Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.74/2003
Zurück zum Index Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 2003
Retour à l'indice Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 2003


7B.74/2003 /frs

Arrêt du 29 avril 2003
Chambre des poursuites et des faillites

Mmes et M. les Juges Escher, Présidente, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

S. ________,
recourante, représentée par Me Baudouin Dunand, avocat, rue Charles-Bonnet 2,
1206 Genève,

contre

Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du
canton de Genève, rue Ami-Lullin 4, case postale 3840, 1211 Genève 3.

retard injustifié; constat de caducité d'un séquestre,

recours LP contre la décision de la Commission de surveillance des offices
des poursuites et des faillites du canton de Genève du 6 mars 2003.

Faits:

A.
A.a Dans le cadre d'un crédit documentaire émis le 20 mai 2001 par la
C.________, à Damas sur ordre de la société syrienne M.________, à Damas,
U.________ SA, agissant en qualité de banque confirmatrice, a transféré le
montant de USD 2'264'992, 87 sur le compte de la société slovaque S.________
auprès de la X.________ SA, à Genève.

Le crédit documentaire garantissait la vente, par S.________ à M.________,
d'acier en provenance du Kazakhstan et devant être transporté du port de
Gemlik, en Turquie, jusqu'en Syrie. Peu après le transfert de l'argent sur le
compte de S.________ auprès de la X.________, il s'est avéré que U.________
avait honoré le crédit documentaire sur la base de faux documents.

A.b Le 15 octobre 2001, U.________ a obtenu du Tribunal de première instance
de Genève le séquestre de tous les biens et avoirs de S.________ en mains de
la X.________. L'ordonnance du tribunal précisait que le séquestre était
opéré pour une "créance en répétition de l'indu (enrichissement illégitime)
et en dommages-intérêts pour acte illicite (suite à un paiement infondé d'un
crédit documentaire...".

Par demande du 7 décembre 2001, U.________, C.________ et M.________ ont
ouvert action en dommages-intérêts contre S.________ devant le Tribunal civil
de Gemlik. Ce tribunal a rejeté l'action par jugement du 7 mars 2002, entré
en force le 11 avril 2002 à l'égard de U.________, mais pas de C.________ et
M.________, qui ont interjeté appel.

Le 28 mai 2002, U.________ a adressé à l'Office des poursuites de Genève une
réquisition de poursuite en validation du séquestre. S.________ a fait
opposition à cette poursuite le 22 août 2002. U.________ n'a pas requis la
mainlevée de l'opposition dans le délai de 10 jours prévu par l'art. 279 al.
2 LP.

A.c Par requête du 3 juillet 2002, renouvelée les 18 et 31 du même mois,
S.________ a sollicité l'office de constater la caducité du séquestre. Selon
la requérante, le jugement du tribunal de Gemlik avait réglé définitivement
la question de la prétention invoquée par U.________ et, par conséquent, la
validation du séquestre au moyen d'une poursuite postérieure au jugement au
fond était impossible en application de l'art. 279 al. 1 LP.
Le 9 août 2002, U.________ a fait savoir à l'office que le jugement turc dont
se prévalait S.________ faisait l'objet d'un recours pendant devant la cour
de cassation turque et n'avait aucune force exécutoire en Suisse.

Le 16 août 2002, S.________ a réitéré sa requête. Le 9 septembre suivant,
elle a invité l'office à fixer un délai de 10 jours à U.________ pour
produire la preuve de son appel et, partant, de l'existence d'une procédure
pendante entre la séquestrante et la séquestrée. Sur quoi U.________ a
indiqué à l'office que l'appel pendant en Turquie avait été interjeté par
M.________ et C.________, rappelant par ailleurs que le jugement entrepris
n'avait aucune force exécutoire en Suisse.

B.
Le 21 octobre 2002, S.________ a formé plainte pour retard injustifié,
l'office n'ayant toujours pas statué sur sa requête du 3 juillet 2002 malgré
ses diverses relances.

Par décision du 6 mars 2003, la Commission cantonale de surveillance a
constaté que le retard de l'office était injustifié. Toutefois, par économie
de procédure et eu égard aux déterminations présentées en cours de procédure
par les parties, elle a renoncé à renvoyer la cause à l'office pour décision;
statuant elle-même, elle a dit que la caducité du séquestre ne pouvait être
constatée en l'état de la procédure.

C.
S.________ a recouru le 20 mars 2003 à la Chambre des poursuites et des
faillites du Tribunal fédéral contre la décision précitée, reçue le 10 mars.
Elle conclut à l'annulation de cette décision, dans la mesure où elle retient
l'impossibilité de constater la caducité du séquestre en l'état de la
procédure, et à la constatation de cette caducité.

La Chambre considère en droit:

1.
La recourante fait valoir qu'il appartient à U.________, en sa qualité de
créancière séquestrante, d'établir que dans les 10 jours suivant la
communication de l'opposition, elle a intenté soit une action sur le fond,
soit une procédure de mainlevée d'opposition, conformément à l'art. 279 al. 2
LP. A son avis, la reconnaissance en Suisse du jugement turc ne joue aucun
rôle à cet égard. Elle reproche donc à la commission cantonale de
surveillance de méconnaître ces principes et, plus particulièrement, de
violer la règle de l'art. 8 CC sur le fardeau de la preuve.

2.
2.1 En vertu de l'art. 279 al. 1 LP, le séquestre peut être validé par une
poursuite ou par une action. Une action introduite avant l'exécution du
séquestre peut aussi le valider, à condition qu'elle porte sur la créance
pour laquelle le séquestre a été autorisé (Louis Dallèves, Le séquestre, FJS
740, p. 18; Hans Reiser, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und
Konkurs, n. 13 ad art. 279 LP et la jurisprudence citée); mais l'action
introduite à l'étranger ne valide le séquestre que si le jugement étranger
est susceptible d'être exécuté en Suisse en vertu des traités ou du droit
cantonal (Dallèves, loc. cit., et arrêts cités).

Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que la décision attaquée retient
que l'absence de requête de mainlevée d'opposition déposée dans le délai de
10 jours prévu par l'art. 279 al. 2 LP n'entraîne pas l'obligation de
constater la caducité du séquestre litigieux, dès lors qu'une action civile
en validation de séquestre est pendante en Turquie. Elle considère également
à raison qu'un tel constat de caducité ne saurait intervenir en l'état du
seul fait que le jugement turc du 7 mars 2002 est entré en force le 11 avril
2002 à l'égard de U.________ (mais pas de C.________ et M.________), car une
reconnaissance de ce jugement en Suisse n'a pas été obtenue auprès du juge
compétent (tribunal de première instance selon l'art. 472A LPC/GE).

2.2 Aux termes de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le
contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.

En l'espèce, la Commission cantonale de surveillance ne viole pas cette règle
en admettant que, dans la mesure où le jugement turc du 7 mars 2002 déboute
U.________ de sa prétention à l'encontre de S.________ (la recourante), il
revient à cette dernière de requérir la reconnaissance dudit jugement en
Suisse à l'appui de sa demande de constat de nullité du séquestre litigieux.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à Me
Nicolas de Gottrau, avocat à Genève, pour U.________ SA, à l'Office des
poursuites de Genève et à la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 29 avril 2003

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente:  Le greffier: