Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 241/2003
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H 241/03

Arrêt du 8 septembre 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Frésard. Greffière : Mme
Moser-Szeless

P.________, recourante, représentée par
Me Alain-Valéry Poitry, avocat, rue Juste-Olivier 16, 1260 Nyon,

contre

Caisse AVS de la Fédération Patronale Vaudoise, route du Lac 2, 1094 Paudex,
intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 18 décembre 2002)

Faits:

A.
P.  ________ était administratrice unique de la société M.________ SA depuis
sa fondation en février 1981 jusqu'en novembre 1997. Le 18 décembre 2001, la
Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise (ci-après : la caisse) auprès
de laquelle était affiliée la société a notifié une décision en réparation du
dommage à la prénommée. Elle lui réclamait le paiement de 22'385 fr. 85
représentant le dommage résultant du non-versement par la société des
cotisations d'assurances sociales relatives au salaire de l'administratrice
pour les années 1994 et 1995.

Par courrier du 4 janvier 2002, contestant avoir eu l'intention d'agir au
détriment de la caisse, P.________ lui a demandé de pouvoir bénéficier d'un
plan de paiement échelonné, ce que la caisse a accepté en prévoyant le
paiement de la créance par tranches de 1000 fr. à partir du 31 janvier 2002
(lettre du 24 janvier 2002).

Après un entretien téléphonique du 5 février 2002 avec Me Alain-Valéry
Poitry, conseil de l'intéressée, la caisse lui a fait parvenir les Directives
sur la perception des cotisations portant sur la réparation du dommage
(courrier du 6 février 2002). Pour sa part, faisant référence à la «lettre
d'opposition» du 4 janvier précédent, l'avocat a contesté la demande en
réparation du dommage de la caisse par courrier du 6 février 2002, puis du 8
février suivant.

Le 4 mars 2002, la caisse a accusé réception de l'opposition formulée par
P.________ et l'a informée maintenir sa décision et saisir le Tribunal des
assurances du canton de Vaud.

B.
Le lendemain, la caisse a ouvert action devant ledit tribunal en lui
demandant de constater que P.________ était débitrice d'une somme de 22'385
fr. 55 à son égard. Retenant que la correspondance du 4 janvier 2002 n'était
pas une opposition valable et que l'écriture du 6 février 2002 était tardive,
le tribunal a, par jugement du 18 décembre 2002, déclaré la demande sans
objet, la décision de la caisse du 18 décembre 2001 entrée en force et la
cause rayée du rôle.

C.
P.  ________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement
dont
elle demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut,
principalement, au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour
instruction et nouveau jugement; à titre subsidiaire, elle demande que soit
réformée la décision du 18 décembre 2001 de la caisse, en ce sens que soit
constaté qu'elle n'est pas débitrice de celle-ci. A titre plus subsidiaire
encore, elle demande que le montant du dommage dû à la caisse soit réduit de
6111 fr. 65.

La caisse conclut implicitement au rejet du recours en se référant à la
procédure de première instance, tandis que l'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer à son sujet.

La recourante s'est déterminée sur la réponse de la caisse en maintenant
l'ensemble de ses conclusions.

Considérant en droit:

1.
En procédure fédérale, l'objet du litige est limité à la question de savoir
si c'est à tort ou à raison que le juge cantonal a constaté que l'opposition
formée par la recourante contre la décision du 18 décembre 2001 était tardive
et considéré que la décision en réparation du dommage était ainsi entrée en
force. Le Tribunal fédéral des assurances ne saurait en revanche se prononcer
sur le fond du litige (ATF 117 V 122 consid. 1 et les références, RAMA 1998
n° U 298 p. 248 consid. 1), comme le voudrait la recourante dont les
conclusions subsidiaires y relatives sont irrecevables.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS,
notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de
l'employeur est réglée de manière plus détaillée qu'auparavant à l'art. 52
LAVS et les art. 81 et 82 RAVS ont été abrogés. Le cas d'espèce reste
toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu
égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V
467 consid. 1).

3.
La recourante se plaint tout d'abord d'une violation de son droit d'être
entendue, singulièrement de son droit à pouvoir se déterminer sur toute
argumentation juridique nouvelle sur laquelle le juge entend se fonder et
dont aucune des parties ne s'est prévalue. Elle reproche ainsi au juge
cantonal de n'avoir pas attiré son attention sur la question de la validité,
du point de vue temporel, de l'opposition à la décision en réparation du
dommage, alors qu'il a déclaré celle-ci tardive et, en conséquence, ladite
décision passée en force.

Le droit d'être entendu étant une garantie constitutionnelle de caractère
formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision
attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF
127 V 437 consid. 3d/aa, 126 V 132 consid. 2b et les arrêts cités), il se
justifie d'examiner en premier lieu le moyen tiré de la violation de ce
droit.

3.1  La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art.  4  aCst. et qui
s'applique également à l'art.  29 al.  2  Cst. (ATF  129  II  504 consid.

2.2 , 127  I  56 consid.  2b, 127  III  578 consid.  2c, 126  V  130 consid.
2a), a déduit du droit d'être entendu, en particulier, le droit pour le
justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son
détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer
sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de
participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se
déterminer à leur propos (ATF  126  I  16 consid.  2a/aa, 124  V  181 consid.
1a, 375  consid.  3b et les références). Le droit d'être entendu doit
également être reconnu et respecté lorsqu'une autorité envisage de fonder sa
décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure
antérieure et dont aucune des parties en présence ne s'est prévalue et ne
pouvait supputer la pertinence in casu (ATF  128  V  278 consid.  5b/bb et
les références).

3.2  En l'espèce, l'intimée a saisi la juridiction cantonale d'une action en
réparation du dommage au sens de l'art. 52 LAVS. Dans son écriture, elle ne
s'est pas prévalue du non-respect, par la recourante, du délai d'opposition à
la décision initiale prévu par l'art. 81 al. 2 RAVS. L'autorité cantonale a
ensuite ordonné un échange d'écritures, puis une audience d'instruction, sans
qu'il ressorte, ni du dossier, ni de l'arrêt entrepris, que la validité
éventuelle de l'opposition de la recourante eût été évoquée au cours de la
procédure. En particulier, les parties ne se sont prononcées que sur les
conditions de fond de l'action en réparation, sans aborder la recevabilité de
l'opposition. La motivation juridique finalement retenue par le premier juge
n'a ainsi été abordée, pour la première fois, que dans le jugement cantonal.

Par conséquent, en n'invitant pas la recourante à s'exprimer sur cette
motivation juridique nouvelle, la juridiction cantonale a violé son droit
d'être entendue. Cette violation ne peut être réparée dans la présente
procédure, dès lors que le Tribunal fédéral des assurances ne dispose pas
d'un plein pouvoir d'examen (cf. ATF 126 V 132 consid. 2b et les références),
le litige ne portant pas sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance
(art. 132 OJ en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).
Au demeurant, la réparation d'un tel vice ne doit avoir lieu
qu'exceptionnellement (ATF 126 I 72 consid. 2, 126 V 132 consid. 2b et les
références).

3.3  Il suit de ce qui précède que le jugement entrepris doit être annulé et
la cause renvoyée à l'autorité cantonale de recours afin qu'elle statue à
nouveau après avoir accordé à la recourante la faculté d'exercer son droit
d'être entendue.

4.
Eu égard à la nature du litige, la procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ
a contrario). Etant donné son issue, il se justifie de mettre les frais de
justice qui, dans la mesure où la Cour de céans ne se prononce pas sur le
fond, doivent être fixés à 500 fr. (art. 156 al. 1 OJ), à la charge de
l'intimée. La recourante qui obtient gain de cause est représentée par un
avocat. Elle a dès lors droit à une indemnité de dépens (art. 156 en relation
avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis et le jugement du
Tribunal cantonal des assurances du canton de Vaud du 18 décembre 2002 est
annulé, la cause lui étant renvoyée pour qu'il procède conformément aux
considérants.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de
l'intimée.

3.
L'intimée versera à la recourante une indemnité de dépens (y compris la taxe
à la valeur ajoutée) de 2000 fr.

4.
L'avance de frais versée par la recourante, d'un montant de 1700 fr., lui est
restituée.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 8 septembre 2004

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:  p. la Greffière: