Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.242/2003
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7B.242/2003 /frs

Arrêt du 29 janvier 2004
Chambre des poursuites et des faillites

Mme et MM. les Juges Escher, Présidente,
Meyer et Marazzi.
Greffier: M. Fellay.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Me Jean-François de Bourgknecht, avocat,

contre

Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal cantonal de l'Etat de
Fribourg, en qualité d'autorité de surveillance, case postale 56, 1702
Fribourg.

rémunération de l'administration spéciale de la faillite,

recours LP contre l'arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, en qualité d'autorité de
surveillance, du 26 août 2003.

Faits:

A.
Dans le cadre de la faillite de Y.________, prononcée le 7 mars 1995 pour
avoir lieu en la forme ordinaire, la première assemblée des créanciers a
désigné X.________ SA comme administration spéciale et a constitué une
commission de surveillance.

Le 5 avril 2000, après l'avoir fait à deux reprises auparavant, la Chambre
des poursuites et des faillites du Tribunal cantonal fribourgeois a invité
l'administration spéciale à la renseigner sur l'état de la liquidation de la
faillite. Elle l'a en outre rendue attentive au fait que sa facture finale
devait lui être soumise pour fixation avant la requête de clôture de la
faillite et que le paiement d'acomptes était soumis à autorisation en vertu
de l'art. 47 al. 1 OELP.

Le 4 mai 2000, l'administration spéciale a indiqué qu'elle avait prélevé des
acomptes sur honoraires, par 821'801 fr. 15, pour la période du 1er juillet
1995 au 31 mai 1999. Le 3 août de la même année, elle a présenté une demande
d'acompte de 71'165 fr. pour la période du 1er juin 1999 au 30 avril 2000.

Après avoir recueilli la détermination de la commission de surveillance et de
l'office cantonal des faillites, la Chambre cantonale des poursuites et des
faillites a, par arrêt du 21 janvier 2002, refusé d'approuver les deux
prélèvements d'acomptes d'honoraires précités, en bref pour les motifs
suivants: la faillite étant composée presque exclusivement d'immeubles, le
montant des acomptes demandés ne s'expliquait pas au vu des frais allégués de
166'487 fr. 50 pour l'inventaire, l'administration et la réalisation desdits
immeubles; les frais généraux de la faillite représentant un montant de
751'310 fr. selon les indications de l'administration spéciale, les frais
hors réalisation immobilière se seraient ainsi élevés à 584'822 fr. 50, ce
qui était incompréhensible. Non seulement les exigences de l'art. 85 OAOF
n'étaient pas respectées, mais encore celles de l'art. 49 ORFI (dettes
déléguées à l'adjudicataire en sus du prix d'adjudication), voire celles de
l'art. 46 ORFI (paiement en espèce des frais d'administration et de
réalisation, à valoir sur le prix de vente). Comme elle l'avait fait savoir
précédemment, la Chambre cantonale devait être en possession de documents
comptables établis conformément à la loi pour pouvoir approuver des
prélèvements d'acomptes et fixer ultérieurement la facture finale. Aussi
a-t-elle invité l'administration spéciale à produire un compte détaillé des
prestations propres à la réalisation de chacun des immeubles et un compte
général des émoluments et débours propres aux opérations générales de la
faillite.

Le 28 février 2002, l'administration spéciale a présenté une nouvelle demande
d'acompte de 65'000 fr. représentant le décompte de ses honoraires et frais
pour la période du 1er mai 2000 au 31 décembre 2001. Elle y a joint un détail
de sa facture mentionnant les divers genres d'opérations effectuées, mais
sans indication du nombre d'heures de travail, des personnes les ayant
accomplies, de leur qualification, du détail des débours ou de leur montant.

Le 17 janvier 2003, l'administration spéciale a produit une estimation de ses
honoraires pour la période du 6 juin 1995 au 31 mai 1999 concernant les
opérations non liées aux immeubles grevés (542'000 fr.) et celles relatives à
la vente de 34 immeubles grevés (164'198 fr. 30).

B.
Par arrêt du 26 août 2003, notifié le 3 novembre suivant, la Chambre
cantonale des poursuites et des faillites a approuvé les demandes d'acomptes
d'honoraires de l'administration spéciale pour son activité du 6 juin 1995 au
31 décembre 2001, mais pour un montant total de 477'130 fr. 90. En bref, elle
a approuvé, ex aequo et bono à concurrence de leur moitié seulement faute de
justification conforme aux exigences de l'art. 84 OAOF, le montant de 542'000
fr. - auquel devait s'ajouter celui, incontesté, de diverses factures
représentant au total 21'033 fr. 75 -, ainsi que les montants de 71'165 fr.
et 65'000 fr. Elle a également approuvé le montant de 164'198 fr. 30
concernant la vente des 34 immeubles grevés, tout en le réduisant à 117'041
fr. 45 pour tenir compte du fait que des frais de réalisation, par 47'156 fr.
85, auraient dû être supportés par les créanciers gagistes, non par la masse
en faillite, conformément aux dispositions légales en la matière (art. 85 et
39 OAOF), et qu'il appartenait à l'administration spéciale, qui ne s'était
pas conformée à ces dispositions, d'en subir les conséquences par une
réduction de ses honoraires.

C.
Par acte du 13 novembre 2003, l'administration spéciale a recouru au Tribunal
fédéral en concluant à l'annulation de l'arrêt cantonal précité  et à la
fixation de ses acomptes d'honoraires pour la période du 6 juin 1995 au 31
décembre 2001 à 816'240 fr. 20, subsidiairement à 680'607 fr. 20. Elle ne
critique l'arrêt attaqué que sur la question des honoraires relatifs aux
opérations générales de la faillite, déclarant expressément ne pas le
remettre en cause s'agissant des honoraires liés à la réalisation des
immeubles grevés (montant de 164'198 fr. 30 réduit de 47'156 fr. 85). Elle
reproche à l'autorité cantonale, à l'appui de son chef de conclusions
principal, un formalisme excessif et, à l'appui de son chef de conclusions
subsidiaire, un excès et un abus du pouvoir d'appréciation.

La commission de surveillance conclut à la confirmation de l'arrêt attaqué et
au déboutement de la recourante de toutes ses conclusions. L'office cantonal
des faillites a renoncé à se déterminer.

La Chambre considère en droit:

1.
1.1 L'indemnité revenant à l'administration ordinaire ou à l'administration
spéciale de la faillite est réglée par les art. 44 à 46 OELP (art. 43 OELP).
Lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'une procédure complexe dont
l'exécution a été confiée à une administration spéciale, l'autorité de
surveillance fixe la rémunération en tenant notamment compte de la difficulté
et de l'importance de l'affaire, du volume du travail fourni et du temps
consacré (art. 47 al. 1 OELP). A cet effet, l'administration spéciale doit,
avant de procéder à l'établissement du tableau de distribution définitif,
soumettre à l'autorité de surveillance une liste détaillée de toutes ses
vacations au sujet desquelles l'ordonnance sur les frais ne prévoit pas
d'émolument spécial (art. 84 et 97 OAOF).

1.2 L'autorité cantonale de surveillance appelée à fixer l'indemnité globale
due à l'administration spéciale jouit d'un large pouvoir d'appréciation.
L'autorité fédérale de surveillance ne peut statuer en opportunité ni
substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité cantonale; elle doit
se borner à intervenir en cas d'excès ou d'abus du pouvoir d'appréciation,
c'est-à-dire, notamment, si l'autorité cantonale a retenu des critères
inappropriés, n'a pas tenu compte de circonstances pertinentes, n'a pas
procédé à un examen complet des circonstances pertinentes ou n'a pas usé de
critères objectifs (ATF 120 III 97 consid. 2 p. 100 et les arrêts cités;
P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes
et la faillite, n. 57 ad art. 19 LP; cf. aussi arrêt 7B.187/2003, consid. 1,
destiné à la publication).

2.
Le grief de formalisme excessif consiste, selon la recourante, en ce que
l'autorité cantonale - en exigeant de l'administration spéciale qu'elle
établisse et tienne à jour une liste détaillée des opérations effectuées,
avec indication pour les honoraires spéciaux de la qualité de la personne
ayant effectué les travaux et du temps qu'elle y a consacré - conférerait aux
termes "liste détaillée" de l'art. 84 OAOF une portée excessivement
rigoureuse, aboutissant in casu à un abus du pouvoir d'appréciation.

L'art. 84 OAOF exige de l'administration spéciale, qui entend obtenir des
honoraires spéciaux à teneur de l'art. 48 (recte: 47) OELP, qu'elle soumette
à l'autorité de surveillance, afin que celle-ci puisse en fixer le montant,
une "liste détaillée de toutes ses vacations au sujet desquelles l'ordonnance
sur les frais ne prévoit pas d'émolument spécial" et qu'elle y joigne le
"dossier complet de la faillite". L'art. 47 OELP impose pour sa part à
l'autorité de surveillance de tenir compte notamment du "volume de travail
fourni" et du "temps consacré".

Les exigences de l'autorité cantonale de surveillance critiquées par la
recourante s'inscrivent dans le cadre fixé par ces dispositions, qu'elles
concrétisent simplement. En soi et dans leur application au cas particulier,
elle ne consacrent ni formalisme excessif, ni abus du pouvoir d'appréciation
de la part de l'autorité cantonale. Celle-ci  pouvait, sans encourir le
reproche d'un tel grief, décider qu'en l'absence de liste détaillée -
conforme aux exigences légales - des opérations auxquelles l'administration
spéciale avait procédé, elle ne pouvait pas statuer définitivement sur les
honoraires demandés ou les approuver sans autre. Contrairement à ce que
soutient la recourante, l'autorité cantonale de surveillance avait donc des
raisons, fondées sur l'insuffisance des documents produits, voire
l'illégalité de certaines démarches, de ne prendre que partiellement en
compte les opérations effectuées.

Mal fondé, le premier grief de la recourante doit par conséquent être rejeté.

3.
Par son second grief, la recourante fait valoir en substance qu'en procédant
à la réduction drastique de 50 % du montant des acomptes d'honoraires
demandés, l'autorité cantonale de surveillance a abusé de son pouvoir
d'appréciation, les acomptes accordés ne couvrant pas les salaires de ses
collaborateurs. Un abattement de 20 % seulement aurait suffi selon elle.

3.1 L'autorité cantonale n'a pas critiqué le tarif horaire indiqué par la
recourante pour chacune des catégories de son personnel; elle a même émis
l'hypothèse que le montant des honoraires demandés pouvait correspondre au
travail effectué compte tenu des chiffres dudit tarif. Si elle a refusé
d'approuver sans autre le montant demandé, c'est parce que la liste fournie
par la recourante concernant les divers travaux effectués par son personnel,
avec indication de la qualité de chacun, du total de ses heures et du tarif
horaire appliqué, ne répondait pas aux exigences découlant des art. 47 OELP
et 84 OAOF, exigences légales qu'une société fiduciaire qui accepte le mandat
d'administration spéciale de la faillite ne saurait méconnaître.
Manifestement, on ne se trouve pas là en présence d'un cas d'abus ou d'excès
du pouvoir d'appréciation tel que décrit plus haut (consid. 1.2).
3.2 Quant à la quotité de la réduction (50 % ou 20 %), c'est là une question
d'appréciation laissée à la compétence de l'autorité cantonale. Avant de
statuer, celle-ci a d'ailleurs recueilli l'avis de la commission de
surveillance et de l'office cantonal des faillites, qui ont tous deux
manifesté leur incompréhension face à la grande différence d'honoraires entre
les prestations relevant des frais généraux de la faillite et celles relevant
des frais d'inventaire, d'administration et de réalisation des immeubles, et
qui ont préconisé un abattement important eu égard à un "temps facturé [...]
totalement excessif ou disproportionné" (déterminations de la commission de
surveillance du 26 décembre 2001 et de l'office cantonal des faillite du 10
janvier 2002). Dans ses observations sur le recours, la commission de
surveillance relève à ce propos, sans être contredite par le dossier, que la
recourante n'a jamais expliqué les raisons de la grande différence en
question; elle confirme en outre le caractère excessivement élevé des
acomptes d'honoraires demandés.

Mal fondé également, le second grief doit être rejeté à son tour.

4.
Nonobstant le rejet du recours, il y a lieu de rectifier d'office le résultat
de l'addition opérée au considérant 5 de l'arrêt attaqué (art. 63 al. 2 et 81
OJ) et de constater que le montant à concurrence duquel les demandes
d'acomptes d'honoraires sont approuvées (dispositif, ch. I) s'élève non pas à
477'130 fr. 90, mais à 477'157 fr. 90 (½ de 542'000 + 21'033,75 + 117'041,65
+ ½ de 71'165 + ½ de 65'000).

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Rejette le recours.

2.
Constate d'office que le montant à concurrence duquel les demandes d'acomptes
d'honoraires sont approuvées (dispositif, ch. I) s'élève à 477'157 fr. 90.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à Me
Olivier Brunisholz, avocat à Genève, pour la Commission de surveillance de la
masse en faillite Y.________, à l'Office cantonal des faillites et à la
Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal cantonal de l'Etat de
Fribourg.

Lausanne, le 29 janvier 2004

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente:  Le greffier: