Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 159/2003
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H 159/03

Arrêt du 23 mars 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffier : M.
Wagner

S.________, recourant, représenté par Me Jean-Marc Christe, avocat,
Marché-aux-Chevaux 5, 2800 Delémont,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue du Lac 37, 1815 Clarens,
intimée,

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 19 février 2003)

Faits:

A.
A.a La société X.________ SA, de siège à Y.________, a été fondée le 10
juillet 1989 avec un capital de 140'000 fr.; elle avait pour but toutes
opérations immobilières et commerciales. Ses administrateurs étaient
A.________, président, B.________, vice-président et S.________, secrétaire.
Ce dernier a démissionné du conseil d'administration au 31 août 1993, la
radiation de sa signature intervenant le 15 octobre 1993 au registre du
commerce. X.________ SA a cessé ses activités le 30 juin 1994 et sa faillite
a été prononcée le 21 avril 1999.

X. ________ SA était affiliée en qualité d'employeur auprès de la Caisse
cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après: la caisse cantonale). En
raison du défaut de paiement des cotisations dues, la caisse cantonale a
engagé des poursuites qui ont abouti, le 27 octobre 1998, à la délivrance de
deux actes de défaut de biens après saisie d'un montant de 39'388 fr. 75 et
de 116'635 fr. 80.
Le 8 octobre 1999, la caisse cantonale a adressé deux décisions en réparation
du dommage à A.________ et à S.________, réclamant paiement au premier nommé
de 100'820 fr. et au second de 79'323 fr. 90, solidairement à concurrence de
ce montant. Par décision du 14 octobre 1999, elle leur a réclamé
solidairement le paiement d'un montant supplémentaire de 40'557 fr.

A.b S.________ ayant formé opposition, la caisse cantonale a porté le cas
devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud en concluant à ce que le
défendeur fût condamné à lui payer la somme de 112'980 fr. 90.
Par jugement du 1er mai 2001, la juridiction cantonale a admis partiellement
la demande, à concurrence de 79'323 fr. 90.

A.c Sur recours de S.________, le Tribunal fédéral des assurances, par arrêt
du 27 février 2002, a annulé ce jugement et renvoyé la cause au Tribunal des
assurances du canton de Vaud pour complément d'instruction au sens des
considérants et nouveau jugement.

B.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud a établi que la caisse avait
engagé une procédure d'exécution forcée le 15 décembre 1995, que la poursuite
portait sur un capital de 30'600 fr. et se référait aux cotisations de
janvier à juin 1992.
Par jugement du 19 février 2003, la juridiction cantonale a admis
partiellement la demande, à concurrence de 59'031 fr. 80, valeur échue.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, en
concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de celui-ci. A titre
principal, il demande à être condamné « à payer en lieu et place de la somme
de Fr. 59'031.80, une somme n'excédant pas Fr. 19'832.95 ou telle somme à
dire de justice n'excédant pas Fr. 39'665.90 ». A titre subsidiaire, il
sollicite le renvoi de la cause au Tribunal des assurances du canton de Vaud
pour qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants.
La Caisse cantonale vaudoise de compensation conclut au rejet du recours. De
son côté, l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:

1.
1.1 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 entraînant
des modifications légales, notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS. Le
cas d'espèce reste néanmoins régi par la réglementation en vigueur jusqu'au
31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les règles applicables
sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se
sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1).

1.2 Le litige n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si
les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par
l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été
constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont
été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.
Dans l'arrêt du 27 février 2002, le Tribunal fédéral des assurances a retenu
que les constatations de fait des premiers juges étaient incomplètes en ce
qui concernait le recouvrement des cotisations de l'année 1992 et ne
permettait pas de statuer sur l'objection de péremption soulevée par le
recourant. Aussi, le jugement cantonal devait-il être annulé  et l'affaire
devait être renvoyée à la juridiction cantonale pour instruction
complémentaire et nouveau jugement (consid. 2).

En outre, l'Autorité de céans a retenu que le recourant avait quitté ses
fonctions d'administrateur au 31 août 1993 et que la caisse l'avait tenu à
tort pour responsable du défaut de paiement des acomptes de cotisations des
mois d'août et septembre 1993, soit 13'800 fr. en capital avec intérêts
moratoires (consid. 3). En revanche, le recourant portait, jusqu'à son départ
du conseil d'administration, la responsabilité du dommage à hauteur des
acomptes échus et impayés sur la base desquels les cotisations pour l'année
1993 devaient être perçues (consid. 4). Assureur de profession et
administrateur de X.________ SA, il avait gravement manqué à son obligation
de surveiller avec diligence la gestion qu'il avait déléguée au président du
conseil d'administration. On devait attendre d'un administrateur faisant
preuve de la diligence requise qu'il s'occupe régulièrement des affaires de
la société et non seulement en examinant une fois par année les comptes. Ces
manquements apparaissaient au demeurant d'autant plus graves que le défaut de
paiement des cotisations sociales s'était étendu sur une longue période et
que les difficultés financières de la société devaient amener tous les
administrateurs à porter une attention accrue à ces questions. Pour le
surplus, on pouvait renvoyer au  jugement cantonal (consid. 5).

3.
3.1 A la suite de l'instruction complémentaire à laquelle la juridiction
cantonale a procédé, il s'est révélé que les cotisations afférentes à l'année
1992 étaient éteintes par la péremption lorsque l'intimée a rendu à
l'encontre du recourant la décision en réparation du dommage du 8 octobre
1999. Le montant de 16'301 fr. 10 réclamé à ce titre par la caisse devait dès
lors être porté en déduction du dommage mis à sa charge. Cela n'est pas remis
en cause devant la Cour de céans.

3.2 Le litige porte sur le calcul par les premiers juges du dommage dont le
recourant doit réparation à l'intimée. Celui-ci leur reproche d'avoir porté
la somme de 30'101 fr. 10 (13'800 fr. + 16'301 fr. 10) en déduction du
montant de 100'820 fr. réclamé à A.________, dans la décision en réparation
du dommage du 8 octobre 1999, portant sur l'ensemble des cotisations non
payées des années 1992, 1993 et 1994, en violation des faits retenus par le
Tribunal fédéral des assurances dans son arrêt du 27 février 2002 en ce qui
concerne sa propre responsabilité.

3.3 Contrairement à ce que semble croire le recourant, les premiers juges ont
calculé le dommage dont il doit réparation à l'intimée en se fondant sur le
montant de 76'841 fr. 15 et non sur celui de 100'820 fr. En effet, ils ont
partiellement admis la demande de la caisse à concurrence de 59'031 fr. 80 en
se fondant sur le décompte suivant:
- Dommage en capital
46'740 fr. 35
- Frais de sommation
780 fr.
- Frais de poursuites (608 fr. 80 - 324 fr. 45)                       284 fr.
35
- Intérêts moratoires
(22'590 fr. 05 - 6'601 fr. 95 - 4'761 fr.)                         11'227
fr.10
- Total du dommage
59'031 fr. 80
Or, le montant précité de 46'740 fr. 35 (recte: 46'740 fr. 05) s'obtient en
portant la somme de 30'101 fr. 10 (soit 13'800 fr. + 16'301 fr. 10) en
déduction du montant de 76'841 fr. 15 calculé par la caisse selon le décompte
de la décision en réparation du dommage du 8 octobre 1999 (76'841 fr. 15 -
30'101 fr. 10 = 46'740 fr. 05).

3.4 C'est à tort, toutefois, que les premiers juges ont procédé au calcul du
dommage en se fondant sur le montant précité de 76'841 fr. 15. En effet, ce
montant comprend non seulement la somme de 16'301 fr. 10 qui concerne les
cotisations afférentes à l'année 1992, mais également celle de 53'346 fr. 30
relative aux cotisations afférentes à l'année 1993 (décision du 23 mars 1994)
et celle de 7'193 fr. 75 relative aux cotisations afférentes à 1994 (décision
du 1er novembre 1994). Or, le recourant ayant démissionné du conseil
d'administration de X.________ SA au 31 août 1993, les décisions de l'intimée
des 23 mars et 1er novembre 1994 ne lui étaient pas opposables.
Dans le cas d'espèce, les cotisations pour l'année 1993 devaient être perçues
sur la base d'acomptes mensuels d'un montant variant entre 6'900 fr. et 9'500
fr., acomptes qui n'ont pas été versés à leur échéance. Conformément à
l'arrêt rendu le 27 février 2002 par la Cour de céans, le recourant porte
ainsi, jusqu'à son départ du conseil d'administration, la responsabilité du
dommage à hauteur de ces acomptes échus et impayés dès lors qu'ils ne
dépassent pas le montant total du dommage (VSI 2002 p. 57 consid. 4c/bb; SVR
2003 AHV 1).
Pour la période de janvier à juillet 1993, l'intimée a facturé à X.________
SA des acomptes pour un montant total de 53'500 fr. (5 x 6'900 fr. pour les
mois de janvier, février, mars, juin et juillet, ainsi que 2 x 9'500 fr. pour
les mois d'avril et mai). Durant la même période, cette société a payé à la
caisse seulement 20'700 fr. au total (3 x 6'900 fr., pour janvier, février et
juillet). La différence est ainsi de 32'800 fr. (53'500 fr. - 20'700 fr.).
Compte tenu du versement de 1'931 fr. 60 (voir le décompte dans la décision
du 8 octobre 1999), celle-ci n'est plus que de 30'868 fr. 40. Comme
l'indiquent le recourant et l'intimée, les intérêts moratoires s'élèvent à
8'797 fr. 50 (30'868 fr. 40 à 6 % l'an pendant 57 mois). Le dommage dont
répond le recourant s'élève donc à 39'665 fr. 90 (30'868 fr. 40 + 8'797 fr.
50).

4.
Le recourant reproche aux premiers juges de n'avoir pas réduit le montant du
dommage pour faute concomitante de l'intimée dans la survenance du dommage
(sur ce point, voir ATF 122 V 189 consid. 3c). Il invoque le laxisme de la
caisse, qui n'a pas sans relâche mis aux poursuites la société X.________ SA
dès 1993.
Ce fait aurait pu être invoqué dans la procédure précédente, dans la mesure
où le recourant y contestait déjà toute responsabilité dans la survenance du
dommage ou devoir répondre de tout dommage subi par l'intimée. Dès lors, il
ne constitue pas un motif de révision au sens de l'art. 137 let. b OJ de
l'arrêt rendu par la Cour de céans le 27 février 2002, passé en force de
chose jugée (art. 38 OJ). Le considérant  auquel se réfère le recourant
concerne les cotisations afférentes à l'année 1992, éteintes par la
péremption. Il n'a pas pour objet le dommage dont celui-ci doit réparation
pour la période de janvier à juillet 1993. Il n'est dès lors pas déterminant
que les premiers juges aient dit que la demanderesse avait manqué de
diligence en accordant à sa débitrice moult prolongations, dès lors que ces
considérations se rapportent aux créances de cotisations éteintes par la
péremption.

5.
5.1 La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un litige qui ne porte pas
sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance (art. 134 OJ a
contrario). Au vu de l'issue du litige, le recourant n'obtient que
partiellement gain de cause dans ses conclusions principales; dès lors, une
partie des frais de justice doivent être mis à sa charge (ATF 123 V 158
consid. 3).

5.2 Lorsque le jugement cantonal viole de manière qualifiée les règles
d'application de la justice et cause de ce fait des frais aux parties, des
frais de justice peuvent être mis à la charge du canton en dérogation du
principe de l'art. 156 al. 2 OJ (RAMA 1999 n° U 331 p. 128 consid. 4). Cette
condition est remplie en l'espèce, dans la mesure où les premiers juges ont
procédé au calcul du dommage en violation des principes exposés au consid. 4
de l'arrêt rendu par la Cour de céans le 27 février 2002. Il se justifie dès
lors de mettre également une partie des frais de justice à la charge de
l'État de Vaud (ATF 123 V 158 consid. 3).

5.3 Pour les mêmes motifs, il se justifie également de mettre à sa charge
l'indemnité de dépens réduite à laquelle a droit le recourant pour l'instance
fédérale (art. 159 al. 5 en corrélation avec l'art. 156 al. 6 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et le jugement du Tribunal des assurances
du canton de Vaud, du 19 février 2003, est réformé en ce sens que S.________
est débiteur de la Caisse cantonale vaudoise de compensation de la somme de
39'665 fr. 90, valeur échue.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 4'000 fr., sont mis par moitié à la
charge du recourant et de l'État de Vaud.

3.
Les frais de justice du recourant sont couverts par l'avance de frais de
4'000 fr. qu'il a versée; la différence, d'un montant de 2'000 fr., lui est
restituée.

4.
L'État de Vaud versera au recourant la somme de 1'500 fr. (y compris la taxe
sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

5.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera à nouveau sur les
dépens de l'instance cantonale, au regard de l'issue du procès.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 23 mars 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   p. le Greffier: