Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.256/2003
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7B.256/2003 /frs

Arrêt du 25 février 2004
Chambre des poursuites et des faillites

Mmes et M. les Juges Escher, Présidente, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

Y. ________,
recourant, représenté par Me Rémy Wyler, avocat,

contre

Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, en qualité
d'autorité supérieure de surveillance, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

révocation d'une radiation de poursuite,

recours LP contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal
cantonal vaudois, en qualité d'autorité supérieure de surveillance, du 27
novembre 2003.

Faits:

A.
Le 15 juillet 1993, à la requête de X.________, l'Office des poursuites de
Nyon a notifié à Y.________ un commandement de payer n° xxxxxx portant sur la
somme de 400'000 fr. avec intérêt à 5 % dès le 12 juin 1989 et indiquant
comme titre de créance: "Contrat de vente d'immeuble du 9 juin 1988, contrat
d'entreprise générale du 9 juin 1988, convention du 12 juin 1989, dommages et
intérêts pour défauts de construction". Le débiteur a formé opposition totale
à cette poursuite.

Par demande du 16 mai 1994, le poursuivant a ouvert action auprès de la Cour
civile du Tribunal cantonal vaudois en concluant à ce que le poursuivi soit
reconnu débiteur, solidairement avec un tiers, de la somme de 400'000 fr.
avec intérêt à 5 % dès le 12 juin 1989. Cette action était fondée sur un
contrat de vente et un contrat d'entreprise, et le montant précité
représentait des dommages et intérêts pour la remise en état de défauts
prétendument imputables au défendeur. Dans sa procédure, le demandeur
alléguait en particulier la notification au défendeur du commandement de
payer précité.

B.
B.aLe 10 février 2003, le débiteur s'est rendu à l'office pour demander un
extrait des poursuites le concernant. Le registre mentionnait deux
poursuites, dont celle ici en cause. Une employée de l'office lui a proposé
de retirer son opposition, en lui expliquant qu'il s'agissait d'une démarche
nécessaire pour constater la péremption de la poursuite et en obtenir la
radiation. Le débiteur a signé aussitôt une déclaration de retrait
d'opposition ainsi libellée: "Veuillez prendre note que je retire
l'opposition formulée au commandement de payer ci-dessus, ceci afin de
constater la prescription de cette poursuite cf. art. 88 al. 2 LP". Sur quoi,
l'office a émis une déclaration attestant que le débiteur ne faisait pas
l'objet de poursuites en cours et n'était pas sous le coup d'actes de défaut
de biens après saisie.

Le même jour, l'office a informé le poursuivant du retrait de l'opposition en
précisant que "dès lors, cette poursuite est périmée conformément à l'art. 88
al. 2 LP et par conséquent radiée de nos registres, étant donné qu'aucune
action n'a été entreprise pour lever cette opposition et continuer cette
poursuite dans le délai légal". Le poursuivant a porté plainte contre cette
décision de constatation de péremption et de radiation de la poursuite.
Simultanément, il a adressé à l'office une réquisition de continuer la
poursuite en se fondant sur la déclaration de retrait de l'opposition.

Par lettre du 13 mars 2003, le débiteur a déclaré invalider sa déclaration de
retrait d'opposition. Il a également porté plainte contre la décision de
l'office en concluant à son annulation et à la prise en considération de sa
déclaration d'invalidation du retrait de l'opposition.

B.b Le 17 mars 2003, l'office a, conformément à l'art. 17 al. 4 LP, rendu une
nouvelle décision par laquelle il a révoqué la radiation de la poursuite et
ordonné la réinscription de celle-ci dans son fichier, en précisant que le
retrait d'opposition, formulé avant qu'il procède à la radiation de la
poursuite, figurait désormais au registre. L'office a motivé sa nouvelle
décision par le fait que le poursuivant avait déposé une action en
reconnaissance de dette le 16 mai 1994 devant la Cour civile du Tribunal
cantonal afin de faire condamner le débiteur au paiement du montant de la
poursuite en question; cette action ayant interrompu le délai de forclusion
de la poursuite au sens de l'art. 88 al. 2 LP, il ne pouvait pas procéder à
sa radiation; empreinte de nullité, cette décision de radiation devait donc
être annulée.

B.c La plainte formée par le débiteur contre cette nouvelle décision de
l'office a été admise par prononcé du Président du Tribunal d'arrondissement
de la Côte du 27 juin 2003. Statuant en qualité d'autorité cantonale
inférieure de surveillance, cette autorité a notamment constaté que le
commandement de payer était toujours frappé d'opposition, vu le contexte
particulier dans lequel le retrait d'opposition avait eu lieu, et que la
poursuite était périmée du fait que l'action pendante devant la Cour civile
cantonale ne constituait pas une action en reconnaissance de dette liée à la
poursuite litigieuse.

Par arrêt du 27 novembre 2003, la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal cantonal vaudois a admis le recours formé par le poursuivant contre
le prononcé de l'autorité inférieure de surveillance et a réformé cette
décision en ce sens que la plainte du débiteur était rejetée.

C.
Le débiteur a recouru le 5 décembre 2003 auprès de la Chambre des poursuites
et des faillites du Tribunal fédéral en concluant à l'admission de sa plainte
et à la réforme de l'arrêt de la cour cantonale dans le sens de l'annulation
de la décision de l'office du 17 mars 2003, subsidiairement au renvoi de
l'affaire à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.
Le poursuivant conclut, avec suite de frais et dépens, au rejet du recours.
L'office a renoncé à déposer des observations.

L'effet suspensif a été attribué au recours par ordonnance présidentielle du
10 décembre 2003.

La Chambre considère en droit:

1.
Le recourant reproche tout d'abord à la cour cantonale d'avoir considéré que
la plainte du débiteur n'était recevable que sur la  question du retrait de
l'opposition. Selon lui, la plainte était également recevable en ce qui
concerne la révocation de la radiation de la poursuite.

Ce premier grief est manifestement mal fondé. Au considérant II (p. 8 1er
par.) de son arrêt, la cour cantonale a en effet expressément et clairement
admis que la nouvelle décision de l'office du 17 mars 2003 était susceptible
de plainte au sens de l'art. 17 LP non seulement en tant qu'elle informait le
débiteur que le retrait d'opposition figurait désormais au registre, mais
encore en tant qu'elle lui signifiait que la poursuite avait été réinscrite,
soit, en d'autres termes, que sa radiation  avait été révoquée.

2.
Le recourant fait valoir en deuxième lieu que la cour cantonale a eu tort
d'attribuer à sa déclaration du 10 février 2003 la portée d'un retrait
d'opposition. Elle aurait violé le droit fédéral en méconnaissant le contenu
et la portée réels de cette déclaration. Il ressortirait des pièces
produites, de l'instruction menée par l'autorité inférieure de surveillance,
des circonstances de fait et du libellé de sa déclaration qu'il n'a jamais
entendu retirer purement et simplement son opposition.

2.1 L'interprétation de la déclaration en question d'après son texte, son
contexte et l'ensemble des circonstances est une question de droit que la
Chambre de céans peut revoir librement, sous réserve des constatations de
l'autorité cantonale concernant les circonstances dans lesquelles la
déclaration est intervenue et la réelle intention de son auteur,
constatations qui la lient (63 al. 2 et 81 OJ; ATF 129 III 702 consid. 2.4 et
les références). En l'occurrence, elle doit donc s'en tenir à l'arrêt attaqué
en tant qu'il constate que l'employée de l'office n'aurait pas induit le
poursuivi en erreur et que c'est plutôt ce dernier qui n'aurait pas mesuré
toutes les conséquences de sa déclaration de retrait.

Le texte de la déclaration est clair: "Veuillez prendre note que je retire
l'opposition formulée au commandement de payer (...)". Comme l'a retenu à bon
droit la cour cantonale, il s'agit incontestablement d'une déclaration de
retrait d'opposition. Que son auteur y ait ajouté l'indication du but du
retrait ("afin de constater la prescription de [la] poursuite [au sens de
l']art. 88 al. 2 LP"), cela n'enlevait rien à la portée de la déclaration,
pas plus du reste que le fait que ce but pouvait éventuellement ne pas être
atteint. La cour cantonale n'a dès lors pas violé le droit fédéral en
concluant que l'opposition avait bien été retirée par le débiteur.

Le deuxième grief du recourant est donc mal fondé.

2.2 Le fait de considérer le débiteur comme lié par sa déclaration non
équivoque de retrait de l'opposition ne le met d'ailleurs pas dans une
situation plus défavorable que celle dans laquelle il se trouverait s'il
avait omis de faire opposition en temps utile; dans un cas comme dans
l'autre, supposé qu'il soit amené à payer une somme qu'il ne doit pas, il
aura la possibilité d'exercer l'action en répétition de l'indu prévue par
l'art. 86 LP (ATF 75 III 40 p. 43). Il dispose en outre de l'action en
constatation de l'art. 85a LP, moyen de défense supplémentaire destiné à le
préserver du risque d'insolvabilité du poursuivant au moment d'agir en
répétition de l'indu (ATF 125 III 149 consid. 2c).   Enfin, s'il estime avoir
été induit en erreur de façon illicite par l'employée de l'office et avoir
subi de ce fait un dommage, le débiteur peut encore intenter une action en
responsabilité contre le canton conformément à l'art. 5 LP.

3.
C'est à tort également, soutient en troisième lieu le recourant, que l'arrêt
attaqué considère l'action introduite devant la cour civile cantonale en mai
1994 comme une action en reconnaissance de dette au sens de l'art. 79 LP
ayant interrompu (recte: suspendu) le délai de forclusion de l'art. 88 al. 2
LP. Outre la violation de ces deux dispositions, il invoque celle des art. 9
et 29 Cst.

3.1 Conformément à l'art. 43 al. 1 OJ, applicable par renvoi de l'art. 81 OJ,
le recourant ne peut invoquer la violation de ses droits constitutionnels que
dans un recours de droit public (ATF 119 III 70 consid. 2 p. 72 et arrêts
cités).

3.2 L'action en reconnaissance de dette peut être intentée par le poursuivant
concurremment avec le dépôt de la réquisition de poursuite et même avant que
le commandement de payer ne soit émis; elle empêche les délais de forclusion
de courir, en particulier celui de l'art. 88 al. 2 LP (ATF 113 III 120
consid. 3; Gilliéron, op. cit. , n. 20 ad art. 79 LP; Roland Ruedin, L'action
en reconnaissance de dette, FJS 979a ch. 5.1 et note 29). Toutefois, le
jugement rendu sur une telle action ne permet d'obtenir la continuation de la
poursuite que si son dispositif se réfère avec précision à la poursuite en
cause et lève formellement l'opposition, totalement ou à concurrence d'un
montant déterminé (ATF 107 III 60 consid. 3 p. 64/65). Si dans sa demande le
poursuivant ne conclut pas expressément à la levée de l'opposition, mais
qu'il obtienne la condamnation pure et simple du poursuivi à payer la créance
en poursuite invoquée en justice, il ne pourra requérir la continuation de la
poursuite que s'il obtient la mainlevée définitive dans le cadre d'une
procédure sommaire distincte (art. 80 LP; Gilliéron, op. cit., n. 26 ad art.
79 LP; Ruedin, loc. cit., n. 5.2 p. 6; Daniel Staehelin, Kommentar zum
Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 28 ad art. 79 LP).
En l'espèce, la demande déposée auprès de la cour civile cantonale tend à ce
que le poursuivi soit reconnu - solidairement avec un tiers - débiteur du
même montant, en capital et intérêts, que celui réclamé dans la poursuite
incriminée à laquelle elle se réfère expressément, et elle a le même
fondement (contrats de vente et d'entreprise du 9 juin 1988, dommages et
intérêts pour défauts de construction). Une interprétation objective des
conclusions de ladite demande (cf. ATF 105 II 149 consid. 2a) conduit à
considérer la procédure intentée comme tendante au paiement du montant en
question, soit comme une action condamnatoire suspendant le délai de
forclusion de la poursuite, et non pas comme une simple action en
constatation sans effet suspensif, ainsi que le prétend le recourant.
Certaines actions en constatation sont d'ailleurs également susceptibles de
suspendre le délai de forclusion de l'art. 88 al. 2 LP: ainsi celles de
l'art. 77 al. 4 LP et de l'art. 265a LP (Gilliéron, op. cit., n. 56 ad art.
88 LP; André E. Lebrecht, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung
und Konkurs, n. 23 ad art. 88 LP). Sur ce point, l'arrêt attaqué doit être
confirmé.
Dans la mesure où il est recevable, le troisième grief du recourant est donc
mal fondé.

4.
Le recourant reproche enfin à la cour cantonale de ne s'être pas prononcée
sur des griefs évoqués et examinés en première instance cantonale concernant
le comportement de l'office, griefs qui, selon lui, devraient conduire à
faire application de l'art. 22 LP.
Il est douteux que les griefs en question, dont le recourant n'a d'ailleurs
aucunement fait état dans sa détermination sur le recours cantonal, puissent
être invoqués en tout temps, en dehors de toute plainte. La question peut
toutefois demeurer indécise, car lesdits griefs sont manifestement mal
fondés.

4.1 L'on ne voit pas en quoi un office de poursuite agirait contrairement à
la sécurité du droit et à l'exigence d'une application uniforme du droit de
la poursuite en proposant aux débiteurs venant lui demander un extrait des
poursuites de retirer leur opposition, aux fins de radiation, dans les
poursuites qu'il estime périmées.
Les préposés et employés des offices de poursuite ne sont, certes, ni les
représentants du créancier ni ceux du débiteur, et ils doivent être neutres.
Ils sont cependant habilités à attirer l'attention des personnes qui
s'adressent à eux sur les faits pertinents qu'ils sont tenus de constater
d'office. Ainsi le fait que le délai de forclusion de l'art. 88 al. 2 LP a ou
non été observé, partant que le commandement de payer est ou non périmé, est
un point que l'office des poursuites doit examiner d'office (ATF 106 III 51
consid. 3 p. 55; Gilliéron, op. cit., n. 48 ad art. 88 LP). Le débiteur qui
retire son opposition par erreur, en se fondant sur de tels renseignements de
l'office, et qui est ainsi amené à payer une somme qu'il ne doit pas, dispose
de l'action en répétition de l'indu de l'art. 86 LP ou en constatation de
l'art. 85a LP, voire - en cas de dommage causé de manière illicite du fait
desdits renseignements - de l'action en responsabilité de l'art. 5 LP (cf.
consid. 2.2 ci-dessus). Le cas échéant, il appartient donc au juge
respectivement compétent, et non à l'autorité de surveillance, de connaître
d'un tel litige. Les arguments soulevés dans ce contexte par le recourant
n'avaient donc pas à être examinés d'office par la cour cantonale. Ils sont
également irrecevables devant l'autorité fédérale de surveillance, qui n'a
dès lors pas à décider s'il faut, comme le requiert le recourant, compléter
l'état de fait de l'arrêt cantonal sur ce point.

4.2 La collection de modèles éditée par la Chambre de céans pour la procédure
de poursuite ne contient pas de formulaires, obligatoires ou facultatifs,
concernant le retrait de l'opposition au commandement de payer. Rien
n'empêche les cantons et les offices de poursuite d'établir et d'utiliser un
tel formulaire (art. 1 al. 3 Oform). La critique du recourant concernant
l'utilisation par l'office en l'espèce d'un document préformulé intitulé
"déclaration de retrait d'opposition" est donc vaine.

5.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure
de sa recevabilité.

Conformément aux art. 20a al. 1 LP, 61 al. 2 let. a et 62 al. 2 OELP, il n'y
a pas lieu de percevoir d'émolument de justice, ni d'allouer des dépens.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à Me
Philippe Chaulmontet et Laurent Savoy, avocats à Lausanne, pour X.________, à
l'Office des poursuites de Nyon et à la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 25 février 2004

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente:  Le greffier: