année est exigée,
l'institution compétente de cet Etat procède au calcul direct de la
prestation en fonction des seules périodes accomplies sous la législation
qu'elle applique. Aux termes de l'art. 19 de cette convention, lorsque les
périodes d'assurance accomplies sous la législation d'un des Etats sont
inférieures à un an, aucune prestation n'est due au titre de la législation
de cet Etat. Ces périodes sont néanmoins prises en considération pour
l'ouverture des droits par totalisation au regard de la législation de
l'autre Etat dans les termes de l'art. 18, à moins qu'il n'en résulte une
diminution de la prestation due au titre de la législation de cet Etat (art.
19 al. 2 de la convention franco-suisse).

3.1.2 Selon l'art. 48 par. 1 du règlement n° 1408/71, nonobstant l'art. 46
par. 2 (relatif à la liquidation des prestations lorsqu'il doit être fait
application de l'art. 45 dudit règlement [prise en compte des périodes
d'assurance ou de résidence accomplies dans un autre Etat membre] pour que
soient satisfaites les conditions requises par un Etat membre pour avoir
droit aux prestations), l'institution d'un Etat membre n'est pas tenue
d'accorder des prestations au titre de périodes accomplies sous la
législation qu'elle applique et qui sont à prendre en considération au moment
de la réalisation du risque si la durée totale desdites périodes n'atteint
pas une année et compte tenu de ces seules périodes, aucun droit aux
prestations n'est acquis en vertu de cette législation.

Cette disposition décharge l'institution compétente d'un Etat membre de son
obligation de reconnaître le droit à une pension de retraite lorsque la durée
des périodes de cotisation accomplies sous la législation de cet Etat est
inférieure à un an ou lorsqu'aucune cotisation n'a été versée (arrêt de la
Cour de justice des Communautés européennes [CJCE] du 20 février 1997,
Martinez Losada e.a, C-88/95, C-102/95 et C-103/95, Rec. p. I-869, point 11;
sur le rôle de la jurisprudence de la CJCE pour les tribunaux suisses, cf.
art. 16 ALCP). L'art. 48 du règlement n° 1408/71 n'est toutefois pas
applicable lorsque le droit aux prestations du travailleur migrant ou de ses
survivants dérive déjà des seules dispositions de la législation de l'Etat
membre en cause (arrêt de la CJCE du 20 novembre 1975, Borella, 49/75, Rec.
p. 1461). Même en cas de période d'assurance ou de résidence inférieure à
douze mois, l'institution n'est ainsi libérée de son devoir d'accorder des
prestations, que lorsque celle-ci ne suffit pas, conformément à la
législation de l'Etat membre concerné, à fonder un droit autonome
(c'est-à-dire sans prendre en considération des périodes accomplies dans
d'autres Etats membres selon l'art. 45 du règlement n° 1408/71) aux
prestations (Rolf Schuler in: Maximilian Fuchs (éd.), Kommentar zum
Europäisches Sozialrecht, 3ème éd., Baden-Baden 2002, ad art. 48 p. 382 n°
7).

Conformément à l'art. 48 par. 2 du règlement n° 1408/71, l'institution
compétente de chacun des autres Etats membres concernés prend en compte les
périodes visées au par. 1, pour l'application de l'art. 46 par. 2, à
l'exception du point b). Au cas où l'application du par. 1 aurait pour effet
de décharger de leurs obligations toutes les institutions des Etats membres
concernés, les prestations sont accordées exclusivement au titre de la
législation du dernier de ces Etats dont les conditions se trouvent
satisfaites comme si toutes les périodes d'assurance et de résidence
accomplies et prises en compte conformément à l'art. 45 par. 1 à 4 avaient
été accomplies sous la législation de cet Etat (art. 48 par. 3 du règlement
n° 1408/71). Cette disposition a pour but d'éviter qu'une personne qui a
exercé son droit de libre circulation, mais n'a pas été assurée une année au
moins dans aucun Etat membre ne perde le bénéfice des périodes d'assurance
accomplies à l'étranger (Alessandra Prinz, Les effets de l'Accord sur les
prestations AVS et AI, in: Les effets des Accords bilatéraux avec l'Union
européenne sur les assurances sociales suisses, Sécurité sociale, CHSS
2/2002, p. 81).

3.2 Le jugement entrepris expose de manière exacte les dispositions légales
et réglementaires du droit suisse régissant l'octroi d'une rente ordinaire de
vieillesse (art. 29 al. 1 LAVS; art. 50 RAVS dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002 [entrée en vigueur de la loi fédérale sur la partie
générale du droit des assurances sociales, LPGA, au 1er janvier 2003]
applicable en l'espèce [ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b]), de
sorte qu'on peut y renvoyer.

4.
Nonobstant les recherches effectuées par l'intimée, aucun versement de
cotisations AVS n'a pu être établi au nom du recourant en dehors des
cotisations versées en 1956 et 1957 pour l'activité exercée auprès de la
boulangerie-pâtisserie Z.________ à Bâle, dont la durée est inférieure à une
année (cf. extrait du compte individuel). Le recourant ne peut dès lors
prétendre une rente de vieillesse que par le biais d'une rectification du
compte individuel.

4.1 Aux termes de l'art. 141 al. 3 RAVS, pour le cas où il n'a pas été
demandé d'extrait de compte, la caisse ne peut, lors de la réalisation du
risque assuré, créditer un compte individuel d'une inscription de cotisations
que si l'inexactitude de l'absence d'une telle inscription est «manifeste» ou
«pleinement» prouvée.

En vertu de l'art. 30ter al. 2 LAVS, les revenus de l'activité lucrative
obtenus par un salarié et sur lesquels l'employeur a retenu les cotisations
légales sont inscrits au compte individuel de l'intéressé, même si
l'employeur n'a pas versé les cotisations en question à la caisse de
compensation. Cela vaut également lorsque le salarié et l'employeur ont
conclu une convention de salaire net, c'est-à-dire lorsque l'employeur prend
en charge la totalité des cotisations sociales à sa charge. Il n'y a matière
à rectification que si la preuve absolue est rapportée (cf. ATF 117 V 265
consid. 3d) qu'un employeur a effectivement retenu des cotisations AVS sur
les revenus versés ou qu'une convention de salaire net a été fixée entre cet
employeur et le salarié; établir l'exercice d'une activité lucrative salariée
n'y suffit pas.

4.2 En l'espèce, le recourant a produit plusieurs documents démontrant qu'il
a effectué un apprentissage de boulanger-pâtissier auprès de la
boulangerie-pâtisserie A.________ à Bâle, du 14 février 1953 au 14 août 1955.
Si ces pièces sont certes de nature à prouver que le recourant a bel et bien
travaillé comme apprenti en Suisse durant plus de deux ans, elles
n'établissent toutefois pas que son maître d'apprentissage a retenu des
cotisations AVS sur les revenus qu'il allègue avoir obtenus à cette époque.
En effet, les attestations produites ne contiennent aucune inscription
relative au versement d'un salaire, ni à une déduction du salaire à ce titre.
Par ailleurs, le recourant ne prétend pas qu'une convention de salaire net
aurait été conclue avec son ancien employeur. Dès lors, les documents versés
à la procédure ne sauraient suffire au regard des exigences de preuve posées
par l'art. 141 al. 3 RAVS et la jurisprudence y relative, pour établir
l'existence de cotisations AVS durant la période litigieuse, cela d'autant
moins que la caisse a procédé aux recherches nécessaires auprès de la caisse
de compensation compétente, toutefois sans succès. Pour le surplus, le
certificat de travail signé par Z.________, relatif à l'activité exercée par
le recourant du 12 octobre 1956 au 28 février 1957, se rapporte à une période
pour laquelle le versement des cotisations est enregistré sur son compte
individuel.

4.3 En conséquence, seule la période de cotisations pendant laquelle le
recourant a travaillé auprès de la boulangerie-pâtisserie Z.________ est
déterminante. Selon la jurisprudence, les périodes de cotisations des années
1946 à 1968 doivent être fixées exclusivement selon les tables AVS/AI pour la
détermination de la durée présumable de cotisation des années 1948-1968
publiées à l'appendice IX des Directives concernant les rentes (DR) de
l'assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale de l'OFAS (ATF 107
V 16 consid. 3b; RDAT 1999 II n° 64 p. 239). Au regard des revenus obtenus
par le recourant selon l'extrait du compte individuel et de la table 20
(industrie et métiers de l'alimentation) applicables en l'espèce, on constate
que celui-ci ne peut se prévaloir que d'une durée de cotisations de quatre
mois au total (deux mois en 1956 et deux mois en 1957) - et non pas de six
mois comme retenu par l'intimée dans la décision litigieuse. Le recourant ne
remplit donc pas la condition minimale d'assurance d'une année prévue par
l'art. 29 al. 1 LAVS en relation avec l'art. 50 RAVS, laquelle doit être
nécessairement remplie pour l'ouverture du droit à une rente ordinaire de
vieillesse. L'intimée était dès lors en droit, tant en application de l'art.
19 de la convention franco-suisse que de l'art. 48 du règlement n° 1408/71,
de refuser toute prestation de l'AVS au recourant. Partant, le jugement
entrepris n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.

5.
Conformément au chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris, le dossier
devra être retourné à l'intimée pour qu'elle mette en oeuvre la procédure
inter-étatique qui permettra aux autres Etats éventuellement concernés de
prendre en compte les périodes de cotisations effectuées en Suisse au sens
des art. 48 par. 2 et 3 du règlement n° 1408/71 (cf. Circulaire sur la
procédure pour la fixation des rentes dans l'AVS/AI [CIBIL], ch. 5004-5006).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission fédérale de
recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 mai 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   La Greffière: