Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Sozialrechtliche Abteilungen H 156/2003
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H 156/03

Arrêt du 17 juin 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffière
: Mme Moser-Szeless

B.________, avocat, recourant,

contre

Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération  romande des syndicats
patronaux (CIAM), rue de St-Jean 98, 1201 Genève, intimée

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

(Jugement du 11 mars 2003)

Faits:

A.
B. ________, né le 27 janvier 1934, exerce la profession d'avocat et est
affilié en qualité d'indépendant à la Caisse interprofessionnelle d'AVS de la
Fédération romande des syndicats patronaux (ci-après : la caisse).

Par décisions des 28, 29 et 30 décembre 1999, la caisse a fixé le montant des
cotisations personnelles de l'assuré pour les années 1996 à 1999. De même
a-t-elle statué, le 19 janvier 2000, sur les cotisations pour l'an 2000.

B.
Par acte de recours daté du 17 janvier 2000, B.________ a recouru contre les
décisions des 28, 29 et 30 décembre 1999 devant la Commission cantonale
genevoise de recours AVS/AI/APG (aujourd'hui : Tribunal cantonal des
assurances). Il a également déféré la décision du 19 janvier 2000 devant
cette autorité par mémoire du 21 janvier suivant. A l'appui de ses recours,
complétés par des observations en cours d'instruction, il a allégué
l'existence d'erreurs de calcul concernant l'établissement de son revenu
déterminant pour les cotisations personnelles des années 1998, 1999 et 2000.
Par ailleurs, il a fait valoir que les versements effectués à son institution
de prévoyance professionnelle individuelle liée (pilier 3a) devaient être
déduits de ses revenus professionnels bruts pour la fixation des cotisations
personnelles.

Dans une détermination du 21 janvier 2003, la caisse a admis qu'elle avait
commis des erreurs de calcul, et retenu les chiffres indiqués par  B.________
dans ses observations complémentaires des 2 décembre 2002 et 13 janvier 2003
à titre de revenus professionnels déterminant pour les cotisations des années
1998, 1999 et 2000.

Par jugement du 11 mars 2003, la commission cantonale a débouté le prénommé.

C.
B. ________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation. En bref, il conclut à ce que ses cotisations
personnelles AVS pour les années 1996 à 2000 soient calculées sur un revenu
annuel moyen dont aurait été déduite la moitié de ses cotisations auprès
d'une institution de prévoyance individuelle liée.

La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS. Le
cas d'espèce reste toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu'au 31
décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont
celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont
produits (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les arrêts cités).

2.
2.1 Le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du
travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation
dépendante (art. 9 al. 1 LAVS). Il se calcule en déduisant du revenu brut,
notamment, les versements personnels à des institutions de prévoyance
professionnelle dans la mesure où ils correspondent à la part habituellement
prise en charge par l'employeur (art. 9 al. 2 let. e LAVS, dans sa teneur en
vigueur à partir du 1er janvier 1997). Pour établir la nature et fixer
l'importance des déductions admises selon l'art. 9 al. 2 let. a à e LAVS, les
dispositions en matière d'impôt fédéral direct sont déterminantes (art. 18
al. 1 RAVS dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 1997, en
corrélation avec l'art. 9 al. 2, 2ème phrase LAVS).

2.2 Jusqu'à la fin de l'année 1996, la déduction prévue à l'art. 9 al. 2 let.
e LAVS était réglée à l'art. 18 al. 3 RAVS (en vigueur jusqu'au 31 décembre
1996 et applicable en l'espèce au calcul des cotisations pour l'année 1996,
lesquelles font l'objet de la première décision de l'intimée du 28 décembre
1999). Selon cette disposition, doivent être déduits du revenu brut les
versements personnels à des institutions de prévoyance professionnelle dans
la mesure où ils correspondent à la part habituellement prise en charge par
l'employeur. Cette disposition a été intégrée dans la loi uniquement pour des
raisons de clarté, afin que toutes les déductions du revenu d'une activité
indépendante admissibles soient énumérées dans la loi (message du 5 mars 1990
sur la 10ème révision de l'assurance-vieillesse et survivants [FF 1990 II 1,
p. 85]; cf. aussi VSI 1996 p. 23). La modification de l'art. 9 al. 2 let. e
LAVS proposée par le Conseil fédéral n'a donné lieu à aucune discussion lors
des débats parlementaires (BO 1991 E 257 s., 1993 N 251; cf. consid. 2.2.2 de
l'arrêt W. du 13 mai 2003, H 113/01, non publié à l'ATF 129 V 293).

Dans un arrêt publié aux ATF 115 V 337, le Tribunal fédéral des assurances a
retenu que conformément à l'art. 18 al. 3 aRAVS, les indépendants peuvent
déduire de leur revenu brut les cotisations à des institutions du deuxième
pilier destinées à leur prévoyance professionnelle dans la mesure où ils
fournissent habituellement des cotisations en qualité d'employeur à la
prévoyance professionnelle de leurs salariés. Par institutions de prévoyance
professionnelle, il faut comprendre, dans le cadre de la terminologie de la
LPP, uniquement celles du 2ème pilier. En revanche, les versements des
indépendants affectés à la prévoyance individuelle liée (pilier 3a) ne
peuvent pas faire l'objet d'une telle déduction, celle-ci n'étant prévue ni
par l'art. 9 al. 2 LAVS, ni par l'art. 18 al. 3 aRAVS. Par ailleurs, le
Conseil fédéral a expressément refusé d'excepter du prélèvement de
cotisations les versements que les indépendants font au pilier 3a dans la
RAVS (RCC 1987 p. 6 et 373).

3.
3.1 Le recourant conteste cette jurisprudence dont il demande la modification.
Selon lui, le but poursuivi par la prévoyance professionnelle du deuxième
pilier est identique à celui du troisième pilier, à savoir constituer une
prévoyance pour assurer l'avenir économique de l'assuré. Dès lors, il
n'existe, à ses yeux, aucune raison de traiter les deux situations de manière
différente et de ne pas admettre que la moitié des cotisations au troisième
pilier est déductible du revenu déterminant pour l'AVS, à l'instar de celles
versées au deuxième pilier, dans la mesure où, dans son cas, les conditions
d'affiliation à son fonds de prévoyance pilier 3a sont strictement les mêmes
que celles de l'affiliation volontaire à son institution de prévoyance du
deuxième pilier. Il demande, en conséquence, que soit déduite de son revenu
brut la moitié des cotisations versées à son institution de prévoyance
individuelle liée (pilier 3a) pour les années 1993 à 1998.

3.2 Pour être compatible avec le principe de l'égalité de traitement que
l'art. 8 al. 1 Cst. a repris de l'art. 4 al. 1 aCst. sans en modifier la
portée matérielle, un revirement de jurisprudence doit reposer sur des motifs
objectifs, à savoir une connaissance plus approfondie de l'intention du
législateur, un changement des circonstances extérieures ou l'évolution des
conceptions juridiques. Les motifs doivent être d'autant plus sérieux que la
jurisprudence est ancienne. Si elle se révèle erronée ou que son application
a conduit à des abus répétés, elle ne saurait être maintenue (ATF 127 V 273
consid. 4a, 355 consid. 3a et les références).

3.3 En l'occurrence, le recourant ne fait valoir aucun motif objectif qui
serait susceptible de justifier un changement de jurisprudence. Comme l'a
retenu la Cour de céans dans l'ATF 115 V 337, la différence quant à la
possibilité pour les indépendants de déduire les versements au deuxième
pilier par rapport aux cotisations au troisième pilier est fondée sur des
raisons sérieuses. Si, sur le plan constitutionnel, le troisième pilier
constitue une prévoyance équivalente au premier et au deuxième pilier, ses
effets dépassent l'assurance sociale offerte par le deuxième pilier. En
effet, elle est une prévoyance individuelle principalement constituée par
l'épargne individuelle. Les versements en faveur du troisième pilier doivent
ainsi être considérés sur le plan de l'AVS comme des dépenses de la vie
privée. Cela vaut tant pour l'indépendant que pour le salarié (ATF 115 V 340
consid. 2b et les références). Que les conditions d'affiliation à
l'institution de prévoyance du deuxième pilier soient identiques à celles de
l'institution du troisième pilier, comme l'invoque le recourant dans sa
situation, ne modifient pas en soi la qualification différente des versements
effectués à chacune de ces institutions. Les montants versés au troisième
pilier n'en constituent pas moins des coûts de la vie privée, que ce soient
pour les indépendants ou pour les salariés.

Suivre le raisonnement du recourant reviendrait en fait à avantager les
indépendants en leur permettant de déduire de leur revenu brut les
cotisations à des formes de prévoyance reconnues de la prévoyance liée au
sens de l'art. 82 LPP. Or, l'adoption de l'art. 18 al. 3 aRAVS, repris depuis
le 1er janvier 1997 à l'art. 9 al. 2 let. e LAVS, avait justement pour but
d'assurer l'égalité entre les indépendants et les salariés. De même que les
versements personnels à des institutions de prévoyance (2ème pilier) que
l'employeur prend en charge ne faisaient pas partie du salaire déterminant au
sens de l'art. 5 al. 2 LAVS, les cotisations personnelles provenant d'une
activité indépendante affectées à la prévoyance professionnelle ne devaient
pas non plus constituer un revenu déterminant pour les cotisations AVS (cf.
ATF 115 V 339 consid. 2a; RCC 1987 p. 373; voir aussi ATF 129 V 293). A cet
égard, on peut préciser que la révision de l'art. 8 let. a RAVS (dans sa
teneur en vigueur depuis le 1er janvier 1997) concernant les déductions du
salaire déterminant provenant d'une activité dépendante n'a pas modifié la
situation des salariés sur ce point; seules les cotisations réglementaires
versées par les employeurs aux institutions de prévoyance du deuxième pilier
sont exceptées du salaire déterminant, et non celles affectées à d'autre
formes reconnues de la prévoyance professionnelle (VSI 1996 p. 288).

Enfin, l'argument du recourant selon lequel le législateur aurait dû exclure
expressément les versements affectés au troisième pilier ne lui est d'aucun
secours. En effet, dans la mesure où l'art. 9 al. 2 let. e LAVS (en vigueur
depuis le 1er janvier 1997) reprend littéralement l'art. 18 al. 3 aRAVS et
n'a pas fait l'objet de discussions lors des débats parlementaires (voir
consid. 2.2), il n'y a pas lieu d'en donner une interprétation différente, et
on peut se référer aux considérations dégagées dans l'ATF 115 V 337 qui
restent valables sous l'empire de cette disposition légale. On soulignera que
l'art. 9 al. 2 let. e LAVS reprend les termes «versements personnels à des
institutions de prévoyance professionnelle», ce qui doit être compris,
conformément à la terminologie de la LPP, comme les institutions du deuxième
pilier.

Au vu de ce qui précède, on constate qu'un changement de jurisprudence ne se
justifie pas. Partant, le recours est infondé.

4.
Quant à l'étendue des revenus à prendre en compte pour fixer les cotisations
litigieuses, la caisse a admis avoir commis des erreurs de calculs pour les
montants relatifs aux années 1998, 1999 et 2000, au cours de la procédure
cantonale; elle a en outre indiqué qu'elle procéderait à la rectification des
décisions de cotisations y relatives, en se référant aux montants indiqués
par le recourant dans ses observations des 2 décembre 2002 et 13 janvier
2003, une fois que la procédure aura été close (détermination du 21 janvier
2003). Il convient donc de lui transmettre le dossier pour ce faire. Il lui
appartiendra également, si elle l'estime nécessaire, de communiquer ses
décisions rectifiées à la Ausgleichskasse Zürcher Arbeitgeber, comme le
demande le recourant sans toutefois motiver sa requête.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le dossier est transmis à la Caisse interprofessionnelle d'AVS de la
Fédération romande des syndicats patronaux pour qu'elle procède conformément
aux considérants.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 17 juin 2004

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   La Greffière: